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Malgré les problèmes urgents liés au changement climatique, l’impact démographique du déséquilibre environnemental a rarement été étudié au niveau local. Dans le nord du Sénégal, la construction d’un canal, initialement destiné à protéger la côte des inondations, a provoqué des érosions côtières et la salinisation des zones de pêche et des sols. Les habitants de la commune de Gandiol ont de ce fait perdu leur source traditionnelle de revenus. Comment leurs modes de vie ont-ils été impactés ? Quelles sont les conséquences de ces bouleversements sur les migrations ? Cet article montre comment la population s’est adaptée à la dégradation de son environnement.

1En 2003, la ville de Saint-Louis a dû faire face à de graves inondations. Afin de gérer la crue du fleuve Sénégal, les autorités ont décidé de creuser un canal d’écoulement sur la langue de Barbarie [1] pour évacuer le surplus d’eau vers l’Océan atlantique. Mesurant initialement 4 mètres de large, ce canal communément appelé la Brèche s’est vite agrandi d’une manière imprévue vers le sud, pour atteindre 5 200 mètres [2] en 2015 [3]. À 18 km au sud de la ville, la commune de Gandiol s’est retrouvée particulièrement exposée à l’érosion côtière après l’agrandissement non contrôlé de la Brèche. Composée de 30 villages et de 9 hameaux (Communauté rurale de Ndiébène-Gandiol, 2010), elle comptait 21 182 habitants en 2013 (ANSD, 2013). L’économie locale repose principalement sur le maraîchage, la pêche et l’élevage. Il faut toutefois mentionner quelques activités en lien avec le tourisme et l’exploitation du sel.

2À la suite de l’élargissement de la Brèche, deux villages ont été engloutis par la mer quand d’autres restent en sursis (Sy et al., 2015). Actuellement, la Brèche continue d’avancer vers le sud (Durand et al., 2010). Même s’il est possible que ses effets s’estompent avec le temps, l’avancée de la mer est lourde de conséquences environnementales et sociales. Outre la destruction d’habitats, des effets négatifs sur la pêche, le maraîchage et l’élevage se manifestent.

3Avant la création de la Brèche, la pêche pouvait se faire dans le fleuve Sénégal et/ou dans l’Océan atlantique, avec des opportunités variables selon la saison, les conditions météorologiques et la navigabilité. La Brèche a détruit des espaces de mangroves, qui sont des lieux favorisant la reproduction de certaines espèces de poissons, et a salinisé les eaux douces du fleuve. Ces destructions ont accéléré la réduction du stock halieutique. La Brèche pose aussi de graves problèmes de navigabilité, rendant sa traversée dangereuse. Il y a régulièrement des chavirements de pirogues dont les conséquences sont parfois mortelles. Ces différents éléments ont réduit les moyens de subsistance des populations dépendantes de la pêche pour vivre.

4La submersion marine pose des problèmes de salinisation des sols et des nappes phréatiques, diminuant la biodiversité et réduisant la diversification et le rendement des cultures maraîchères (Tine, 2020). Auparavant, il était possible de cultiver une grande diversité de fruits et de légumes, ce qui garantissait des récoltes en continu. Aujourd’hui, parmi les variétés de légumes présentes dans la région, seules deux espèces d’oignons sont adaptées aux conditions de salinité. La diminution des points d’eau douce et des terres pâturables a engendré par ailleurs une réduction du nombre de têtes de bétail, car il devient très coûteux d’entretenir un cheptel (Tine, 2020).

5Dans ce contexte où le secteur primaire est affaibli, la préservation des moyens de subsistance et l’assurance d’un revenu continu sont plus difficiles, poussant des ménages à s’adapter au nouvel environnement. La migration est une réponse possible aux stress environnementaux (McLeman et Smit, 2006), notamment à travers les transferts monétaires (Foresight, 2011). Les migrants peuvent ainsi aider à l’amélioration des conditions de vie de ces populations (Adger et al., 2002). Il s’agit donc d’étudier ces migrations et de mieux percevoir les dynamiques et les processus en jeu dans ce contexte. Dans le cas de Gandiol, on peut faire l’hypothèse que la migration constitue une stratégie d’adaptation face aux dégradations environnementales.

6En se basant sur l’approche de « la migration pour l’adaptation », cet article propose une typologie des conséquences des stratégies migratoires sur les capacités d’adaptation des ménages gandiolais. Après avoir introduit cette approche et ses applications pour le Sénégal, il expose le contexte démographique de la commune de Gandiol, à partir des données récoltées lors d’une étude de terrain menée en juillet et août 2017 et une typologie d’utilisation des ressources de la migration.

I – La migration comme adaptation aux changements environnementaux

7Le Groupe international d’expert sur le climat (GIEC) définit l’adaptation comme une « démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences. Pour les systèmes humains, il s’agit d’atténuer les effets préjudiciables et d’exploiter les effets bénéfiques. Pour les systèmes naturels, l’intervention humaine peut faciliter l’adaptation au climat attendu ainsi qu’à ses conséquences » (GIEC, 2014, p. 132). Cette définition fait référence à la capacité d’adaptation et à l’habileté à survivre à de nouvelles conditions climatiques qui modifient l’habitat originel. Les stratégies, souvent autonomes et spontanées, constituent des réponses aux changements climatiques. Elles ont donc comme objectifs la réduction de la vulnérabilité et l’augmentation de la résilience (Mertz et al., 2009). Les populations incorporent ainsi de nouvelles pratiques dans le système sociétal (Mansanet-Bataller, 2010).

1 – Considérations théoriques

8Dans le champ d’études des migrations environnementales, il existe une littérature qui considère la migration comme une stratégie d’adaptation [4] (McLeman et Smit, 2006 ; McLeman et al., 2008 ; Upadhyay et Mohan, 2017). Ce domaine de recherche propose de dépasser la tentative d’expliquer les causes migratoires en étudiant la migration dans sa pluralité et dans des contextes de changements environnementaux (Sakdapolrak et al., 2016 ; Baldwin et Fornalé, 2017).

