Pour les ménages modestes, devenir propriétaire de son logement est difficile car les conditions de prêts des établissements bancaires exigent un minimum de ressources, garanties dont ils ne disposent pas. C’est pour permettre à un plus grand nombre de ménages d’accéder à la propriété que la politique publique de Prêt à taux zéro a été instaurée. Quels sont les effets de cette politique sur l’accès à la propriété et sur les lieux d’installation des nouveaux propriétaires bénéficiaires ? Combinant analyse quantitative à partir de bases administratives et d’enquêtes, et analyse qualitative, les auteur·es montrent que l’accès à la propriété s’est fait pour certaines catégories de ménages au prix d’un éloignement géographique des centres-villes et d’une ségrégation sociale accrue.
1 Depuis le début des années 2000, la ségrégation sociale et économique s’est accrue dans la plupart des grandes métropoles nord-américaines et européennes (Fry et Taylor, 2012 ; Tammaru et al., 2015 ; Quillian et Lagrange, 2016 ; Florida, 2017 ; Musterd et al., 2017 ; Sampson, 2019 ; Préteceille et Cardoso, 2020). Différents facteurs ont été mis en avant pour rendre compte de l’exclusion des populations pauvres des zones résidentielles prisées (les centres urbains et quartiers gentrifiés des grandes villes en Europe et les banlieues pavillonnaires aux États-Unis) : les caractéristiques des ménages et les préférences individuelles, la politique du logement et la construction localisée de grands ensembles de logements sociaux dans l’après-guerre, la discrimination raciale héritée de la période coloniale (Massey et Denton, 1993 ; Massey et Kanaiaupuni, 1993 ; Rohe et Freeman, 2001 ; Dreier et al., 2004 ; Tissot, 2005 ; Slater, 2013 ; Bourgeois, 2018). D’autres travaux ont souligné l’importance des facteurs communautaires et des effets de voisinage (enclaves ethniques, ressources culturelles communes) pour expliquer la concentration de minorités dans les quartiers pauvres des villes (Wilson, 1987). Malgré leur diversité, ces approches traitent majoritairement du secteur public du marché immobilier et de la ségrégation intra-urbaine au sein des grandes métropoles. Cependant, la majorité de la population vit dans des logements du secteur privé, en tant que locataire ou propriétaire, y compris les ménages à faible niveau de revenu. Par ailleurs, le processus de périurbanisation s’intensifie et la croissance démographique est désormais plus élevée dans les zones périurbaines que dans les centres villes (Keil, 2017 ; Valles, 2018).
2 Prenant acte de ce constat, cet article propose d’étudier, au sein du secteur privé, la ségrégation socioéconomique sur le territoire français métropolitain. On examine plus particulièrement le rôle joué par le Prêt à taux zéro (PTZ) dans l’accession à la propriété de ménages issus de différents groupes sociaux, et les évolutions de la distribution spatiale de ces groupes. On utilise pour ce faire trois sources de données : des données administratives, les enquêtes Logement de l’Insee et des entretiens approfondis qui permettent d’accéder aux perceptions et expériences subjectives de la mobilité, notamment lorsque les individus sont bénéficiaires d’un PTZ.
3 L’accession à la propriété a bénéficié en France, et plus largement en Europe, d’un large soutien au cours des 40 dernières années (Andrews et Sánchez, 2011). La notion de système de protection sociale fondé sur les actifs (‘asset-based’ welfare system) et sur la propriété (‘property-based’ welfare system) plutôt que sur les transferts socio-fiscaux et les politiques de redistribution s’est progressivement imposée dans divers pays de l’OCDE dans un contexte de crise de financement des États providence (Doling et Ford, 2007 ; Groves et al., 2007 ; Lowe et al., 2011 ; Lambert, 2015). La propriété individuelle du logement est présentée comme un outil de protection des ménages contre la baisse de revenus associée aux principaux risques sociaux – vieillesse, chômage, maladie. Cependant, l’accès à la propriété et les choix de localisation apparaissent de plus en plus contraints par l’augmentation des prix de l’immobilier et du foncier dans les métropoles.
4 Depuis la Seconde Guerre mondiale, la proportion de propriétaires n’a cessé de croître dans la plupart des pays de l’OCDE et les propriétaires sont aujourd’hui plus nombreux que les locataires [1]. La croissance économique des Trente Glorieuses, l’évolution de la structure de la population, l’émergence de lobbies de l’industrie du logement et du crédit (Topalov, 1987 ; Aalbers, 2011), les politiques du logement et les incitations fiscales (Henderson et Ioannides, 1983 ; Eilbott et Binkowski, 1985 ; Balchin, 1996 ; Hilber, 2007 ; Bugeja, 2011), ont contribué au développement de la propriété. Dès la fin des années 1970, de nombreux gouvernements ont également freiné la construction de logements sociaux démarrée après-guerre pour concentrer les politiques de logement sur l’accession privée à la propriété. En Grande-Bretagne, plus d’un million de logements du secteur social ont par exemple été vendus à leurs occupants au-dessous des prix du marché (Hamnett, 1996 ; Butler et Hamnett, 2011). Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a soutenu l’achat de logements par des ménages à faible revenu à travers des prêts sans intérêt (Shlay, 2006). En France, la réforme des aides au logement en 1977 a introduit de nouvelles politiques d’aide individualisée à l’accession (« aides à la personne » plutôt qu’« aides à la pierre ») tandis que le PTZ créé en 1995 devait aider les ménages modestes et les classes moyennes à accéder à la propriété dans le neuf tout en favorisant la construction de nouveaux logements. Conséquence de ces réformes, l’offre de logements s’est progressivement étendue à la périphérie des villes, où les terrains étaient moins chers, et des logements de qualité moyenne ont été construits dans des lotissements ciblés par le PTZ (Gobillon et Le Blanc, 2008).
5 Sur le plan empirique, peu de travaux permettent de mesurer l’impact du PTZ sur l’évolution des taux d’accès à la propriété et des localisations résidentielles des ménages, en comparant les caractéristiques des quartiers d’origine et de destination des bénéficiaires du dispositif. Le changement de statut d’occupation – de la location à la propriété – s’accompagne-t-il d’une mobilité résidentielle ascendante, c’est-à-dire d’un emménagement dans des communes plus aisées ? Comment les acquéreurs ayant bénéficié d’un PTZ perçoivent-ils leur trajectoire ? Alors que la propriété d’une maison individuelle a longtemps été considérée comme un signe de réussite sociale et un symbole de stabilité familiale (Bourdieu, 2000 ; Devine, 2010 ; Bonvalet et Bringé, 2013), cette représentation est-elle encore partagée par les accédants aidés ?
6 Cet article se concentre sur la période 1996-2006, durant laquelle le cadre juridique du PTZ est resté stable et où seuls les achats de logements neufs étaient subventionnés par le programme [2]. Après une revue de la littérature sur les politiques de logement et leur rôle dans la ségrégation résidentielle (section I), la section II présente les trois sources de données mobilisées dans l’article : l’enquête Logement de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) (vagues de 1996, 2002 et 2006) ; le fichier administratif de la SGFGAS recensant l’ensemble des PTZ accordés depuis la création du programme en 1995 (jamais utilisé auparavant dans le cadre de recherches académiques) ; et un corpus de 43 entretiens avec des ménages modestes ayant accédé à la propriété dans les années 2000, avec et sans PTZ. La section III évalue les différences d’accès à la propriété avec et sans PTZ entre les catégories socioprofessionnelles, dans une période marquée par la forte augmentation des prix du logement. Elle mesure ensuite l’évolution des caractéristiques des communes d’habitation des bénéficiaires de PTZ selon leur catégorie sociale après qu’ils ont accédé à la propriété. Enfin, les entretiens approfondis permettent de connaître l’expérience des nouveaux acheteurs et leur appréciation des caractéristiques sociales des quartiers dans lesquels ils s’installent (section IV).
I. Contexte
1. L’accroissement de la ségrégation résidentielle
7 La ségrégation résidentielle constitue un objet central de la sociologie urbaine depuis son émergence aux États-Unis au début du XXᵉ siècle (Park et Burgess, 1925 ; Oberti et Préteceille, 2016). Sans chercher à procéder ici à un examen exhaustif des causes, de l’intensité ou des conséquences de la ségrégation dans la littérature, la ségrégation socioéconomique a gagné du terrain dans les grandes régions métropolitaines depuis le début du XXIᵉ siècle, quoiqu’elle demeure à des niveaux plus faibles en France qu’aux États-Unis (Safi, 2009 ; Reardon et Bischoff, 2011 ; Quillian et Lagrange, 2016 ; Logan et al., 2018). En France, la ségrégation s’est notamment accrue dans la métropole parisienne où les ménages aisés tendent à vivre dans des quartiers de plus en plus à part (Préteceille, 2006).
