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1Au-delà des naissances, des décès et des arrivées de l'étranger, la composition de la population d’un pays et sa répartition sur le territoire national sont liées aux déplacements de ses résidents, qu’ils soient natifs ou immigrés. Sont regroupés sous le terme d‘immigrés les individus nés hors du territoire de leur pays de résidence et ne disposant pas, à la naissance, de la nationalité de ce pays. Par rapport aux natifs de ce pays, leur attache plus récente peut favoriser de nouveaux déplacements, aussi bien au sein du pays de résidence qu’à destination d’un autre pays. La spécificité de leur mobilité géographique est justement de s’inscrire tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle internationale. Paradoxalement, en dépit de cette propension à la mobilité, l’image des immigrés dans les pays d’accueil n’est pas nécessairement associée aux changements résidentiels et à l’émigration. Concentration et ségrégation spatiale des immigrés, observées au niveau agrégé, ont tôt fait d’être associées à une immobilité résidentielle supposée. Cela ne présume pourtant en rien des dynamiques résidentielles individuelles.

2Les départs des immigrés pour l’étranger sont quasi systématiquement ignorés des études en population générale (Beauchemin, 2015a ; Dustmann et Görlach, 2016). Si cela peut s’expliquer par l’absence de données adaptées, les conséquences sur les résultats obtenus peuvent être majeures. Retracer le parcours des seuls individus encore présents en fin de période d’observation limite la portée des analyses à ce groupe spécifique, directement sélectionné par son comportement en matière de (non-)mobilité internationale. En omettant tous les individus partis durant la période étudiée, ces travaux ne donnent à voir qu’une partie tronquée de l’évolution de la situation des immigrés du pays d’accueil. D’où la nécessité de développer une approche spécifique offrant un véritable suivi individuel et systématique de l’ensemble des trajectoires résidentielles, adaptée aussi bien aux immigrés qu’aux natifs.

3L’objet de cet article est de reconstituer les trajectoires de mobilité géographique des immigrés installés en France métropolitaine. Nous nous concentrons sur l’estimation du taux de changement de commune intercensitaire : il s’agit de déterminer la proportion d’individus quittant leur commune de résidence entre deux recensements consécutifs [1]. L’originalité de l’approche proposée est de choisir la perspective du lieu de départ. Elle rompt avec l’analyse de la mobilité intercensitaire conditionnée à la présence en France à la date finale (Baccaïni, 2007 ; Courgeau et Lelièvre, 2004 ; Debrand et Taffin, 2005 ; Donzeau et Pan Ké Shon, 2009 ; Rathelot et Safi, 2014). Alors que les études des changements résidentiels sont développées quasi exclusivement du point de vue du lieu d’arrivée, cette approche renverse la perspective pour analyser l’ensemble des flux sortants des municipalités métropolitaines, embrassant ainsi mobilité interne et émigration. Elle assure une prise en compte des trajectoires de tous les individus observés à un moment donné, quel que soit leur lieu de destination. Elle offre ainsi un cadre adapté à la comparaison de la mobilité des immigrés et des natifs, sans biaiser cette confrontation par une restriction arbitraire des lieux d’arrivée.

4Cette analyse est développée à partir de l’exploitation de l’Échantillon démographique permanent (EDP) de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), une source déjà mobilisée dans le cadre d’analyses de la mobilité résidentielle (Courgeau et al., 1998 ; Rathelot et Safi, 2014). Constitué à partir des recensements et des fichiers d’état civil, ce panel assure un suivi systématique des individus présents sur le territoire métropolitain français. Il enregistre notamment leur localisation à chaque recensement, ainsi que la date de leur éventuel décès. L’adossement de l’EDP à des recensements exhaustifs entre 1968 et 1999 fournit un cadre unique permettant de prendre en compte les départs du territoire métropolitain : l’absence au recensement exhaustif traduit en effet une absence sur ce territoire. Si celle-ci n’est pas due à un décès, elle ne peut être engendrée que par émigration, en vertu de l’équation fondamentale de la démographie. L’EDP donne ainsi la possibilité d’étudier la mobilité, aussi bien interne qu’internationale, sur trente ans, et ce à partir d’un échantillon demeurant représentatif de la population française métropolitaine du moment. Au regard des entreprises de constitution de panels à partir de recensements, menées notamment aux États-Unis (Alexander et al., 2015 ; Grusky et al., 2015), l’EDP se distingue par le caractère plus récent de la période couverte, par la durée de suivi proposée et par la qualité des procédures d’appariement.

5La contribution de ce travail à l’étude de la mobilité résidentielle est de plusieurs ordres. Statistique d’abord, en proposant une approche qui dépasse la dichotomie mobilité interne/mobilité internationale pour permettre de comparer véritablement les mobilités des natifs et des immigrés. Elle est également méthodologique, grâce à la confrontation des différentes sources d’information sur la mobilité et à la mise en évidence des déficiences que présentent les informations rétrospectives habituellement utilisées. Enfin, cette contribution est aussi d’ordre empirique, car elle donne à voir l’ampleur de la mobilité des immigrés et des natifs en France entre 1968 et 1999, et notamment leurs départs du territoire métropolitain. En fournissant une mesure inédite de l’émigration, fondée exclusivement sur un suivi individuel, ce travail éclaire un angle mort des statistiques démographiques françaises. À l’instar des estimations de l’émigration proposées par Brutel (2015) à partir du nouveau recensement, il contribue à dissiper un des « mystères de la population française » (Le Bras, 2007).

6La suite de cet article est organisée de la façon suivante. Une première partie présente les enjeux et les spécificités associés à la mobilité géographique des immigrés. La deuxième partie développe le cadre théorique d’analyse relatif à la proportion d’individus quittant leur commune de résidence entre deux recensements exhaustifs. La troisième partie est consacrée à la présentation de l’échantillon démographique permanent (EDP) et de son exploitation. Les résultats sont présentés en quatrième partie, mettant en avant l’ampleur des flux d’immigrés quittant le territoire français.

I. Enjeux de la mobilité des immigrés dans les pays d’accueil

1. « Comprendre les migrations au-delà de l’immigration »

7La distinction des immigrés par rapport aux autres résidents d’un pays se fait sur un critère de mobilité géographique entre le territoire de naissance et le territoire de résidence du moment : être né à l’étranger avec une nationalité étrangère suppose une migration. Du point de vue du pays d’accueil, cette caractéristique distinctive est permanente [2] en ce qu’elle perdure tant que l’individu demeure sur ce territoire. La dynamique propre au groupe des immigrés repose ainsi sur la mobilité : l’entrée s’y effectue exclusivement par mobilité géographique tandis que la sortie intervient par décès ou migration internationale. Étudier le groupe des immigrés, c’est ainsi analyser un solde d’individus sélectionnés par une mobilité spécifique depuis les pays d’origine, mais également depuis le pays d’accueil. L’intérêt de l’analyse de la mobilité des immigrés ne s’arrête donc pas à leur entrée dans le pays d’accueil : il est aussi nécessaire d’étudier les départs d’immigrés de celui-ci. De ce point de vue, il s’agit de réinscrire l’étude de l’immigration dans toute la complexité des parcours et trajectoires migratoires internationales (Beauchemin, 2015a ; Willekens et al., 2016 ; Wimmer et Glick-Schiller, 2003).

