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1La marche vers l’égalité entre les femmes et les hommes rencontre toujours de nombreuses résistances à la fois dans la sphère privée, avec l’inégale division du travail domestique, et dans la sphère professionnelle, avec les écarts de salaire et le plafond de verre. Les raisons qui conduisent les femmes à occuper des postes moins qualifiés, moins reconnus et moins rémunérés que les hommes sont multiples, et tiennent au type de formation, au temps de travail, au secteur d’emploi ou à des contraintes familiales. Pourtant, même lorsque les hommes et les femmes partagent ces mêmes caractéristiques, une différence de salaire de l’ordre de 20 % persiste. Partant de ce constat, Isabelle Bensidoun et Danièle Trancart examinent différentes composantes des écarts de salaires, en portant une attention particulière aux comportements et attitudes à l’égard du travail. L’application d’un modèle de décomposition des écarts de salaire aux données de l’enquête Génération 1998 à 10 ans, leur permet de montrer que ces préférences et attitudes peuvent expliquer en partie les salaires inférieurs des femmes.

2Depuis l’époque où la seule idée de voir les femmes gouverner faisait éclater de rire Schopenhauer [1], leur statut a considérablement évolué. Désormais plus diplômées que les hommes, elles participent au marché du travail non plus seulement pour obtenir le salaire d’appoint nécessaire à leur famille, mais aussi, pour certaines d’entre elles, s’épanouir et faire carrière. Bien qu’instruites et investies sur le marché du travail, elles restent en moyenne moins bien payées que les hommes. Certains facteurs peuvent l’expliquer : les femmes travaillent plus fréquemment à temps partiel, elles sont plus diplômées mais se dirigent vers des professions moins rémunératrices du fait des filières éducatives choisies. Cependant même après avoir tenu compte de ces différents éléments, une part non négligeable de l’écart de salaire observé entre les femmes et les hommes reste inexpliquée. À cela deux raisons possibles : soit les femmes sont victimes d’une discrimination sur le marché du travail, soit d’autres facteurs moins classiques, ou plus difficiles à mesurer, en sont la cause. Parmi ceux-ci, les différences de priorité accordée au travail entre les femmes et les hommes, leurs différences de personnalité, de valeurs ou d’attitudes pourraient être à l’origine de ces écarts de rémunération. C’est ce que Bertrand (2010), dans la dernière synthèse sur les questions de genre du Handbook of Labor Economics, recommande d’explorer, après avoir rappelé les résultats issus d’expériences en laboratoire. Ces expériences montrent que l’attitude face au risque et à la compétition ou la capacité à négocier ne sont pas identiques chez les hommes et les femmes [2]. Par ailleurs, des résultats issus de travaux de psychologues ont identifié des différences de traits de personnalité ou de préférences entre les unes et les autres. Hakim (2004), dans sa théorie des préférences, souligne l’importance des valeurs et des attitudes sur les décisions d’emploi, les choix de professions, mais aussi les rémunérations, dès lors qu’il s’agit d’objectif ou de préférence personnels et non d’attitudes ou d’opinions générales d’ordre moral. Ainsi, bien que la place des femmes sur le marché du travail, et plus largement dans la société, soit aujourd’hui bien différente de celle qui prévalait à l’époque de Schopenhauer, les normes sociales, aiguillons majeurs des préférences, portent encore les stigmates des idées que l’on s’en est fait pendant longtemps. Évaluer l’influence de ces différences de préférences et d’attitudes entre hommes et femmes sur le marché du travail français, et plus particulièrement sur leurs écarts de rémunération, est l’objet du travail présenté ici. Il fait suite aux travaux menés par Filer (1983), Mueller et Plug (2006), Fortin (2008), Grove et al. (2011), Cobb-Clark et Tan (2011), Nyhus et Pons (2012) sur le rôle de ces facteurs qualifiés de non cognitifs dans la littérature économique internationale.

3La plupart de ces travaux, hormis celui de Cobb-Clark et Tan (2011), ont considéré l’effet direct des variables non cognitives (préférences et traits de personnalité) sur les écarts de salaires, à savoir leur effet sur la productivité des individus ; une décomposition traditionnelle des écarts de salaires (Blinder, 1973 ; Oaxaca, 1973) leur permet alors de mesurer la contribution des variables non cognitives à ces écarts. Cependant, ces variables sont aussi susceptibles de déterminer les choix [3] de profession des individus comme les décisions d’embauche des employeurs (Chantreuil et Epiphane, 2013). Elles pourraient ainsi, pour une part, expliquer la ségrégation professionnelle observée entre hommes et femmes sur le marché du travail. C’est d’ailleurs la conclusion des travaux menés par Filer (1986), Ham et al. (2009), Falter et Wendelspiess Chávez Juárez (2012), John et Thomsen (2012) : les aspects non cognitifs constituent, à côté des variables explicatives plus traditionnelles (niveau d’études, expérience professionnelle), une source d’hétérogénéité entre individus qui joue sur les professions via, notamment, leur influence sur les préférences. Pour tenir compte de ce mécanisme indirect par lequel les préférences et les attitudes peuvent influencer les salaires, mais aussi du caractère potentiellement discriminatoire de la ségrégation professionnelle, une décomposition des écarts de salaires à partir de la méthode proposée par Brown, Moon et Zoloth (1980) est mise en œuvre. Celle-ci permet de décomposer l’écart de salaires en une composante interprofession (liée aux différences entre les distributions masculine et féminine des emplois par profession) et une composante intraprofession (liée aux écarts de salaires au sein des professions), ces deux composantes étant chacune scindée en un écart expliqué et un écart non expliqué par les différences de caractéristiques entre les hommes et les femmes.

4L’utilisation de cette méthode de décomposition rapproche notre travail de celui réalisé par Cobb-Clark et Tan (2011). Il s’en démarque cependant, au-delà du pays concerné et des variables non traditionnelles mobilisées, sur la manière dont l’influence des facteurs non cognitifs sur les écarts de salaires est appréhendée. Alors que Cobb-Clark et Tan (2011) l’évaluent à partir de la comparaison d’estimations avec et sans variables non cognitives, nous proposons d’apprécier la contribution des préférences et attitudes à l’écart de salaires en menant une décomposition détaillée. Comme on le verra par la suite (section II), celle-ci réclame un certain nombre de précautions techniques, mais permet d’aboutir à une évaluation précise de la part qui revient à ces facteurs.

5Notre travail constitue la première exploration de l’influence que les différences de préférences et d’attitudes entre hommes et femmes peuvent avoir sur leurs écarts de salaires en France. L’enquête mobilisée ici, « Génération 1998 à 10 ans » réalisée par le Céreq [4], grâce aux questions subjectives qu’elle comporte, permet d’apprécier le rôle que les préférences en termes de carrière, l’attitude face au risque ou le rapport à l’avenir professionnel peuvent avoir sur les écarts de salaires entre jeunes hommes et jeunes femmes.

I – Revue de la littérature

6La prise en compte de facteurs autres que les facteurs traditionnels pour expliquer les comportements observés sur le marché du travail connaît depuis 10 à 15 ans un développement important. Après avoir considéré l’impact que le niveau d’études, l’expérience, les capacités cognitives (celles qui mettent en jeu la mémoire, le langage, le raisonnement ou la résolution de problèmes) peuvent avoir sur les décisions d’emploi ou la rémunération des individus, les interrogations portent désormais sur le rôle joué par les capacités non cognitives : traits de personnalité (surtout), mais aussi préférences ou normes sociales. Envisagés de longue date par les psychologues et les sociologues comme constituant des déterminants essentiels des décisions des agents, ces facteurs sont désormais intégrés dans « la boîte à outils » des économistes. Pour les sociologues, l’idée selon laquelle les rôles sexués, socialement assignés aux hommes et aux femmes, façonnent leurs préférences et traits de personnalité qui, à leur tour, influencent leurs choix de profession et leurs aspirations professionnelles, n’est pas nouvelle. En économie, dans le domaine des écarts de rémunération qui nous intéressent ici, les travaux sur la contribution des variables non cognitives sont récents. Nous examinerons les résultats obtenus par Filer (1983), Mueller et Plug (2006), Fortin (2008), Grove et al. (2011), Cobb-Clark et Tan (2011) et Nyhus et Pons (2012). Ces travaux diffèrent à la fois par le champ couvert (échantillons), les variables non cognitives utilisées, la méthode de décomposition retenue et les résultats obtenus (tableau 1). Dans la plupart des travaux reportés (quatre sur six), la composante non expliquée des écarts de salaires est importante, comprise entre 63 % (Nyhus et Pons, 2012) et plus des trois quarts de l’écart total (Fortin, 2008 ; Cobb-Clark et Tan, 2011). La contribution des écarts provenant des différences entre hommes et femmes relativement aux variables non cognitives est très faible et négative dans l’étude de Cobb-Clark et Tan, elle est positive et se situe à 4 % dans l’étude de Filer, à 7,3 % chez Mueller et Plug, 8,4 % chez Fortin, 11,5 % chez Nyhus et Pons et atteint 17,4 % dans celle de Grove et al. Seules deux études fournissent la significativité des différentes composantes de l’écart de salaire expliqué, celle de Fortin et celle de Grove et al. Dans la première, la contribution des variables non cognitives est alors ramenée de 8,4 % à 7,4 % et dans la seconde de 17,4 % à 8,2 %. Finalement, la fourchette des écarts de salaires entre sexesdus aux variables non cognitives est « au mieux » comprise entre quelque chose de négatif et faible, et 8,2 %.