8 Alors que « la ségrégation raciale est une composante importante de l’effet de quartier aux États-Unis » (Sampson, 2019, p. 8), la récente augmentation des inégalités de patrimoine dans les pays riches (Piketty, 2013 ; Alvaredo et al., 2019) incite à reconsidérer le rôle des inégalités socioéconomiques dans les processus de ségrégation résidentielle. L’approche par les revenus, courante aux États-Unis, est toutefois délaissée ici au profit de l’approche par les catégories socioprofessionnelles, selon la nomenclature de l’Insee qui combine des informations liées à la profession, à la position hiérarchique et au statut d’activité (distinction entre salariés et indépendants). Quel que soit le type d’approche (revenu ou catégorie socioprofessionnelle), les analyses conduites de part et d’autre de l’Atlantique convergent pour montrer l’intensification de la ségrégation socio-résidentielle (Rhein, 1998 ; Maurin, 2004 ; Préteceille, 2006 ; Fleury et al., 2013), même si les niveaux restent inférieurs en France. Cet article a pour objectif de prolonger ces analyses en s’intéressant à la manière dont la ségrégation résidentielle évolue pour différentes catégories socioprofessionnelles de ménages ayant bénéficié de PTZ en France. La littérature sur les effets de quartier a en effet montré que des niveaux élevés de ségrégation socioéconomique ont des conséquences majeures sur les habitants, en particulier sur les enfants (Crane, 1991 ; Chetty et al., 2016). Le fait de vivre dans un quartier défavorisé affecte notamment le développement de l’enfant et le devenir adulte à travers l’accès à l’éducation, les opportunités d’emploi, la mobilité résidentielle, la santé ou l’inclusion sociale (Wilson, 1987 ; Sharkey et Faber, 2014 ; Sampson, 2019).
9 De nombreuses recherches associent les dynamiques de paupérisation à la privation de logement (bidonvilles et habitat informel) mais aussi, de plus en plus, à certaines formes d’habitat social. En effet, de vastes programmes de logements sociaux ont été mis en place après la Seconde Guerre mondiale pour remédier aux pénuries de logements et améliorer les conditions de vie des ménages de la classe ouvrière et de la classe moyenne, jusqu’à ce que leurs revenus augmentent et qu’ils accèdent à la stabilité de l’emploi et à la propriété (Chombart de Lauwe, 1959). Cependant, à partir des années 1980, avec la montée du chômage de masse et l’irruption d’émeutes dans les cités d’habitat social, les spécialistes de l’urbain ont commencé à questionner l’impact de ces programmes urbains sur la mobilité sociale (Tissot, 2007). Nombre d’entre eux soulignent leur rôle majeur dans les processus de ségrégation sociale et raciale, aussi bien aux États-Unis (Massey et Denton, 1993 ; Galster, 1999) qu’en Europe (Pan Ké Shon, 2009 ; Verdugo, 2011).
2. Politiques de déségrégation : transformer l’espace ou disperser les populations ?
10 À partir des années 1990, les politiques publiques de logement ont donc adopté deux approches pour réduire la concentration spatiale des populations pauvres et racisées, des dimensions fortement liées : elles interviennent soit au niveau du quartier, soit au niveau des individus, faisant ainsi face au dilemme place versus people (Galster, 2017). Les tenants de la transformation spatiale (place) privilégient la réhabilitation des quartiers paupérisés par des politiques d’infrastructures et par la diversification sur place du peuplement. C’est, par exemple, le cas du programme Hope VI aux États-Unis (impliquant la démolition, la rénovation et la privatisation de logements sociaux) et du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) développé en France à partir de 2003 qui s’attache à démolir certains quartiers d’habitat social de mauvaise qualité et à bâtir de nouveaux projets de mixité. Les politiques de dispersion (people) visent de leur côté à accroître « les possibilités pour les ménages à faibles revenus de résider en dehors des quartiers défavorisés, dans des espaces où les chances de mobilité sociale et la qualité de vie sont supposées être meilleures, tout en augmentant l’accessibilité et la qualité des logements » [3] (Galster, 2017, p. 267). Ces programmes comprennent des aides au logement couplées à une aide à la mobilité pour les familles à faible revenu. Dans les années 1990, le gouvernement fédéral américain a ainsi développé des programmes dits « Section 8 » tels que le Housing Choice Voucher (HCV) [4] et le programme expérimental Moving to Opportunity, qui incitaient les ménages pauvres à déménager dans des quartiers plus aisés par le biais d’aides.
11 Parallèlement, de nombreuses études ont cherché à évaluer l’impact de ces politiques de déségrégation sur leurs bénéficiaires. Une analyse des 100 plus grandes zones métropolitaines américaines entre 2000 et 2008 a ainsi montré que les bénéficiaires du programme Housing Choice Voucher ont connu un processus de suburbanisation au fil du temps, tout comme les autres ménages pauvres (Covington et al., 2011). Malgré le supplément de revenu apporté par les aides, la plupart des bénéficiaires sont restés précaires sur le plan économique (Galster, 2017).
12 La politique de soutien à la propriété individuelle qui s’est développée en France s’inscrit dans la deuxième catégorie d’aides, en ciblant des ménages sous conditions de revenus. Cet article propose une contribution empirique au débat sur les politiques de déségrégation en étudiant la mobilité résidentielle de bénéficiaires d’un programme d’aide à la propriété, le PTZ, en combinant des données individuelles et communales.
3. Emprunts et marché immobilier
13 Les choix de localisation résidentielle des ménages à revenu faible et intermédiaire tentant d’accéder à la propriété apparaissent de plus en plus limités en raison de la hausse récente des prix du logement dans les métropoles, sans lien avec l’évolution des salaires, ainsi que de l’existence de contraintes d’emprunt. Aux États-Unis, le marché du crédit est considéré comme un déterminant majeur de la ségrégation raciale (Ross et Yinger, 2002) en raison des discriminations directes ou indirectes dans l’accès au crédit (Massey et Denton, 1993 ; Munnell et al., 1996 ; Pager et Shepherd, 2008). Certaines études ont par exemple révélé que la multiplication des prêts à risque (subprime) et la vague de saisies immobilières qui a suivi ont principalement touché les minorités raciales (Rugh et Massey, 2010 ; Ross et Squires, 2011). En Europe, en dépit de contextes institutionnels différents, Aalbers (2011) montre comment la généralisation du redlining – le rejet systématique des demandes de prêts des populations situées dans certaines zones urbaines – a conduit à des niveaux élevés de ségrégation socioéconomique. Le marché du crédit immobilier joue un rôle majeur dans les processus de ségrégation résidentielle, mais il reste toutefois peu étudié en Europe, et en particulier en France (Lambert, 2016).
4. Le Prêt à taux zéro en France
14 Plusieurs dispositifs ont été mis en place ou réactivés pour favoriser le développement de la propriété individuelle : soutien financier direct aux ménages (sous forme d’aides et subventions), incitations fiscales (possibilité de déduire des impôts les intérêts d’emprunt de la résidence principale), et prêts bonifiés (prise en charge partielle ou totale des intérêts par l’État). Le PTZ constitue la plus répandue de ces mesures. Créé en 1995 pour favoriser l’accès à la propriété des ménages modestes, ce prêt sans intérêt est octroyé uniquement en complément d’un prêt bancaire principal. Son montant ne peut dépasser 50 % du montant total des prêts contractés par le ménage pour l’achat du logement et 20 % de la transaction totale. Le PTZ a d’abord été limité aux logements neufs avant d’être étendu aux logements anciens en 2005. En outre, l’accès au PTZ est conditionné à un critère de revenus dépendant de la structure familiale du ménage (le seuil augmente avec le nombre d’enfants) d’une part, et de la localisation du logement acquis d’autre part. Ce dernier critère ne distinguait initialement que la région parisienne du reste de la France (où le seuil de revenus était plus bas) ; en 2003, trois zones ont été établies afin de mieux prendre en compte les dynamiques locales du marché immobilier [5]. Le critère de revenu est en pratique peu restrictif, le PTZ étant accessible à 94 % des ménages locataires hors région parisienne en 1998 (Gobillon et Leblanc, 2008) [6]. Selon les enquêtes Logement de 2002 et 2006, le montant annuel moyen des PTZ était d’environ 16 000 €.
15 Le PTZ est censé influencer les choix résidentiels des ménages soumis à des contraintes d’emprunt, qui se trouvent proches des seuils de solvabilité établis par les banques. Si le PTZ peut donc théoriquement bénéficier aux ménages de classes populaires (ouvriers et employés), il est également susceptible d’aider, dans les grands centres urbains où les prix des logements sont élevés et ont le plus augmenté, des ménages plus favorisés également soumis à des contraintes d’emprunt. En outre, le PTZ pourrait orienter de manière différenciée les choix de localisation résidentielle et contribuer à l’éloignement des ménages plus modestes, tandis que les cadres parviendraient à se maintenir dans des zones centrales plus attractives. Ce sont ces effets ambigus du PTZ, à la fois en matière d’accès et de localisation, que nous souhaitons étudier ici.
