1 Cet ouvrage collectif cherche à répondre à la question suivante : comment réagissent les populations lorsqu’une catastrophe vient impacter leur lieu de vie ? L’intérêt de cette question est d’autant plus important que le monde fait face à des risques qu’il n’a jamais connus et qui vont croissants : le risque technologique, suite au développement d’une industrie dangereuse qui pourrait affecter les populations vivant à proximité (chimie et nucléaire notamment) ; le risque climatique, qui augmente la probabilité d’occurrence et l’intensité d’évènements climatiques extrêmes, et entraîne des mouvements de population cherchant à fuir les températures en hausse. En utilisant les données sur des catastrophes ayant déjà eu lieu, les auteurs de cet ouvrage collectif cherchent, le long de 12 chapitres, à éclairer les décisions lorsque de nouveaux évènements surviendront. Les risques sont regroupés ici selon trois axes principaux : le nucléaire, les feux de forêts, et les autres catastrophes naturelles.
2 Les gouvernements font face aujourd’hui à la nécessité de produire une énergie peu carbonée afin de respecter les accords de Paris et diminuer l’ampleur du réchauffement climatique. Si certains ont choisi d’investir massivement dans les énergies renouvelables dès maintenant, d’autres se tournent vers l’énergie nucléaire comme relais dans la transition du mix énergétique des énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Si l’on excepte la question des déchets, l’énergie nucléaire est considérée comme peu polluante, mais fait courir un risque majeur en cas de défaillance technique. Trois accidents nucléaires font l’objet d’un classement à un niveau supérieur ou égal à 4 sur l’échelle INES : Three Mile Island aux États-Unis (1979, niveau 4), Tchernobyl en Ukraine (1986, niveau 7), Fukushima au Japon (2011, niveau 7). Les conséquences pour les populations des deux derniers accidents sont étudiées dans les chapitres 2 et 11.
3 Dans le chapitre 2, les auteurs dépassent la question de l’impact des radiations sur la santé des individus et cherchent à démontrer que l’impact principal de la catastrophe nucléaire se trouve dans les mouvements massifs de population qui lui succèdent et la rupture du capital social et économique qu’ils induisent (p. 17). En effet, à la différence d’autres désastres naturels tels que les éruptions volcaniques ou les inondations, la contamination des zones touchées empêche les populations de se réinstaller. L’accompagnement public dans les zones où s’installent les réfugiés est donc particulièrement important afin que ces derniers ne subissent pas une double pénalité : l’exode et l’impossibilité de trouver sa place dans le nouvel environnement. La réinstallation rapide des plus âgés dans les territoires pourtant encore contaminés prouve que le déracinement peut être plus coûteux que le risque sanitaire lié à l’exposition. Le chapitre 11 montre l’importance de maintenir les liens entre les communautés vivant dans les zones irradiées et forcées de se déplacer. Dans le cas de Tchernobyl, la gestion très centralisée du désastre par l’Union soviétique avait contribué à détruire ces liens communautaires et le capital social associé. Dans le cas de Fukushima, ces liens de communauté ont été mieux préservés grâce à une approche décentralisée de la gestion de crise.
4 La question des feux de forêts est traitée dans trois chapitres distincts. Avec le réchauffement climatique, leur probabilité d’occurrence tend à augmenter puisque les épisodes de sécheresse et de chaleur intense sont plus nombreux. Les incendies sur l’île d’Eubée (Grèce) en août 2021 ont par exemple fait suite à la pire canicule du pays depuis 30 ans. De plus, avec le progrès technologique et l’augmentation du revenu global, le coût financier de ces feux de forêts est de plus en plus élevé. Les mégafeux récurrents en Californie, souvent liés aux installations électriques, le rappellent chaque été. En 2021, le Dixie Fire avait entièrement ravagé la petite ville de Greenville.
