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Dans un contexte de pauvreté, les migrations, qu’elles soient internes ou internationales, sont souvent un moyen d’améliorer le niveau de vie des familles. L’observation et la compréhension de ces mobilités ne sont pas aisées et nécessitent de renouveler les instruments de recueil de données. C’est le cas des dispositifs d’enquête multisites, aux lieux d’origine et de destination, ou du recours à la géolocalisation.  Ici, les auteurs utilisent les coordonnées GPS des lieux de départ et d’arrivée des individus à deux dates, en 2006 et 2012, pour étudier les mobilités internes au Sénégal. Ils mettent en évidence des comportements migratoires fortement genrés, tant en termes de motifs de départ, que de distance parcourue et de lieu de destination.

1L’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes influent sur le développement économique. Bien que l’importance de l’égalité des chances en matière d’accès à l’éducation (Abu-Ghaida et Klasen, 2004) et aux soins de santé (Bloom et al., 2015 ; Stenberg et al., 2014), ainsi que l’amélioration du pouvoir de négociation des femmes au sein de leur ménage (Duflo, 2012) aient fait l’objet de nombreux travaux, il reste à étudier en détail les déterminants et les effets des différences entre hommes et femmes dans l’accès aux migrations, en particulier en Afrique subsaharienne. Il est possible que les probabilités de migration diffèrent peu selon le sexe, mais les femmes pourraient être plus contraintes dans leurs déplacements, même si leur mobilité ne procède pas des mêmes raisons et n’a pas lieu dans les mêmes conditions. Au début des années 1990 ont été publiées les toutes premières études (Chant, 1992) sur les migrations féminines, qui donnaient à penser que, dans la plupart des pays en développement de l’époque, ces migrations étaient le plus souvent associées à des événements familiaux et n’avaient que peu de rapport avec le marché du travail, contrairement aux migrations masculines. Est-ce toujours le cas ? La question semble particulièrement pertinente, car l’accès inégal à la migration et les différents motifs de migration peuvent avoir des effets néfastes sur l’investissement des femmes dans l’éducation et sur leur autonomisation.

2Cet article étudie les caractéristiques et déterminants sexo-spécifiques des migrations internes et des distances parcourues au Sénégal. Il contribue à plusieurs égards à la littérature sur le sujet. Premièrement, il contourne les limites et les contraintes liées à l’utilisation d’unités administratives pour définir les migrations (Bell et al., 2015) : sont exploitées les données de panel individuelles issues d’une enquête représentative sur le plan national et les coordonnées GPS des enquêtés afin de suivre leurs déplacements dans le pays. Les distances de migration sont calculées précisément, et la mobilité individuelle est représentée à l’aide d’outils cartographiques. Deuxièmement, les différences entre hommes et femmes sont présentées en décrivant les variables démographiques et économiques corrélées avec la décision de migrer et avec la distance, au niveau de l’individu, du ménage et de la région.

I. Littérature et contexte

3Il est admis de longue date que les migrations sont nécessaires au développement économique. Si les premiers travaux d’économistes (Lewis, 1954 ; Todaro, 1969) insistaient sur le fait que les migrations résultaient de recherches d’emploi individuelles, des études ultérieures ont souligné leur fonction de diversification des sources de revenu des familles et de lissage de la consommation en cas de choc négatif sur le revenu (Stark, 1980 ; Stark et Lucas, 1988). Mais migrer pour trouver du travail n’est peut-être pas l’unique moyen d’atteindre ces deux objectifs. Cherchant à expliquer les liens entre mobilité et nuptialité, Rosenzweig et Stark (1989) ont montré que les familles rurales indiennes peuvent utiliser le mariage comme dispositif d’assurance quand les marchés de l’assurance sont incomplets et les risques météorologiques corrélés spatialement. Les familles dont les revenus agricoles sont plus fluctuants tendent à marier leurs filles avec des partenaires plus éloignés, dans le cadre d’un contrat implicite entre ménages destiné à atténuer les risques financiers et lisser la consommation par des envois de fonds.

4Les différences entre hommes et femmes en termes d’accès à la migration et de choix migratoires sont de plus en plus documentées depuis quelques décennies (Donato et al., 2006). De nombreuses études dans diverses disciplines ont souligné la mobilité géographique limitée des femmes, qui s’explique par les rôles sexués ou les contraintes familiales (Kanaiaupuni, 2000 ; Assaad et Arntz, 2005 ; Massey et al., 2006 ; Chort, 2014). Dans les pays développés, les motifs de migration diffèrent en fonction de la distance parcourue. Alors que la mobilité de proximité est associée à des questions de logement et de cycle de vie, les migrations plus lointaines sont liées au travail (Cordey-Hayes et Gleave, 1974 ; Clark et Huang, 2004 ; Niedomysl et Fransson, 2014).