16 Parallèlement, nous éclairons les résultats de l’analyse statistique par une analyse des représentations des ménages aidés pour mieux comprendre la perception qu’ils ont de leur trajectoire résidentielle et de leur nouveau quartier. Dans quelle mesure anticipaient-ils l’impact de la mobilité résidentielle sur leur mode de vie, notamment en matière d’accès au marché du travail, aux équipements et services publics (crèches, écoles, commerces) ?
II. Données, variables et méthodes
17 Cet article combine des méthodes quantitatives et qualitatives pour étudier les dimensions objectives et subjectives de la mobilité résidentielle des ménages modestes ayant bénéficié d’un PTZ.
18 Les données disponibles sur les prêts et statuts d’occupation du logement sont dispersées dans de multiples sources. L’enquête Logement de l’Insee, menée au niveau national à intervalles réguliers depuis 1955, est la plus grande source d’informations sur les conditions de logement des ménages en France. Elle fournit des informations transversales détaillées sur la composition des ménages, les caractéristiques de la résidence principale et les formes de financement associées, y compris le PTZ (ainsi que l’épargne personnelle, l’aide de la famille, les prêts bancaires/hypothèques, les autres prêts subventionnés et les aides publiques au logement). Les conditions de logement quatre ans avant la date de l’enquête sont également renseignées. On a choisi, dans le cadre de cet article, d’utiliser les trois vagues consécutives de 1996 (29 043 ménages), 2002 (32 156 ménages) et 2006 (42 963 ménages), car elles couvrent une période de stabilité institutionnelle du PTZ. Entre l’introduction du PTZ en 1995 et son extension aux logements anciens en 2005, les règles d’attribution sont en effet restées constantes en termes de zonage géographique, de critères d’attribution et de types de logements éligibles au programme. L’enquête de 1996, qui ne comprenait que 64 primo-accédants avec un PTZ (en raison de la lente montée en charge du dispositif), est utilisée comme référence car les PTZ y sont pratiquement absents. Les transitions de statut d’occupation du logement sont analysées à partir du sous-échantillon des ménages qui étaient locataires quatre ans avant la date de l’enquête.
19 L’analyse des enquêtes Logement a été complétée par celle des données de la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS), qui a fourni le registre administratif de tous les PTZ accordés en France depuis 1995. Il est ici pour la première fois à des fins de recherche. Cet ensemble de données présente deux avantages pour étudier les transitions résidentielles des bénéficiaires du PTZ par rapport à l’enquête Logement de l’Insee. Premièrement, il contient la commune d’habitation des logements avant et après déménagement (plutôt que les localisations enregistrées à quatre ans d’écart). Deuxièmement, le grand volume de données et le caractère exhaustif de la base rendent possible une analyse localisée. Ainsi, 1,4 million de ménages ont obtenu un PTZ entre 1995 et 2006. Parmi ceux-ci, 31,3 % des personnes de référence [7] étaient des ouvriers, 28,6 % des employés, 21,7 % des professions intermédiaires et 9,8 % des cadres et professions intellectuelles supérieures (PIS) (les 8,5 % de ménages restants appartenaient à une autre catégorie socioprofessionnelle). Enfin, si les données de la SGFGAS, qui sont produites à des fins non académiques, regroupent moins d’informations sur les caractéristiques sociodémographiques des ménages bénéficiaires de PTZ que les enquêtes Logement de l’Insee, elles contiennent un identifiant communal après l’achat (c’est-à-dire le code attribué par l’Insee à chaque commune) et le code postal (qui est généralement moins précis) avant l’achat [8]. Environ 90 % des ménages avec un PTZ résidaient hors de la région parisienne avant et après leur achat.
20 Les données PTZ ont ainsi été appariées avec des variables communales construites à partir de plusieurs bases de données : les bases de données notariales pour calculer les prix des logements ; la base de données Filocom de 2000, qui fournit des informations sur le logement et les revenus ; et le recensement de 1999 pour la structure de la population par catégorie socioprofessionnelle et statut d’emploi (annexe B). Cette procédure d’appariement a permis d’analyser précisément les changements d’environnement résidentiel pour les ménages accédant à la propriété avec un PTZ. On a pu comparer la taille et le profil socioéconomique de l’ancienne et de la nouvelle commune de résidence (revenu moyen des ménages, proportion des différentes catégories socioprofessionnelles, taux de chômage et taux de pauvreté), ainsi que les caractéristiques de leur parc immobilier respectif (taille, proportion de logements individuels et collectifs, et proportion de logements sociaux).
21 Parallèlement aux approches quantitatives, une série d’entretiens approfondis ont été menés avec des primo-accédants (aidés ou non) à Cleyzieu-Lamarieu [9], une commune périurbaine située à 30 km du centre de Lyon, la deuxième aire urbaine de France [10]. On a interrogé l’ensemble des ménages (N = 43) d’un nouveau programme de logements construits sous forme de lotissement dans les années 2000. Parmi les primo-accédants, la moitié (22 ménages) a bénéficié d’un PTZ. Les autres ignoraient l’existence du PTZ, manquaient de temps pour effectuer les démarches administratives nécessaires à son obtention en raison de la pression des constructeurs et des agents immobiliers, ou encore n’y étaient pas éligibles (notamment les cadres moyens). Enfin, parmi les 22 ménages bénéficiaires du PTZ, 21 avaient à leur tête un ouvrier ou un employé [11].
22 Le tableau annexe C.1 compare les caractéristiques des ménages bénéficiaires de PTZ interrogés à celles des bénéficiaires de PTZ dans la commune de Cleyzieu-Lamarieu, dans l’unité urbaine de cette commune et dans l’aire urbaine de Lyon (base SGFGAS). Il apparaît ainsi que les ménages ouvriers et employés interrogés à Cleyzieu-Lamarieu sont plus proches des bénéficiaires d’un PTZ dans la commune et l’unité urbaine que de ceux de Lyon : ils sont en moyenne plus âgés, un peu plus aisés, plus souvent en couple, et plus susceptibles d’avoir été locataires d’un logement social auparavant. Ils ont plus fréquemment acheté une maison individuelle qu’un appartement, les prix du foncier étant peu élevés à Cleyzieu-Lamarieu. Enfin, les personnes interrogées ont acheté des logements un peu plus chers en moyenne que les autres accédants aidés dans la commune. Cela peut s’expliquer par le fait que, parmi les autres ouvriers et employés bénéficiaires du PTZ dans la commune de Cleyzieu-Lamarieu, certains ont acheté des logements dans des lotissements de standing inférieur.
23 Pour dépasser l’unité statistique du ménage qui tend à homogénéiser artificiellement le point de vue des membres qui le composent, les deux conjoints au sein des couples ont été interrogés à plusieurs reprises au sujet des caractéristiques du logement et de l’environnement résidentiel. L’objectif des entretiens était triple : reconstituer les différentes étapes des trajectoires résidentielles ; accéder aux représentations que les individus se font de leur logement et environnement résidentiel ; comparer les systèmes de préférences des hommes et des femmes au sein des couples. Ce parti pris méthodologique s’inscrit dans la continuité des recherches qui montrent comment le ménage renferme des rapports de pouvoir multidimensionnels entre les sexes, qui s’inscrivent dans le logement, son usage, ses modes de détention, appelant au renouvellement des études urbaines (Lambert et al., 2018).
III. Les effets de redistribution limités du Prêt à taux zéro
24 Au cours de la période 1996-2006, le taux de propriétaires n’a que peu augmenté, passant de 54,3 % à 57,1 %, tandis que la proportion d’accédants à la propriété (avec crédits immobiliers) a diminué de 2,9 points de pourcentage. Cette situation contraste avec la proportion de propriétaires non accédants (sans charge de remboursement d’emprunt) en hausse de 5,6 points de pourcentage (tableau annexe A.1), ce qui suggère un accès à la propriété plus difficile pour les ménages ayant besoin d’un crédit immobilier. Étant donné que le PTZ cible les primo-accédants, peut-on considérer que ce dispositif a joué un rôle significatif ? Le PTZ a-t-il amélioré la situation des ouvriers et des employés sur le marché du logement ?