7S’agissant maintenant de la contribution des écarts de rendement de ces variables aux écarts de salaires (ligne dont VNC dans le total non expliqué du tableau 1), elle est de 13 % dans l’étude de Fortin, 10 % dans celle de Filer, très faible (0,4 %) dans l’étude de Nyhus et Pons et négative (– 4,5 %) dans celle de Mueller et Plug. La significativité de cette composante n’est toutefois jamais estimée par ces différents auteurs.

II – Méthodologie

8Après une rapide présentation de la décomposition de l’écart de salaire retenue, nous développerons nos apports méthodologiques par rapport aux travaux existants, et notamment à celui de Cobb-Clark et Tan (2011).

Tableau 1

Synthèse de la littérature sur l’influence des variables non cognitives sur les écarts de salaires entre sexes

Tableau 1
Filer (1983) Mueller et Plug (2006) Fortin (2008) Grove et al. (2011) Cobb-Clark et Tan (2011) Nyhus et Pons (2012) Échantillon Échantillon non représentatif (Sud-Est US, plutôt éduqué) US, 1972 N = 3 544 Wisconsin1992, sortie de l’école secondaire en 1957 N = 5 025 US 1986 Autour 30 ans N = 6 522 Candidats MBA US, 1998 (plus de 35 h) N = 933 Australie 2001-2006 Échantillon représentatif N = 5 397 Pays-Bas 2005 16-64 ans N = 622 Salaire Variables non cognitives (VNC) Moment de la mesure de ces variables Mensuel Préférences Au moment de l’enquête Horaire Traits de personnalité Au moment de l’enquête Horaire Traits de personnalité + préférences À la fin du secondaire Annuel Traits de personnalité + préférences 8 ans avant l’entrée sur le marché du travail Horaire Traits de personnalité Hypothèse d’invariance des traits de personnalité chez les adultes Horaire Traits de personnalité + préférence pour le futur Après l’entrée sur le marché du travail avec contrôle par l’âge Écart intra-professions (au sein des professions) Expliqué Non expliqué 96,6 % 21,7 % 74,9 % Écart inter-professions (entre les professions) Expliqué Non expliqué 3,4 % – 0,4 % 3,8 % Écart total (écart de log * 100 si non précisé) Total expliqué Dont VNC Total non expliqué Dont VNC Différence de salaire 237,4 $ 58,7 22,9 15,5 14,3 24,6 33 % 4 % 67 % 10 % 68,7 % 7,3 31,3 % – 4,5 % 24,8 % 8,4 % 75,2 % 13,0 % 60 % 17,4 % 40 % Non déterminé 21,3 % Négatif et très faible 78,7 % Non déterminé 37 % 11,5 % 63 % 0,4 %

Synthèse de la littérature sur l’influence des variables non cognitives sur les écarts de salaires entre sexes

9La décomposition de l’écart de salaires proposée par Brown, Moon et Zoloth (1980) présente plusieurs avantages. Elle permet de considérer que la ségrégation professionnelle sexuée observée sur le marché du travail est le fruit d’une préférence des individus, mais aussi de comportements discriminatoires (contrairement à la méthode de décomposition d’Oaxaca-Blinder plus couramment utilisée). Elle permet en outre d’apprécier l’effet direct par lequel les préférences et attitudes peuvent exercer une influence sur les écarts de salaires, à savoir leur effet sur la productivité des individus, mais aussi leur influence sur les choix des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) des individus et les décisions d’embauche des employeurs, et par conséquent leur effet sur la ségrégation professionnelle. Cette décomposition se présente comme suit :

10

equation im2

11Avec equation im3 et equation im4 la moyenne du logarithme du salaire des hommes et de celui des femmes, equation im5 et la moyenne du logarithme du salaire des hommes dans la PCS j.

12Le premier élément représente l’écart de salaire au sein des PCS (intra PCS) qui s’explique par des différences, en moyenne, de caractéristiques entre hommes hj, et femmes fj, (le fait qu’ils n’aient pas le même niveau d’études, la même expérience professionnelle, le même temps de travail ou les mêmes préférences par exemple), tandis que le deuxième en mesure la partie non expliquée, celle provenant de différences dans les rendements salariaux de ces caractéristiques entre les unes, equation im6, et les autres, equation im7, ou pour le dire autrement de différences entre hommes et femmes dans ce que rapporte en termes de salaires chacune des caractéristiques retenues.

13On le voit dans ces exercices de décomposition des écarts de salaire, les écarts considérés comme justifiés (expliqués) sont ceux qui proviennent de différences de caractéristiques productives entre les hommes et les femmes, le fait que les hommes, par exemple, aient en moyenne une expérience professionnelle plus longue que celle des femmes justifie qu’ils soient mieux rémunérés. Les écarts non expliqués, quant à eux, sont liés à des différences de rendements de ces caractéristiques, le fait par exemple que la détention d’un diplôme soit mieux rémunérée pour les hommes que pour les femmes, ce qui est totalement injustifié.

14De la même façon, l’écart de salaire entre les PCS (inter PCS) se décompose en deux éléments dont le premier en représente la partie expliquée, à savoir l’écart entre la distribution par PCS observée des hommes phj, et la distribution contrefactuelle des femmes fj, c’est-à-dire celle qui prévaudrait si les femmes, compte tenu de leurs caractéristiques, bénéficiaient du même accès que les hommes aux différentes PCS. La dernière composante de l’écart de salaire mesure la différence entre cette distribution contrefactuelle des femmes et leur distribution observée pfj, et en cela évalue la partie non expliquée de l’écart de salaire entre les PCS, celle due au fait qu’hommes et femmes n’ont pas le même accès aux différentes PCS.

15Pour effectuer cette décomposition, les rendements des caractéristiques des hommes et des femmes doivent être estimés, ainsi que la distribution contrefactuelle des femmes dans les différentes PCS.

16Les équations de salaires par PCS pour les hommes et pour les femmes ont la forme standard suivante :

17

equation im8

18Quant aux choix de PCS, ils sont supposés déterminés par l’interaction de facteurs d’offre (préférences et compétences des individus pour une profession compatible avec des contraintes familiales) et de demande (décisions des employeurs d’embaucher l’individu en fonction de ses caractéristiques productives). La forme réduite qui résume ces interactions est la suivante :

19

equation im9

20Pij représente la probabilité que l’individu i soit employé dans la PCS j déterminée par les variables X0 et les coefficients estimés γj.

21Cette modélisation des choix de PCS par un logit multinomial est effectuée pour les hommes afin d’évaluer la situation contrefactuelle pour les femmes en termes de distribution des emplois (̂fj).

1 – Décomposition détaillée

22Les travaux qui ont mis en œuvre cette décomposition (Chamkhi et Toutlemonde, 2015 ; Cobb-Clark et Tan, 2011 ; Meng et Meurs, 2001 ; Reilly, 1991) se sont limités à mesurer les quatre parties globales qui la composent : les composantes expliquées et non expliquées des écarts de salaires entre et au sein des PCS. Or, l’évaluation des caractéristiques (parties expliquées) ou de leurs rendements (parties non expliquées) qui contribuent à ces différentes composantes de l’écart de salaires, constitue une information essentielle à la fois pour guider les politiques – elle permet d’identifier les facteurs sur lesquels il convient d’intervenir pour réduire les écarts de salaires –, mais aussi pour évaluer l’ampleur de la contribution des préférences et attitudes à ces écarts.