8Pour autant, l’étude de ces migrations internationales ne saurait être totalement disjointe des migrations internes, notamment celles intervenant au sein du pays d’accueil. Dans la continuité de Pryor (1981), la nécessité d’analyser conjointement mobilité interne et mobilité internationale a été de nouveau mise en avant par King et Skeldon (2010) et Ellis (2012). Du point de vue du pays d’accueil, les migrations internationales peuvent aussi bien être un facteur de réduction que d’augmentation des migrations internes. L’arrivée des immigrés peut s’inscrire dans la continuité des migrations internes en prenant le relais de l’exode rural. L’installation des immigrés peut aussi participer aux mécanismes de ségrégation spatiale (Frey, 1995) en entraînant le départ d’habitants ou en modifiant les flux d’arrivée. La mobilité géographique des immigrés est au cœur des débats méthodologiques sur la mesure de l’intégration des immigrés [3] et des effets de l’immigration [4]. L’analyse de la situation des immigrés nécessite donc de s’intéresser aux mobilités qui suivent l’entrée dans le pays d’accueil, qu’elles soient de nature interne ou internationale.

2. Des trajectoires marquées par une émigration fréquente

9La possibilité d’observer un individu initialement présent sur un territoire donné est susceptible d’être remise en cause par son départ du territoire. Les immigrés se distinguent des natifs par l’ampleur de ce phénomène au niveau national. En ayant déjà été engagés dans une migration internationale, les immigrés sont plus susceptibles d’émigrer à nouveau (Sjaastad, 1962) [5]. Ces migrations internationales à contre-courant sont loin d’être négligeables : l’ordre de grandeur généralement retenu pour un pays comme les États-Unis est d’une migration de retour pour 3 à 5 immigrés arrivés dans la décennie (Borjas et Bratsberg, 1996). Les travaux menés en Europe aboutissent à des niveaux de départs des immigrés encore plus élevés. Dustmann et Görlach (2016) ont effectué un travail de recension des résultats obtenus dans la littérature [6] : dix ans après leur arrivée, environ la moitié des immigrés ont quitté les pays européens, contre 20% pour des pays comme les États-Unis, le Canada, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande.

10Cependant les travaux embrassant l’ensemble des trajectoires des immigrés d’un pays d’accueil restent souvent limités à un groupe particulier d’immigrés. Les travaux de Massey (1987), Suzuki (1995), Lindstrom (1996) ou Sanderson (2009) se focalisent uniquement sur les immigrés originaires d’un ou deux pays spécifiques, voire d’une région particulière de ces pays dans le cas des enquêtes multisituées, comme le Latin American Migration Project pour les États-Unis et l’enquête Mafe (Programme sur les migrations entre l’Afrique et l’Europe) pour six pays européens (Beauchemin, 2015b). Quand elles sont étendues aux autres pays d’origine, les analyses sont généralement restreintes à des cohortes d’immigrés arrivées à des périodes particulières (Bijwaard et al., 2014 ; Borjas et Bratsberg, 1996) [7]. La généralisation de l’approche à l’ensemble des immigrés présents à un moment donné dans un pays d’accueil reste souvent l’apanage d’estimations approximatives menées au niveau macro [8]. Rares sont les approches permettant de fonder l’estimation des flux d’émigration des immigrés à partir du suivi de trajectoires individuelles (Van Hook et al., 2006). Même dans ces rares cas, le recours à des hypothèses et données macro est fréquent pour compenser les limites du suivi, notamment en matière de mortalité. Le suivi systématique de la mobilité d’un échantillon représentatif de la population, et la répétition régulière d’une telle procédure pour tenir compte des nouvelles arrivées d’immigrés, nécessitent de recourir à des données individuelles de suivi administratif difficilement accessibles et dont l’utilisation est très encadrée. Aux États-Unis, en l’absence de registre de population, les appariements entre bulletins individuels d’un recensement à l’autre limitent par exemple le champ d’étude à la première moitié du xxe siècle (Abramitzky et al., 2014). Le travail de Lubotsky (2007) mené sur la seconde moitié du xxe siècle à partir de données américaines de sécurité sociale reste une exception.

3. Le cas français

11Les changements de lieu de résidence des immigrés, à destination d’un autre lieu du territoire national ou d’un territoire étranger, restent largement ignorés des travaux consacrés à la mobilité géographique en France. D’une part, malgré quelques exceptions telles que Debrand et Taffin (2005) ou Rathelot et Safi (2014), les études de la mobilité résidentielle en population générale (Baccaïni, 2007 ; Courgeau et Lelièvre, 2004) distinguent rarement le cas des immigrés, sauf pour les exclure de l’analyse (Courgeau et al., 1998). D’autre part, ces études sont menées à partir de questions rétrospectives sur les lieux de résidence, omettant de fait tous ceux qui ont quitté le territoire au cours de la période étudiée. Y compris lorsque des données de panel sont mobilisées (Jourdan, 2014 ; Rathelot et Safi, 2014), seuls les individus encore présents à la fin de la période sont pris en compte.

12L’émigration depuis le territoire français est quant à elle largement ignorée (Caron, 2016). Non estimée dans les rapports annuels de l’OCDE (Dumont et Spielvogel, 2008 ; OCDE, 2016b), les approches générales du phénomène sont rares, anciennes et extrêmement approximatives (Courgeau, 1968 ; Kayser, 1972 ; Tugault, 1971 ; Zamora et Lebon, 1985). Les rares mesures réalisées plus récemment excluent de fait la plupart des immigrés en ne comptabilisant que les individus nés en France dénombrés dans les recensements des autres pays ou dotés de la nationalité française dans les registres consulaires (Bono et Wasmer, 2014 ; García-Peñalosa et Wasmer, 2016). Cette absence de données ne signifie pas pour autant que tous les immigrés restent sur le territoire une fois entrés en France. D’une part, une partie d’entre eux ne disposent que de titres de séjour temporaires dont la prolongation peut être refusée. L’analyse de la délivrance de ces titres de séjour suggère justement des départs importants parmi les étrangers installés légalement en France (d’Albis et Boubtane, 2015). D’autre part, les désirs de retour manifestés par de nombreux immigrés (Dos Santos et Wolff, 2010) peuvent se concrétiser.

13Exception notable, une récente publication de l’Insee a proposé une estimation indirecte des flux d’émigration, pour les immigrés comme pour les natifs, entre 2006 et 2013 (Brutel, 2015). Ce travail reste cependant fondé sur le calcul d’un solde résiduel global à partir de l’hypothèse d’une mortalité similaire entre immigrés et natifs. Sur la même période, Arbel et Costemalle (2016) ont mené un travail d’estimation utilisant conjointement les enquêtes annuelles de recensement et les données sur les titres de séjour. Cumulant sortie du territoire, acquisition de la nationalité française et décès, ils aboutissent à une proportion de deux tiers au bout de huit ans après l’arrivée en France. Mais au final, aucune mesure de l’émigration n’a été conduite au niveau individuel en population générale. Quant aux travaux qui exploitent un échantillon représentatif de la population, avec une perspective longitudinale n’excluant pas les trajectoires de sortie du territoire, ils demeurent rares dans le cas de la France [9].