5 Le chapitre 3 présente les conséquences démographiques de ces feux de forêt, et notamment le lieu de réinstallation des habitants après la destruction de leur lieu de résidence. En utilisant comme objet d’étude les feux dans le Nord de la Californie en 2017 et comme source les statistiques d’inscription dans les écoles, l’auteur révèle que les individus touchés cherchent avant tout à rester dans leur ville d’origine. Ainsi, sur 7 800 personnes, seules 500 ont quitté le comté où elles vivaient auparavant. Ce résultat montre l’attachement des individus à leurs racines locales et la nécessité pour les pouvoir publics de les accompagner par la reconstruction rapide de leur habitat. Le chapitre 7 analyse les conséquences d’un feu de forêt à travers le cas de la petite ville de Morwell en Australie. Fortement dépendante pour son activité économique d’une usine de production d’électricité ayant brûlé en 2014, la population n’y a malgré tout pas diminué. À l’inverse, le chapitre 4 étudie les causes de ces feux de forêt. L’auteur s’intéresse au cas de la Russie et apporte une piste d’analyse à contre-courant des idées classiques. Mettant en avant la corrélation au niveau local entre la faible proportion de population rurale et l’intensité des feux en 2010, l’auteur avance l’idée selon laquelle les quelques individus demeurant dans les campagnes n’ont pas assez de compétences pour limiter le risque de feu de forêt. Ce risque serait amplifié par le désengagement de l’État central dans la gestion des forêts avant 2010.
6 Enfin, la question des catastrophes naturelles et de leur impact sur la démographie locale est elle aussi traitée dans 3 chapitres distincts. Ces chapitres permettent de bénéficier de retours d’expérience utiles sur la gestion de désastres, d’autant plus que certains évènements météorologiques comme les cyclones ou les inondations devraient voir leur fréquence et leur intensité augmenter avec le réchauffement climatique. Les inondations de juillet 2021 en Allemagne et en Belgique (plus de 200 morts) en sont un exemple récent frappant.
7 Dans le chapitre 6, les auteurs étudient trois villes frappées par des catastrophes naturelles : la Nouvelle-Orléans aux États-Unis (l’ouragan Katrina en 2005), Christchurch en Nouvelle-Zélande (deux tremblements de terre en 2010 et 2011), Innisfail en Australie (deux cyclones en 2006 et 2011). Ils s’intéressent à la gestion du foncier urbain après ces désastres, dans un contexte où la population décroît fortement. Si, dans un premier temps, la remise en ordre des infrastructures est primordiale, la gestion de plus long terme appelle des réponses différentes selon les situations. Dans le cas de la Nouvelle-Orléans, la ville étant déjà sur le déclin, l’ouragan a accéléré ce déclin, en laissant abandonnés certains quartiers. À l’inverse, dans le cas de Christchurch, la ville bénéficiait d’une dynamique positive qui n’a été stoppée que temporairement. Les tremblements de terre ont entraîné une réflexion nouvelle sur la gestion du foncier, avec une volonté de rendre la ville plus aérée, plus verte. Mais dans les faits, elle s’est reconstruite selon un schéma inchangé. À l’opposé de l’analyse en milieu urbain, les auteurs du chapitre 7 questionnent l’impact des catastrophes naturelles dans deux zones peu denses, le nord de la Suède et le nord de l’Australie, qui ont connu des trajectoires post-crise très différentes.
8 Le chapitre 10 traite des conséquences sur les infrastructures essentielles (électricité, eau, transport) de deux catastrophes naturelles : une canicule majeure en 2009 dans le sud-est de l’Australie, et une éruption volcanique en Islande en 2010. La première a entraîné des coupures d’électricité importantes, qui ont rendu plus vulnérables les populations à risque (urbains et personnes âgées), tandis que la deuxième a bloqué les liaisons aériennes vers une grande partie de l’Europe, empêchant l’acheminement de produits frais et de composants essentiels pour les chaînes de production. Les réponses politiques ont été rapides, avec dans le premier cas la recherche d’une meilleure utilisation des réseaux en cas de canicule, et dans le second des recherches plus poussées sur le niveau exact de tolérance des avions aux poussières volcaniques afin d’éviter une fermeture globale de l’espace aérien.
9 En conclusion, la lecture de cet ouvrage est intéressante dans la mesure où elle permet de connaître dans le détail un certain nombre de catastrophes majeures. Néanmoins, il manque une architecture globale qui faciliterait la compréhension. Les chapitres juxtaposent des catastrophes historiques et des évolutions démographiques, sans que le lien entre les deux soit toujours très clair.