5L’Afrique est sous-représentée dans la littérature qui traite de ce sujet. En outre, l’attention accordée essentiellement aux migrations internationales a pu quelque peu éclipser une mobilité interne plus modeste et peut-être plus féminine. Depuis les années 1980, les migrations internes de femmes se sont intensifiées au Sénégal et dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne (Antoine et Sow, 2000). Dans les sociétés patrilocales de la région, la mobilité interne des femmes est importante et souvent associée à la nuptialité (Kudo, 2015), mais les études qui s’intéressent davantage à la période récente dressent un tableau plus nuancé. Pour le Mali, Lesclingand et Hertrich (2017) ont constaté que la proportion de femmes migrant pour trouver du travail n’a pratiquement pas cessé d’augmenter à partir des générations nées en 1954, au point que les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes. Pour la Côte d'Ivoire, Comoe (2013) a montré que la mobilité des femmes était presque exclusivement liée à des motifs familiaux, ce qui remet en question leur prétendue autonomie en matière de choix migratoire. Concernant le Sénégal, Duboz et al. (2011) ont démontré que ces motifs familiaux étaient prépondérants chez les femmes qui migraient à Dakar. Vause et Toma (2015), dans une analyse comparative du Sénégal et de la République démocratique du Congo, ont établi que les femmes sénégalaises étaient moins susceptibles de se rendre à l’étranger que leurs homologues congolaises et moins susceptibles de migrer de leur seule initiative, probablement du fait de la plus grande rigidité du système patriarcal sénégalais.

6Les contributions à la littérature sur ce sujet se fondent généralement sur des données rétrospectives pour reconstruire les trajectoires migratoires (Herrera et Sahn, 2013 ; Vause et Toma, 2015 ; Lesclingand et Hertrich, 2017). Ces données sont sujettes à des biais de mémoire et de sélection ou ne se rapportent qu’à une seule région (Dakar pour Duboz et al., 2011 ; et Vause et Toma, 2015). De plus, la majorité des enquêtes et des recensements ne consignent que le lieu de naissance et le lieu de résidence au moment de l’enquête (voire quelquefois le lieu de résidence antérieur), ce qui peut masquer des migrations par étapes [1] ou des migrations circulaires [2]. Par ailleurs, les « lieux » déclarés peuvent ne pas être suffisamment spécifiques : la région ou le département peuvent être indiqués, mais pas le village (Bell et al., 2015). Cette relative imprécision n’est pas sans incidence sur la mesure des flux, car les individus qui se déplacent à l’intérieur d’une même unité administrative ne sont pas pris en compte.

7Évitant ces écueils grâce aux données issues d’une enquête représentative sur le plan national et à des coordonnées GPS pour mesurer les migrations, cet article fournit donc un éclairage sur la dynamique migratoire et les distances de migration dans le contexte d’un pays en développement (pour une vue d’ensemble, voir Lucas, 2016) et contribue ainsi à la littérature sociologique et anthropologique sur les différences sexo-spécifiques d’accès à la migration en Afrique subsaharienne.

II. Données

1. L’enquête de panel Pauvreté et structure familiale

8Nos données proviennent des deux vagues de l’enquête Pauvreté et structure familiale (PSF) conduite au Sénégal en 2006-2007 et 2010-2012 [3]. L’échantillon de la première vague, représentatif sur le plan national, inclut 1 750 ménages (14 450 individus) vivant dans 150 districts de recensement choisis au hasard. Tous les individus interrogés pendant la première vague ont été suivis, sauf à l’étranger, et forment un panel d’individus. Le taux d’attrition entre les deux vagues est de 11,6 % [4]. Les questions relatives à l’attrition sont examinées dans la section III.2.

9Les enquêtes PSF se prêtent particulièrement bien à l’étude des migrations internes, car elles donnent la localisation exacte des individus grâce à leurs coordonnées GPS. Ces informations nous permettent de calculer la distance orthodromique (distance la plus courte entre deux points à la surface d’une sphère) entre les localisations de la première et de la deuxième vagues. Si la géographie sénégalaise fait qu’il est compliqué d’utiliser les distances orthodromiques en raison de la position de la Gambie le long du fleuve du même nom, cette méthode de mesure est celle qui convient le mieux et la plus simple pour calculer les distances parcourues lors des migrations internes (Bell et al., 2002). En outre, l’essentiel de la mobilité depuis et vers la région située au sud de la Gambie (la Casamance, qui englobe les régions de Ziguinchor et de Kolda) est en rapport avec Dakar, comme le montre la figure 1. Dakar et Ziguinchor sont à nouveau reliés par ferry depuis 2005 (après le dramatique naufrage du Joola en 2002) et peu de voyageurs choisissent la voie terrestre. La distance orthodromique semble donc être une mesure indirecte pertinente de ces déplacements, même depuis et vers les régions du Sénégal au sud de la Gambie.

Figure 1. Déplacements individuels entre les deux vagues d’enquête PSF, par sexe, Sénégal

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Figure 1. Déplacements individuels entre les deux vagues d’enquête PSF, par sexe, Sénégal

10De surcroît, les données PSF fournissent de nombreux renseignements sur les caractéristiques sociodémographiques des individus et des ménages, ce qui permet de décrire très précisément les déterminants des migrations internes. Les données sur la consommation, en particulier, sont collectées pour chaque sous-groupe (ou noyau). Le noyau est une unité de consommation semi-autonome comprenant un ou une chef de noyau et les personnes à sa charge (enfants biologiques ou confiés, père ou mère veuf, etc.). On dénombre en moyenne 2,5 noyaux par ménage [5]. On est donc en mesure de prendre en compte la consommation, tant au niveau du ménage que du noyau. Dans toutes les régressions, sont incluses des variables pour la taille du ménage et du noyau, et pour la part de la consommation du noyau dans la consommation totale du ménage.