9L’approche de « la migration pour l’adaptation » considère que les nouvelles opportunités et ressources des régions d’accueil peuvent diversifier les moyens de subsistance, aider à l’adaptation climatique et renforcer la résilience sociale dans les communautés d’origine, les communautés d’arrivée et pour les migrants eux-mêmes (Gemenne et Blocher, 2017). On considère que les transferts de ressources financières, de technologies, de bonnes pratiques et de réseaux contribuent à la consolidation et à l’innovation institutionnelle et technique face aux changements environnementaux (Barnett et Webber, 2009 ; Scheffran et al., 2012).

10Les transferts d’argent des migrants peuvent soutenir les ménages de trois façons (Gemenne et Blocher, 2017) : lors de désastres naturels ; en favorisant les activités génératrices de revenus et les investissements ; en finançant des projets collectifs dans une logique d’adaptation. La migration est donc comprise comme une réponse destinée à diversifier les sources de revenus et à diminuer la dépendance aux ressources naturelles (Tacoli, 2011).

11Ce cadre théorique permet de combiner deux approches. L’approche des moyens de subsistance durables dans des espaces translocaux examine l’utilisation des capacités et des ressources des individus et des ménages afin d’améliorer leurs moyens de subsistance en rapport avec les opportunités et les contraintes de leur lieu de vie. Les personnes seraient des agents actifs (Greiner et Sakdapolrak, 2013a, 2013b ; Schöfberger, 2017). La deuxième approche, celle de la New Economics of Labour Migration (NELM) propose de prendre le ménage – et non l’individu – comme unité d’analyse (Piguet, 2018). Elle a une vision plutôt optimiste de la migration qu’elle considère comme une stratégie de diversification des ressources pour diminuer les risques des ménages (Piguet, 2018).

2 – Applications pour le Sénégal

12Au Sénégal, en temps de crise environnementale et notamment lors de désastres naturels, les envois d’argent servent principalement à assurer l’achat de biens de consommation de base et à renforcer la sécurité alimentaire (Tacoli, 2011 ; Lo et al., 2014 ; Lalou et Delaunay, 2015 ; Tandian, 2015 ; Wade et al., 2017 ; Zickgraf, 2018 ; Sakho et al., 2019). Ce comportement permet de garantir la survie du ménage à court et moyen terme. On remarque aussi des investissements dans l’accès aux services de base tels que la santé ou l’éducation (Sakho et al., 2019). Ces premières observations pour le pays rejoignent un consensus dans la recherche qui considère que ces capitaux sont, dans une certaine mesure, une assurance sociale pour les ménages (Gubert, 2002 ; Clarke et Wallsten, 2003 ; Yang et Choi, 2007 ; Gioli, 2017). Ces stratégies dans le temps immédiat se manifestent parfois au détriment d’investissement dans la réduction des risques environnementaux, mais elles participent à consolider le prestige social du ménage (Wade et al., 2017).

13Du point du vue agricole, les envois monétaires peuvent servir à financer l’affectation des sols pour s’adapter aux nouvelles conditions environnementales ou, dans certains cas, à continuer de pratiquer les activités économiques traditionnelles (Romankiewicz et al., 2016). On observe aussi des investissements qui visent à rendre les conditions de vie à long terme moins précaires. L’apport financier des migrants peut alors servir à améliorer l’habitat du ménage (Tacoli, 2011), ce qui contribue plus largement au développement des localités d’origine (Tandian, 2015).

14Bien que les transferts monétaires soutiennent les stratégies d’adaptation, la littérature scientifique remarque l’existence d’un risque de dépendance des ménages et des économies nationales vis-à-vis des marchés extérieurs. Schöfberger (2018), qui utilise le concept des « stratégies de subsistance translocales », sous-entend que, située entre différents lieux, la migration peut améliorer l’adaptation des ménages. Si l’émigration est une stratégie pour permettre à certains membres du ménage de rester au village, il existe un risque pour ces derniers de devenir dépendants du capital reçu s’ils n’investissent pas dans des activités génératrices de revenus. La vulnérabilité du ménage peut alors augmenter dans les lieux de départ et se transmettre dans les lieux de destination. D’un point de vue macroéconomique, Couharde et Generoso (2015) ont observé les conséquences de ces flux financiers sur la performance économique des pays d’Afrique de l’Ouest pendant la période 1985-2007 lors de chocs environnementaux. Leurs résultats montrent que ces envois d’argent ont un impact significatif mais ambigu sur les économies lors d’évènements climatiques. Durant les sécheresses, elles aident à soutenir l’adaptation des ménages, mais accentuent l’importation de produits agricoles et augmentent la dépendance des économies locales aux marchés extérieurs. Cependant, même si les transferts de fonds de la part des migrants représentent un risque de dépendance pour les ménages et pour les économies nationales, ils peuvent jusqu’à un certain point combler le manque de moyens des États dans l’implémentation de politiques d’adaptation aux changements environnementaux.

15L’approche de la migration pour l’adaptation connaît des résultats morcelés en raison du faible nombre d’études de cas, de l’éclatement géographique des lieux de recherche et de l’amplitude méthodologique et disciplinaire. On manque de données empiriques qualitatives sur les conséquences de ces transferts et de la migration sur les capacités d’adaptation. Cette situation souligne une lacune dans la recherche sur les perceptions des populations bénéficiaires elles-mêmes (Le De et al., 2013).

16Cet article a pour objectif de compléter les données empiriques existantes. En proposant une typologie des conséquences des transferts monétaires et de l’émigration sur les stratégies d’adaptation des ménages d’origine, il ambitionne d’éclairer une zone d’ombre que Wade et al. (2017) soulignent pour le Sénégal. Intuitivement, il serait logique de penser que la migration enraye les processus de développement des régions rurales en raison du départ des personnes valides et éduquées. Cela serait particulièrement vrai pour le Sénégal, qui a une économie principalement agricole, et est donc tributaire des conditions climatiques. Dans le contexte actuel de variations environnementales, on assiste à un fort exode rural (Tandian, 2015). Par un travail empirique, il s’agit de découvrir quels sont les mécanismes et les stratégies d’adaptation que les ménages de Gandiol mettent en place, et de voir plus largement si les envois d’argent peuvent participer au développement de la commune.