1. Évolution des transitions résidentielles selon la catégorie socioprofessionnelle après l’introduction du PTZ
25 On compare ici les taux d’accès à la propriété du premier logement pour différentes catégories socioprofessionnelles avant et après la création du PTZ. À cette fin, on utilise les enquêtes Logement de 1996, 2002 et 2006 et on restreint l’échantillon aux ménages qui étaient locataires quatre ans avant la date de l’enquête. Le tableau 1 indique pour chaque vague les différences entre les catégories socioprofessionnelles et les cadres/PIS (pris comme référence) de proportions de ménages qui ont acheté un logement neuf, acheté un logement ancien, ou sont restés locataires (avec ou sans changement de résidence). Les proportions sont dans le tableau annexe D.1. Tout d’abord, les proportions de cadres/PIS ayant acheté un logement ancien ou neuf ont augmenté entre 1996 et 2002 (respectivement de 17,5 % à 23,7 %, et de 4,9 % à 5,4 %) avant de se stabiliser. La différence entre les proportions d’ouvriers (respectivement d’employés) et de cadres/PIS achetant des logements anciens pour la vague de 1996 est importante, atteignant – 11,5 points de pourcentage pour les ouvriers (– 12,6 points pour les employés) relativement aux cadres. Cette différence s’accroît avec le temps, atteignant – 17,9 (resp. – 18,7) points de pourcentage pour la vague de 2006 (tableau 1). Les tendances sont similaires si l’on considère séparément la région parisienne et les autres régions. Concernant les achats de logements neufs, on constate que les différences en points de pourcentage sont initialement beaucoup moins marquées que pour les logements anciens, atteignant pour la vague de 1996 respectivement – 1,6 points de pourcentage pour les ouvriers et – 3,2 points pour les employés (relativement aux cadres). Il est intéressant de noter que les différences ne s’accentuent que très peu au fil du temps et qu’elles s’élèvent, respectivement, à – 1,9 et – 3,7 points de pourcentage pour la vague de 2006. Là encore, les tendances sont similaires si l’on considère séparément la région parisienne et les autres régions. Le PTZ ne pouvant être utilisé que pour l’achat de logements neufs, les résultats suggèrent que le programme a pu limiter le creusement des disparités entre les catégories socioprofessionnelles dans cette filière de logements.
Différences entre les catégories socioprofessionnelles et les cadres/professions intellectuelles supérieures de proportions de locataires (en points de pourcentage) pour chaque type de transition résidentielle et utilisation du PTZ en 1996, 2002 et 2006
Différences entre les catégories socioprofessionnelles et les cadres/professions intellectuelles supérieures de proportions de locataires (en points de pourcentage) pour chaque type de transition résidentielle et utilisation du PTZ en 1996, 2002 et 2006
26 Il est important de remarquer que les caractéristiques des ménages et des communes de résidence pour une catégorie socioprofessionnelle donnée peuvent varier dans le temps et être corrélées avec la propension à devenir propriétaire d’un logement neuf ou ancien. Pour traiter ce problème, nous empilons les enquêtes Logement de 1996, 2002 et 2006, et un modèle logit multinomial est estimé selon les trois modalités suivantes : (1) achat d’un logement neuf au cours des quatre années précédant la date de l’enquête, (2) achat d’un logement ancien et (3) maintien dans le statut de locataire (modalité de référence) [12]. La spécification fait intervenir les caractéristiques des ménages et des communes, et plus particulièrement des indicatrices de catégories socioprofessionnelles ainsi que leurs interactions avec des indicatrices de vague d’enquête postérieure à l’introduction des PTZ (2002 ou 2006), en prenant comme référence la vague de 1996. Le modèle est estimé pour l’ensemble de la France, puis séparément pour la région parisienne et les autres régions. Les informations sur les variables introduites dans la spécification et les risques relatifs estimés sont reportés et discutés dans le tableau annexe E.1. À partir des coefficients estimés, et pour chaque catégorie socioprofessionnelle, il est possible de calculer l'évolution des probabilités d'acheter des logements anciens et neufs, à distributions des caractéristiques des ménages et de leur localisation données (celles de cette catégorie socioprofessionnelle dans l'enquête de 1996, avant que le PTZ soit introduit). Pour chaque catégorie socioprofessionnelle, on quantifie ensuite l’évolution des différences entre ces probabilités ajustées et celles des cadres/PIS. De cette manière, on mesure les différences d’évolution entre catégories socioprofessionnelles, de façon à ce que la composition de chaque catégorie soit maintenue constante dans le temps.
27 Les résultats concernant les probabilités ajustées confirment les statistiques descriptives (tableau 2). Avant l’introduction du PTZ, la différence de probabilités ajustées d’acheter un logement ancien est importante, atteignant – 11,5 (resp. – 12,6) points de pourcentage lorsqu’on compare les ouvriers (resp. employés) et les cadres/PIS. Après l’introduction du PTZ, les différences se creusent, et s’élèvent respectivement à – 17,9 et – 19,4 points de pourcentage. Concernant les probabilités ajustées d’acheter un logement neuf, les différences sont beaucoup plus faibles que pour les logements anciens avant l’introduction du PTZ : – 1,7 points de pourcentage pour les ouvriers et – 3,3 points pour les employés. Elles restent stables après l’introduction du PTZ.
Différences entre les catégories socioprofessionnelles et les cadres/professions intellectuelles supérieures de proportions ajustées de locataires (en points de pourcentage) pour chaque type de transition résidentielle avant et après l’introduction des PTZ
Différences entre les catégories socioprofessionnelles et les cadres/professions intellectuelles supérieures de proportions ajustées de locataires (en points de pourcentage) pour chaque type de transition résidentielle avant et après l’introduction des PTZ
2. Disparités de transitions résidentielles et d’utilisation du PTZ entre les catégories socioprofessionnelles
28 Nous nous intéressons maintenant aux transitions résidentielles et au recours au PTZ après son introduction. À cette fin, seules sont utilisées les enquêtes Logement de 2002 et 2006. Le tableau 1 reporte les différences de proportions d’anciens locataires achetant un logement ancien, un logement neuf avec PTZ ou un logement neuf sans PTZ entre chaque catégorie socioprofessionnelle et les cadres/PIS (les proportions sont données dans le tableau annexe D.1). En premier lieu, les proportions de cadres/PIS achetant un logement neuf sans et avec PTZ étaient, respectivement, de 3,2 % et 2,2 % en 2006 (tableau annexe D.1). La différence entre les ouvriers (resp. employés) et les cadres/PIS pour l’achat d’un logement neuf sans PTZ atteint – 2,2 (resp. – 2,7) points de pourcentage en 2006, et elle est encore plus faible pour l’achat d’un logement neuf avec PTZ, à + 0,3 (resp. – 1,1) points de pourcentage (tableau 1). Les tendances sont similaires pour la région parisienne et les autres régions mais, fait intéressant, les différences sont un peu plus marquées pour les achats de logements neufs sans et avec PTZ en dehors de la région parisienne. Dans l’ensemble, ces résultats montrent que les disparités (en points de pourcentage) entre catégories socioprofessionnelles sont moins prononcées pour les achats de logements neufs avec PTZ plutôt que sans.
29 Les ouvriers/employés et les cadres/PIS vivent dans des ménages et des espaces aux caractéristiques différentes qui influent sur leur capacité à acheter des logements anciens et neufs, ainsi que sur leur accès au PTZ. Pour prendre en compte ces différences, le modèle utilisé distingue, parmi les ménages qui ont acheté un logement neuf, ceux qui ont bénéficié d’un PTZ et ceux qui n’en ont pas bénéficié. Nous empilons les enquêtes Logement de 2002 et 2006, et un modèle logit multinomial est estimé avec les quatre modalités suivantes : (1) achat d’un logement ancien, (2) achat d’un logement neuf sans PTZ, (3) achat d’un logement neuf avec PTZ, et (4) maintien dans le statut de locataire (référence). La spécification inclut les caractéristiques du ménage et du lieu de résidence, et en particulier des indicatrices de catégories socioprofessionnelles. Les informations sur les variables introduites dans la spécification et les coefficients estimés sont reportés et discutés dans l’annexe E.2. À partir des coefficients estimés, et pour chaque catégorie socioprofessionnelle, il est possible de calculer les différences de probabilités d’achat de logements anciens et neufs avec et sans PTZ, en fixant les distributions des caractéristiques des ménages et de leur localisation sur celles des cadres/PIS (tableau 3). De cette façon, on identifie les différences de choix de logement entre les catégories socioprofessionnelles – probablement liées aux différences de revenu – tout en neutralisant les effets d’autres caractéristiques. Les résultats reportés dans le tableau 3 confirment l'existence de différences importantes entre ouvriers (resp. employés) et cadres/PIS pour l'achat d'un logement ancien (respectivement -17,8 et 12,8 points de pourcentage) et des différences beaucoup plus ténues pour l’achat d’un logement neuf sans PTZ (respectivement – 3,3 et – 1,8 points de pourcentage). Il n’y a quasiment pas de différence pour l’achat d’un logement neuf avec PTZ (respectivement – 1,1 et – 0,7 point de pourcentage). Les tendances pour la région parisienne et les autres régions sont à nouveau similaires. Dans l’ensemble, ces résultats confirment que les différences d’achat de logements neufs entre les catégories socioprofessionnelles proviennent des différences d’achats sans PTZ.