11Les localités qui figurent dans les données de l’enquête PSF sont classées comme urbaines ou rurales selon les catégories utilisées par l’Agence nationale de la statistique du Sénégal. Ces catégories sont utilisées pour décrire plus finement les schémas de mobilité, et les données provenant d’un échantillon de 10 % du recensement sénégalais de 2002 pour calculer des indicateurs de pauvreté et d’inégalité [6] au niveau du département, sur la base des frontières administratives de 2006 [7].

2. Statistiques descriptives

12Cette analyse se concentre sur les individus âgés d’au moins 15 ans, car, avant cet âge, la mobilité des enfants est plus susceptible d’être liée à celle de leurs parents ou au confiage. Par conséquent, la base de données initiale est réduite à un groupe de 6 941 individus (soit 8 356 en comptant les individus perdus entre les deux vagues, les décès entre les deux vagues d’enquête et les départs à l’étranger). Pour éviter les problèmes inhérents à l’utilisation des critères géographiques de l’administration, la définition des migrations internes se fonde sur la distance orthodromique entre les deux localisations calculées à partir des coordonnées GPS enregistrées. La distance de 5 kilomètres (environ une heure de marche) est choisie comme borne inférieure pour définir les migrations internes, car cette distance semble suffisante au Sénégal pour entraîner des coûts. Néanmoins, les résultats sont très similaires avec une limite fixée à 10 kilomètres. À partir des distances orthodromiques et en excluant les migrants à l’intérieur de Dakar [8], 556 individus se sont déplacés de plus de 5 kilomètres entre la première et la deuxième vague. Une autre mesure des distances est construite à l’aide d’outils Google pour calculer les distances routières entre les deux lieux (première et deuxième vagues d’enquête). Les deux mesures sont fortement corrélées [9] et les résultats de régression fondés sur les distances routières (consultables sur demande) sont très proches de nos principaux résultats obtenus avec les distances orthodromiques.

13Les migrants internes représentent 10,4 % des individus suivis dans le panel. Dans notre échantillon, ils représentent 63,7 % de l’ensemble des migrants (556 internes et 317 internationaux), ce qui fait de ces migrations internes un phénomène significatif. Le tableau 1 montre que les migrants internes sont plus susceptibles que les non-migrants d’être des femmes (59 % contre 55 %), tendent à être plus instruits (27 % ont un niveau d’études secondaires ou supérieures, contre 21 %) et sont plus jeunes (27 ans en moyenne contre 35 ans).

Tableau 1. Statistiques descriptives des non-migrants et des migrants internes au Sénégal

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Tableau 1. Statistiques descriptives des non-migrants et des migrants internes au Sénégal

14Sur le plan géographique, la mobilité est particulièrement intense dans la région de Dakar, en lien avec le développement urbain (Beauchemin et Bocquier, 2004). Ces données démontrent l’importance de Dakar en tant que ville de départ et de destination. En effet, 19 % des migrants internes venaient de Dakar et 26 % s’y sont installés entre les deux vagues d’enquête, ce qui représente 45 % de tous les migrants internes pour cette métropole où habitaient 20 % de la population sénégalaise en 2002 (ANSD, 2006).

15La figure 1 illustre la mobilité des hommes et des femmes entre les deux vagues de l’enquête, sur la base de leurs coordonnées GPS. Les nombreuses lignes convergeant vers Dakar témoignent de l’attrait qu’exerce la capitale sur les hommes et les femmes. Néanmoins, les comportements migratoires féminins sont plus divers et consistent plus souvent en déplacements courts et entre deux zones rurales, tandis que les migrations masculines sont presque exclusivement dirigées vers Dakar.

16La figure 2 représente la distribution par sexe des distances de migration supérieures à 5 kilomètres. Les distributions sont significativement différentes au seuil de 5 % selon le test de Kolmogorov-Smirnov. Les femmes sont plus susceptibles de parcourir de faibles distances, tandis que les hommes sont surreprésentés dans les déplacements sur de longues distances.

Figure 2. Distances de migration interne par sexe, Sénégal

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Figure 2. Distances de migration interne par sexe, Sénégal

17La figure 3 illustre, pour tous les migrants internes, la distribution des raisons de changer de ménage dans la deuxième vague en fonction de la distance parcourue. Il montre un fort contraste entre les raisons de migrer des femmes et des hommes. Quelles que soient les distances, 40 % à 60 % de la mobilité des femmes s’explique par le mariage, tandis que le travail et les études sont des raisons n’apparaissant qu’à la marge et uniquement pour les distances moyennes et longues. Certains individus migrent en raison de difficultés personnelles (maladie, problèmes familiaux, etc.) En revanche, 40 % à 66 % des migrations masculines de plus de 50 kilomètres sont en rapport avec les études ou le travail ; pour les distances courtes, il s’agit à 20 %-30 % d’hommes ayant réintégré leur ménage d’origine après être allés chercher du travail ailleurs.