II – Le contexte de Gandiol

17En Afrique subsaharienne, des études montrent que, dans un environnement rural dégradé aux moyens d’existence limités, certaines populations n’ont pas les moyens de s’engager dans des migrations permanentes (Wiederkehr et al., 2018 ; Borderon et al., 2019). Le manque d’opportunité d’emplois et la baisse des revenus peuvent pousser des ménages à mettre en place des stratégies d’adaptation telles que la réduction du cheptel par la vente de têtes de bétail, le recours à de petites activités annexes génératrices de revenus ou une reconversion professionnelle. Toutefois, pour ceux qui ont les ressources nécessaires, la migration permanente d’un ou des membres du ménage représente un moyen de sortir du contexte de crise.

18À Gandiol, la migration permanente semble être une conséquence directe des dégradations environnementales provoquées par la Brèche, comme le suggèrent les données de terrain. Auparavant, la migration était principalement circulaire et saisonnière, car elle était en lien avec la pêche. La migration permanente serait un phénomène nouveau dans le but d’aider la famille à rester sur place et à continuer ses activités économiques (Tandian, 2015) grâce aux transferts financiers, de pratiques et de technologies (Sall et al., 2011 ; GERM, 2017). Même s’il n’existe pas de chiffres sur les migrations internationales et internes pour illustrer les nouveaux processus migratoires à Gandiol, cette hypothèse peut être vérifiée à l’aide d’un cadrage démographique simple.

19Le rapport de masculinité [5] présente un déséquilibre qui met en lumière un phénomène d’hommes « manquants ». Lors du dernier recensement (2013), on observe une quasi-parité entre les hommes et les femmes pour l’ensemble du pays, avec un rapport de masculinité de 99,4 hommes pour 100 femmes (ANSD, 2013), un équilibre que l’on retrouve aussi dans la région de Saint-Louis (99,5). Pourtant, le rapport de masculinité est de 80,2 à Gandiol, qui compte 21 182 habitants (tableau 1). Le déséquilibre des sexes y est donc plus marqué, par comparaison aux données nationales et régionales. Ce déséquilibre est encore plus grand pour les tranches d’âges entre 15 ans et 49 ans, avec un rapport de 60,8 hommes pour 100 femmes.

Tableau 1

Répartition par groupe d’âges des hommes et femmes à Gandiol en 2013

Tableau 1
Tranche d’âges Nombre d’hommes Nombre de femmes Nombre total des individus Rapport de masculinité (nombre d’hommes pour 100 femmes) 15-19 ans 966 1 285 2 251 75,2 20-24 ans 639 1 000 1 639 63,9 25-29 ans 508 962 1 470 52,8 30-34 ans 373 756 1 128 49,3 35-39 ans 355 653 1 007 54,4 40-44 ans 309 542 852 57 45-49 ans 240 379 619 63,3 Total des 15-49 ans 3 390 5 577 8 966 60,8 Total tous âges 9 427 11 755 21 182 80,2

Répartition par groupe d’âges des hommes et femmes à Gandiol en 2013

Source : ANSD, Recensement national de la population, 2013.

20Lors du recensement de 2002, le rapport de masculinité était de 90,2 pour les 36 villages et hameaux (sur 39) pour lesquels les données sont disponibles (ANSD, 2002). Ce phénomène d’hommes manquants s’est amplifié entre les deux recensements, période qui correspond à l’ouverture et l’agrandissement de la Brèche.

21Bien qu’on ne puisse affirmer formellement que le phénomène d’hommes manquants est uniquement une conséquence de l’émigration induite par la Brèche, ces chiffres soulignent un déficit d’individus masculins dans un contexte de dégradation environnementale.

III – Méthode

22Les données qualitatives ont été collectées durant les mois de juillet et août 2017 dans la commune de Gandiol. Treize villages (figure 1) ont été sélectionnés afin de représenter les principales activités économiques (le maraîchage, la pêche et l’élevage), ainsi que les trois principales ethnies (wolof, peule et maure). Seuls ont été interviewés des membres des ménages restés à Gandiol et qui bénéficient de transferts monétaires provenant d’un ou de plusieurs membres ayant migré. Le choix de ce profil d’enquêtés et l’utilisation de méthodes qualitatives a permis de collecter des données sur les représentations de la migration et des remises des migrants, ainsi que sur leurs expériences vécues. Il a été possible de mettre en avant des mutations et des évolutions des caractéristiques migratoires pour les habitants enquêtés. Au cours de ce travail de terrain, 64 entretiens semi-directifs (36 hommes de 20 ans à 85 ans et 28 femmes de 18 ans à 64 ans) ont été conduits, en essayant de représenter différents groupes sociaux.

Figure 1

Zone d’étude

Figure 1

Zone d’étude

Source : Taïs Grippa, OpenStreetMap.

23L’étude a été réalisée avec l’aide d’un assistant de recherche, habitant de Gandiol et actif dans le développement durable de la commune, ce qui a permis d’avoir des accès facilités auprès des autorités coutumières. Il a aussi travaillé en tant que traducteur, car la plupart des personnes interviewées avaient une connaissance limitée du français.

24Chaque campagne d’entretiens dans les différents villages a commencé par une rencontre avec les autorités coutumières afin d’obtenir l’autorisation du chef du village ou du conseil pour mener à bien les entretiens et mieux percevoir les problèmes auxquels le village devait faire face. Ce premier échange a permis l’accès à des notables ou à des personnes-ressources du village, grâce auxquels il a été possible de trouver les individus correspondant au profil recherché. Ensuite, les personnes interviewées ont elles-mêmes permis de rencontrer d’autres individus ayant ce profil.

25Cet échantillonnage en « boule de neige » représente plusieurs limites qui restreignent la possibilité de proposer une typologie exhaustive des mécanismes complexes entre envois monétaires, migration et adaptation. Il n’est pas possible d’aborder les questions de la mal-adaptation (Barnett et O’Neill, 2010) ou de l’échec de la migration pour l’adaptation via des transferts financiers. En effet, aucun entretien n’a été mené avec des ménages dont les migrants n’envoient pas d’argent ni avec des ménages sans migrant, ce qui ne permet donc pas d’établir si les foyers bénéficiant de transferts sont particuliers, par exemple si leurs réseaux et ressources financières sont plus importants.

26Après une première écoute des entretiens, neuf thématiques communes ont émergé. Les citations qui les illustraient ont été retranscrites et classées par thème. Ce traitement a permis d’observer l’émergence de quatre formes d’adaptation par la migration. Puis les citations ont été classées selon ces formes d’adaptation, ce qui a confirmé la typologie proposée. Enfin, les résultats sont aussi issus d’observations faites sur le terrain et de conversations informelles.

