Les parcours de vie des enfants et jeunes en situation de grande précarité sont fréquemment marqués par des événements qui bouleversent l’organisation de leur vie quotidienne. Parmi ces faits, on peut citer la fugue volontaire ou l’expulsion forcée du ménage entraînant une rupture des liens familiaux et un mode de vie « de rue ». À partir des résultats d’une enquête réalisée à La Paz et à El Alto, cet article montre dans quelle mesure les parcours de vie de ces enfants et jeunes se caractérisent par des processus d’individuation et de fragmentation indiquant le caractère dorénavant inopérant des notions de « carrière » dans la déviance et de « bande » au profit de l’idée de « réseau » où circulent les enfants au sein d’un ensemble d’entourages. Cette situation pose la question des politiques d’intervention auprès de cette population, principalement attribuées à des Organisations non gouvernementales (ONG) et d’associations, qui ne parviennent que partiellement à intégrer les enfants dans leurs programmes d’aide. Les parcours de vie de ces enfants interpellent enfin les notions de construction socioculturelle de l’enfance, d’individu et d’idéal d’autonomie, selon une évolution du statut d’enfant à la fois reflétée dans la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989 et en décalage avec les principes de protection sociale de ce texte.
Article
En Bolivie comme dans d’autres pays en voie de développement, les parcours de vie des enfants et jeunes en situation de grande précarité sont fréquemment marqués par des événements qui bouleversent l’organisation de leur vie quotidienne. Parmi ces faits donnant lieu à un « avant » et un « après », on peut citer l’abandon, le décès ou la migration d’un parent, la perte subite d’un emploi ou encore la fugue volontaire et l’expulsion forcée du ménage provoquant une fracture des liens familiaux et un mode de vie en situation « de rue ». Ces changements décisifs entraînent des « ruptures biographiques » et une recomposition des espaces de vie et des « entourages » des enfants. Dans le cas des enfants qui fuient leur ménage suite aux formes de violences physiques et psychologiques qui s’y exercent, la rupture familiale s’accompagne d’un abandon du système scolaire et d’une entrée dans des groupes marginaux d’enfants et de jeunes, organisés autour de pratiques déviantes comme le vol et la consommation d’alcool et d’inhalant. Dans le cas de La Paz et El Alto, si le mode de vie des enfants « dans la rue » se caractérisait pendant les années 1990 et le début des années 2000 par l’appartenance à une « bande » avec une organisation interne, des rapports hiérarchiques et des oppositions régulières entre groupes d’enfants et de jeunes, une enquête de terrain réalisée en 2010 et 2011 a montré, au contraire, des parcours de vie davantage orientés vers des prises de décision individuelles et des projets ne dépendant pas du groupe de pairs…
Résumé
Plan
- Contexte urbain et pauvreté à La Paz et El Alto
- Population étudiée et aspects méthodologiques
- Une discontinuité dans le parcours de vie des enfants
- Individuation et autonomisation dans le rapport à la rue : un défi pour les politiques
- Être enfant en situation de rue : droits de l’enfant et déclinaison de l’enfance
- Conclusion
Auteur
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 04/05/2018
- https://doi.org/10.3917/pal.108.0073

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