Figure 3. Raisons de la migration, par sexe et par distance parcourue, Sénégal

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Figure 3. Raisons de la migration, par sexe et par distance parcourue, Sénégal

III. Méthode empirique

1. Modèles empiriques

18Nous étudions le rôle de variables individuelles comme le sexe, l’âge, le niveau d’études et la catégorie socioprofessionnelle. Soulignant la dimension du ménage dans la décision de migrer, Stark et Bloom (1985) et Rosenzweig et Stark (1989) se sont penchés sur la position relative des individus dans le ménage. De même, sont inclus parmi les variables explicatives le lien avec le chef du ménage ainsi que le rang de naissance, des travaux ayant montré qu’au Sénégal les aînés étaient plus susceptibles de migrer en raison des envois de fonds escomptés de leur part (Chort et Senne, 2015). On cherche aussi à déterminer si la pauvreté relative est l'un des facteurs potentiels de migration (Stark, 1984) à deux niveaux. Premièrement, au niveau des ménages, on exploite ici la richesse des données sur la consommation ventilées par noyau comme mesure indirecte de la situation économique relative, ou du pouvoir de négociation au sein du ménage, ou les deux. Deuxièmement, on étudie l’effet des inégalités à l’échelle du département, pouvant être associées positivement à l’émigration.

19La décision de migrer est estimée par un modèle probit dans lequel la variable dépendante est une variable indicatrice égale à 1 si l’individu i a migré à l’intérieur du pays entre les deux vagues de l’enquête. Les migrants internes sont définis comme des individus qui, à la deuxième vague, s’étaient déplacés de plus de 5 kilomètres par rapport au lieu où ils vivaient lors la première vague. Les habitants de Dakar lors de la première vague qui avaient migré au sein de l’agglomération dakaroise sont considérés comme des non-migrants. Faute d’informations rétrospectives complètes sur les trajectoires migratoires individuelles, il n’est pas possible de rendre compte des mobilités temporaires entre les deux vagues (individus ayant migré avant de réintégrer leur ménage d’origine).

20Les variables explicatives sont entre autres les caractéristiques des individus, des ménages, des communes et des départements pendant la première vague. Les variables individuelles sont le sexe, l’âge, le niveau d’études, l’origine ethnique, des variables indicatrices pour le confiage des enfants avant l’âge de 15 ans, et pour le rang d’aîné dans la fratrie, le lien avec le chef de ménage et la catégorie socioprofessionnelle. Les variables de contrôle pour les ménages et les noyaux comprennent la taille du ménage, un indice de consommation par équivalent-adulte, la taille du noyau et le ratio consommation du noyau/consommation du ménage. Les déterminants de la commune incluent des variables de contrôle pour l’environnement (urbain ou rural). Enfin, deux variables sont définies au niveau du département : une mesure de la pauvreté (taux) et une mesure des inégalités (indice de Gini) [10].

21Ce modèle est estimé à la fois sur l’échantillon complet et séparément pour les hommes et les femmes, puisque on suppose que les déterminants des migrations varient en fonction du sexe.

22Pour finir, on étudie les facteurs déterminant les distances parcourues. La variable dépendante est le logarithme de la distance orthodromique entre le premier et le deuxième lieu d’enquête (vagues 1 et 2) calculée à l’aide des coordonnées GPS enregistrées.

2. Traitement de l’attrition

23L’attrition est un aspect crucial quand on utilise des données de panel pour étudier les migrations. Parmi les individus enquêtés lors de la première vague, 89,4 % ont été pistés et interrogés à nouveau pendant la deuxième vague dans leur nouveau lieu de résidence. De nombreux individus qui ne figurent pas dans la deuxième enquête ont vraisemblablement quitté leur ménage d’origine et déménagé suffisamment loin pour que les enquêteurs ne puissent pas retrouver leur trace [11]. Il est donc probable que ces migrations internes contribuent à l’attrition. Toutefois, lorsque les caractéristiques observées des individus en question sont comparées avec celles de quatre groupes distincts, à savoir les migrants internes (qui ont parcouru plus de 5 kilomètres), les individus décédés, les migrants internationaux et les migrants de proximité (moins de 5 kilomètres), on constate qu’elles sont en moyenne plus proches des caractéristiques des migrants internationaux que de celles de tout autre groupe. Les similitudes concernent en particulier le niveau d’études, la catégorie socioprofessionnelle et le patrimoine du ménage ; les migrations internationales semblent donc être un facteur d’attrition plus important que les migrations internes. Néanmoins, pour analyser la sensibilité des résultats à l’attrition, nous estimons un modèle probit pour les migrations internes en traitant les individus sortis du champ comme des migrants internes [12].