IV – Typologie des conséquences de la migration sur les stratégies d’adaptation aux changements environnementaux

27Cette partie présente la typologie des effets de la migration sur les stratégies d’adaptation des ménages en l’illustrant de citations tirées des entretiens semi-structurés. Sont exposées en premier lieu les conséquences économiques de la Brèche sur le vécu des interlocuteurs à travers la salinisation, sa dangerosité et l’apparition de l’endettement de certains ménages. Suit une présentation des opportunités que suscitent les transferts monétaires au sein des ménages pour s’adapter, en proposant trois types de stratégies : la diversification des sources de revenus garantit aux ménages la couverture des besoins quotidiens et permet à certains de rembourser leurs dettes ; l’optimisation des techniques agricoles et de pêche aide à continuer à travailler et à sauvegarder un minimum vital ; la construction de nouvelles habitations loin du rivage et le développement d’infrastructures de base confèrent une plus grande perception de sécurité pour les communautés. Pour finir, on a pu observer que les modifications au sein des structures des ménages occasionnées par l’émigration masculine ont engendré différentes initiatives d’adaptation de la part de certaines femmes.

1 – Les conséquences économiques de la Brèche

28Avec la traversée périlleuse de la Brèche et la diminution du nombre de jours potentiels de pêche, les envois monétaires permettent de combler une partie du manque à gagner et d’assurer ainsi les dépenses journalières des ménages lorsque la puissance de la houle ne permet pas de sortir en mer. Il a été demandé à un pêcheur de Tassinère et à un autre de Pilote quels sont pour eux les principaux problèmes environnementaux de Gandiol. Les deux réponses témoignent de la difficulté de pêcher à Gandiol :

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« Le principal problème est la Brèche, qui a gâté les opportunités de travail. Le passage de la Brèche est difficile. Jusqu’à aujourd’hui on peut compter plusieurs centaines de morts. »
(Pêcheur de Tassinère, 55 ans)

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« Maintenant il y a moins de poissons. Avant la Brèche, on pouvait pêcher les langoustes dans le fleuve et des poissons d’eau douce. Avec la salinisation du fleuve et la diminution des espèces, je dois toujours aller plus loin. Avec la Brèche, c’est difficile de pêcher à cause des courants, des ordures et des arbres arrachés qui sont amenés et qui détruisent mon matériel. »
(Pêcheur de Pilote, 58 ans)

31La salinisation des sols et des nappes phréatiques a réduit la diversité des cultures, le rendement et le nombre de récoltes. Auparavant, les champs se situaient au sein des villages, parfois juste devant les habitations. Maintenant, les terres arables se trouvent à plusieurs kilomètres. Il faut donc aller toujours plus loin et forer toujours plus profond pour trouver de l’eau douce. En raison des conditions d’exploitation devenues plus difficiles, une partie des champs ont été abandonnés. Un maraîcher du village de Mbao nous explique les conséquences de la salinisation sur ses champs :

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« J’ai abandonné trois champs qui sont devenus salés. Beaucoup de personnes ont abandonné leurs champs. Auparavant, je cultivais aussi des patates, des choux et des tomates. Maintenant, je produis uniquement des oignons. Mes rendements ont baissé. Avant, un hectare pouvait produire cinq à six tonnes. Aujourd’hui, je suis content si un hectare produit trois tonnes. Tout a changé quand l’eau est devenue salée. Mes charges augmentent, car je dois régulièrement changer de puits. Celui que j’utilise actuellement est à plus de six cents mètres de mes champs. »
(Maraîcher de Mbao, 60 ans)

33La diminution des moyens de subsistance du fait de la réduction des activités de pêche et de maraîchage a obligé certains ménages à faire des emprunts financiers. Un maraîcher du village de Mboumbaye parle de l’apparition du processus d’endettement quand sont évoquées les conséquences économiques de la Brèche :

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« Il y a eu l’apparition d’emprunts d’argent plus fréquents et la création d’une mutuelle de crédit. Avant la Brèche cela n’existait pas. Avant on avait la possibilité d’économiser maintenant les gens empruntent. Avec l’argent emprunté, ils investissent dans les champs et l’utilisent pour les dépenses journalières. »
(Maraîcher de Mboumbaye, 52 ans)

35Le phénomène d’endettement apparaît comme une résultante de la baisse des activités économiques. La migration peut alors s’imposer comme une solution alternative à l’emprunt, mais surtout comme une possibilité viable pour garantir un minimum vital.

2 – Diversification des moyens de subsistance grâce aux transferts monétaires

36L’érosion côtière et ses conséquences ont réduit les revenus des individus rencontrés, qui sont particulièrement dépendants de l’environnement pour vivre. Dans ce contexte, la migration et le recours aux envois d’argent diversifient les moyens de subsistance afin d’assurer un minimum vital.

37Certains pêcheurs ont toujours migré de manière circulaire et temporaire en partant en campagne pour suivre les bancs de poissons. L’ouverture de la Brèche a modifié cette pratique. L’envoi permanent d’un ou de plusieurs membres du ménage dans d’autres régions du Sénégal permet de couvrir les besoins quotidiens du ménage à travers les transferts monétaires. Et lorsque le migrant revient, il peut apporter des denrées alimentaires qui sont particulièrement chères dans la région de Gandiol. Le témoignage d’un pêcheur de Tassinère illustre comment ces deux formes de soutien constituent une stratégie de diversification des revenus et des denrées alimentaires :

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« Si la mer est agitée et que je ne peux pas sortir, l’argent que je reçois me permet de compenser pour acheter les besoins quotidiens. Ce sont souvent des envois ponctuels ou mensuels, cela dépend de ce que la mer donne à mon fils. Quand mon fils revient, il ramène aussi des produits des autres régions qui sont moins chers, par exemple de la pâte d’arachide ou des mangues. »
(Pêcheur, Tassinère, 52 ans)

39Une vendeuse de poissons du village de Pilote nous explique qu’elle dépend des transferts financiers de ses deux enfants pour l’achat de la nourriture quotidienne. Son fils pêcheur est parti travailler sur la Petite-Côte et sa fille vit en Espagne avec son mari sénégalais.