Différences entre les catégories socioprofessionnelles et les cadres/professions intellectuelles supérieures de proportions ajustées de locataires (en points de pourcentage) pour chaque type de transition résidentielle et utilisation des PTZ après l’introduction des PTZ
Différences entre les catégories socioprofessionnelles et les cadres/professions intellectuelles supérieures de proportions ajustées de locataires (en points de pourcentage) pour chaque type de transition résidentielle et utilisation des PTZ après l’introduction des PTZ
30 Les différences d’accès à la propriété entre catégories socioprofessionnelles sont susceptibles de capter des différences de revenu. Une spécification alternative est estimée en utilisant les quintiles de revenu pour rendre compte de l’hétérogénéité des ménages en termes de capacités financières plutôt que les catégories socioprofessionnelles. Les résultats sont très proches de ceux obtenus avec les catégories socioprofessionnelles, bien que les disparités soient plus importantes (tableau annexe F.1). En dernière analyse, on peut avancer que la catégorie socioprofessionnelle est endogène dans les régressions, puisqu’elle est mesurée à la date de l’enquête et peut donc être influencée par une transition résidentielle. L’achat d’un logement dans une banlieue éloignée peut en effet affecter l’accès à l’emploi et amener certains nouveaux propriétaires à changer d’emploi, voire à changer de profession. Le tableau annexe F.2 teste la robustesse des résultats en utilisant les niveaux d’éducation, qui constituent une variable exogène, plutôt que les catégories socioprofessionnelles. En particulier, les individus qui n’ont aucun diplôme ou un diplôme professionnel sont comparés aux détenteurs d’un diplôme validant deux années d’enseignement supérieur (bac+2). Lorsqu’on étudie non seulement les transitions résidentielles sur l’ensemble de la période [13], mais aussi conjointement les transitions résidentielles et l’utilisation d’un PTZ après son introduction, on obtient des résultats similaires lors des comparaisons entre catégories socioprofessionnelles et entre niveaux de diplôme.
31 Si la baisse des taux d’intérêt pendant la période du programme PTZ a réduit les contraintes financières de certains ménages, la hausse des prix de l’immobilier peut avoir contrebalancé les effets spécifiques du PTZ et limité ses effets redistributifs. De plus, étant donné que les critères d’éligibilité sont liés au niveau de revenus des ménages, le programme PTZ peut avoir bénéficier surtout aux cadres et PIS les moins aisés, et les ouvriers les plus aisés. Cela pourrait expliquer pourquoi les écarts socioprofessionnels d’accès à la propriété pour les logements neufs avec PTZ sont plus faibles que pour les logements anciens et neufs sans PTZ. Dans l’ensemble, le programme PTZ semble avoir redistribué les flux de nouveaux propriétaires entre les différents segments du marché. En particulier, il a contribué à réorienter les groupes socioprofessionnels modestes vers l’acquisition d’un logement neuf. Or l’achat sur plan, en particulier en maison individuelle, constitue l’une des filières d’accès à la propriété les plus complexes, eu égard au grand nombre d’intermédiaires publics et privés impliqués : lotisseurs, propriétaires fonciers, constructeurs, notaires, services d’urbanisme notamment (Bourdieu, 2000). Il n’est donc pas évident que l’accès à la propriété rendu possible par les conditions spécifiques du PTZ ait été tellement plus favorable aux ménages d’ouvriers et d’employés que les autres filières de logement dont ils ont été de plus en plus exclus.
IV. Évolution de la distribution spatiale des bénéficiaires de PTZ
1. Caractéristiques des anciennes et des nouvelles communes de résidence
32 Les données PTZ permettent de mesurer, pour chaque catégorie socioprofessionnelle, les variations des caractéristiques des communes de résidence des ménages bénéficiaires du programme, et de comparer les écarts observés entre catégories. Tout d’abord, dans quelle mesure l’accès à la propriété est-il associé à un changement de taille de la ville ? Le tableau 4 présente la proportion de primo-accédants avec un PTZ par taille d’unité urbaine pour chaque catégorie socioprofessionnelle avant et après mobilité résidentielle. Il montre que, quel que soit le groupe social, la proportion de ménages situés dans des unités urbaines de plus de 50 000 habitants diminue après leur déménagement, tandis que la proportion de ménages vivant en zone rurale progresse [14]. Seuls 11,6 % des ouvriers résidaient dans des unités urbaines de plus de 200 000 habitants après leur mobilité, contre 24,3 % des employés et 36,9 % des cadres/PIS.
33 On cherche ensuite à savoir si l’accès à la propriété va de pair avec une plus grande proportion de ménages résidant à la périphérie des villes. À cette fin, la zone située en dehors des unités urbaines est décomposée en trois catégories : (1) à l’intérieur d’une aire urbaine mais en dehors des unités urbaines, c’est-à-dire à la périphérie d’une ville ; (2) à l’intérieur de plusieurs aires urbaines mais en dehors des unités urbaines, c’est-à-dire à la périphérie de plusieurs villes ; (3) en dehors des aires urbaines, c’est-à-dire au-delà des franges extérieures d’une ville, en zone rurale. Il est intéressant de noter que le tableau 4 montre que la proportion de ménages vivant à la périphérie d’une seule ville est bien plus importante après l’achat d’un logement pour toutes les catégories socioprofessionnelles, mais surtout pour les ouvriers. La hausse de cette proportion atteint 9,2 points de pourcentage pour les ouvriers, et 8,3 points pour les employés contre 6,3 points pour les cadres/PIS. De telles différences sont observées dans une moindre mesure pour les proportions de ménages à la périphérie de plusieurs villes et dans les zones les plus éloignées des villes.
Caractéristiques des communes avant et après l’achat d’un logement avec un PTZ
Caractéristiques des communes avant et après l’achat d’un logement avec un PTZ
34 Étant donné l’importance de la composition socioéconomique du quartier dans l’accès à différents types de ressources (emploi, école, réseau social, etc.), il est intéressant d’examiner également le profil socioéconomique des communes de résidence avant et après l’accès des locataires à la propriété avec un PTZ. Le tableau 4 montre qu’après leur déménagement, les cadres/PIS et les ouvriers/employés vivent dans des communes moins riches, se caractérisant par un revenu par unité de consommation plus modeste et des prix du logement plus bas. Ces communes se caractérisent également par des proportions plus faibles de cadres/PIS et de professions intermédiaires et, inversement, par une proportion plus élevée d’ouvriers. Cela est particulièrement vrai pour les ouvriers et les cadres/PIS ayant bénéficié d’un PTZ. Dans le même temps, les communes de destination se caractérisent par un taux de chômage plus faible et une moindre proportion de logements sociaux que les communes d’origine.
35 Quant aux ouvriers ayant bénéficié d’un PTZ, ils ont accédé à la propriété dans de petites communes nettement plus pauvres que les communes de destination des cadres/PIS aidés par un PTZ. Ces communes se caractérisent aussi par une plus faible proportion de cadres/PIS et de professions intermédiaires, et par une moindre proportion de logements sociaux. Cela s’explique par le fait que, dans une large mesure, les ouvriers ont déménagé vers des zones périurbaines ou rurales éloignées des centres urbains, où la proportion de logements sociaux est structurellement faible, le parc social en France étant majoritairement concentré dans les métropoles. Parmi les nouveaux propriétaires ayant bénéficié de PTZ, les employés occupent une position intermédiaire entre les cadres/PIS et les ouvriers en termes de revenu communal moyen, de distribution des différentes catégories socioprofessionnelles, et de proportion de logements sociaux dans la commune de destination après le déménagement.
2. Mobilité objective et mobilité subjective
36 Pour les classes populaires (ouvriers et employés) accédant à la propriété avec un PTZ, on a observé à l’aide des bases de données statistiques que le revenu par unité de consommation et la proportion de logements sociaux avaient tendance, en moyenne, à être plus faibles dans la commune de destination que dans celle d’origine. Comment les individus concernés par ces mobilités perçoivent-ils leur nouvel environnement résidentiel ? Valorisent-ils les communes périurbaines et rurales dans lesquelles ils s’installent plus fréquemment, qui sont majoritairement constituées de logements individuels, et où la densité de construction et de population est faible ? Les femmes et les hommes au sein des couples partagent-ils la même opinion à propos de leur logement et de leur nouveau quartier, et assignent-ils le même sens à leur trajectoire résidentielle (promotion, déclassement ou immobilité) ?