24De surcroît, l’attrition pourrait être corrélée avec les distances de migration, mais le signe de la corrélation est incertain. Les individus qui partent loin de leur lieu de résidence initial sont peut-être plus difficiles à pister, mais la mobilité de proximité (intra-urbaine) peut elle aussi être un facteur d’attrition, car les liens de voisinage, qui pourraient éventuellement aider à retrouver la trace des individus « perdus », sont plus fragiles en zone urbaine. L’efficacité du pistage de ceux qui avaient déménagé reposait essentiellement sur l’exactitude des informations que la personne chargée de contrôler le travail de terrain pendant la deuxième vague avait recueillies, soit auprès des membres du ménage restés à l’adresse initiale, soit auprès de voisins quand l’ensemble du ménage avait déménagé. Comme nos estimations des facteurs déterminant les distances de migration peuvent être faussées par une attrition sélective, nous reprenons la méthode de Senne (2014) et estimons un modèle avec la procédure de sélection en deux étapes de Heckman (1979), en utilisant les variables indicatrices du contrôleur de la deuxième vague comme instruments exclus [13]. Leurs caractéristiques individuelles ont certainement un effet sur l’efficacité du pistage et donc sur l’attrition, mais pas sur les distances de migration.

IV. Résultats empiriques

1. Déterminants des migrations

25Un modèle genré se dessine clairement : les femmes sont plus susceptibles d’être des migrants internes (tableau 2). Ce schéma fortement féminisé mériterait d’être nuancé, car le modèle tenant compte de l’attrition montre que les hommes, qui ne peuvent cependant pas tous être considérés comme des migrants internes, sont plus susceptibles d’avoir été perdus entre les deux vagues. Néanmoins, le seul point commun aux migrations internes masculines et féminines est le fait qu’être un enfant, un frère ou une sœur du chef de ménage est associé à une probabilité significativement plus élevée de migrer.

Tableau 2. Modèle probit des migrations internes au Sénégal

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Tableau 2. Modèle probit des migrations internes au Sénégal

26La corrélation entre ethnie et migration n’est observée que pour les femmes. Les femmes d’origine diola et, dans une moindre mesure, sérère, sont plus susceptibles de migrer que les membres de l’ethnie wolofe, qui est la plus nombreuse au Sénégal (voir Brockerhoff et Eu (1993) au sujet des Sérères et des Diolas migrant vers les villes pour y être employées de maison).

27S’agissant du niveau d’études, les hommes ayant été scolarisés au moins quelques années dans le primaire sont plus susceptibles de devenir des migrants internes que ceux qui n’ont jamais été scolarisés ; chez les femmes, le niveau d’instruction n’influe pas de manière significative sur la propension à migrer.

28Chez les hommes, le revenu du ménage mesuré indirectement par la consommation par équivalent-adulte est corrélé positivement avec la probabilité de migrer. Les hommes sont en outre plus susceptibles de migrer à l’intérieur du pays quand leur noyau familial représente une part plus importante des dépenses du ménage. Ces deux constats semblent pointer des coûts plus élevés pour les migrations masculines, confirmant les statistiques descriptives relatives aux motivations différentes des hommes (principalement la recherche d’emploi ou la poursuite d’études) et des femmes (le mariage). Les hommes qui ne vivent pas à Dakar sont plus susceptibles de déménager que les femmes, et souvent pour rejoindre la capitale (figure 1), ce qui souligne l’importance de Dakar comme destination des hommes en quête de meilleures perspectives économiques.

29Enfin, on constate un effet positif de la pauvreté sur les migrations féminines uniquement, reflétant la persistance des migrations liées au mariage dans les régions les plus pauvres et reculées du pays (voir la discussion ci-après). À l’échelle régionale, la pauvreté est donc semble-t-il un « facteur de propulsion » puissant pour les femmes. Toutefois, inclure dans la régression le taux de pauvreté mesuré dans le lieu de destination ne permettrait pas forcémentde vérifier si les femmes se sont installées dans des zones plus prospères, compte tenu de la proportion importante de migrants internes partant pour Dakar [14].

Tests de robustesse

30Les résultats peuvent être faussés par le risque plus élevé d’attrition en cas de mobilité interne (section III.2). Pour évaluer ce biais, les individus sortis de l’enquête sont traités comme des migrants internes (voir le tableau annexe A.1) [15]. Contrairement à ce qu’indique le tableau 2, on ne constate plus que les femmes ont plus de probabilités de migrer que les hommes, parce que ces derniers ont plus tendance que leurs homologues féminines à disparaître de l’enquête entre les deux vagues. Le fait que les femmes migrantes soient plus faciles à suivre semble indiquer qu’elles sont moins susceptibles de couper les liens avec leur ménage d’origine. Les migrations féminines paraissent donc moins autonomes que leur pendant masculin. De surcroît, la part de l’attrition due à la perte de ménages complets est plus faible pour les femmes (45,9 % contre 52,3 % pour les hommes). Cette différence s’explique notamment par la perte fréquente de ménages urbains composés d’un homme seul, qui se caractérisent par une plus grande mobilité et une moindre insertion dans les réseaux de proximité.