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« Avec la Brèche, il n’y a plus de poisson. Mon mari ne pêche pas assez pour nourrir tout le monde. Alors je prends l’argent que mon fils et ma fille m’envoient pour mes besoins quotidiens. »
(Vendeuse de poissons, Pilote, 54 ans)

41Les dégradations environnementales n’ont pas modifié les habitudes de mobilité des ménages maraîchers – contrairement à celle des pêcheurs – mais ont créé des nouveaux mouvements migratoires. Parmi ces populations, ce sont surtout les jeunes hommes qui sont partis, principalement dans les centres urbains pour effectuer des travaux informels. Une vendeuse d’oignons de Dièle Mbame témoigne de la nécessité que des membres du ménage migrent pour assurer un minimum de moyens de subsistance :

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« Les jeunes sont partis, car ils n’avaient pas de travail pour satisfaire les besoins de leurs parents. Avant la Brèche, les gens ne partaient pas, car ils travaillaient dans la mer, dans le fleuve et dans les champs. Mon mari travaillait dans les champs, maintenant il ne peut plus travailler. C’est un de mes fils qui est parti pour nous soutenir. »
(Vendeuse d’oignons, Dièle Mbame, 61 ans)

43Le transfert d’argent permet de combler directement une partie du manque à gagner causé par la salinisation et la réduction des récoltes. La baisse des revenus a forcé certains ménages à contracter des emprunts auprès de mutuelles et des crédits dans des boutiques. Les transferts monétaires permettent aux ménages de rembourser leurs dettes et de les libérer de pressions financières comme le souligne un chef de village :

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« Les habitants n’arrivent plus à travailler dans les champs. Ils sont souvent obligés d’emprunter dans les boutiques pour manger, car les récoltes ont diminué. Avant ils n’empruntaient pas parce que nos champs nous donnaient beaucoup de fruits et de légumes. On avait une sécurité pécuniaire et alimentaire. Mais l’argent des fils nous permet d’avoir moins de poids sur nos épaules. »
(Chef de village, Gandiol, 75 ans)

45Les dégradations environnementales causées par la Brèche ont forcé certains ménages à diversifier les sources des moyens de subsistance à travers les remises monétaires qui jouent un double rôle. L’argent envoyé par les migrants assure les besoins quotidiens des ménages et permet aux ménages endettés de rembourser leur dû.

3 – Optimisation des investissements

46Les retours financiers des migrants ont permis pour certains maraîchers de continuer leurs activités et de ne pas abandonner des parcelles en optimisant les techniques de culture. Dans le passé, on pouvait trouver de l’eau douce à quelques mètres de la surface. À l’heure actuelle, il est nécessaire de forer des puits à plusieurs dizaines de mètres de profondeur et d’être équipé de pompes. Un cultivateur d’oignons du village de Gouye Reine évoque la nécessité d’être aidé financièrement par son fils pour continuer à exploiter ses champs :

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« Des fois, les charges pour entretenir le matériel de mes champs sont tellement élevées que je n’ai rien pour vivre. Quand cela arrive, c’est mon fils qui m’envoie de l’argent pour maintenir les champs. Sans mon fils, je n’aurais pas eu les moyens de forer et d’acheter une machine pour pomper l’eau. »
(Cultivateur d’oignons, Gouye Reine, 65 ans)

48Ce passage à la motorisation de l’agriculture permet à certains maraîchers de conserver des cultures diversifiées et d’avoir plusieurs récoltes par année.

49Certains pêcheurs, grâce à l’argent envoyé, ont pu changer leur équipement pour s’adapter au changement de l’environnement et à l’arrivée de nouvelles espèces de poissons. La forte houle de la Brèche exige de puissants moteurs pour réduire le risque de chavirer lors des traversées. La réduction des ressources halieutiques pousse les pêcheurs à se rendre plus au large et à y rester plus longtemps. L’allongement de la durée des campagnes de pêche nécessite la construction de pirogues plus grandes. Certains pêcheurs ont commencé à exploiter des espèces qu’ils ne pêchaient pas auparavant. Des achats de nouveaux filets et l’acquisition de nouvelles techniques ont été nécessaires. Le témoignage d’un pêcheur du village de Pilote illustre le besoin d’investir dans du nouveau matériel :

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« La Brèche a fait beaucoup de dégâts matériels et humains. Beaucoup de personnes sont mortes en chavirant dans la Brèche. Grâce à l’argent que j’ai reçu, j’ai pu acheter une grande pirogue. Il devient difficile de travailler assez pour gagner de quoi manger, car il y a peu de poissons dans le fleuve. C’est mieux de pêcher dans la mer durant la nuit, mais il est extrêmement dangereux de traverser la Brèche la nuit. Aussi, j’ai dû apprendre à utiliser des nouveaux filets comme des filets de fonds ou tournoyants. »
(Pêcheur, Pilote, 50 ans)

51Les transferts financiers peuvent jouer un rôle de premier plan pour aider certains ménages à optimiser les techniques de maraîchage et de pêche, ce qui leur garantit un niveau minimum de moyens de subsistance à long terme. Cette optimisation permet d’évoluer dans un milieu qui change rapidement et d’atténuer les conséquences des dégradations environnementales, tout en sauvegardant des techniques et des savoir-faire.

4 – Le rôle de protection des envois monétaires

52Des migrants qui ont réussi économiquement construisent des maisons dans leur village d’origine, dans le but d’y revenir de manière temporaire ou permanente. Ces demeures sont généralement assez grandes pour accueillir toute la famille. Cette stratégie d’investissement peut permettre de garder un lien fort avec la communauté d’origine, mais elle garantit aussi un refuge en cas de submersion marine. Un chef de village a fait part de son expérience lorsqu’a été abordée la question des conséquences de l’émigration sur le village :

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« Chaque génération a ses idées. Ma génération ne pensait pas à partir. Deux de mes fils sont en Espagne. Un a des papiers et l’autre pas. Il a des boulots clandestins qui changent souvent. Cela fait douze ans qu’ils sont partis. Un matin j’ai reçu un sms : « On est prêt à partir. » Celui qui a des papiers, il a construit une grande maison éloignée du bord du fleuve pour la famille. On vit maintenant en sécurité. »
(Chef de village, 68 ans)

