1L’ouvrage analyse l’encadrement des séparations conjugales en France et au Québec, au prisme des conséquences de l’action de l’État sur la vie privée et, en particulier, sur la reproduction des inégalités. La recherche est fondée sur une étude empirique d’ampleur (principalement d’observations et d’entretiens) et sur la comparaison internationale. Les lecteurs informés ne seront pas surpris de découvrir que les couples ne sont pas tous égaux vis-à-vis du divorce. La contribution principale de cet ouvrage est de montrer et d’illustrer la reproduction des inégalités « en train de se faire » dans le traitement juridique des processus de séparation, sans pour autant perdre de vue le rôle d’un contexte politique et social plus large. L’approche comparative est ici un outil méthodologique clé, car elle permet d’illustrer les mécanismes propres à chaque contexte.
2En effet, la France et le Québec gèrent de manière différente les séparations, et celles-ci ont des conséquences différentes pour les familles, que ce soit au niveau économique – par l’attribution de compensations et de pensions alimentaires – ou les rapports entre les membres de la famille – à travers la définition des modes de garde et des droits de visite. Les inégalités de genre sont bien présentes tout au long du processus, car pères et mères ne sont pas confrontés aux mêmes attentes et situations. L’ouvrage pointe les facteurs à l’origine de ces différences, qui passent principalement par les cultures juridiques, les configurations politiques et les normes sociales. L’articulation de ces éléments est illustrée par de nombreux exemples, tirés d’interactions réelles entre les professionnels juridiques et les familles, recueillis par l’auteure dans les deux pays. Les différents matériaux empiriques mobilisés rendent vivante et complexe la reproduction des inégalités, et montrent jusqu’à quel point elle est encastrée dans plusieurs instances du processus, dans les normes et les pratiques des acteurs et des institutions. Des attentes des avocat·e·s et juges aux règles de composition d’un « bon » dossier, les inégalités sociales imprègnent les interactions et influencent le déroulement du processus.
3Malgré l’encadrement différencié des séparations selon le pays, des ressemblances se dégagent aussi. Les deux pays reproduisent les inégalités, qu’elles soient socioéconomiques (un peu plus au Québec) ou de genre (un peu plus en France). Par ailleurs, la même configuration familiale sort perdante : les familles monoparentales, et particulièrement les mères de milieu moins favorisé. Il s’agit de la structure familiale qui présente le risque le plus élevé de pauvreté en Europe, et la gestion des séparations, souvent à l’origine de cette situation, est donc importante à prendre en compte pour mieux aider ces familles.
4Finalement, l’ouvrage invite aussi à penser des solutions pour rendre les séparations plus égalitaires, et il pointe la nécessité d’un changement de fond. La simple transposition de pratiques, si prometteuses soient-elles, d’un pays à l’autre, ignorerait les articulations avec la complexité du contexte, richement illustrées dans cette recherche.