31Cela étant, en dehors de la composition différente par sexe des populations sorties de l’enquête et des populations migrantes, les résultats du tableau 2 changent assez peu quand l’on traite les cas d’attrition comme des migrations internes. Pour les femmes, l’attrition est très certainement liée en partie à la grande mobilité des jeunes employées de maison (servantes ou petites bonnes), comme l’a décrit Lesclingand (2011) pour le Mali. Cette interprétation est étayée par la corrélation positive entre, d’un côté, l’attrition et, de l’autre, la variable indicatrice de la salariée et la variable du revenu du ménage, car seuls les ménages relativement aisés peuvent employer des domestiques. En revanche, l’attrition masculine pourrait être imputable en partie aux migrations internationales, car les époux des femmes dirigeant un ménage sont plus susceptibles de disparaître du champ d’observation, de même que les individus membres de ménages plus fortunés.

32Comme les décisions de se déplacer à l’intérieur du pays et à l’étranger sont probablement interconnectées, on a estimé un modèle logistique multinomial avec trois options : rester (la référence), migrer à l’intérieur du pays ou émigrer. Les résultats (disponibles sur demande) sont remarquablement proches de ceux présentés dans le tableau 2, avec seulement de légères différences au niveau des coefficients concernant les variables indicatrices de l’origine ethnique.

2. Distances de migration

33Le tableau 3 présente les estimations obtenues dans un second temps avec le modèle de sélection en deux étapes de Heckman (décrit dans la section 3.2), les variables indicatrices sur le contrôleur de la deuxième vague étant les instruments pour corriger les biais de sélection dus à l’attrition [16]. Confirmant ces statistiques descriptives, les femmes ne s’éloignent pas autant que les hommes de leur ménage d’origine, mais le coefficient n’est pas significatif. Les régressions par sexe montrent que les déterminants des distances de migration ne sont pas les mêmes pour les hommes et les femmes.

Tableau 3. Déterminants des distances de migration au Sénégal, estimation par le modèle de Heckman (deuxième étape)

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Tableau 3. Déterminants des distances de migration au Sénégal, estimation par le modèle de Heckman (deuxième étape)

34Reflétant les rôles genrés propres à la société sénégalaise, les femmes migrent moins loin que les hommes lorsqu’elles sont les aînées de leur fratrie. Non seulement la fille aînée joue un rôle parental important auprès de ses frères et sœurs plus jeunes, mais elle est également un objet de transaction financière quand elle se marie : le prix de la fiancée payé à sa famille doit aider ses frères aînés à se marier à leur tour. Cette dépendance financière du ménage, courante dans bon nombre d’autres sociétés africaines (Horne et al., 2013 ; Trinitapoli et al., 2014), pourrait être une des explications au fait que les filles aînées migrent moins loin, leur ménage d’origine cherchant à maintenir des liens étroits avec elles.

35Sur l’ensemble de l’échantillon, on observe une corrélation positive entre les distances de migration et la taille du ménage, ainsi que la part des dépenses du noyau familial du migrant dans le total des dépenses du ménage (tableau 3). La pauvreté à l’échelle du département est corrélée de manière positive avec la distance de migration, uniquement pour les femmes. Quand elles ne sont pas originaires de Dakar, les migrantes internes se réinstallent non loin de leur ménage d’origine, ce qui confirme la prépondérance des migrations de proximité en relation avec le mariage.

36Un des points communs entre migrations féminines et migrations masculines est la relation positive entre les distances parcourues et les inégalités de revenu dans le département d’origine. Ce constat confirme la motivation de la pauvreté relative théorisée par Stark (1984), selon laquelle les individus vivant dans des zones où les inégalités de revenu sont plus importantes sont susceptibles de déménager pour améliorer leur situation relative. Ce résultat n’est pas non plus sans rapport avec la géographie sénégalaise et l’attrait exercé par Dakar ; en effet, les régions les plus excentrées situées dans le sud-est du pays sont également celles où les inégalités sont les plus prononcées.

37Par ailleurs, nous tenons compte des flux ruraux-urbains au sein des migrations internes, qui révèlent des comportements différents selon le sexe (tableau annexe A.3). On constate que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de partir s’installer en zone rurale, un phénomène qui se vérifie particulièrement dans le cas des aînées de fratrie, en raison des migrations liées à la nuptialité (Quisumbing et McNiven, 2010 ; Herrera et Sahn, 2013). Le niveau d’études a des effets opposés sur la décision de déménager pour la ville ou la campagne. Par rapport aux individus qui n’ont pas été scolarisés, ceux qui ont bénéficié d’un enseignement primaire ou secondaire sont plus susceptibles de partir s’installer en ville qu’à la campagne, et c’est aussi le cas dans d’autres pays. Ackah et Medvedev (2012), par exemple, ont établi que les Ghanéens plus instruits ont plus de chances de quitter des régions où les services d’éducation et de santé sont absents pour emménager en ville. D’après nos résultats, il semblerait que la corrélation entre instruction et migrations rurales-urbaines soit particulièrement significative chez les femmes (positive avec l’exode rural et négative avec l’exode urbain), ce qui peut être révélateur d’une inégalité des chances et refléter des raisons différentes de migrer pour les femmes selon leur niveau d’études. Le lien avec le chef de ménage souligne les trajectoires différentes des garçons et des filles. Alors que les fils et les frères du chef de ménage sont plus susceptibles de migrer vers des centres urbains, les filles et les sœurs ont une probabilité accrue de migrer vers des zones rurales. Sans surprise, les individus issus de ménages plus aisés tendent à aller s’installer en ville.