II. Modélisation de la mobilité géographique

14On peut modéliser la mobilité géographique de la façon suivante. Soit ct(i) la variable aléatoire codant la présence sur le territoire national d’un individu i au moment t par la valeur 1 et son absence par 0. Soit lt(i) et lt+1(i) les localisations respectives de l’individu i au moment des observations en t et t+1. La mobilité de l’individu entre les dates t et t+1 correspond à un changement de localisation tel que lt(i) ≠ lt+1(i). Par souci de simplicité, l’indexation par i demeurera désormais implicite tout comme la condition de présence à la période initiale. La mobilité moyenne entre t et t+1, mesurée par l’espérance E(lt(i) ≠ lt+1(i) | ct(i) = 1), sera ainsi notée E(lt ≠ lt+1) [10]. Elle est estimée par la proportion d’individus mobiles parmi la population initiale (équation 1a), ceux-ci pouvant être ou non encore observés sur le territoire en fin de période (équation 1b) [11]. Au regard de l’identité fondamentale d’évolution de la population, seuls deux phénomènes peuvent être à l’origine de ces disparitions : les décès sur le territoire (notés dt+1 = 1) et les départs du territoire (notés et+1 = 1). La proportion d’individus mobiles est ainsi la somme de trois éléments (équation 1c) [12], les contributions de la mobilité des individus précédant leur décès [13] et des individus ayant émigré venant s’ajouter à la mobilité des individus demeurés sur le territoire considéré. La proportion d’individus mobiles dans chaque groupe pondérée par la part du groupe (équation 1d) [14] fait apparaître la proportion d’émigrés de façon isolée, tous les membres de ce groupe étant mobiles (P(lt ≠ lt+1 | et+1 = 1) = 1). Cette proportion peut être exprimée comme la part résiduelle de l’attrition après avoir pris en compte les décès (équation 1e).

16Cette décomposition met en lumière les différentes composantes de la proportion d’individus quittant leur lieu de résidence entre deux dates. La part des individus mobiles parmi ceux observés aux deux dates i.e. P(ltlt+1 | ct+1 = 1) n’est qu’une composante parmi les autres, obtenue conditionnellement au fait que les individus observés initialement n’aient pas quitté le territoire national ou ne soient pas décédés durant l’intervalle étudié. En s’appliquant uniquement à un sous-groupe d’individus qui ne se distingue qu’à l’issue de la période considérée, l’utilisation de cette mesure à des fins prospectives est compromise. Une analyse rigoureuse peut difficilement passer sous silence les effets des évènements démographiques concurrents que sont l’émigration et la mortalité, notamment dans le cadre d’une analyse de la mobilité des immigrés [15]. Cela nécessite donc d’estimer l’ensemble des composantes du taux de mobilité.

III. Les données

1. Présentation générale de l’EDP

17L’Échantillon démographique permanent (EDP) est un panel de type administratif élaboré par l’Insee à partir du recensement et de l’état civil [16]. Il est représentatif de la population présente en France métropolitaine au moment de chaque recensement. Entre 1967 et 2003, ce panel procure sur le territoire métropolitain un suivi systématique des personnes nées au cours des quatre premiers jours d’octobre, soit environ 1,1 % de la population. L’appariement des bulletins de recensement et d’état civil successivement collectés pour chaque individu de l’échantillon permet de suivre leur trajectoire au cours du temps. Ces observations interviennent à la fois à date fixe (celle des recensements) et à l’occasion des événements démographiques faisant l’objet d’un enregistrement par l’état civil. L’EDP dans sa version de 2003 mobilise les informations issues de cinq recensements exhaustifs (1968, 1975, 1982, 1990, 1999) ainsi que des bulletins statistiques d’état civil établis entre 1967 et 2003. À l’issue du recensement de 1999, près d’un million d’individus ayant résidé en France étaient référencés dans l’EDP.

18L’EDP offre un suivi individuel des trajectoires sur longue période, adapté à l’étude de la mobilité géographique quelle que soit la destination. Son atout clé réside dans son adossement aux recensements, sources de données exhaustives jusqu’en 1999 couvrant l’ensemble du territoire métropolitain français. Alors que les déménagements des individus sont une source majeure d’attrition pour les enquêtes par interrogations répétées, l’EDP peut s’appuyer sur des recensions régulières de tous les individus présents dans le pays. Ainsi, le fait de pouvoir suivre un individu ne dépend pas de son comportement en matière de mobilité interne. La mesure des départs du pays n’est pas non plus affectée par l’importante sous-déclaration associée aux registres nationaux de population, sous-déclaration liée à l’absence d’incitation à faire cette démarche, voire à la crainte de perdre certains avantages (Poulain et Herm, 2013). Le suivi systématique de la présence sur le territoire et des décès permet d’identifier en creux l’ensemble des individus ayant quitté le territoire. Par ailleurs, l’inclusion continue d’individus dans l’échantillon sur la base de leur jour de naissance prévient sa déformation au cours du temps en permettant notamment d’inclure les immigrés nouvellement arrivés sur le territoire.

2. Alternative au manque de fiabilité des déclarations rétrospectives

19L’EDP permet de développer une analyse de la mobilité résidentielle à partir des recensements fondée sur des observations répétées plutôt que sur les déclarations rétrospectives des individus. Cette dernière approche est certes utilisée de façon quasi systématique dans la littérature, par l’intermédiaire de la variable sur la localisation au 1er janvier de l’année du précédent recensement. Elle est cependant affectée par d’importants problèmes de qualité, remettant en question sa validité même pour l’étude de la mobilité des immigrés. À l’occasion de travaux menés à l’Insee, un fort taux de non-réponse à cette question de la part des immigrés a été constaté par Rouault et Thave (1997) : il atteint 60 % parmi les immigrés récents. Cela vient s’ajouter aux problèmes plus généraux de fiabilité des déclarations rétrospectives de mobilité (Poulain et al., 1991) et de localisation au 1er janvier (Courgeau et al., 1998), rencontrés pour l’ensemble de la population.

20L’EDP, en permettant la confrontation de la localisation passée déclarée et de celle qui a été effectivement constatée lors de chaque recensement, met en évidence cette faible fiabilité de l’information rétrospective. Parmi les immigrés ayant changé de commune de résidence d’un recensement à l’autre (commune de résidence différente sur les deux bulletins de recensement), un cinquième est pourtant indiqué comme n’ayant pas changé de commune durant cet intervalle selon l’information rétrospective du second recensement [17]. Cela s’explique notamment par la procédure de correction de la non-réponse par hot-deck (Baccaïni, 1999) du recensement, une procédure qui ne prend pas directement en compte la spécificité des immigrés en matière de mobilité. En effet, elle attribue bien trop fréquemment une immobilité résidentielle aux très nombreux immigrés non répondants à la question sur leur localisation précédente. Ces problèmes de biais engendrés par les procédures d’imputation sont fréquents aussi bien dans les travaux portant sur la mobilité résidentielle (Kaplan et Schulhofer-Wohl, 2012) que dans ceux sur les immigrés (Borjas, 2014), même s’ils restent paradoxalement peu traités au regard de leur influence sur les résultats. Le recours aux localisations observées lors des recensements fournies par l’EDP constitue en ce sens un progrès notable.