23Plusieurs raisons peuvent expliquer que ces décompositions détaillées n’aient pas été effectuées. Tout d’abord, les décompositions globales de type BMZ, en distinguant ce qui relève d’écarts de salaire au sein des PCS et ce qui tient à des écarts de salaires entre les PCS, permettent déjà d’établir si les inégalités de salaires sont le fruit de différences pour des emplois similaires (unequal pay for equal work) ou de différences d’accès aux emplois (unequal work despite equal qualifications).

24Ensuite, en présence de variables qualitatives parmi les facteurs à l’origine des écarts de salaire, les résultats des estimations effectuées en retenant une modalité de référence pour ces variables, ne peuvent être utilisés tels quels pour détailler les parties non expliquées, car celles-ci sont dépendantes des modalités de référence retenues dans les estimations (Oaxaca et Ransom, 1999). Dès lors, pour aboutir à des décompositions invariantes par rapport aux modalités de référence, Yun (2005) a proposé de transformer les coefficients estimés en les exprimant en écart à la moyenne et d’y ajouter le coefficient de la modalité de référence (Bensidoun et Trancart, 2015). C’est l’approche qui a ici été retenue.

25Une autre difficulté se présente, liée à l’utilisation d’une modélisation non linéaire pour estimer les choix de PCS. Pour la contourner et disposer d’une décomposition détaillée des écarts de salaires entre les PCS et pouvoir ainsi évaluer l’influence exercée par les préférences et attitudes sur l’écart de salaires global entre hommes et femmes, une estimation linéaire des choix de PCS a été effectuée [5].

26Dans ce cas l’équation

27

equation im10

28est remplacée par

29

equation im11

III – Présentation des données

30L’enquête Génération mobilisée ici a été réalisée par le Céreq et comporte des questions subjectives permettant d’apprécier les préférences en termes de carrière, le rapport à l’avenir professionnel et l’attitude face au risque.

31Cette enquête a pour objet d’analyser les premières années de vie active d’une cohorte de jeunes sortis de formation initiale au même moment quel que soit leur âge, leur niveau d’études ou leur spécialité. L’enquête Génération 98 concerne les jeunes sortis du système éducatif en 1998, interrogés en 2001, 2003, 2005 et 2008. Les pondérations de l’enquête sont toujours calées sur la génération de sortants du système éducatif en 1998.

32L’enquête « Génération 1998 à 10 ans », celle de 2008, est utilisée ici pour toutes les variables, à l’exception des variables de préférences et d’attitudes qui, comme cela sera expliqué plus loin, sont issues de la première interrogation de l’enquête Génération 1998, celle de 2001. L’analyse concerne les actifs occupés en 2008, hors artisans et commerçants [6], qui ont répondu à la question portant sur leur temps de travail [7] (temps plein versus temps partiel), soit 9 422 individus, dont 4 625 hommes et 4 797 femmes. Le temps de travail en heures effectives n’étant pas disponible dans l’enquête, ce sont les salaires mensuels (primes et éventuellement treizième mois inclus) qui sont modélisés et l’information catégorielle sur le temps de travail est utilisée comme variable de contrôle.

33Les deux variables modélisées, emploi et salaire, sont présentées dans le tableau 2 par PCS, tandis que les variables explicatives le sont au niveau global (tableau 3) afin de présenter en moyenne les différences observées entre hommes et femmes.

1 – Caractéristiques individuelles, familiales et professionnelles

34Le tableau 2 montre que les femmes et les hommes se répartissent différemment dans les dix catégories socioprofessionnelles retenues [8] : les femmes sont significativement plus nombreuses dans les professions intermédiaires des domaines du social et de la santé et parmi les employées ; les hommes sont plus nombreux parmi les ingénieurs, techniciens, contremaîtres, agents de maîtrise et surtout parmi les ouvriers. Les écarts de distribution sont particulièrement marqués pour les catégories d’employés et d’ouvriers. On retrouve ici le résultat de Brinbaum et Trancart (2015) et Meron et al. (2006) : une forte ségrégation des emplois féminins et masculins lorsque le niveau d’études est faible. Cependant, au-delà du diplôme lui-même, c’est la spécialité de formation (tableau 3) qui contribue sans doute à cette ségrégation sexuée entre employées d’un côté et ouvriers de l’autre : les femmes s’engagent principalement dans des filières de formation à dominante tertiaire (65 %) et les hommes dans les filières industrielles (57 %) [9].

35Le salaire mensuel des jeunes hommes (1 963 € en 2008), dix ans après la sortie du système éducatif est, en moyenne, supérieur de 27,6 % (0,24 point de log) à celui des jeunes femmes (1 538 € en 2008) [10]. Les écarts salariaux (tableau 2) entre les unes et les autres sont très élevés (de 25 % à 45 %) dans le bas de la hiérarchie des salaires (ouvriers et employés), tandis qu’à l’autre extrême, ils ne sont élevés que pour les cadres administratifs et commerciaux (25 %). Les écarts sont significatifs et moindres pour les ingénieurs ou cadres techniques (18,6 %), les professions intermédiaires (de 7% à 16 %) et les cadres de la fonction publique (9%).

Tableau 2

Distributions des emplois et des salaires par CSP

Tableau 2
Emploi en % Moyenne des log de salaires Écart de salaires H/F en % Hommes Femmes Écart H-F Hommes Femmes Écart H-F Cadre administratif et commercial (31,37 : CAC) 5,3 4,1 1,2** 8,05 7,81 0,25*** 24,8*** Cadre fonction publique/prof. scientifique, arts et spectacles (33, 34,35 : CFP) 5,3 7,4 – 2,1*** 7,65 7,54 0,12*** 9,1* Ingenieur/cadre technique (38 : ING) 9,0 2,2 6,8*** 7,96 7,84 0,12*** 18,6** Profession intermediaire fonction publique (42, 44, 45 : PI_FP) 2,1 5,3 – 3,2*** 7,38 7,33 0,05 7,3* Profession intermediaire sante, social (43 : PI_SS) 3,3 14,6 – 11,3*** 7,43 7,29 0,14*** 15,9*** Profession intermediaire administratif et commercial, technicien et contremaitre (46, 47, 48 : Aut_PI) 21,4 15,7 5,8** 7,52 7,38 0,14*** 11,8** Employe non qualifie (Grille Chardon : ENQ) 4,1 13,7 – 9,6*** 7,18 6,91 0,27*** 28,7*** Employe qualifie (Grille Chardon : EQ) 9,5 28,2 – 18,7*** 7,36 7,14 0,22*** 24,7*** Ouvrier qualifie (62, 63, 64, 65 : OQ) 26,0 3,9 22,2*** 7,34 7,08 0,26*** 25,6*** Ouvrier non qualifie (67, 68, 69 : ONQ) 13,8 5,0 8,9*** 7,29 6,92 0,37*** 44,8*** Total 100 100 7,48 7,24 0,24*** 27,6***

Distributions des emplois et des salaires par CSP

Entre parenthèses figurent les abréviations et codes de la nomenclature Insee.
Significativité statistique : * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.
Source : Calcul des auteures à partir des données du Céreq, Génération 1998 à 10 ans.

36Les caractéristiques prises en compte pour expliquer ces écarts de répartition des emplois et des salaires par PCS sont résumées dans le tableau 3. Elles montrent que les femmes sont, en moyenne, un peu plus âgées que les hommes (6 mois) mais que leur expérience sur le marché du travail [11] est plus courte (écart d’un peu moins de 4 mois). L’expérience mesurée ici à partir de la description, mois par mois dans un calendrier professionnel, de toutes les situations occupées entre la date de sortie du système éducatif et la date de l’enquête, permet de disposer d’une expérience réelle des individus et non d’une expérience potentielle comme c’est souvent le cas. Si l’expérience des femmes est moins longue que celle des hommes, leur niveau de diplôme est en revanche plus élevé : 40 % des hommes possèdent un diplôme au plus égal à un CAP/BEP, mais seulement 26 % des femmes ; près d’un quart d’entre elles disposent d’un diplôme au moins équivalent à un niveau de licence (supérieur long) contre 19 % des hommes. Par ailleurs, un quart des hommes accusent un retard scolaire dès la sixième, contre moins de 18 % des femmes.