38Enfin, on observe que le fait de naître en zone rurale a un effet positif sur la probabilité de migrer vers une autre zone rurale, un effet significatif uniquement pour les femmes. D’autres spécifications décomposant les migrations en fonction des lieux de destination et d’origine montrent de la même façon que les femmes sont plus susceptibles que les hommes de migrer entre deux zones rurales.

Conclusion

39Cet article étudie les facteurs qui déterminent les migrations internes en se servant des précieuses données individuelles issues d’une enquête de panel représentative à l’échelle nationale, conduite au Sénégal en deux vagues (2006-2007 et 2010-2012). En pistant tous les individus restés sur le territoire national grâce à leurs coordonnées GPS aux deux dates d’enquête, on a pu identifier et cartographier des modèles de mobilité genrés entre les deux vagues. Jamais appliquée encore à cette région du monde, cette méthodologie permet d’apporter une contribution majeure à la littérature sur les migrations internes et les différences hommes-femmes en Afrique subsaharienne. L’utilisation des distances plutôt que des frontières administratives présente l’avantage de donner une définition moins arbitraire et plus homogène du terme « migration ». Si les migrations internes avaient été définies sur la seule base du changement de département de résidence, on aurait perdu 19 % de l’échantillon, dont trois quarts de femmes.

40Cette analyse empirique met en lumière de nettes différences en fonction du sexe. Les femmes étaient plus susceptibles que leurs homologues masculins d’avoir migré entre les deux vagues d’enquête ; en revanche, elles tendent à parcourir des distances moins importantes, ce qui s’explique par leurs caractéristiques. La décomposition de la décision de migrer vers des destinations rurales ou urbaines montre que les femmes ont plus de probabilités de migrer vers des zones rurales, surtout lorsqu’elles y vivent déjà. L’analyse des motivations poussant à migrer révèle que la première raison, pour les femmes, est le mariage, quelle que soit la distance parcourue. Pour les hommes, les raisons les plus souvent invoquées sont le travail et les études.

41Ces résultats démontrent la persistance des comportements et des motivations propres aux deux sexes et analysés depuis les années 1990 (Chant et al., 1992). Ils font écho aux résultats obtenus par Comoe (2013) pour la Côte d'Ivoire, mais aussi à ceux de Duboz et al. (2011), qui montraient que les raisons d’ordre familial étaient prépondérantes chez les femmes sénégalaises partant s’installer à Dakar, et à ceux de Vause et Toma (2015), qui concluaient que peu de femmes sénégalaises émigraient de leur propre initiative.

42Le niveau d’instruction augmente la probabilité de migrer vers une zone urbaine, en particulier pour les femmes, et pourrait donc être un canal efficace pour promouvoir l’accès des femmes à des migrations indépendantes. En revanche, la question des avantages réels de la migration tant pour les femmes que pour les hommes reste ouverte et pourrait faire l’objet de travaux ultérieurs.

Remerciements : Nous remercions Christophe Guilmoto, Joachim Jarreau, Robert E. B. Lucas, Karine Marazyan, Jean-Noël Senne et Sorana Toma pour leurs commentaires et leurs conseils précieux.

Annexes

Tableau A.1. Modèle probit des migrations internes incluant les individus sortis de l’enquête qui ne vivaient pas à Dakar pendant la première vague

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Tableau A.1. Modèle probit des migrations internes incluant les individus sortis de l’enquête qui ne vivaient pas à Dakar pendant la première vague

Tableau A.2. Déterminants des distances de migration au Sénégal, estimation selon le modèle de Heckman (première étape)

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Tableau A.2. Déterminants des distances de migration au Sénégal, estimation selon le modèle de Heckman (première étape)

Tableau A.3. Déterminants des migrations internes au Sénégal, par origine et par destination

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Tableau A.3. Déterminants des migrations internes au Sénégal, par origine et par destination