54Pour les villages menacés par l’érosion côtière, les envois d’argent permettent de construire des logements loin du rivage afin de se mettre à l’abri des submersions marines. Mais ces chantiers participent aussi au développement des villages, en particulier en matière d’infrastructures. L’installation de ces maisons dans des zones non desservies par des services de base a permis d’amener l’eau et l’électricité. Par exemple, le départ des habitants de Doun Baba Dièye a permis de créer le nouveau quartier de Boutou Ndour dans le village de Dièle Mbame. Les autorités ont raccordé tout le village au réseau électrique et hydraulique. Un retraité du village évoque ce développement :

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« Avec la venue des nouveaux habitants, il y a eu un développement. Avant il n’y avait pas d’eau, pas d’électricité et pas d’activité économique. Maintenant il y a l’eau, l’électricité, un petit marché et des boutiques. Ça s’est développé très vite. Quand les gens sont venus cela a attiré d’autres personnes, même de Saint-Louis, car il y a beaucoup d’inondations en ville durant l’hivernage. »
(Homme retraité, Dièle Mbame, 70 ans)

56Dans la même optique de développement, un marabout met en avant que les transferts monétaires des migrants s’accompagnent souvent de transferts de connaissances qui participent à l’essor des villages :

57

« Les départs sont des opportunités, car tout ce que les migrants gagnent cela revient dans le village. C’est un grand développement dans le village. Ils partent, ils vont apprendre quelque chose ailleurs et cela se reporte sur le village. Quand ils gagnent de l’argent, cela améliore la vie de la famille. Avant nous vivions que sous des tentes et maintenant nous avons des maisons. »
(Marabout, Gandiol, 47 ans)

58Un chef de village aborde les notions de bonheur et d’abondance. Il semblerait que la protection des infrastructures participe à renforcer le sentiment de bien-être au sein du village :

59

« Le départ des gens, c’est ce qui a amené le bonheur au village. Avec le départ des jeunes, nous pouvons faire aujourd’hui des choses que nous ne pouvions pas faire avant. On peut réagir plus vite quand il y a une catastrophe ou quand on doit réparer un bâtiment, car on sait que l’on trouvera l’argent. Le départ des jeunes c’est un grand développement dans le village. »
(Chef de village, Gandiol, 66 ans)

60La construction de nouvelles habitations demande de la main d’œuvre. Néanmoins, le rythme de construction est lent et s’étend sur plusieurs années. Le travail disponible dans ce secteur est donc ponctuel et non permanent. Finalement, l’argent envoyé par les migrants permet d’entretenir les habitations déjà sur place et de rénover ou de construire des bâtiments communautaires. À Tassinère, un pêcheur à la retraite nous parle de sa vision positive de la migration en lien avec le développement du village :

61

« Les maisons ont commencé il y a quelques années. Les maisons sont construites par étape. Le départ des jeunes est une bonne chose. Cela permet un développement dans le village, car cela donne du travail avec les maisons construites. »
(Pêcheur retraité, Tassinère, 71 ans)

62La protection des personnes restées dans les villages semble passer par différents canaux d’adaptation. La construction de nouvelles maisons de la part des migrants protège la famille en l’abritant loin du rivage. Les nouvelles constructions et le déplacement de population ont permis de développer les infrastructures de base mais aussi de fournir du travail ponctuel. Finalement, le développement d’infrastructures dans les villages semble renforcer un sentiment de sécurité.

5 – Consolidation par l’intensification de l’activité des femmes

63Les dégradations environnementales ont provoqué une émigration masculine pour subvenir aux besoins des individus restants. Les femmes ont dû alors assumer de nouvelles charges et se créer de nouvelles opportunités pour y répondre. En s’intégrant dans la sphère économique, certaines sont sorties de la structure traditionnelle patriarcale du foyer. Il s’agit donc de créer de nouvelles opportunités de revenus qui participent à consolider les capacités d’adaptation du ménage.

64En raison de la salinisation du fleuve Sénégal, des coquillages et des huîtres sont apparus. Certaines femmes vont les pêcher et les transforment pour qu’elles soient vendues dans les zones à l’intérieur du Sénégal et dans les pays voisins où l’accès aux ressources halieutiques est moins aisé. La présidente d’un groupement d’intérêt économique (GIE) témoigne d’un des effets de l’émigration masculine sur le travail des femmes :

65

« Chez nous, les femmes s’émancipent et sortent du foyer pour travailler comme les maris sont partis. Souvent, elles pêchent les coquillages et les huîtres dans le fleuve. »
(Présidente d’un GIE, Gandiol, 43 ans)

66Un pêcheur du village de Keur Barka souligne l’importance du travail des femmes pour la survie du ménage :

67

« Les rendements ont baissé de moitié. Les jeunes partent, car il n’y a pas de travail. Avant, les femmes travaillaient moins. Maintenant, elles doivent compenser le départ du mari et travailler aussi pour avoir de l’argent tous les jours. »
(Pêcheur, Keur Barka, 52 ans)

68Une femme du village de Dégou Niayes raconte qu’elle ne peut plus cultiver son champ en raison de la salinisation. Son mari est parti pêcher sur la Petite-Côte et, avec l’argent qu’il envoie, ils ont agrandi leur maison. Elle-même pêche les coquillages dans le fleuve et cette nouvelle occupation lui permet de subvenir aux besoins quotidiens :

69

« Mon mari est parti pêcher sur la Petite-Côte. Il revient une fois par an avec l’argent et nous agrandissons notre maison. Quand j’en ai vraiment besoin [de l’argent], il m’en envoie. Mais je dois assurer les dépenses quotidiennes pour nourrir mes enfants. Je ne peux plus utiliser mon champ devant ma maison, alors j’ai décidé de pêcher les coquillages et les huîtres. Mais c’est très pénible comme activité. »
(Pêcheuse de coquillages, Dégou Niayes, 49 ans)

70La pénibilité de ces activités peut limiter leurs effets émancipateurs. Leur rudesse en réduit l’attractivité et peut laisser certaines femmes dépendantes des ressources du ménage.