3. Variables d’analyse

21La présence à deux recensements consécutifs et l’indication de la commune de résidence du moment sont utilisées pour mesurer la proportion d’individus résidant dans une autre commune française métropolitaine au second recensement [18]. Les cas d’attrition non associés à un décès sur le territoire permettent de repérer les cas d’émigration présumés parmi les individus présents au recensement initial. La mesure de la mobilité géographique est effectuée à territoire communal constant (1999). Un changement d’arrondissement est considéré comme un cas de mobilité à Paris, alors qu’il est assimilé à de l’immobilité communale à Lyon et Marseille [19]. Les intervalles intercensitaires passent de 7 à 9 ans entre 1968 et 1999, mais cet allongement ne porte pas préjudice à une analyse qui se focalise sur les différences relatives de mobilité observées à chaque période plutôt qu’aux évolutions de niveaux. On dispose à chacun des recensements des informations collectées sur les individus. Leur date de décès est indiquée dès lors qu’il est intervenu en France.

4. Limites de l’EDP

22Le dispositif de suivi direct de la mobilité et des décès proposé par l’EDP est limité au territoire métropolitain [20]. L’identification des cas d’émigration est donc indirecte : parmi les cas d’attrition, ils sont identifiés comme ceux ne relevant pas de décès sur le territoire. La qualité du suivi proposé par l’EDP dépend donc de l’exhaustivité effective des recensements et des déclarations de décès sur le territoire. Le caractère administratif obligatoire de ces opérations de dénombrement et l’infrastructure mise en œuvre pour leur réalisation assurent un taux de collecte de grande qualité, sans commune mesure avec les autres types d’enquêtes [21]. Les résultats de l’enquête post-censitaire 1990 estiment le taux d’omission global pour le recensement à 2 % (Insee, 1995). Il reste inférieur à 4 % parmi les étrangers tandis que les Français par acquisition présentent un taux similaire aux Français de naissance (1,5 %). La récupération effective dans l’EDP des données de recensement et de décès repose ensuite sur des procédures d’appariement réalisées à partir des informations définissant l’état civil complet de la personne. Si l’appariement automatique échoue plus fréquemment pour les immigrés, le traitement au cas par cas des situations litigieuses (Jugnot, 2014) permet d’aboutir à un taux d’échec final global estimé à 1 % (Couet, 2006). Ces défauts d’appariement et leur assimilation à tort à de l’émigration [22] sont négligeables par rapport à l’ampleur des résultats présentés dans cet article. Loin d’être une méthode d’approche de l’émigration par défaut, l’exploitation de l’attrition des panels administratifs est désormais adoptée par les pays disposant de registres de population pour corriger l’importante sous-déclaration des sorties du territoire (Bijwaard et al., 2014 ; Larramona, 2013).

23En revanche, le critère de sélection de l’échantillon EDP fondé sur le jour de naissance exclut de fait les individus ne fournissant pas d’information à ce sujet. L’ampleur du phénomène était de l’ordre de 6,7 % pour les immigrés contre 1,1 % pour les natifs (Rouault et Thave, 1997), tiré vers le haut par le cas particulier des immigrés marocains (un tiers de non-déclaration). La confrontation des données du recensement avec celles de l’EDP ne fait cependant pas apparaître d’autres déformations majeures de l’échantillon (Rouault et Thave, 1997). Surtout, ce biais de représentativité n’affecte pas en tant que telle la qualité du suivi des individus proposé par l’EDP. Il exclut juste une partie d’entre eux de ce suivi, limitant de ce fait la généralisation des résultats obtenus pour le sous-groupe le plus affecté [23].

24La structure générale de l’EDP est restée constante et le suivi de la présence sur le territoire au fil des recensements systématique entre 1968 et 1999 [24]. Les restrictions ponctuelles de l’enrichissement de l’EDP n’ont pas concerné les variables utilisées dans le cadre de cette analyse. En revanche, l’enregistrement des décès des immigrés n’a été effectué de façon ininterrompue entre 1968 et 1999 que sur la moitié de l’échantillon des individus nés après 1891, les individus nés les 1er ou 4 octobre. Par ailleurs, les éventuels changements de résidence ayant précédé le décès ne sont pas enregistrés dans l’EDP, alors que l’état de santé préalable est susceptible de générer des choix résidentiels spécifiques. L’importance de cette composante dans la mobilité totale dépend de l’âge : négligeable en raison de la faible fréquence des décès jusqu’à un âge assez avancé, son ampleur va ensuite s’accroître.

5. Les échantillons d’étude

25L’analyse de la mobilité développée dans cet article exploite bien toute la dimension systématique du suivi des individus : seule la taille de l’échantillon d’étude est affectée. La mesure de taux de mobilité est effectuée sur la moitié de l’échantillon composée des individus nés les 1er ou 4 octobre [25]. La nécessité de bénéficier d’un suivi systématique des décès restreint l’analyse aux individus nés à partir de 1891. Les résultats sont présentés pour un même intervalle d’âges d’étude : de 1 à 77 ans lors du recensement initial. Ce choix se justifie par un souci de comparabilité des résultats entre les recensements et la volonté de disposer d’effectifs suffisants pour mener des analyses par année d’âge. Les individus plus jeunes sont très peu nombreux parmi les immigrés qui, par définition, sont absents du territoire au moment de leur naissance. L’exclusion des plus de 77 ans permet aussi d’éviter que l’incertitude associée à la mobilité intercommunale précédant le décès prenne une ampleur trop importante [26].

26On distingue les immigrés (personnes nées hors du territoire français avec une nationalité étrangère à la naissance) des natifs (définis comme les personnes nées en France métropolitaine). Les personnes originaires des territoires français ultramarins, tout comme celles nées à l’étranger avec la nationalité française, sont exclues de la présente analyse afin de se concentrer sur le cas des immigrés par rapport aux natifs sur le territoire métropolitain. Cela permet également d’assimiler plus facilement départs du territoire métropolitain et émigration dans son acception habituelle (entendue comme départ du territoire national), dès lors que les personnes les plus susceptibles de se diriger vers les territoires nationaux exclus du suivi (outre-mer), plutôt que vers l’étranger, sont exclues de l’analyse.

IV. Résultats

1. Les immigrés sont plus mobiles que les natifs à chaque âge

27La proportion d’individus quittant leur commune de résidence entre deux recensements peut être calculée comme la somme de trois composantes de la population initiale (équation [1e]). Aux composantes constituées par les individus résidant dans une autre commune lors du second recensement ou ayant quitté le pays, s’ajoute celle des individus décédés sur le territoire après avoir changé de commune. Le cadre offert par l’EDP permet de mesurer les deux premières composantes, mais les départs communaux précédant un décès ne sont pas renseignés. L’ampleur de ces départs peut cependant être évaluée à partir des deux configurations extrêmes encadrant ce phénomène (Horowitz et Manski, 1998). Considérer que tous les individus sont restés dans la même commune entre le recensement de référence et leur décès fournit une borne basse. Inversement, envisager que tous les individus ont changé de commune avant de rejoindre leur dernière demeure fournit une borne haute. L’intervalle ainsi obtenu, additionné aux deux autres composantes, permet d’obtenir une estimation de la proportion des départs communaux intercensitaires sous la forme d’un intervalle dont la taille est liée à la proportion des décès.