37 Les entretiens approfondis effectués dans la périphérie de Lyon montrent en premier lieu que le choix de localisation apparaît d’abord motivé par l’accessibilité financière du lotissement, et non par les caractéristiques du tissu urbain. En effet, peu de ménages valorisent l’installation « à la campagne » pour des raisons environnementales, écologiques ou récréatives (faible densité urbaine, proximité et accès à la nature, absence de pollution, etc.) : ils cherchent avant tout des zones constructibles où le foncier n’ampute pas le budget consacré à la maison. Aucun n’a valorisé l’architecture traditionnelle de village ni la spécificité du patrimoine bâti communal. La « vie à la campagne » est d’abord associée à leurs yeux à une économie traditionnelle et à un manque d’équipements modernes, et les ménages insistent sur la nécessité d’urbaniser la zone par la construction de nouveaux centres commerciaux, de trottoirs le long des lotissements, d’aires de jeux pour les enfants, ou par la mise en place de services de bus publics. Une jeune femme de 30 ans, mère de quatre enfants, ayant grandi dans une cité lyonnaise et quitté l’école à 16 ans avant d’épouser un ouvrier du bâtiment, décrit ainsi son nouveau quartier comme « un trou », « au milieu de nulle part » :
« Ici, à part la maison et l’école, il y a rien à faire. Heureusement que j’ai ma voiture ! Et heureusement que Cleyzieu se développe beaucoup, ils vont construire des lotissements et tout, ça sera moins la campagne. […] Mais quand on a un coup de blues et qu’on en a marre, on se dit : "qu’est-ce qu’on est venu faire ici, dans ce trou ?" … »
39 En second lieu, les entretiens montrent que les caractéristiques techniques et esthétiques des maisons acquises (type, dimension, matériaux) disparaissent derrière les critères sociaux de l’environnement résidentiel. Comme l’a résumé un homme de 52 ans, père de quatre enfants et ouvrier dans l’industrie automobile : « Moi, je m’en fous si la maison est belle ou elle est pas belle, tout ce qui m’intéresse c’est l’environnement social ». L’éloignement des grandes agglomérations dont ces ménages sont souvent issus, et en particulier des grands ensembles de logements sociaux dans lesquels ils ont vécu, est motivé par le désir de fuir certains problèmes structurels auxquels sont confrontés les quartiers d’habitat social (pauvreté, ségrégation sociale et raciale dans le quartier ou à l’école), et par leurs aspirations à la mobilité sociale intergénérationnelle. Un père de deux enfants récemment arrivé à Cleyzieu-Lamarieu explique : « Je cherchais des écoles où la proportion de Pierre, Paul et Jacques était normale. [Enquêteur : C’est-à-dire ?] Autour de 80 % des élèves ». La place prépondérante de l’argument social dans les entretiens suggère que l’objectif premier des ménages interrogés n’était pas d’accéder à la propriété individuelle, mais plutôt de quitter les grands ensembles d’habitat social de la banlieue lyonnaise pour habiter dans des quartiers socialement plus mixtes.
40 La reconstitution des étapes du parcours résidentiel et du processus de recherche immobilière grâce aux entretiens confirme cette hypothèse. Différents thèmes étaient abordés : combien de logements avaient-ils effectivement visités ? Quel type de logement les ménages recherchaient-ils au départ ? Et comment leurs critères d’appréciation avaient-ils progressivement évolué en matière de localisation, de statut d’occupation ou encore de type de logement, au gré des visites ? Les données qualitatives montrent que les familles à faible revenu ont d’abord essayé de se reloger dans un meilleur quartier à l’intérieur de la métropole lyonnaise (quel que soit le statut d’occupation du logement) plutôt que de s’orienter vers l’achat de maison en périurbain. C’était notamment le cas des mères, à qui revient en grande partie le travail de garde des enfants et de gestion du quotidien. Elles valorisaient la proximité avec leur ancien quartier et la présence de proches en raison du soutien matériel et affectif que ces derniers leur fournissaient (Lambert et al., 2018). Le soutien familial informel s’avère en effet essentiel pour l’organisation de la vie quotidienne des ménages modestes (Schwartz, 1990), davantage concernés par le travail en horaires atypiques, les contrats courts et la précarité économique (Letroublon et Daniel, 2018).
41 Certains ménages ont également fait des demandes de mobilité au sein du parc HLM afin d’accéder à un logement social dans un quartier de meilleure qualité. Le statut de locataire HLM est en effet souvent apprécié car il offre une meilleure protection contre les expulsions et les hausses de loyer que le secteur privé. Cependant, en raison de la hausse des loyers et des charges dans le parc locatif social (Insee, 2017), de l’allongement des listes d’attente, et de la multiplication des aides gouvernementales à l’achat d’un logement neuf, ces locataires ont progressivement changé leur stratégie résidentielle et commencé à envisager les zones rurales et périurbaines, même s’ils n’avaient pas de liens familiaux ou interpersonnels (collègues, amis…) dans les communes concernées.
42 En suivant à la fois les hommes et les femmes au sein des ménages sur une période de trois ans, on a pu analyser l’évolution de la perception du quartier en fonction du genre. La plupart des individus de milieux populaires qui venaient de communes éloignées ont rapidement perçu des inconvénients majeurs qu’ils n’avaient pas anticipés, même si des différences existent selon le sexe. Quelques semaines après avoir emménagé, les femmes peu qualifiées ont montré des signes d’ennui ou de mal-être (« Quand on a emménagé, la première semaine, j’ai pleuré et je me suis dit : "Qu’est-ce qu’il m’a pris [de venir ici] ?" C’était dur… », confie une mère de deux enfants de 32 ans, infirmière et mariée à un employé d’une compagnie de téléphone française). Plusieurs mois après le déménagement, un tiers des femmes de notre échantillon avaient arrêté de travailler, étaient en congé parental ou avaient quitté leur emploi salarié parce qu’elles ne pouvaient plus se permettre de faire la navette – ce qui n’était pas le cas des hommes, généralement mieux payés. Cela suggère que la distance physique entre le domicile et le lieu de travail avait été sous-estimée, ainsi que les dépenses de transport et de garde des enfants, nécessairement externalisées et qui ont fini par être insoutenables pour certains ménages. En effet, les femmes peu qualifiées de notre échantillon occupaient fréquemment des emplois peu rémunérés, avec des horaires atypiques et/ou des emplois à temps partiel situés dans les banlieues de première couronne de l’aire urbaine. Ces conditions de travail pesaient lourdement sur leur équilibre vie professionnelle-vie privée, tout en complexifiant l’organisation du quotidien, loin de leurs proches, des services de garde subventionnés des grandes villes et des systèmes de transports publics.
43 En revanche, les familles modestes qui venaient des communes limitrophes de Cleyzieu-Lamarieu (et qui étaient en moyenne plus âgées que celles venues de l’agglomération lyonnaise) semblaient satisfaites de leur nouveau logement. Le déménagement à Cleyzieu-Lamarieu n’avait quasiment pas eu d’impact sur leur emploi (principalement des emplois d’ouvriers dans l’industrie locale), ni sur leurs relations sociales avec leurs amis et leur famille. Leur nouvelle maison a donc été perçue comme un signe de mobilité sociale ascendante et de réussite familiale. Enfin, dans les couples de classes moyennes qui ont emménagé à Cleyzieu-Lamarieu (y compris ceux qui venaient de communes éloignées), les deux conjoints ont pu conserver leur emploi car ils travaillaient à des heures de bureau et pouvaient se permettre de faire le trajet quotidien, souvent en covoiturage, en minimisant les coûts de transport. Ils considéraient l’achat de leur maison comme un tremplin dans le parcours d’accession à la propriété et espéraient déménager rapidement dans un quartier plus aisé, plus proche du centre de Lyon, où leurs activités professionnelles et sociales étaient encore basées.
44 Au total, parmi les primo-accédants aidés, les hommes et les femmes de milieux modestes ayant déménagé loin de leur ancien quartier semblaient avoir la perception la plus négative de leur environnement résidentiel, qu’ils comparaient aux anciennes banlieues d’habitat social dont ils étaient issus. Le lotissement était décrit comme un « HLM à plat », constitué d’une succession horizontale de petits logements standardisés de faible qualité, semblables aux empilements verticaux d’appartements bas de gamme des tours et barres de logements sociaux construites en masse dans l’après-guerre. Ils déploraient également l’éloignement géographique du centre-ville et l’absence de transports en commun, exactement comme le faisaient les habitants des premiers grands ensembles de banlieue dans les années 1960 (Fourcaut, 2006).