37Depuis moins longtemps en emploi que les hommes, les femmes se distinguent surtout par le temps qu’elles consacrent en moyenne à leur activité professionnelle. Alors que 97 % des hommes travaillent à temps plein, elles sont seulement 72 % à le faire (18 % exercent leur activité à 80 %). Ces écarts d’expérience et de présence hebdomadaire sur le marché du travail entre les unes et les autres pourraient ne pas être sans lien avec leurs différences de caractéristiques familiales. En effet, dix ans après leur sortie du système éducatif, les femmes sont en couple plus souvent que les hommes et, surtout, plus nombreuses à être déjà parent : près des 2/3 d’entre elles ont au moins un enfant contre moins de la moitié des hommes.

38En termes de caractéristiques professionnelles, on retrouve la ségrégation observée précédemment, avec des hommes plus présents que les femmes dans les secteurs industriels et des femmes très concentrées dans les services, surtout de l’administration, de l’éducation, de la santé et du social (près de 50 % de femmes, dont plus des deux tiers dans le secteur public). Sans surprise, les femmes occupent plus souvent que les hommes des emplois publics (37 % contre 20 %) et sont un peu moins enclines à occuper des emplois avec des horaires atypiques. Un peu moins nombreuses à disposer d’un contrat à durée indéterminée, elles sont surtout bien moins fréquemment que leurs homologues masculins dans des fonctions d’encadrement (une femme sur cinq contre plus d’un tiers des hommes). Les femmes sont également moins nombreuses dans les grandes entreprises.

39L’ensemble des caractéristiques présentées ici concernent des jeunes âgés en moyenne de 31,5 ans, soit 10 ans de moins que l’ensemble des salariés en France (Insee, enquête Emploi 2008). De ce fait, le niveau d’études des jeunes hommes comme des jeunes femmes est plus élevé : seuls 40 % des jeunes hommes et 26 % des jeunes femmes n’ont pas obtenu le baccalauréat, contre 55 % de l’ensemble des hommes et 42 % des femmes. La situation familiale des jeunes hommes est aussi particulière : seuls deux tiers d’entre eux sont en couple et 23 % ont au moins deux enfants à charge, contre respectivement 72 % et 36 % de l’ensemble des hommes salariés. En revanche, la situation familiale des jeunes femmes est similaire à celle de l’ensemble des femmes salariées. Sans doute de ce fait, le temps consacré par les femmes à leur activité professionnelle est aussi très proche dans les deux échantillons : 27,5 % des jeunes femmes travaillent à temps partiel, 32 % de l’ensemble des femmes salariées. Les écarts de salaires entre femmes et hommes sont comparables dans les deux populations : les jeunes femmes gagnant 21,6 % de moins que les jeunes hommes versus 24,3 % pour l’ensemble de la population salariée [12]. Dix ans après la sortie du système éducatif, les écarts de salaires entre hommes et femmes sont déjà bien établis.

Tableau 3

Caractéristiques individuelles, familiales, professionnelles en 2008 et préférences par sexe et écarts entre sexes en 2001(a)

HommesFemmesÉcart H-F
Âge31,331,8– 0,50***
Expérience (en mois)111,4107,63,8***
Formation
 Diplôme
  Sans diplôme et CAP/BEP40,026,014,0***
  Baccalauréat22,825,9– 3,1***
  BAC+218,323,7– 5,4***
  Supérieur long18,924,4– 5,5***
 Spécialité de formation
  Générale15,324,8– 9,5***
  Industrielle57,010,146,9***
  Tertiaire27,765,1– 37,4***
 Retard en 6e25,217,87,4***
Résidence en Île-de-France18,617,51,1
Temps de travail
 Temps plein96,972,524,4***
 Mi-temps0,94,8– 3,9***
 Inférieur à mi-temps0,41,8– 1,4***
 80 %1,418,0– 16,6***
 60 %0,42,9– 2,5***
Caractéristiques familiales
 Avec conjoint65,674,2– 8,6***
 Un ou des enfants46,963,8– 16,9***
Caractéristiques professionnelles :
 Secteur d’activité (NES de l’Insee : Activité économique de l’entreprise)
  Industrie31,29,821,4***
  Administration, éducation, santé, social19,549,0– 29,5***
  Autres services33,829,64,2***
  Non-réponse et agriculture (b)15,511,63,9***
 Horaires atypiques13,311,71,6*
 Emploi public20,436,9– 16,5***
 Contrat CDI88,785,63,1***
Encadrement
 Aucun salarié64,778,9– 14,2***
 1 salarié6,94,22,7***
 2 à 5 salariés15,49,65,8***
 6 salariés et plus13,07,25,8***
Taille de l’entreprise
 < 10 salariés17,317,8– 0,5
 de 10 à 49 salariés21,816,05,8***
 de 50 à 499 salariés26,719,37,4***
 500 salariés et plus13,17,45,7***
 Ne sais pas et non déterminé (b)21,139,5– 18,4***
Préférences et attitudes
 Optimisme85,079,95,1***
 Carrière23,819,64,2***
 Risque37,222,314,9***
Tableau 3

Caractéristiques individuelles, familiales, professionnelles en 2008 et préférences par sexe et écarts entre sexes en 2001(a)

(a) Les variables « formation », « caractéristiques familiales » et « préférences et attitudes » dans le tableau déterminent les choix de PCS tout comme les salaires. Pour ces derniers, l’expérience, les caractéristiques professionnelles et le temps de travail complètent la modélisation, tandis que pour les choix de PCS, c’est l’âge qui est ajouté.
(b) Le nombre de non-réponses est plus important pour les femmes car l’absence de réponse correspond essentiellement aux emplois publics plus fréquents chez les femmes. Dans l’agriculture, il s’agit pour 90 % de non-réponses.
Significativité statistique : * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.
Source : Calcul des auteures à partir des données du Céreq, Génération 1998 à 10 ans.

2 – Préférences et attitudes face au travail

40La base de données mobilisée ici permet un premier examen du rôle que les préférences et attitudes peuvent avoir sur les décisions d’emploi et sur les salaires. Celles-ci concernent les préférences affichées par les individus pour leur carrière, leur goût du risque et leur optimisme quant à leur avenir professionnel. Afin de limiter les risques d’endogénéité de ces variables, le fait qu’elles puissent être influencées par la situation des individus sur le marché du travail (notamment leur salaire), les réponses données en 2001 ont été retenues alors que l’analyse est menée pour l’année 2008.

41Une première question, relative aux préférences pour la carrière, est adressée aux enquêtés : « Votre priorité au cours de ces 3 dernières années a-t-elle été plutôt de : 1) trouver un emploi stable, 2) faire carrière, 3) ménager votre vie hors travail ? ». Une variable dichotomique à partir de la réponse « faire carrière » a été construite. Cette préférence exprimée par les individus – sans doute marquée par les stéréotypes de genre ou les normes sociales, les femmes « se devant » plus souvent d’investir la sphère familiale et les hommes la sphère professionnelle – pourrait conduire à choisir certaines professions plutôt que d’autres et procurer un gain salarial en incitant ceux qui investissent la sphère professionnelle à mieux négocier un changement d’emploi ou de salaire pour atteindre leur objectif (Fortin, 2008 ; Grove et al., 2011).

42Une deuxième question portant sur la vision des individus quant à leur avenir professionnel a été retenue. À partir des réponses à la question : « Comment voyez-vous votre avenir professionnel ? 1) plutôt inquiet, 2) plutôt optimiste, 3) ne sais pas », une variable dichotomique a été construite qui retient la réponse « plutôt optimiste » versus les deux autres. Plusieurs travaux ont montré que l’insécurité des individus face à l’emploi avait des conséquences sur leurs salaires en les conduisant à modérer leurs revendications salariales ou en limitant leur mobilité externe à même de procurer, en début de carrière, une progression de salaires (Aaronson et Sullivan, 1998 ; Campbell et al., 2007 ; Hakim, 2004 ; Simonnet, 1996).