71Elles réalisent aussi d’autres travaux. Par exemple, des GIE se sont créés pour mettre en place des moulins à céréales. Ces groupements fonctionnent comme des agences de microcrédit à petite échelle. Cela permet à certaines femmes d’emprunter pour se lancer dans une activité commerciale, notamment pour celles qui ont peu d’opportunités de travail. Une vendeuse de légumes dans un marché du village de Mbao explique comment le GIE l’a aidée à ouvrir un petit commerce :

72

« Il y a un grand exode rural des jeunes à cause de la Brèche qui a pris tout le travail. Il y a un manque d’opportunité de travail pour les femmes. C’est pour cela que l’on se regroupe en GIE. Seules les femmes restent au village. Avant, les femmes pouvaient travailler dans l’agriculture. Beaucoup d’entre nous ont perdu leurs champs à cause du sel. Tu dois te débrouiller et trouver de quoi gagner comme les hommes sont plus là. Alors j’ai décidé d’ouvrir mon petit commerce et j’ai été financièrement aidée par le GIE. Avec l’eau salée, je ne trouve plus de bonne qualité de légumes. Je dois prendre le taxi pour acheter des bons légumes. »
(Vendeuse de légumes, Mbao, 54 ans)

73D’autres femmes ont choisi de travailler dans les grandes entreprises légumières de la vallée du fleuve Sénégal. Néanmoins, cette activité dans les champs représente beaucoup de contraintes pour les familles et reste peu lucrative. Elle est donc une option de dernier recours. Une femme du village de Geumbeul qui cueille des haricots de manière ponctuelle dans une grande entreprise légumière explique la rudesse d’une journée de travail lorsqu’on lui demande quelles activités alternatives elle peut exercer :

74

« Je vais travailler dans une entreprise récolter les haricots. Il faut que je remplisse trois caissettes pour avoir 2 000 CFA par jour. Je dois partir à 4 h du matin et je reviens à 18 h le soir. Le travail est très pénible et la saison n’est pas longue. »
(Ouvrière agricole, Geumbeul, 36 ans)

75La salinisation du fleuve Sénégal offre des opportunités d’activités économiques. L’apparition de coquillages et d’huîtres permet pour certaines femmes de garantir un revenu régulier. D’autres se sont organisées en GIE pour améliorer leurs activités et créer des opportunités d’emplois. Celles qui ne bénéficient pas de nouvelles sources de revenus peuvent se tourner vers des entreprises privées pour exercer des emplois moins lucratifs. Ces différentes formes de sortie de la structure traditionnelle patriarcale ont modifié l’organisation de la production économique et contribuent à consolider les ressources du ménage.

Conclusion

76L’ouverture de la Brèche dans la commune de Gandiol constitue un cas d’école pour étudier les conséquences de la migration sur les stratégies d’adaptation. La Brèche et ses conséquences environnementales et sociales ont les caractéristiques d’évènements environnementaux soudains et de dégradations environnementales lentes (Privara, 2019). L’érosion côtière se produit souvent de manière ponctuelle, à travers des épisodes de submersions marines qui détruisent des habitats et des écosystèmes. Les conséquences de ces submersions, comme la salinisation des sols et des nappes phréatiques, sont des processus lents. D’un point de vue environnemental, l’augmentation du processus érosif global et de la salinité des sols et des nappes phréatiques sont des manifestations projetées et attendues du changement climatique. Gandiol permet donc d’étudier en même temps et sur un même site des aléas de natures différentes.

77Il est difficile de dissocier les effets des changements environnementaux sur une population de ceux des changements sociétaux. Cela est particulièrement vrai pour apprécier le facteur environnemental par rapport aux autres facteurs impliqués dans la décision de migrer. Les conséquences environnementales et sociétales sont imbriquées et interagissent avec les conditions de vie d’une population. Si, d’un point de vue environnemental, le cas de la Brèche peut être représentatif des conséquences de l’érosion côtière en Afrique de l’Ouest, il est plus difficile de l’affirmer pour ses conséquences sociales. Il n’existe en effet qu’un nombre limité d’études de cas s’intéressant plus ou moins directement à l’érosion côtière et à la migration dans la région (Dossou et Glehouenou-Dossou, 2007 ; Codjoe et al., 2017 ; Ozer et al., 2017 ; Zickgraf, 2018). Néanmoins, comme le montre cette analyse, les résidents ont une perception claire des conséquences de l’ouverture de la Brèche sur leurs conditions de vie et de la nécessité de bénéficier de transferts monétaires. On peut donc confirmer l’hypothèse d’un lien entre les dégradations environnementales et l’émigration masculine à Gandiol. Cette dernière a produit des changements sociétaux qui sont en partie les conséquences du déséquilibre démographique entre les hommes et les femmes.

78Les entretiens ont mis en lumière un usage des envois d’argent à court, moyen et long terme. L’utilisation de ces transferts sert en premier lieu à diversifier les sources de revenus des ménages. Ce résultat rejoint un large consensus dans la recherche (Tacoli, 2011 ; Lo et al., 2014 ; Lalou et Delaunay, 2015 ; Tandian, 2015 ; Wade et al., 2017 ; Zickgraf, 2018 ; Sakho et al., 2019). Une telle stratégie joue un double rôle dans le processus d’adaptation à court et moyen terme. Elle sert d’abord à assurer les besoins vitaux lors de chocs environnementaux. Pour les ménages endettés, ces revenus supplémentaires permettent de rembourser leurs créanciers. La stratégie d’optimisation via l’investissement dans de nouvelles techniques agricoles et de pêche favorise par ailleurs la possibilité, pour les ménages, de disposer de revenus minimums réguliers et réduit les risques de dépendance vis-à-vis de ces envois. Elle permet aussi de sauvegarder, dans une certaine mesure, un patrimoine de savoir-faire.

79La construction de nouvelles maisons et de bâtiments communautaires, ainsi que leur entretien, agissent comme un vecteur de protection à plusieurs niveaux. Outre qu’elle met des familles à l’abri des risques de submersion marine, elle procure du travail ponctuel à la communauté. Ce point rejoint une observation générale pour le Sénégal qui souligne que les investissements des migrants dans l’immobilier a changé le paysage des villages (Wade et Wade, 2018) et stimulé le secteur de la construction (Tandian, 2015). On peut supposer que ces stratégies de protection agissent sur le long terme, car elles participent à procurer un sentiment de sécurité.

80Enfin, l’émigration importante des hommes a eu des conséquences sur la division du travail et sur les structures traditionnelles patriarcales. La participation des femmes à des activités rémunérées garantit un minimum de moyens de subsistance à long terme pour les ménages et favorise le travail féminin (consolidation). Bien que cette analyse montre que les transferts peuvent fonctionner comme un levier de développement pour Gandiol, il est important de rappeler que ces résultats ne sont pas généralisables à tous les ménages de la zone d’étude en raison du profil des personnes enquêtées, toutes recevant de l’argent d’un membre du ménage en migration.

