Un pape argentin… voilà bien qui semble impensable et improbable pour qui prétend analyser et connaître la réalité depuis l’Argentine. Tout ce qu’il fera ou cessera de faire, tout ce qu’il dira, écrira ou taira, sera désormais lu sous l’angle de sa portée locale par les différents groupes de pouvoir médiatiques, politiques, religieux et économiques. L’effervescence des médias argentins à ce sujet pose à nouveau la question de la puissance des dits médias et de la portée (et des limites) structurelle(s) de leur présence.
En Argentine, la sécularisation s’exprime à travers la recomposition et la pluralité des croyances, mais aussi dans l’imprégnation catholique de la culture nationale et dans l’efficacité symbolique à long terme d’une identité nationale liée à un catholicisme en reconstruction permanente. L’Église catholique est plus respectée dans notre pays en tant qu’institution sociale qu’en tant que dispensatrice de biens de salut.
Étant donné que la modernité latino-américaine s’est construite sur la base d’une forte intrication entre les univers symboliques du politique et du religieux – et en particulier du religieux catholique –, l’impact de l’accession d’un clerc catholique à une position de pouvoir « universelle » fait de lui un acteur politico-religieux important pour toute la région. Ce n’est pas simplement une question d’opportunisme ou un simple effet de la raison instrumentale (à travers les liens entre les chefs d’État latino-américains et le chef de l’État Vatican) : la figure du nouveau pape agit sur les croyances et les représentations politiques chrétiennes de la grande majorité des partis politiques et des élites qui gouvernent les États-nations de la région et qui croient légitimement en son pouvoir symbolique et charismatique…