43Enfin, la troisième question : « Envisagez-vous un jour de vous mettre à votre compte ? 1) oui dans mes projets, 2) oui peut-être, 3) non, 4) ne sais pas » a été utilisée pour construire une variable dichotomique qui regroupe d’un côté ceux qui ont répondu : « oui dans mes projets » et « oui peut-être » et de l’autre ceux qui ont choisi les deux autres options. La variable ainsi construite est considérée comme le marqueur d’une attitude positive face au risque, car les individus déclarant envisager de se mettre à leur compte expriment une aversion au risque plus faible que les autres. Le travail indépendant réclame en effet de prendre des risques, financiers mais aussi personnels, et offre une couverture sociale moins avantageuse. C’est ce que montrent de nombreuses études : les individus les moins rétifs au risque ont une probabilité plus forte de devenir travailleur indépendant. Cramer et al. (2002) sur les Pays-Bas, Ekelund et al. (2005) sur la Finlande, Brown et al. (2011) et Ahn (2010) sur les États-Unis montrent que le goût du risque constitue un déterminant majeur du travail indépendant. Concernant la France, Colombier et al. (2008) et Masclet et al. (2009), à partir d’études expérimentales, mettent aussi en évidence une appétence pour le risque significativement plus marquée des travailleurs indépendants. L’attitude des individus face au risque peut orienter leurs choix de professions, les plus rétifs s’engageant dans des professions où la variance des gains est faible (Bonin et al., 2007) ou dans le secteur public plutôt que dans le privé (Jung, 2013). L’aversion au risque peut aussi conduire à des rémunérations plus faibles en raison du différentiel compensatoire associé à la moindre prise de risque (Bertrand, 2010).

44En 2001, trois ans après la sortie du système éducatif, les distributions de ces trois variables montrent des écarts significatifs entre hommes et femmes, conformes aux résultats des autres études. Les femmes sont, en moyenne, significativement moins optimistes, expriment moins fréquemment le désir de faire carrière et sont plus rétives au risque que les hommes (tableau 3). Ces écarts entre les hommes et les femmes résistent à la prise en compte de leurs différences de niveau de diplôme et de spécialité.

45Bien que les variables de préférences et d’attitudes soient mesurées à une date antérieure (7 ans) à celle sur laquelle porte notre analyse, elles ne le sont pas avant l’entrée sur le marché du travail (soit avant 1998). En conséquence, elles peuvent refléter la situation des individus sur le marché du travail et non leurs « véritables » préférences. Les résultats de notre analyse en termes d’écarts de salaires entre hommes et femmes risquent ainsi d’être contaminés par la situation sur le marché du travail si celle-ci influence différemment les hommes et les femmes. Pour le vérifier, nous avons estimé, à l’aide de modèles logistiques, l’influence du nombre de mois passés au chômage entre 1998 et 2001 sur les préférences et attitudes face au travail (en contrôlant par le diplôme) et testé si l’impact était différent pour les hommes et pour les femmes.

46Le tableau 4, qui présente les effets marginaux du chômage, du sexe et de l’interaction de ces deux variables, montre que l’optimisme et la préférence pour la carrière sont affectés par le chômage : toutes choses égales par ailleurs, plus les individus sont restés au chômage, moins ils se déclarent optimistes quant à leur avenir professionnel et moins ils sont enclins à privilégier leur carrière. En outre, et conformément aux résultats des statistiques descriptives, les femmes sont moins souvent optimistes, expriment moins fréquemment le désir de faire carrière et sont plus rétives au risque que les hommes. Mais surtout, on constate que l’interaction de l’effet du sexe et du nombre de mois passés au chômage n’est significative pour aucune des variables étudiées : si le chômage a bien un effet sur les réponses apportées par les enquêtés quant à la vision de leur avenir professionnel ou le désir de privilégier leur carrière, celui-ci n’est pas différent pour les hommes et les femmes.

Tableau 4

Préférences, attitudes face au travail et chômage

Moyennes des effets marginauxOptimismeCarrièreRisque
Nombre de mois au chômage de 1998 à 2001– 0,0056***– 0,0067***– 0,00041
(0,00059)(0,011)(0,00086)
Sexe (Réf : hommes)– 0,0605***– 0,043***– 0,137***
(0,0105)(0,0108)(0,0122)
Sexe * Nombre de mois au chômage0,000790,0025– 0,0014
(0,00079)(0,00226)(0,0016)
Tableau 4

Préférences, attitudes face au travail et chômage

Modèle logit, écarts type entre parenthèses.
Note : Les effets marginaux du diplôme ne sont pas reportés ici.
Significativité statistique : * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.
Source : Calcul des auteures à partir des données du Céreq, Génération 1998 à 10 ans.

IV – Résultats et discussion

47La décomposition des écarts de salaires retenue ici permet de distinguer ce qui, dans ces écarts, provient de différences de caractéristiques entre hommes et femmes (écarts expliqués) et ce qui correspond à des écarts non expliqués. Cette décomposition permet aussi d’évaluer la part qui revient, dans ces écarts de salaires, à la ségrégation professionnelle, c’est-à-dire au fait qu’hommes et femmes n’appartiennent pas aux mêmes PCS (écart de salaires inter-PCS). Les résultats sont tout d’abord présentés au niveau global puis au niveau détaillé, afin d’identifier les facteurs à l’origine des écarts globaux. Cette section se termine par une discussion sur les raisons pour lesquelles nos résultats se différencient de ceux obtenus sur les écarts de salaires entre hommes et femmes en France.

1 – Décompositions globales des écarts de salaires

Quelle part peut s’expliquer ?

48Dans le tableau 5 figurent les résultats de la décomposition BMZ [13] pour les estimations sans (colonne 1) et avec (colonne 2)des variables de préférences et d’attitudes ainsi que ceux de la décomposition Oaxaca-Blinder [14] (colonne 3).

49La comparaison de la deuxième et de la troisième colonne montre que la prise en compte de manière explicite de la ségrégation sexuée sur le marché du travail dans la décomposition de l’écart de salaires entre hommes et femmes (colonne 2) conduit, de manière attendue, à réduire la composante expliquée. Alors que cette dernière représente 60 % de l’écart de salaires lorsque la distribution des femmes et des hommes entre les différentes PCS est considérée comme ne relevant que d’un choix des unes et des autres (colonne 3), elle n’en représente plus qu’environ 40 % lorsque la décomposition retenue envisage que ces distributions reflètent aussi un éventuel comportement discriminatoire de la part des employeurs. L’introduction des préférences et attitudes, en revanche, permet de réduire la composante non expliquée. Celle-ci passe de 70 % sans préférences et attitudes (colonne 1) à 62 % (colonne 2) en réduisant l’écart non expliqué au sein des PCS, mais aussi l’écart non expliqué entre les PCS, justifiant en cela l’utilisation d’une décomposition qui prend en compte l’effet indirect des préférences et attitudes sur les professions.

Quel est le rôle de la ségrégation professionnelle ?

50S’agissant maintenant de la répartition des composantes intra- et inter-PCS (colonne 2), l’essentiel, près de 80 %, de l’écart de salaires est dû à des différences de salaires entre les hommes et les femmes au sein des différentes PCS avec 46 % qui proviennent de leurs différences de caractéristiques et 33 % qui restent non expliqués. Les écarts de salaires provenant de différences liées à la ségrégation sexuée sur le marché du travail, le fait qu’hommes et femmes n’appartiennent pas aux mêmes PCS, s’élèvent quant à eux à seulement 20 % [15], mais ce chiffre est la somme d’une composante expliquée négative (– 8,2 %) et d’une composante non expliquée qui atteint près de 30 %. Cette première composante négative signifie que les caractéristiques des femmes devraient les conduire, si elles avaient le même accès que les hommes aux différentes PCS, à occuper en moyenne des emplois dans des PCS plus rémunératrices qu’eux. La figure 1 livre, à cet égard, des enseignements sur la répartition qui devrait être observée si les femmes avaient les mêmes possibilités que les hommes d’accéder aux différentes PCS. Sur ce graphique sont reportées trois distributions : celle observée des hommes et celle des femmes, et la distribution contrefactuelle de ces dernières, c’est-à-dire celle que l’on devrait observer si les femmes avaient le même accès que les hommes aux différentes PCS. Les différentes PCS sont classées par ordre décroissant du salaire moyen des hommes.