28La figure 1 présente le résultat obtenu pour les quatre périodes intercensitaires. La proportion d’individus mobiles est calculée à chaque âge selon les deux approches décrites précédemment pour les immigrés et les natifs âgés de 1 à 77 ans au recensement initial. Ce mode de représentation rend compte de la forte variabilité de la mobilité selon l’âge ainsi que de l’ampleur croissante, aux âges élevés, de la mobilité potentielle associée aux décès (borne haute) [27]. Immigrés et natifs ont des profils très proches concernant l’évolution de la mobilité selon l’âge. La mobilité élevée aux jeunes âges, associée à la mobilité des parents, décroît initialement pour atteindre un minimum local aux alentours de 10 ans, avant d’augmenter pour atteindre un maximum vers 20 ans. Le taux de mobilité intercensitaire des individus âgés de 10 ans au recensement de 1975 correspond à leur mobilité entre 10 et 17 ans, âge atteint l’année du recensement de 1982 [28]. La mobilité commencerait donc à augmenter pour les cohortes atteignant l’âge de fin d’obligation scolaire entre les deux recensements. De façon plus générale, cet accroissement de la mobilité correspond au processus de départ du domicile parental, qu’il soit lié à l’entrée sur le marché du travail, à la poursuite des études ou à la mise en couple. À partir de 45 ans, les deux mesures de la mobilité utilisées, qui jusque-là se confondent pour chaque groupe, commencent à diverger sous l’effet de l’accroissement de la mortalité. Si la borne basse continue de diminuer avec l’âge, le nombre de décès est désormais suffisant pour générer un accroissement de la borne haute. La décroissance de la borne basse des natifs est entrecoupée d’une phase de plateau pour les individus âgés d’une cinquantaine d’années au recensement initial, un rebond qui correspond aux âges de passage à la retraite. Aux âges plus élevés, les changements de domicile consécutifs aux pertes d’autonomie contribuent également à contenir la baisse de la mobilité. Pour les immigrés, le rebond de la borne basse de la mobilité au-delà de 70 ans est plus marqué, tout en étant d’ampleur limitée : les retours potentiels vers le pays d’origine à l’approche de la mort concernent des effectifs réduits.

Figure 1. Proportion d’immigrés et de natifs ayant quitté leur commune de résidence entre deux recensements de la population (RP), selon la mobilité potentielle avant décès

Figure 1. Proportion d’immigrés et de natifs ayant quitté leur commune de résidence entre deux recensements de la population (RP), selon la mobilité potentielle avant décès

Figure 1. Proportion d’immigrés et de natifs ayant quitté leur commune de résidence entre deux recensements de la population (RP), selon la mobilité potentielle avant décès

29Les immigrés se distinguent par des niveaux de mobilité nettement supérieurs à ceux des natifs à chacune des périodes intercensitaires. Jusqu’à 60 ans, la borne basse de la mobilité des immigrés est systématiquement supérieure à la borne haute de la mobilité des natifs. Parmi les immigrés âgés de 10 ans en 1975, 52 % quittent leur commune avant le recensement suivant, contre 28 % des natifs. L’augmentation plus rapide de la mobilité des natifs réduit cet écart à 4 points à 20 ans, âge auquel la part de natifs mobiles atteint son maximum (64 %). Pour les immigrés, le maximum est atteint à 22 ans et il est 10 points plus élevé que celui des natifs. Aux âges qui suivent, les taux de mobilité diminuent, mais l’écart augmente à nouveau, en valeur absolue comme en valeur relative. Entre 36 et 45 ans, la proportion d’immigrés mobiles est deux fois supérieure à celle observée parmi les natifs, leurs taux de mobilité des bornes basses passant de 56 % et 27 % à 43 % et 19 %. Les taux de mobilité des bornes hautes restent quasi confondus, les taux respectifs étant de 56 %, 28 %, 44 % et 22 %.

30Au-delà de 60 ans, la mobilité potentielle associée aux décès prend de l’ampleur. Les intervalles de confiance au seuil de 5 % encadrant la mobilité totale des immigrés et des natifs ne sont alors plus forcément disjoints. Selon que l’on attribue une immobilité ou une mobilité intercommunale à l’ensemble des individus décédés, les taux de mobilité divergent. La borne haute de la mobilité des natifs tend à rejoindre, puis à dépasser la borne basse de la mobilité des immigrés. Pour la période 1975-1982, ce franchissement a lieu pour les individus âgés de 74 ans au recensement initial. Mais, y compris aux âges les plus élevés, le niveau de la borne basse de mobilité estimé pour les immigrés reste nettement supérieur en valeur à celui obtenu pour les natifs. Au-delà de 70 ans, il est ainsi trois fois plus élevé à chaque âge entre 1975 et 1982. Les bornes hautes assimilant tout décès à un cas de mobilité tendent à se rapprocher sous l’effet du différentiel de mortalité entre immigrés et natifs sur le territoire français [29], mais elles n’aboutissent à des niveaux équivalents qu’au-delà de 85 ans, observés uniquement pour les périodes 1982-1990 et 1990-1999.

31Les différences de durée des intervalles intercensitaires invitent à la prudence dans la comparaison de l’évolution des niveaux de mobilité obtenus d’une période à l’autre. Toutefois, alors que cette durée passe de 7 à 8 puis 9 ans, la proportion d’immigrés mobiles diminue tandis que celle des natifs reste stable [30]. L’écart de mobilité entre immigrés et natifs âgés de 20 à 50 ans se réduit, passant de plus de 20 points à 15 points au fil des recensements.

32Au final, la mobilité des immigrés apparaît à chaque âge supérieure à celle natifs. Cet écart de mobilité systématique est conséquent, en dépit des hypothèses très larges retenues pour les bornes des intervalles. D’éventuels défauts de suivi des individus dans le cadre de l’EDP ne peuvent suffire à expliquer l’ampleur des écarts de mobilité observés entre immigrés et natifs. Même en retenant des hypothèses extrêmes abaissant le niveau de mobilité des immigrés, celui-ci demeure supérieur à celui des natifs : en ne considérant comme émigration que les cas d’absence à deux recensements consécutifs ou en appliquant les taux de mortalité des natifs aux immigrés du même âge, le constat général reste inchangé, témoignant de la robustesse de ce résultat [31].

2. L’originalité des résultats

Un renversement de la hiérarchie de la mobilité en faveur des immigrés

33Cette mise en évidence d’une plus forte mobilité des immigrés par rapport aux natifs révèle l’ampleur de sa sous-évaluation dans les approches traditionnelles de la mobilité résidentielle intercensitaire. En rapportant le nombre d’individus résidant dans des communes différentes aux individus présents à chacun des deux recensements [32], le taux de mobilité observé (nécessairement interne) est systématiquement plus élevé pour les natifs que pour les immigrés (tableau 1, première ligne). Initialement quasi similaires entre 1968 et 1975 (30 %), leurs taux connaissent une évolution opposée pour atteindre entre 1990 et 1999 respectivement 33 % et 27 %. Les immigrés apparaissent alors moins mobiles que les natifs, contrairement aux résultats obtenus jusqu’ici.