Conclusion
45 Cet article analyse le rôle joué par les politiques de prêts aidés dans l’accès à la propriété et la distribution spatiale des bénéficiaires. Les résultats suggèrent premièrement que, dans un contexte de hausse des prix de l’immobilier, le PTZ a pu limiter l’exclusion des ménages modestes du marché du logement neuf. Deuxièmement, en comparant les communes d’origine et de destination des bénéficiaires de PTZ, il apparaît que les ouvriers et, dans une moindre mesure, les employés bénéficiaires d’un PTZ avaient tendance à s’installer dans des communes plus petites, souvent situées dans des zones rurales, où la proportion d’ouvriers dans la population active était légèrement plus élevée que dans leur commune d’origine, tandis que les proportions de cadres et de professions intermédiaires étaient plus faibles. Troisièmement, les entretiens suggèrent que les ménages à faible revenu n’avaient anticipé ni l’impact de l’éloignement géographique sur leur mode de vie ni la perte des aménités afférentes à l’habitat urbain lorsqu’ils ont accédé à la propriété. Cette analyse des transitions des ménages vers la propriété montre que la relocalisation qui va de pair avec l’accès à la propriété peut parfois menacer la mobilité sociale des ménages, en particulier celle des femmes peu qualifiées. Il restreint l’accès aux réseaux extra-locaux tels que la famille et les proches, rend difficile les déplacements professionnels et le maintien sur le marché du travail, même si une partie des emplois peu qualifiés ont également eu tendance à se délocaliser vers les zones rurales et périurbaines (Gilli, 2005).
46 Au cours de la période 1996-2005, le PTZ était réservé à l’achat de logements neufs. L’extension en 2006 du PTZ aux logements anciens peut avoir renforcé les différences de trajectoires résidentielles entre les cadres/PIS d’une part, et les ouvriers et employés d’autre part. En effet, l’extension du dispositif est susceptible d’avoir encouragé les cadres/PIS à acheter des logements anciens dans les grands centres urbains et leurs banlieues résidentielles proches, où les prix immobiliers ont le plus augmenté. En revanche, les ménages modestes ont pu être exclus de ce segment du marché, continuant à acheter des maisons dans des zones périurbaines et rurales, éloignées des opportunités d’emploi et des réseaux familiaux, et mal pourvues en équipements de la vie quotidienne (lycées et universités, transports publics, etc.). Cette tendance a pu être amplifiée par le renforcement au fil du temps du zonage du PTZ, les ménages bénéficiant d’une aide plus importante lors de l’achat d’un logement dans les zones périphériques. Les effets des politiques publiques de logement sur les inégalités socio-spatiales méritent de nouvelles recherches.
Annexes
Annexe A. Évolution du taux d’accès à la propriété
Taux d’accès à la propriété en France, 1984-2006 (%)
Taux d’accès à la propriété en France, 1984-2006 (%)
Annexe B. Construction des données
Données régionales utilisées dans les régressions
47 Le prix du logement au niveau régional utilisé comme variable explicative dans les régressions logit est construit à partir de données régionales fournies par le service statistique du ministère du Développement durable. Ces données comprennent pour chaque région le nombre de ventes de logements et le prix moyen par mètre carré (issus de l’enquête sur la commercialisation des logements neufs), ventilés par type de logement (appartement ou maison). Pour chaque type de logement et chaque région, un indice annuel est calculé, comme le prix moyen divisé par le prix en 1992 (référence). L’indice régional des prix utilisé dans les spécifications logit est ensuite construit comme la somme des indices des maisons et des appartements, pondérés par leurs proportions de ventes parmi l’ensemble des ventes. Cet indice est calculé pour chaque année entre 1992 et 2005 avant d’établir une moyenne sur des périodes de quatre ans correspondant aux périodes de transitions résidentielles couvertes par les enquêtes logement, pour chacune des 20 régions métropolitaines de France. Enfin, l’indice moyen ainsi obtenu est fusionné avec nos données sur les ménages en utilisant le code régional des ménages et la date d’enquête.
Données municipales
48 Les données locales utilisées pour étudier les transitions des ménages ayant acheté un logement sont mesurées au niveau de la commune ou de l’arrondissement pour les trois plus grandes villes de France (Paris, Lyon et Marseille). La plupart des données ne sont pas disponibles pour la Corse, qui a donc été exclue de l’analyse.
49 La base de données Filocom pour l’année 2000 a été utilisée pour calculer le revenu des ménages par unité de consommation, la proportion de logements sociaux parmi les résidences principales, la proportion de maisons individuelles et le nombre de logements dans la commune et dans l’unité urbaine. Cette base de données exhaustive des logements est construite à partir des déclarations de l’impôt sur le revenu et de la taxe d’habitation des ménages.
50 Le prix des logements au m² a été calculé à partir des bases de données des transactions immobilières enregistrées par les notaires pour les logements anciens (Perval et Bien). Ces bases de données contiennent les prix de vente et les superficies des logements. Lorsque la surface était manquante (ce qui était le cas pour une proportion importante de logements), elle a été imputée à partir des données Filocom. Les données communales construites à partir de Filocom, Perval et Bien, sont toutes issues de l’étude de Gobillon et Vignolles (2016), qui décrit également la procédure d’imputation des surfaces.
51 Les taux de chômage et les proportions de catégories socioprofessionnelles ont été calculés à partir du recensement de 1999. Le calcul des proportions n’a pris en compte que les individus pour lesquels la catégorie socioprofessionnelle était renseignée. Le type de commune (rurale, périurbaine ou urbaine) et la taille des unités urbaines sont issus de la base de données BDCOM sur les communes pour l’année 1999.
Localisation dans l’ensemble de données PTZ
52 Dans la base de données sur les PTZ (le fichier SGFGAS), la localisation avant et après l’achat d’un logement par les ménages est donnée respectivement par le code postal et le code de la commune. Un seul code postal peut correspondre à plusieurs codes commune. Il existe environ 37 000 codes commune, mais seulement 6 000 codes postaux. Pour caractériser la localisation avant l’achat du logement, on a calculé la moyenne des caractéristiques des communes de chaque code postal, en les pondérant par la population du recensement de 1999. Cette pondération a permis de tenir compte de la taille de la commune, étant donné que les ménages ayant un PTZ étaient plus susceptibles d’être localisés dans des zones avec une plus grande population avant de devenir propriétaires. De plus, on a attribué un type de commune et une taille d’unité urbaine à un code postal donné en sélectionnant aléatoirement l’une des communes qui y sont associées avec une probabilité proportionnelle à sa population en 1999.
Annexe C. Caractéristiques moyennes des bénéficiaires de PTZ
Caractéristiques moyennes des ménages ouvriers et employés accédant à la propriété avec un prêt à taux zéro
Caractéristiques moyennes des ménages ouvriers et employés accédant à la propriété avec un prêt à taux zéro
Annexe D. Statistiques descriptives sur la proportion de locataires par type de transition résidentielle et utilisation de PTZ
Proportions de locataires par type de transition résidentielle et utilisation de PTZ (%) en 1996, 2002, et 2006.
Proportions de locataires par type de transition résidentielle et utilisation de PTZ (%) en 1996, 2002, et 2006.
Annexe E. Spécifications et coefficients estimés des logits multinomiaux
Annexe E.1. Évolution des transitions résidentielles selon le statut socioprofessionnel après l’introduction des PTZ
53 Grâce au modèle logit des transitions résidentielles, il est possible d’évaluer les risques relatifs des ouvriers, des employés et des professions intermédiaires, de connaître des transitions résidentielles, avant et après la réforme, par rapport aux cadres/PIS (le groupe de référence). Ils permettent de déterminer l’évolution des chances de devenir propriétaire pour les différents groupes sociaux après la mise en œuvre du programme PTZ [15]. La spécification inclut également d’autres caractéristiques observables du ménage (âge et sexe de la personne de référence du ménage, et nombre d’enfants), ainsi que des variables pour des facteurs spatiaux et temporels pertinents (taux d’intérêt, indice régional des prix de l’immobilier, et taille des unités urbaines), afin de quantifier les effets, toutes choses égales par ailleurs. Les estimations sont menées soit sur l’ensemble de l’échantillon, soit séparément pour les ménages de la région parisienne et ceux du reste de la France. En considérant ces deux groupes séparément, on peut distinguer les effets propres au marché du logement tendu de la région parisienne.