Tableau 5

Décomposition de l’écart de salaires hommes-femmes

Tableau 5
Sans variable de préférences et d’attitudes (1) Avec variables de préférences et d’attitudes (2) Oaxaca-Blinder (3) Écart de salaires % de l’écart Écart de salaires % de l’écart Écart de salaires % de l’écart Écart total 24,4 100 24,4 100 24,4 100 Total explique 7,3*** 30,1 9,3*** 38,1 14,7*** 60,3 Total non explique 17,0*** 69,9 15,1*** 61,9 9,7*** 39,7 Intra-PCS (au sein des PCS) 19,3*** 79,3 19,3*** 79,1 Explique 10,7*** 43,8 11,3*** 46,3 Non Explique 8,6*** 35,5 8,0*** 32,8 Inter-PCS (entre les PCS) 5,0*** 20,7 5,1*** 20,9 Explique – 3,3*** – 13,7 – 2,0*** – 8,2 Non explique 8,3*** 34,4 7,1*** 29,1

Décomposition de l’écart de salaires hommes-femmes

Les écarts des log de salaires ont été multipliés par 100 pour faciliter la lecture du tableau.
Significativité statistique : * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01 obtenus à partir de 200 réplications de l’échantillon par bootstrap, exceptée la colonne Oaxaca-Blinder.
Source : Calcul des auteures à partir des données du Céreq, Génération 1998 à 10 ans.
Figure 1

Distributions observées des emplois des femmes et des hommes par PCS et distribution contrefactuelle des femmes, en %

Figure 1

Distributions observées des emplois des femmes et des hommes par PCS et distribution contrefactuelle des femmes, en %

Note : CAC, cadre administratif et commercial ; CFP, cadre de la fonction publique ; PI_SS, profession intermédiaire de la santé et du social ; PI_FP, profession intermédiaire de la fonction publique ; Autres PI, profession intermédiaire administratif et commercial, technicien, contremaître…
Significativité statistique : * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01.
Source : Calcul des auteures à partir des données du Céreq, Génération 1998 à 10 ans.

51On constate ainsi que de nombreuses PCS devraient représenter une part des emplois des femmes plus importante que celle des hommes [16]. Seules les PCS d’ingénieur et surtout d’ouvriers sont « légitimement » des PCS masculines, au sens où elles représentent un poids plus important dans l’emploi des hommes que dans celui qu’elles auraient dans l’emploi des femmes si ces dernières bénéficiaient du même accès que les hommes aux différentes PCS, du fait de caractéristiques qui destinent davantage les hommes à ces PCS. Or, comme là où ils sont légitimement le plus fortement représentés (parmi les ouvriers), c’est aussi là où les salaires moyens sont faibles, l’écart de salaire entre hommes et femmes devrait être, compte tenu de leurs caractéristiques, à l’avantage des femmes si elles bénéficiaient du même accès que les hommes aux différentes PCS. On observe aussi sur ce graphique que la distribution contrefactuelle des femmes est très différente de celle qui prévaut réellement. Les femmes devraient être plus qu’elles ne le sont cadre administratif et commercial, ingénieure, cadre de la fonction publique, ouvrière ou dans des professions intermédiaires autres que la santé, le social et la fonction publique. Elles devraient en revanche être bien moins nombreuses dans les PCS d’employées (qualifiées et non qualifiées) et dans les professions intermédiaires liées à la santé, au social et de la fonction publique. Finalement, les écarts de salaires liés à la ségrégation professionnelle ne trouvent pas ici d’explication. Soit des déterminants autres que ceux retenus ici en sont à l’origine, soit la discrimination que les femmes subissent dans l’accès aux différentes professions en est la cause.

2 – Décompositions détaillées : les facteurs à l’origine des écarts de salaires

52Les résultats des décompositions détaillées des écarts de salaires au sein et entre les PCS permettent d’identifier les caractéristiques à l’origine des écarts globaux analysés jusque-là [17]. À cet égard, les premières colonnes du tableau 6 indiquent que plus d’un tiers de l’écart de salaire total s’explique par un recours au temps partiel plus prononcé pour les femmes [18] et 13,5 % par une dotation en caractéristiques professionnelles différentes entre hommes et femmes. Parmi ces dernières, c’est le fait qu’ils soient plus nombreux que leurs homologues féminines à exercer des fonctions d’encadrement qui justifie une rémunération plus importante [19]. Leur plus longue expérience professionnelle explique aussi à hauteur de 3,5 % l’écart de salaires observé en leur faveur. En revanche, le niveau de diplôme des femmes et le fait qu’elles soient plus nombreuses que les hommes à vivre en couple à ces âges et à avoir des enfants jouent en sens opposé.

53La décomposition par caractéristique de l’écart de salaires au sein des PCS non expliqué (colonnes 3 et 4) montre d’une part que l’essentiel de cet écart est lié à des différences dans les constantes estimées pour les hommes et pour les femmes, et d’autre part que les rendements des caractéristiques des hommes et des femmes ne sont pas statistiquement différents, hormis le rendement de leurs caractéristiques familiales qui pénalise les femmes. On retrouve ici une conclusion à laquelle sont parvenus Filer (1983) et Nyhus et Pons (2012) : la plupart des rendements des caractéristiques expliquant les salaires sont statistiquement similaires pour les hommes et les femmes.

Tableau 6

Décomposition détaillée de l’écart de salaires entre hommes et femmes (a)

Tableau 6
Intra-PCS (au sein des PCS) Inter-PCS (entre les PCS) (b) Expliqué (1) % de l’écart (2) Non expliqué (3) % de l’écart (4) Expliqué (5) % de l’écart (6) Non expliqué (7) % de l’écart (8) Experience / age 0,8** 3,5 – 0,3 – 1,4 – 0,01 0,0 – 0,08 – 0,4 Niveau d’etudes – 1,5*** – 6,0 – 2,6 – 10,7 – 3,0*** – 12,5 – 0,2 – 0,5 Specialite 0,5 2,0 0,1 0,3 Caracteristiques professionnelles 3,3*** 13,5 – 2,5 – 10,4 Temps de travail 8,2*** 33,8 0,7 2,8 Residence Ile-de-France 0,1 0,3 1,0 3,9 0,07 0,3 – 0,4 – 1,8 Caracteristiques familiales – 1,0*** – 3,9 2,1*** 8,8 – 0,3 – 1,1 0,5*** 2,2 Optimisme 0,4** 1,9 – 0,5 – 1,8 0,1** 0,5 – 0,2 – 0,8 Carriere 0,3* 1,4 – 0,4 – 1,6 0,3*** 1,1 – 0,6* – 0,6* Risque 0,0 0,1 – 0,7 – 2,9 0,3*** 1,3 0,0 0,1 Constante 11,1 45,8 8,4*** 34,7 Total explique / non explique 11,3*** 46,5 8,0*** 32,8 – 2,5*** – 10,4 7,6*** 31,1 Total intra-PCS / inter-PCS 19,3*** 79,3 % 5,0*** 20,7 % Ecart de salaire H-F 24,4

Décomposition détaillée de l’écart de salaires entre hommes et femmes (a)

(a) Les écarts des log de salaires ont été multipliés par 100 pour faciliter la lecture du tableau.
(b) La décomposition détaillée de l’écart de salaires inter-PCS s’appuie sur une modélisation linéaire des choix de PCS alors que la décomposition globale (tableau 5) repose sur une modélisation non linéaire (logit multinomial).
Ce changement conduit à des écarts dans la contribution respective des composantes expliquée et non expliquée assez modestes : – 2,0 / 7,1 (pour la modélisation non linéaire) versus – 2,5 / 7,6 (pour la modélisation linéaire).
Significativité statistique : * p < 0,10 ; ** p < 0,05 ; *** p < 0,01 obtenus à partir de 200 réplications de l’échantillon par bootstrap.
Source : calcul des auteures à partir des données du Céreq, Génération 1998 à 10 ans.

54Les colonnes 5 et 6 montrent que c’est le niveau d’études atteint par les femmes, notamment le fait qu’elles soient bien moins nombreuses que les hommes à n’avoir pas de diplôme ou un CAP/BEP avec une spécialité industrielle, qui justifierait qu’elles soient dans des professions plus rémunératrices que celles où elles sont effectivement employées (contribution négative). S’agissant de la composante non expliquée de l’écart de salaire entre les PCS (colonnes 7 et 8), comme pour l’écart au sein des PCS, la plupart des rendements ne sont pas statistiquement différents entre hommes et femmes et par conséquent l’essentiel de l’écart provient de différences entre les constantes estimées.

55Ainsi, l’essentiel de ce que certains qualifient de discrimination n’est pas lié au fait que les facteurs expliquant les salaires ou les choix de PCS bénéficient d’un rendement supérieur pour les hommes (à l’exception des caractéristiques familiales qui pénalisent les femmes), mais à des différences de traitement entre les unes et les autres qui dépassent ces facteurs.