Notes

  • [1]
    La migration par étapes désigne le processus par lequel la migrante acquiert le capital nécessaire pour atteindre sa destination de prédilection (Paul, 2011). Par exemple, des migrants d’origine rurale souhaitant rejoindre la capitale de leur pays peuvent d’abord choisir de résider dans des villes de taille intermédiaire ; les migrations par étapes concernent aussi les candidats à l’émigration qui commencent par chercher du travail dans la capitale pour financer leur départ à l’étranger.
  • [2]
    La migration circulaire peut être définie comme le fait de quitter son lieu d’origine puis d’y retourner (Newland, 2009). La durée du séjour dans le lieu de destination doit toutefois être brève et les déplacements entre lieu d’origine et lieu de destination doivent être répétés.
  • [3]
    L’enquête a été réalisée par une équipe de chercheurs français et de chercheurs de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie du Sénégal ; elle est présentée en détail dans De Vreyer et al. (2008).
  • [4]
    Tous les individus ont été pistés nonobstant leur relation avec le chef de ménage. Les 11,6 % n’ayant pas pu être recontactés avaient déménagé entre les deux vagues d’enquête et aucune information sur leur nouveau lieu de résidence n’avait pu être obtenue auprès de leurs proches ou voisins ; 4,8 % concernent des individus de la première vague décédés avant la seconde.
  • [5]
    Voir Lambert et al. (2014) pour une définition plus détaillée du noyau.
  • [6]
    Les deux mesures ont été obtenues avec PovMap2, un progiciel mis au point par la Banque mondiale (Elbers et al., 2003 ; Zhao et Lanjouw, 2009).
  • [7]
    Le Sénégal a été subdivisé en 34 départements et 11 régions en 2006. Depuis les réformes administratives de 2008, le pays est aujourd’hui composé de 45 départements et 14 régions.
  • [8]
    Les individus qui se déplacent dans Dakar (115 individus) sont traités comme des non-migrants, car leur mobilité intra-urbaine, tout en concernant des distances supérieures à 5 kilomètres, ne peut sans doute pas être considérée comme relevant du fait migratoire.
  • [9]
    Le coefficient de corrélation entre les deux mesures de distance est de 0,96.
  • [10]
    Le taux de pauvreté est la proportion de la population dont la consommation est inférieure à un seuil donné. L’indice de Gini est une mesure des inégalités entre les individus, qui prend une valeur comprise entre 0 et 1. Plus l’indice est élevé, plus les inégalités sont prononcées : 0 correspond à la situation hypothétique où tous les individus ont le même niveau de consommation et 1 à celle où un individu consomme la totalité des ressources, tandis que le reste de la population ne consomme rien.
  • [11]
    Pour limiter l’attrition due à la migration de ménages complets entre les deux vagues, les enquêteurs avaient reçu pour instruction de recueillir des informations auprès de voisins ou de personnes-relais vivant à proximité.
  • [12]
    Ce modèle n’est pas notre principale spécification ; il vise à fournir une borne supérieure pour le biais consécutif à l’attrition, car l’hypothèse voulant que tous les individus « perdus » aient migré à l’intérieur du pays conduit à surestimer les effectifs de migrants internes.
  • [13]
    Chacune des dix équipes constituées de deux ou trois enquêteurs étaient gérées sur le terrain par un contrôleur chargé de vérifier le respect des procédures et l’exactitude des informations de pistage consignées par les enquêteurs.
  • [14]
    Bien que le taux de pauvreté varie à Dakar entre les quartiers pauvres comme Guédiawaye et les quartiers riches comme les Almadies, le prélèvement de 10 % effectué sur le recensement de 2002 que nous avons pu exploiter ne permet pas de construire une mesure de la pauvreté à un niveau de désagrégation plus poussé que le niveau départemental. Ces limites concernent également notre mesure des inégalités à l’échelle départementale, qui ne figure ici qu’en tant que « facteur de répulsion ».
  • [15]
    Pour ne pas sous-estimer les migrations internes et rester cohérents avec notre définition des migrations internes (qui exclut la mobilité dans Dakar), nous excluons de cette régression les individus interrogés à Dakar pendant la première vague et « perdus » ensuite.
  • [16]
    Les résultats de la première étape figurent dans le tableau annexe A.2.
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Français

Cet article examine les mouvements de migration interne au Sénégal à l’aide de données individuelles provenant d’une étude représentative sur le plan national réalisée en 2006-2007 et 2010-2012. Ces données sont uniques dans la mesure où elles contiennent les coordonnées GPS des personnes enquêtées lors des deux vagues. Il est alors possible de calculer les distances et de cartographier les déplacements individuels en évitant les problèmes posés par l’utilisation des unités administratives pour définir les migrations. Ces résultats mettent en lumière des comportements de mobilité très différents selon le sexe et confirment leur persistance pendant les dernières décennies. Les femmes sont plus susceptibles de migrer que les hommes, mais vers des destinations rurales plutôt qu’urbaines. Bien que l’instruction augmente les probabilités de migration vers les villes, surtout chez les femmes, la mobilité féminine est essentiellement liée au mariage, tandis que les migrations de travail concernent plus souvent les hommes.

  • migration internes
  • inégalités entre les sexes
  • exode rural
  • Sénégal
  • géolocalisation

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Isabelle Chort
Université de Pau et des pays de l’Adour, E2S UPPA, CATT, Bayonne, France.
Correspondance : Isabelle Chort, Université de Pau et des pays de l’Adour, 8 Allée des Platanes, CS 68505, 64185 Bayonne Cedex, France
Philippe De Vreyer
Université Paris-Dauphine, PSL Research University, CNRS, IRD, LEDa, [UMR 8007-260], DIAL.
Thomas Zuber
Département d’histoire et département d’études moyen-orientales, sud-asiatiques et africaines, Université Columbia.
Traduit par
Karine Guerrouche
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/12/2020
https://doi.org/10.3917/popu.2002.0297
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