34L’approche développée dans cet article se distingue d’abord en prenant pour référence la population initiale. La proportion d’individus ayant déménagé dans une autre commune est ainsi rapportée à un ensemble plus large qu’avec l’approche rétrospective traditionnelle, d’où l’obtention d’un taux de mobilité observée plus faible pour un groupe d’individus mobiles pourtant identique (tableau 1, ligne (1)). Ledit taux est de l’ordre de 10 points inférieur pour les immigrés, contre 3 points pour les natifs, sur l’ensemble de la période étudiée. Le taux de mobilité observé pour les immigrés devient ainsi nettement inférieur à celui des natifs. Non pas en raison d’une plus forte propension à l’immobilité – si celle-ci passe de 45 % à 50 % au cours de la période d’étude, elle demeure 10 points inférieure à celle des natifs – mais, au contraire, en raison de leur départ plus fréquent vers l’étranger (tableau 1, ligne (3)).

Tableau 1. Taux de départ communal intercensitaire et mobilité observée rétrospectivement

Tableau 1. Taux de départ communal intercensitaire et mobilité observée rétrospectivement

Tableau 1. Taux de départ communal intercensitaire et mobilité observée rétrospectivement

35La somme de la mobilité observée et de l’émigration fournit la borne basse des départs communaux tandis que la borne haute inclut également les décès. L’amplitude moyenne de l’intervalle défini par ces deux bornes, qui correspond à la proportion de décès, reste très limitée : de l’ordre de 5 points. L’écart ne prenant de l’importance qu’aux âges les plus élevés (figure 1), il n’affecte qu’une part très limitée de l’ensemble des individus. Même en imaginant des comportements totalement différents entre immigrés et natifs juste avant leur décès, l’ajout de 5 points de mobilité aux natifs ne suffirait pas à combler l’écart moyen de mobilité avec les immigrés, loin de là. Initialement plus élevée de 50 % que celle des natifs, la mobilité des immigrés se réduit tandis que celle des natifs augmente, dans une moindre mesure et sous l’effet potentiel de l’allongement des périodes intercensitaires. Mais l’écart en faveur des immigrés reste de 10 points en 1990-1999, soit une mobilité 25 % à 30 % plus élevée que chez les natifs selon la borne retenue [33].

Mise en évidence de l’ampleur de l’émigration

36Un tiers des immigrés disparaissent d’un recensement à l’autre contre 10 % des natifs (tableau 1, ligne Attrition), alors même qu’à partir de 1975 la proportion de décès parmi les immigrés est inférieure à celle observée parmi les natifs (tableau 1). La part des décès dans l’attrition passe de 44 % à 49 % pour les natifs entre 1968 et 1999, mais elle demeure inférieure à 15 % pour les immigrés. Au final, l’attrition hors décès, assimilée à l’émigration, s’établit entre 27 % et 33 % pour les immigrés, contre environ 5 % pour les natifs (tableau 1, ligne (3)). Entre un quart et un tiers des immigrés de 1 à 77 ans observés à un recensement auraient ainsi quitté le territoire métropolitain à l’issue des 7 à 9 années suivantes. En termes d’effectifs, ces départs intercensitaires correspondent à des flux d’émigrés de l’ordre d’un million de personnes parmi les immigrés et de 2,4 millions de personnes parmi les natifs [34].

37Cette propension différente à quitter le territoire entre immigrés et natifs s’observe à tous les âges (figure 2). En dépit des variations, la proportion des départs des immigrés reste supérieure à 20 % tandis qu’elle ne dépasse jamais 10 % pour les natifs. Ces derniers affichent une mobilité généralement deux fois inférieure à ce niveau. Celui-ci n’est atteint que pour les individus âgés de 15 à 18 ans au recensement initial, ce qui correspond à la mobilité intervenue entre cet âge et leur âge lors du recensement suivant (22 à 27 ans). L’accession à l’âge de la majorité légale et les opportunités de mobilité internationale liées aux études supérieures favorisent les départs des natifs du territoire français. En majorité, ces départs ne sont cependant pas durables : la proportion de natifs qui demeurent absents au recensement suivant ne dépasse pas 2,5 %. Au contraire, la majorité des départs à l’étranger des immigrés apparaît durable à chaque âge. Elle est confirmée dans plus de trois quarts des cas au recensement suivant. Notons que ces départs ne sont pas limités aux âges de passage à la retraite, mais sont observés tout au long de la vie à des niveaux équivalents ou supérieurs.

Figure 2. Proportion d’immigrés et de natifs ayant émigré entre deux recensements (RP) successifs

Figure 2. Proportion d’immigrés et de natifs ayant émigré entre deux recensements (RP) successifs

Figure 2. Proportion d’immigrés et de natifs ayant émigré entre deux recensements (RP) successifs

Une émigration qui décroît avec l’ancienneté sur le territoire

38La proportion d’immigrés quittant leur commune de résidence d’un recensement à l’autre varie également de façon importante selon l’ancienneté de leur arrivée  [35] en France et leur région de naissance (Europe du Sud ou Afrique du Nord) [36]. Le tableau 2 met en évidence cette hétérogénéité à structure d'âge constante [37]. La mobilité décroît ainsi systématiquement avec l’ancienneté de la présence sur le territoire français métropolitain. Entre 1982 et 1990, la mobilité des immigrés arrivés avant 1968 est deux fois inférieure à celle de ceux arrivés au cours de la période 1975-1982. À chaque période, environ deux tiers des immigrés arrivés lors de la dernière période intercensitaire sont mobiles. En particulier, l’émigration concerne un immigré sur deux arrivés dans la dernière période intercensitaire. Cette proportion est stable dans le temps. Elle est légèrement plus élevée pour les immigrés d’Afrique du Nord que pour ceux originaires d’Europe du Sud.

Tableau 2. Taux de départ communal et taux d’émigration intercensitaires selon la période d’arrivée et la région d’origine des immigrés, calculés pour une structure par âge standardisée à chaque recensement

Tableau 2. Taux de départ communal et taux d’émigration intercensitaires selon la période d’arrivée et la région d’origine des immigrés, calculés pour une structure par âge standardisée à chaque recensement

Tableau 2. Taux de départ communal et taux d’émigration intercensitaires selon la période d’arrivée et la région d’origine des immigrés, calculés pour une structure par âge standardisée à chaque recensement

39Ce constat reste vérifié même en distinguant les immigrés selon leur région de naissance. Les immigrés d’Europe du Sud et les immigrés en provenance d’Afrique du Nord représentent à eux seuls près de deux tiers des immigrés installés en France entre 1968 et 1990. La mobilité moyenne de ces deux groupes d’immigrés diminue nettement au cours de la période, notamment sous l’effet d’une baisse de la proportion des cas d’émigration de l’ordre de 10 points, entre les périodes 1975-1982 et 1990-1999.