56S’agissant de l’influence des préférences et attitudes (tableau 6, lignes grisées), on observe que l’optimisme et la préférence pour la carrière contribuent à expliquer 3,3 % de l’écart de salaires total, soit presqu’autant que l’expérience. En revanche, la différence de comportement face au risque n’a pas d’influence sur l’écart de rémunération.

57Au total, les préférences et les attitudes expliquent plus de 6 % de l’écart de salaires observé entre hommes et femmes, soit plus que les variables traditionnelles de capital humain, expérience et diplôme, d’autant que la dotation des femmes en termes d’études devrait se traduire par une prime salariale à leur avantage. Cette ampleur est comparable à ce qui a pu être mis en évidence dans d’autres travaux : dans ceux examinés dans cet article (section I), les facteurs non cognitifs expliquent, au plus, 8,2 % de l’écart de salaires. La prise en compte de facteurs non traditionnels liés aux préférences et attitudes des individus permet ainsi, en rendant observable ce qui tombe usuellement dans le lot des inobservables, de réduire la composante non expliquée. Au sein de cette dernière, seul le facteur lié à la préférence pour la carrière confère aux hommes un avantage significatif par rapport aux femmes en leur donnant plus accès à des PCS rémunératrices. Cette composante non expliquée reste toutefois forte : elle représente plus de 60 % de l’écart de salaires observé entre hommes et femmes.

3 – Comparaison avec d’autres travaux sur la France

58Les estimations récentes (Bozio et al., 2014 ; Meurs et Ponthieux, 2006) sur l’origine des écarts de salaires entre hommes et femmes en France, aboutissent à des résultats qui se démarquent de ceux présentés ici pour plusieurs raisons.

59La première concerne la méthode de décomposition retenue. Basées sur une décomposition Oaxaca-Blinder, ces deux études considèrent ainsi que les choix de PCS sont exogènes ou, dit autrement, ne considèrent pas le caractère potentiellement discriminatoire de la ségrégation professionnelle. En conséquence, la partie expliquée des écarts de salaires – 76,2 % en 2002 pour Meurs et Ponthieux (2006) et 71,6 % en 2012 pour Bozio et al. (2014) – est bien plus élevée que celle à laquelle nous aboutissons (36,1 %) [20]. On l’a vu précédemment, cette méthode de décomposition appliquée à nos données conduirait en effet à une composante expliquée bien plus élevée (60,3 %).

60La seconde provient des populations concernées. Alors que notre étude repose sur les jeunes 10 ans après leur sortie du système éducatif en 1998, ces études s’appuient sur l’ensemble des salariés : nos résultats sont donc relatifs à une population plus jeune que celles retenues dans ces deux estimations. De fait, si l’on compare nos résultats à ceux de ces deux études en utilisant la même méthode de décomposition (tableau 7), on constate que le temps de travail et les caractéristiques professionnelles sont les deux principales sources d’écart de salaires expliqué, dans ces études comme dans la nôtre, mais leur ampleur est plus faible dans notre estimation.

Tableau 7

Comparaison des résultats pour la France : décomposition Oaxaca-Blinder de l’écart de salaires mensuels(a) (%)

ÉtudeMeurs et Ponthieux (2006)Bozio et al. (2014)Bensidoun et Trancart
Année d’observation200220122008
Écart expliqué76,271,660,3
Expérience0,41,14,9
Éducation– 6,0– 4,1– 8,7
Spécialité3,1
Caract. professionnelles33,730,225,8
Temps de travail48,044,336,1
Caract. familiales– 3,4
Préférences et attitudes face au travail2,4
Écart non expliqué27,425,639,7
Effet de sélection– 2,42,8
Total100100100
Écart de salaires (en log)0,2520,2810,244
Tableau 3

Comparaison des résultats pour la France : décomposition Oaxaca-Blinder de l’écart de salaires mensuels(a) (%)

(a) Les variables utilisées dans Bozio et al. (2014) et Meurs et Ponthieux (2006) sont identiques mais diffèrent des nôtres. L’expérience est réelle dans notre étude mais potentielle dans les deux autres. Les caractéristiques professionnelles, catégories (PCS) et caractéristiques des emplois, se recoupent à l’exception des fonctions d’encadrement et de la taille de l’entreprise présentes dans notre étude seulement. Le temps de travail comporte la quotité horaire dans les trois études et le nombre d’heures par semaine seulement en 2002 et 2012. Quant à la sélection liée à la participation des femmes au marché du travail, elle n’a pas été retenue dans notre étude faute de significativité. Le taux de participation des femmes de notre échantillon est en effet élevé (92%) du fait de leur âge relativement jeune.
Sources : Bozio et al. (2014), Meurs et Ponthieux (2006) et calculs des auteures à partir des données du Céreq, Génération 1998 à 10 ans.

61S’agissant du temps de travail, la contribution plus élevée observée dans ces études (48 % et 44,3 % versus 36,1 % dans la nôtre) tient à la prise en compte, en sus des différences de quotité de travail, des différences d’heures travaillées par semaine dans ces études. S’agissant des caractéristiques professionnelles, elles représentent entre 30 % (Bozio et al., 2014) et 34 % (Meurs et Ponthieux, 2006) des écarts de salaires, contre 26 % dans notre étude du fait de la différence d’âge des populations concernées. Plus jeunes, les individus de notre échantillon affichent des différences dans la structure des emplois moins prononcées que dans l’ensemble de la population. La contribution plus négative de l’instruction dans notre étude tient là aussi aux différences d’âge des populations et reflète le fort investissement des jeunes femmes dans leurs études. Quant aux écarts de contribution de l’expérience, elles reflètent sans doute la différence de mesure de cette variable : expérience réelle dans notre travail contre expérience potentielle dans les deux autres.

62En résumé, les différences de diagnostic sur l’ampleur de la composante expliquée des écarts de salaires entre hommes et femmes ont essentiellement pour origine la méthode de décomposition retenue, la prise en compte des différences d’heures travaillées entre les unes et les autres, et les différences de populations concernées. En revanche, le diagnostic sur les caractéristiques qui contribuent le plus à cet écart expliqué de salaires est le même : les différences de temps de travail et de caractéristiques professionnelles entre hommes et femmes.

Conclusion

63Le fait qu’hommes et femmes se distinguent en matière de préférences et d’attitudes constitue l’une des raisons avancées pour expliquer que le rattrapage des salaires masculins par les femmes soit au point mort depuis maintenant deux décennies. Examinées sur des données étatsuniennes, australiennes ou néerlandaises, il ressort que, dans la plupart des cas, les différences de traits de personnalité ou de préférences expliquent une partie de l’écart de salaires. Pour la France, on ne dispose pas d’enquête qui interroge les individus sur leurs préférences ou leurs traits de personnalité de manière aussi détaillée que dans les autres pays. Les données mobilisées ici permettent toutefois de tirer un certain nombre d’enseignements dont on espère qu’ils susciteront suffisamment d’intérêt pour introduire dans les futures enquêtes des questions permettant de mieux cerner ces aspects.

64Premier enseignement : dix ans après la sortie du système éducatif, le fait que le salaire des femmes soit inférieur de 21,6 % à celui des hommes résulte pour seulement 20 % du fait qu’elles occupent un emploi dans des PCS différentes, et pour l’essentiel, 80 %, du fait qu’à PCS identique, leurs salaires sont inférieurs à ceux de leurs homologues masculins.

65Deuxième enseignement : si près de 40 % de l’écart de salaires peut s’expliquer par des différences de caractéristiques entre les hommes et les femmes, plus de 60 % reste non expliqué. Du fait de ces différences de caractéristiques, les femmes devraient percevoir un salaire inférieur de seulement 8 % à celui des hommes.

66Troisième enseignement : les différences de préférences et d’attitudes – optimisme, préférence pour la carrière et goût pour le risque – comptent (6,3 % de l’écart de salaire total, soit près de deux fois plus que l’expérience) et leur influence s’exerce autant (directement) sur les salaires que sur les choix de PCS. Sur les choix de PCS, d’ailleurs, seules les différences de préférences et d’attitudes face au travail jouent, de manière significative, dans un sens qui explique que les hommes se dirigent vers des PCS plus rémunératrices que les femmes.

67Si ces caractéristiques permettent de réduire la composante non expliquée des écarts de salaires entre hommes et femmes, il reste que cette dernière demeure importante, et ce d’autant plus que les écarts de salaires entre les PCS ne trouvent globalement aucune justification, contrairement aux écarts au sein des PCS pour lesquels les différences de temps de travail, de caractéristiques professionnelles ou de préférences et d’attitudes entre hommes et femmes les expliquent en partie.