54 Avant l’introduction du PTZ, les ouvriers, les employés et les professions intermédiaires locataires sont nettement moins susceptibles de devenir propriétaires d’un logement neuf ou ancien, par rapport aux cadres/PIS (tableau annexe E.1). Le rapport de risques relatifs d’acheter un logement ancien plutôt que de rester locataire pour les ouvriers par rapport aux cadres/PIS est très faible : 0,181 en région parisienne et 0,257 dans le reste de la France. En d’autres termes, le rapport de probabilités d’acheter un logement ancien plutôt que de rester locataire est inférieur de 81,9 % pour les ouvriers par rapport aux cadres/PIS en région parisienne, et de 74,3 % en dehors de cette région [16]. Le rapport de risques relatifs d’acheter un logement neuf pour les ouvriers par rapport aux cadres/PIS est également réduit, soit 0,248 en région parisienne et 0,325 dans le reste de la France. Avant le programme PTZ, les disparités globales d’accès à la propriété étaient déjà moins marquées pour les logements neufs que pour les logements anciens, plus souvent situés dans les centres villes où les prix ont grimpé plus rapidement. De plus, lorsque les deux secteurs du logement (neuf et ancien) sont considérés séparément ou combinés, le désavantage des ménages à faible revenu par rapport aux ménages de cadres/PIS est systématiquement plus important en région parisienne que dans le reste de la France, en raison des fortes augmentations des prix de l’immobilier dans cette région.
55 Pendant la période du programme PTZ, il y a une baisse significative des risques relatifs des ouvriers et employés d’acheter un logement ancien (pour lequel les PTZ ne sont pas disponibles) à ceux des cadres/PIS qui sont significativement plus faibles. Cette baisse est de 7,4 points de pourcentage pour les ouvriers et 9,7 points de pourcentage pour les employés [17]. Elle est probablement due à la hausse des prix de l’immobilier. Les chances des employés et des ouvriers d’acheter un logement neuf ne se sont pas améliorées de façon significative après l’introduction des PTZ, que ce soit en région parisienne ou dans le reste de la France. Le programme PTZ semble donc insuffisant pour contrecarrer de manière notable les disparités croissantes d’accès à la propriété telles qu’elles ont été observées au cours de la période étudiée.
Annexe E.2. Disparités de transitions résidentielles et d’utilisation des PTZ selon les catégories socioprofessionnelles
56 Grâce au modèle logit de transitions résidentielles et d’utilisation des PTZ, il est possible d’estimer les risques relatifs pour les ménages des différentes catégories socioprofessionnelles de devenir propriétaires de logements anciens, propriétaires de logements neufs avec un PTZ ou propriétaires de logements neufs sans PTZ, plutôt que de rester locataires (catégorie de référence). Les employés et les ouvriers sont moins susceptibles que les cadres/PIS de devenir propriétaires (de logements neufs ou anciens, avec ou sans PTZ) plutôt que de rester locataires. Cependant, les ouvriers et employés sont plus susceptibles d’acheter un logement neuf avec un PTZ qu’un logement neuf sans PTZ ou un logement ancien. Ils restent néanmoins moins susceptibles d’acheter un logement neuf avec un PTZ que les cadres/PIS [18].
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 1996, 2002 et 2006
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 1996, 2002 et 2006
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle et d’utilisation du PTZ pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 2002 et 2006
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle et d’utilisation du PTZ pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 2002 et 2006
Annexe F. Tests de robustesse utilisant le revenu ou le diplôme au lieu des catégories socioprofessionnelles
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle et d’utilisation du PTZ pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 2002 et 2006, en utilisant les quintiles de revenu au lieu des catégories socioprofessionnelles
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle et d’utilisation du PTZ pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 2002 et 2006, en utilisant les quintiles de revenu au lieu des catégories socioprofessionnelles
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle et d’utilisation des PTZ pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 2002 et 2006, en utilisant le niveau d’éducation au lieu des catégories socioprofessionnelles
Modèle logit multinomial du type de transition résidentielle et d’utilisation des PTZ pour les locataires, estimé à partir des enquêtes Logement empilées de 2002 et 2006, en utilisant le niveau d’éducation au lieu des catégories socioprofessionnelles
Notes
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[1]
Aux États-Unis, le taux de propriétaires recule depuis 2004 : culminant à 69 % en 2004, il atteint 63,7 % en 2016. Ce taux est proche de celui du Royaume-Uni, où 71 % des ménages étaient propriétaires de leur logement en 2007.
https://ec.europa.eu/eurostat/web/income-and-living-conditions/data/database -
[2]
À partir de 2006, le dispositif du PTZ a été étendu aux logements anciens.
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[3]
(…) « the opportunities for low-income households to reside outside of deprived neighborhoods where, presumably, opportunities for socioeconomic advancement and quality of life are enhanced, while also increasing housing affordability and quality » (Galster, 2017, p. 267).
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[4]
La Section 8 de la loi sur le logement de 1937 autorise le versement d’aides aux propriétaires privés de logements locatifs lorsque ces logements sont occupés par des ménages à faible revenu. D’autres amendements à la loi de 1937 constituent les programmes de la section 8. En 1999, les programmes de certification à la location (Rental Certificate program) et d’aides au logement en location (Rental Voucher program) ont été modifiés pour former le programme d’aides au choix de logement (Housing Choice Voucher program), un instrument axé sur les locataires visant à aider les familles à très faible revenu à se procurer un logement décent sur le marché privé. Les participants au programme consacrent 30 % de leur revenu mensuel au loyer, le reste étant versé au propriétaire par les autorités locales en matière de logement.
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[5]
Après cette période d’étude qui se termine en 2005, il y a eu d’autres modifications non détaillées ici.
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[6]
Un rapport récent indique que la proportion de locataires éligibles au PTZ dans toute la France était de 83 % en 2018 (Deniau et al., 2019).
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[7]
La personne de référence du ménage dans les données sur les PTZ est le premier emprunteur du prêt principal utilisé pour l’achat d’un logement. La définition diffère donc des enquêtes Logement et de l’enquête qualitative présentées ci-dessous, notamment au regard de la personne de référence définie par l’Insee. La personne de référence dans ces enquêtes est déterminée à partir des trois personnes les plus âgées du ménage ; s’il y a un couple parmi elles, la personne de référence est l’homme ; s’il n’y a pas de couple, la personne de référence est la personne la plus âgée encore sur le marché du travail, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme ; et, si personne dans le ménage n’est sur le marché du travail, il s’agit de la personne la plus âgée. La définition de la personne de référence a continuellement évolué après les enquêtes utilisées dans cette étude ; https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1192.
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[8]
L’identifiant du lieu avant l’achat étant généralement moins précis, ce dernier est caractérisé à l’aide de variables dont la construction est détaillée dans l’annexe B.
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[9]
Le nom de la commune a été modifié pour respecter les exigences d’anonymat et de confidentialité.
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[10]
Selon la définition officielle de l’Insee, une aire urbaine est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (le centre urbain) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. Une unité urbaine est une commune ou un groupe de communes dont la zone de bâti est continue et comprend au moins 2 000 habitants. Les communes qui ne font partie d’aucune unité urbaine sont considérées comme rurales.
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[11]
Parmi les 43 chefs de ménage interrogés, 5 étaient des cadres/PIS, 13 exerçaient une profession intermédiaire, 8 étaient des employés et 17 des ouvriers. Parmi les 22 chefs de ménage bénéficiant d’un PTZ, on comptait 1 cadre/PIS, 7 employés et 14 ouvriers.
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[12]
Une autre piste intéressante consisterait à utiliser la méthode des doubles différences pour comparer l’évolution de l’accès à la propriété pour les ménages éligibles et non éligibles après l’introduction des PTZ. Toutefois, il faudrait déterminer quels sont les ménages éligibles. Cela n’est pas possible avec ces données, puisque l’éligibilité dépend du revenu fiscal deux ans avant l’achat du logement, sur lequel aucune information n’est disponible.
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[13]
Les résultats de l’étude des transitions résidentielles sur l’ensemble de la période ne sont pas présentés ici, mais ils sont disponibles sur demande.
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[14]
Les zones rurales comprennent toutes les communes qui n’appartiennent pas à des unités urbaines. La plupart de ces communes comptent moins de 2 000 habitants.
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[15]
La spécification inclut une indicatrice d’appartenance du ménage à la vague de 2002 ou 2006, afin de saisir l’évolution dans le temps des chances de devenir propriétaire pour un ménage de la catégorie de référence (cadres/PIS).
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[16]
Ces chiffres ont été calculés, respectivement, comme suit : (1 – 0,181) × 100 = 81,9 % et (1 – 0,257) × 100 = 74,3 %.
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[17]
Après la réforme, les chances d’être propriétaire d’un logement ancien plutôt que locataire en dehors de la région parisienne sont (1 – 0,711 × 0,257) × 100 = 81,7 % plus faibles pour les ouvriers que pour les cadres, contre (1 – 0,257) × 100 = 74,3 % avant la réforme ; et elles sont (1 – 0,703 × 0,328) × 100 = 76,9 % plus faibles pour les employés, contre (1 – 0,328) × 100 = 67,2 % avant la réforme.
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[18]
En région parisienne, la différence est non significative pour les ouvriers, et elle n’est significative qu’au niveau de 10 % pour les employés.