Conclusion

40Ce travail met en évidence les spécificités de la mobilité des immigrés en France et la nécessité de développer un cadre d’analyse spécifique pour pouvoir en rendre compte. L’approche traditionnelle consistant à utiliser les informations rétrospectives disponibles dans le recensement se révèle inadéquate, notamment dans le cas des immigrés. D’une part, la qualité de ces informations apparaît fortement compromise tant par l’ampleur de la non-réponse que par son mode de redressement. D’autre part, la disponibilité même de ces informations est affectée par la proportion considérable d’immigrés disparaissant d’un recensement à l’autre. Or la majorité de ces disparitions est précisément due à la mobilité géographique de ces individus sortant du territoire national.

41Cette analyse propose un cadre alternatif original adapté à la comparaison de la mobilité des immigrés et des natifs dans les pays d’accueil. Il est fondé sur l’analyse de la proportion d’individus quittant leur commune de résidence d’un recensement à l’autre. Il repose sur l’exploitation d’un panel administratif adossé à des recensements exhaustifs et à l’état civil. L’échantillon démographique permanent de l’Insee fournit d’importants gages de qualité de suivi des individus sur le territoire et de détection des sorties. Ceux-ci sont au moins équivalents, voire nettement supérieurs, à ce qui peut être observé actuellement dans la littérature internationale sur le sujet. Les tests de robustesse effectués montrent qu’on peut aboutir à des conclusions solides, en dépit des approximations inhérentes aux études consacrées à l’immigration. L’originalité des estimations de mobilité et surtout d’émigration proposées ici consiste dans le fait qu’elles reposent exclusivement sur le suivi de trajectoires individuelles, sans recours à des hypothèses extérieures, tout en demeurant représentatives des flux du moment.

42Entre 1968 et 1999, la mobilité des immigrés apparaît nettement supérieure à celle des natifs, de 30 % à 50 % plus élevée. La moindre proportion d’immigrés déménageant d’une commune française à une autre entre deux recensements est plus que compensée par l’importance des flux vers d’autres destinations. D’un recensement à l’autre, un quart à un tiers des immigrés initialement observés quittent le territoire, soit un million d’individus sur une période de 7 à 9 ans. Ce phénomène est susceptible d’affecter les résultats des études consacrées à l’intégration des immigrés si les partants présentent des caractéristiques particulières. Les conséquences de l’émigration des immigrés s’étendent ainsi bien au-delà du strict cadre de la mobilité résidentielle.

43La poursuite de ce travail passera par l’analyse du profil spécifique des immigrés quittant le territoire [38], et l’étude des déterminants de cette mobilité. On peut aussi envisager de considérer l’impact du renouvellement sélectif de la population immigrée de façon plus systématique en prenant en compte non seulement les sorties, mais également les entrées sur le territoire métropolitain. Un tel travail a déjà été entrepris à partir de l’EDP dans le cadre de l’étude de l’évolution de l’accession à la propriété du logement des immigrés (Gobillon et Solignac, 2019). L’analyse pourra également être complétée en tenant compte de façon plus systématique des trajectoires individuelles et des espaces dans lesquels elles se produisent. Le prolongement de l’analyse au-delà de 1999 se heurte au changement du mode de recensement, puis à la rupture du suivi d’une partie des personnes nées à l’étranger (Jugnot, 2014). Cependant, l’appariement de l’EDP à de nouvelles bases de données sur la période récente permet d’envisager une adaptation du cadre d’analyse développé ici. Ce travail invite ainsi à poursuivre l’étude des spécificités de la mobilité géographique des immigrés et de ses conséquences, tant au niveau national que local.

Remerciements : Je remercie les participants de l’European Population Conference (Mayence), de la Population Association of America (San Diego), du séminaire des Lundis de l’Ined, ainsi que Laurent Gobillon, Maxime Tô, Éva Lelièvre, Christophe Bergouignan, Laurent Toulemon, Chantal Brutel, Didier Blanchet, Pierre-Philippe Combes et Dominique Meurs pour leurs commentaires et suggestions à différentes étapes de ce travail. Ce travail a bénéficié d’une aide de l’Etat gérée par l’Agence nationale de la recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence ANR-10-EQPX-17 (Centre d’accès sécurisé aux données - CASD) et d’un soutien de ce programme dans le cadre du LabEx LIEPP (ANR-11-LABX-0091, ANR-11-IDEX-0005-02), de l’IdEx Bordeaux (ANR-10-IDEX-03-02) et du LabEx iPOPs (ANR-10-LABX-0089), ainsi que d’une aide de la région Nouvelle-Aquitaine.