81Si la stratégie de diversification a déjà été décrite dans la recherche, c’est moins le cas des stratégies d’optimisation, de protection et de consolidation. Cette étude tente donc d’apporter un nouvel éclairage sur l’adaptation des populations via la migration, dans un contexte de dégradations environnementales. Même si ces stratégies ont été présentées distinctement, il est possible qu’elles se combinent.

82L’utilisation d’une typologie aide à comprendre le phénomène grâce à des vues d’ensemble plus schématisées de situations de crise complexes. Cela facilite la comparaison et peut favoriser l’émergence d’informations plus transversales pour le Sénégal – et plus largement pour l’Afrique de l’Ouest. La typologie proposée peut servir de cadre de référencement pour étudier l’incidence des stratégies d’adaptation sur l’évolution démographique des communautés côtières ouest-africaines touchées par des dégradations environnementales.

83La littérature s’est particulièrement intéressée aux envois effectués par les migrants de pays de l’OCDE. Cependant, un des acquis du champ des migrations environnementales en Afrique de l’Ouest souligne que le changement climatique et les dégradations qui en découlent peuvent inhiber la migration internationale (Henry et al., 2004 ; Brüning et Piguet, 2018 ; De Longueville et al., 2019), mais qu’ils favorisent la migration interne dans le pays ou la sous-région. La migration internationale demande beaucoup de ressources, qui sont souvent diminuées du fait des changements climatiques. Il serait alors plus adéquat de réorienter la recherche vers les transferts monétaires internes.

84Dans un premier temps, il s’agirait d’évaluer quantitativement ces flux financiers, leur nature, les canaux d’envois internes et les conséquences sur les stratégies d’adaptation, afin d’observer s’il y a des différences avec les transferts internationaux. Dans un second temps, il faudrait essayer de comprendre, à travers des études qualitatives, comment la perception des envois internes influence la mise en place de stratégies d’adaptation. L’envoi ne se fait pas nécessairement à sens unique, puisque le migrant peut bénéficier de transfert d’argent de la part de son ménage d’origine. Il serait donc intéressant d’étudier dans quelles situations se font ces envois et comment l’argent est utilisé. Un migrant qui arrive dans un nouveau lieu de vie est porteur de pratiques et de normes. Dans cette optique, il conviendrait également d’étudier les effets de l’arrivée de nouveaux individus et les conséquences de l’immigration sur les capacités d’adaptation des populations dans les sociétés d’accueil.

85Le continent africain est le plus vulnérable face aux variations environnementales (GIEC, 2007). Il est donc légitime de s’attendre à une augmentation de la migration – principalement interne aux pays et à la sous-région –, et ce d’autant plus que la mobilité est ancrée dans les structures culturelles de l’Afrique de l’Ouest (Mortimore, 1989). Afin de mieux planifier l’adaptation dans un contexte de dégradation du littoral, il est nécessaire d’obtenir plus d’informations sur les processus sociaux en jeu (Curtis et Bergmans, 2018). Ces données sont importantes pour le Sénégal, qui doit faire face à un manque de concertation et d’harmonisation des politiques publiques (Wade et al., 2017), notamment en matière de planification de l’adaptation au changement climatique.

Annexe

Saint-Louis et la commune de Gandiol en 2003

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Saint-Louis et la commune de Gandiol en 2003

Source : Google earth.

Saint-Louis et la commune de Gandiol en 2016

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Saint-Louis et la commune de Gandiol en 2016

Source : Google earth.

Notes

  • [1]
    La langue de Barbarie est une bande de sable longue d’une trentaine de kilomètres, qui sépare l’océan du fleuve Sénégal et du continent.
  • [2]
    Voir cartes en annexe.
  • [3]
    Voir Durand et al. (2010) pour les conditions de la construction de la Brèche et son efficacité ; Rey et Fanget (2017) pour une critique de cette construction ; Sy et al. (2015) pour l’évolution hydrogéomorphologique de la Brèche.
  • [4]
    Pour sélectionner les études de cas de cet article, on a utilisé Climig Database, l’outil de recherche bibliographique développé par l’Institut de géographie de l’université de Neuchâtel. Il s’agit d’une base de données en ligne qui recense toutes les publications traitant des migrations liées à l’environnement. https://www.unine.ch/geographie/climig_database. Les mots-clés utilisé ont été « africa » et « senegal », avant de faire une sélection manuelle des articles.
  • [5]
    Le rapport de masculinité permet de comparer l’effectif masculin et l’effectif féminin dans une population. Ce rapport est exprimé en nombre d’hommes pour 100 femmes. Un chiffre supérieur à 100 illustre une majorité masculine ; inversement, un chiffre inférieur à 100 illustre une majorité féminine. https://www.ined.fr/fr/lexique/rapport-de-masculinite/
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Français

La commune de Gandiol, située au nord du Sénégal, est affectée par un phénomène d’érosion côtière engendré par l’action anthropique et accentué par le changement climatique. Les submersions marines provoquent une salinisation du fleuve Sénégal, des sols et des nappes phréatiques, dans une région qui vit essentiellement de la pêche, de l’agriculture et de l’élevage. L’avancée de la mer, couplée à l’augmentation de la salinité, provoquent donc une perte d’habitats et de moyens de subsistance pour les populations locales. Face à ces dégradations environnementales, la migration fait partie des stratégies d’adaptation. Après avoir présenté les contextes environnementaux et migratoires propres à Gandiol, ainsi que le contexte théorique, cet article expose une typologie des conséquences de la migration sur les stratégies d’adaptation aux modifications climatiques. L’utilisation des transferts monétaires de la part des migrants prend différentes formes : diversification des ressources, optimisation des investissements ou protection contre les aléas futurs, mais aussi intensification de l’emploi des femmes.

  • érosion côtière
  • salinisation
  • changement climatique
  • dégradations environnementales
  • migration
  • adaptation
  • Sénégal
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Loïc Brüning
Université de Neuchâtel, Institut de géographie, Suisse
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 07/01/2022
https://doi.org/10.3917/popu.2103.0519
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