Notes

  • [1]
    Nous entendons cela au sens où ils ne sont plus observés au deuxième recensement dans leur commune de résidence initiale suite à une mobilité géographique. On ne traite ainsi ni des cas de mobilités multiples, ni du moment de la mobilité durant la période intercensitaire. Sur ces sujets, voir notamment Royer (2009).
  • [2]
    Contrairement au statut d’étranger fondé sur la nationalité du moment et qui disparaît avec la naturalisation.
  • [3]
    Les risques d’erreurs d’interprétation des résultats que fait peser l’émigration sélective des immigrés sont régulièrement soulignés (Borjas, 2014 ; Dustmann et Görlach, 2016 ; Jasso et Rosenzweig, 1988).
  • [4]
    Pour une récente revue de la littérature sur le sujet, voir notamment OCDE (2016).
  • [5]
    Ne serait-ce que parce qu’ils se sont déjà acquittés d’une partie des coûts associés à la migration et que leur expérience du pays d’origine peut faciliter les migrations de retour.
  • [6]
    Pour une revue de la littérature, voir également Mezger Kveder (2013).
  • [7]
    Les nombreux travaux issus du German Socio-Economic Panel concernent avant tout les immigrés de cinq nationalités présents en 1984 en Allemagne de l’Ouest dans le cadre du programme de « travailleurs invités » (Constant et Massey, 2003), auxquels ont été ajoutés ultérieurement des échantillons d’immigrés sélectionnés rétrospectivement selon leur date d’arrivée en Allemagne (Yahirun, 2014).
  • [8]
    Les variations de taille des groupes immigrés d’une période à une autre peuvent être liées à des problèmes d’inconsistance de la qualité des déclarations d’âge et de date d’entrée au cours du temps.
  • [9]
    Voir le travail de Caron (2018) réalisé à partir de la même source de données, et l’article de Guillot et al. (2018) pour la mesure de la variation selon l’âge du différentiel de mortalité entre natifs et nés à l’étranger.
  • [10]
    De même, P(ct = 1 ∩ ct+1 = 1) sera noté P(ct+1 = 1).
  • [11]
    D’après la formule des probabilités totales avec P(ct+ = 1) + P(ct+1 = 0) = 1.
  • [12]
    (dt+1 = 1) et (et+1 = 1) partitionnant (ct+1 = 0), on a :
    equation im6
  • [13]
    lt+1 est alors assimilée à la commune de résidence à la date du décès. Le lieu du décès n’est pas utilisable car la majorité des décès ont lieu à l’hôpital, qui peut être situé dans une autre commune que celle de résidence.
  • [14]
    Application de la formule de Bayes.
  • [15]
    L’estimation est biaisée dès lors que des individus disparaissent entre deux périodes et qu’ils ont un comportement de mobilité différent de ceux qui restent.
  • [16]
    Pour une présentation synthétique de la base, voir Couet (2006) et Solignac (2015). Pour une analyse plus détaillée, voir Jugnot (2014).
  • [17]
    Pour plus détails, voir le document de travail associé à cet article (Solignac, 2016).
  • [18]
    Les changements répétés de communes intervenus durant la période intercensitaire ainsi que les cas de changements de communes précédant éventuellement l’émigration ne sont pas comptabilisés dans la mesure où on ne s’intéresse pas au nombre total de migrations intervenues durant la période (cf. note 1).
  • [19]
    Notamment en raison de l’absence de localisation au niveau de l’arrondissement pour Marseille en 1982.
  • [20]
    Cette restriction du suivi de la mortalité assure justement le caractère disjoint des événements « disparition par décès » (dt+1 = 1) et « disparition par émigration » (et+1 = 1) permettant le passage de l’équation [1b] à [1c]. Cette distinction est établie à partir de l’enregistrement ou non de la disparition comme décès par l’état civil français. Les rares cas de décès à l’étranger enregistrés par l’état civil français (0,3 % de l’ensemble des décès) sont ainsi considérés comme des disparitions par décès.
  • [21]
    À noter que cette source n’exclut pas les immigrés en situation irrégulière, qui ne représentent d’ailleurs qu’une part très limitée des immigrés en France, estimée entre 6 % et 10 %, contre 25 % aux États-Unis (Héran, 2015).
  • [22]
    On peut vérifier que l’absence d’un immigré à un recensement est confirmée dans plus de 80 % des cas au recensement suivant (en dépit des cas de sortie temporaire du territoire), tandis que moins de 4 % des immigrés font l’objet d’un acte d’état civil entre deux absences consécutives au recensement.
  • [23]
    L’ampleur limitée de cette déformation est à mettre en perspective avec les taux de non-réponse totale des enquêtes ponctuelles qui atteignent fréquemment 40 %.
  • [24]
    Le prolongement de l’analyse au-delà de 1999 se heurte au changement du mode de recensement et à la rénovation du mode d’identification des individus au détriment du suivi des personnes nées à l’étranger (Jugnot, 2014).
  • [25]
    Soit l’ensemble des individus disposant d’un suivi continu de leur date de décès.
  • [26]
    Les résultats obtenus à chaque recensement postérieur à 1968 pour les âges plus élevés sont néanmoins disponibles dans le document de travail associé à cet article (Solignac, 2016).
  • [27]
    Il s’agit donc d’un mode de représentation qui permet d’assurer une comparaison entre immigrés et natifs en dépit de leurs différences de composition d’âges.
  • [28]
    De même, la mobilité des individus âgés de 20 ans au recensement de 1975 correspond à leur mobilité entre 20 et 27 ans.
  • [29]
    Sur ce phénomène de sous-mortalité des immigrés observé dans les pays d’accueil (dont la France), voir Boulogne et al. (2012) et Guillot et al. (2018).
  • [30]
    La dernière période intercensitaire se distingue toutefois par un pic de la mobilité des natifs aux âges jeunes nettement supérieur aux périodes précédentes, leur niveau de mobilité rejoignant celui des immigrés entre 17 et 21 ans.
  • [31]
    Ces résultats sont consultables dans le document de travail associé à cet article (Solignac, 2016).
  • [32]
    Ce calcul est effectué en utilisant la localisation indiquée à chaque recensement et non à partir de la question rétrospective dont les limites ont été exposées précédemment (partie III.2). Il s’agit de pouvoir comparer approche rétrospective et approche longitudinale par panel à partir des mêmes sources.
  • [33]
    Ces ordres de grandeurs sont conservés lorsque l’on distingue les hommes des femmes. Les intervalles de mobilité définis par les bornes sont en grande partie superposés pour les natifs et les natives, témoignant de leurs niveaux de mobilité proches. Ils sont disjoints pour les immigrés et les immigrées sous l’effet de la fréquence plus élevée des cas d’émigration parmi les hommes (Solignac, 2016).
  • [34]
    L’échantillon d’étude du tableau 1 est constitué de la moitié des effectifs de l’EDP qui est lui-même un échantillon de l’ordre de 1,1 % de la population métropolitaine (partie III).
  • [35]
    La période d’arrivée est déduite de la première observation des individus à un recensement.
  • [36]
    La zone « Europe du Sud » regroupe l’Italie, l’Espagne et le Portugal, la zone « Afrique du Nord » regroupe l'Algérie, le Maroc et la Tunisie.
  • [37]
    On a vu précédemment que les proportions d’individus mobiles variaient de façon importante avec l’âge. Pour éviter les effets de composition dus aux structures d’âges particulières à chaque groupe, et faciliter ainsi les comparaisons, les différences de structure d’âges ont été neutralisées en calculant les proportions globales pour une structure d’âges commune (celle des immigrés dans leur ensemble à chaque recensement initial).
  • [38]
    De premiers éléments d’analyse, qui n’ont pu être inclus par manque de place, sont consultables dans le document de travail associé à cet article (Solignac, 2016).
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Français

Cet article analyse la mobilité géographique des immigrés par rapport à celle des natifs en tenant compte des départs du pays d’accueil. Alors que la mobilité résidentielle de la plupart des natifs s’effectue au sein du territoire national, une proportion importante d’immigrés le quitte pour leur pays de naissance ou un pays tiers. Mais ces flux d’émigration sont souvent occultés, tant par l’approche rétrospective habituellement adoptée pour l’étude de la mobilité résidentielle, qu’en raison du manque de données adaptées pour mesurer les sorties du territoire. Ce travail se distingue en proposant une analyse du taux de départ des communes françaises, quelle que soit la destination. Dépassant la dichotomie entre migration interne et migration internationale, cette approche intégralement fondée sur un suivi individuel offre une mesure générale de la mobilité incluant l’émigration. Ce travail est mené à partir de l’exploitation d’un large panel administratif constitué de recensements exhaustifs et de l’état civil. Représentatif de la population, il permet un suivi systématique des trajectoires individuelles sur le territoire métropolitain français entre 1968 et 1999, tout en demeurant représentatif de l’ensemble de la population. La mobilité des immigrés se révèle nettement plus élevée que celle habituellement mesurée de façon rétrospective : elle est de 30 % à 50 % supérieure à celle des natifs. Un quart à un tiers des immigrés observés à un recensement donné ont quitté le territoire français au bout de 7 à 9 ans.

Mots-clés

  • mobilité géographique
  • migration interne
  • immigré
  • émigration
  • données de recensement
  • analyse longitudinale
  • panel
  • France

Références

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Matthieu Solignac
Université de Bordeaux, CNRS, Comptrasec, UMR 5114, F-33608 Pessac, France ; Institut national d’études démographiques (Ined), F-75020 Paris, France ; University of Pennsylvania, Population Studies Center, PA-19104 Philadelphie, États-Unis.
Mis en ligne sur Cairn.info le 03/05/2019
https://doi.org/10.3917/popu.1804.0693
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