68Parmi les composantes non expliquées des écarts de salaires, seuls les écarts de rendement des caractéristiques familiales sont significatifs au détriment des femmes, ce qui signifie que l’essentiel de ces écarts non expliqués ne passe pas par les vecteurs particuliers identifiés dans l’analyse (les variables explicatives retenues pour déterminer les salaires et les choix de profession). Ainsi, les écarts non expliqués ne sont pas liés au fait que les hommes valorisent mieux leurs caractéristiques que les femmes – leur diplôme, leur expérience, leurs caractéristiques professionnelles ou leurs préférences et attitudes face au travail –, mais à des raisons inexpliquées qui font, qu’en tant qu’hommes, on leur accorde une rémunération supérieure à celle des femmes.

69Ces différences de préférences et d’attitudes entre hommes et femmes, tout comme leurs différences de caractéristiques les plus importantes pour justifier leurs écarts de salaires – le temps qu’ils consacrent au marché du travail ou leurs prises de responsabilité en termes d’encadrement – renvoient, une fois écartée la discrimination dont pourraient être victimes les femmes en la matière, à des différences probablement engendrées par les rôles sexués dévolus à chacun. Dans ce contexte, on sait, à la suite d’Akerlof et Kranton (2000), que l’identité d’un individu, son désir de se conformer aux normes sociales en vigueur dans son groupe d’appartenance, peut guider ses décisions économiques via l’utilité qui en découle [21]. Dès lors, au-delà des questions de discrimination qui, bien qu’importantes dans nos résultats, sont toujours sujettes à caution à partir de ce type d’exercice, c’est aux mesures qui pourraient être prises pour modifier les mentalités que ce travail renvoie. Les politiques publiques visant à déconstruire les préjugés sexués et éduquer, dès l’école, à l’égalité entre les femmes et les hommes constituent à cet égard un axe à privilégier.

Notes

  • [1]
    « À la seule idée de voir à la place des hommes, les femmes gouverner, on éclate de rire. », Le fondement de la morale, chapitre III, paragraphe 17, (1879).
  • [2]
    Voir Bertrand (2010) et Eswaran (2014) pour une synthèse de ces travaux.
  • [3]
    Le terme de choix est utilisé dans cet article dans un sens qui n’exclut pas que les choix soient contraints, de même pour les préférences.
  • [4]
    Centre d’études et de recherches sur les qualifications, Marseille.
  • [5]
    Voir Bensidoun et Trancart (2015) pour une discussion sur les avantages et inconvénients du modèle linéaire de probabilité dans ce cas.
  • [6]
    L’échantillon comprend 443 artisans et commerçants dont plus de 80 % sont à leur compte.
  • [7]
    De ce fait, 125 individus ont été exclus.
  • [8]
    Une nomenclature détaillée en 10 postes a été retenue à partir de celle en 24 catégories socioprofessionnelles de l’Insee en veillant à conserver un effectif suffisant dans chaque catégorie (2 % dans les distributions par sexe). La catégorie « employé non qualifié » a été construite d’après la grille élaborée par Chardon (2001).
  • [9]
    Les spécialités de formation de la « classe » de fin d’études ont été recodées à partir des spécialités de la nomenclature NSF de l’Insee. Les codes 100 à 136 regroupent les spécialités générales, 200 à 255 les spécialités industrielles et 300 à 346 les spécialités du tertiaire.
  • [10]
    Ce qui correspond, pour les jeunes femmes, à un salaire inférieur à celui des jeunes hommes de 21,6 %, soit un peu moins que ce que l’on observe pour l’ensemble des salariés en France (24 %).
  • [11]
    Il s’agit du nombre de mois en emploi qui inclut les congés de maternité ou paternité mais pas le congé parental.
  • [12]
    On notera que l’écart est plus important entre les deux populations lorsque l’on considère le salaire des hommes par rapport à celui des femmes : les jeunes hommes ont en effet en moyenne un salaire qui est supérieur de 27,6 % à celui des jeunes femmes, et 32,1 % pour l’ensemble des salariés.
  • [13]
    Les résultats présentés ici considèrent que les choix de PCS et les salaires sont indépendants car la prise en compte d’une éventuelle sélection professionnelle liée à des caractéristiques inobservables qui affecteraient à la fois les choix de profession et les salaires s’est avérée non significative (Bensidoun et Trancart, 2015).
  • [14]
    La sélection liée au fait que l’on n’observe le salaire que des individus en emploi a été testée pour les hommes et les femmes en prenant comme variables d’exclusion l’origine sociale des parents et le travail de la mère. Cependant, l’inverse du ratio de Mills n’était significatif ni dans l’équation de salaire des hommes, ni dans celle des femmes. Cela provient du fait que dans notre échantillon, les femmes ont un taux de participation au marché du travail élevé (92 %), du fait de leur âge relativement jeune, et proche de celui des hommes (98 %).
  • [15]
    On retrouve cette faible part de la composante interprofessionnelle de manière encore plus marquée dans l’étude de Cobb-Clark et Tan (2011) présentée dans le tableau 1 mais aussi, dans une proportion similaire, dans celle de Meng et Meurs (2001) qui porte sur les écarts de salaires entre hommes et femmes en France en 1992.
  • [16]
    Les PCS pour lesquelles la barre « Contrefactuel Femmes » est plus haute que la barre « Hommes », sur le graphique.
  • [17]
    Les décompositions détaillées ont été réalisées en appliquant le programme Stata Oaxaca, développé par Jann (2008) à chaque PCS. Les contributions moyennes de chaque variable ont ensuite été obtenues en pondérant les différentes contributions par PCS par la distribution des emplois féminins par PCS pour la partie intra-PCS, et la distribution des salaires masculins par PCS pour la partie inter-PCS.
  • [18]
    La modélisation retenue ici, en considérant le temps de travail et l’encadrement comme des éléments justifiant l’écart de salaire, fait l’hypothèse que ce qui est observé relève d’un choix des individus. Or, il est probable que des comportements discriminatoires soient aussi à l’œuvre. Bensidoun et Trancart (2015) estiment que dans 25 % à 36 %, le temps partiel est subi par les femmes. De ce fait notre décomposition sous-estime la partie inexpliquée de l’écart de salaire entre les femmes et les hommes.
  • [19]
    Le plafond de verre auquel sont confrontées les femmes incite à penser que la faible part de femmes à des postes d’encadrement n’est pas seulement le fruit de leur choix, mais aussi le résultat de comportements discriminatoires à leur égard. Si tel est le cas, comme pour la partie involontaire du temps partiel, notre décomposition sous-estime la partie inexpliquée de l’écart de salaire entre les femmes et les hommes.
  • [20]
    Ou celle obtenue par Chamkhi et Toutlemonde (2015) qui s’élève à 35,6 % du fait, là aussi, de l’utilisation d’une décomposition qui tient compte du caractère potentiellement discriminatoire de la ségrégation professionnelle.
  • [21]
    Ou la désutilité qui découlerait d’un comportement non conforme aux normes du groupe auquel l’individu appartient.
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La réduction des écarts de salaires entre les hommes et les femmes est depuis maintenant deux décennies au point mort. Le fait que les unes et les autres se distinguent en matière de préférences et d’attitudes face au travail constitue une des raisons qui pourrait l’expliquer. Dans cette étude, on examine à partir de l’enquête Génération 1998 à 10 ans réalisée par le Céreq en France, le rôle que les préférences en matière de carrière, l’attitude face au risque ou le rapport à son avenir professionnel peuvent avoir sur les écarts de salaires. Comme ces facteurs sont susceptibles d’influencer non seulement les salaires mais aussi les choix professionnels, une décomposition des écarts de salaires qui en tient compte est retenue ici. Celle-ci permet en outre de prendre en considération le caractère potentiellement discriminatoire de la ségrégation professionnelle. Les différences de préférences et d’attitudes comptent pour 6,3 % de l’écart de salaires total, soit près de deux fois plus que l’expérience. Elles permettent de réduire la composante inexpliquée des écarts de salaire qui reste toutefois importante. Dix ans après la sortie du système éducatif, le salaire des femmes, inférieur de 21,2 % à celui des hommes, ne devrait en effet l’être que de 8 %.

Mots-clés

  • écarts de salaires hommes-femmes
  • décomposition salariale Brown-Moon et Zoloth
  • préférences et attitudes face au travail
  • ségrégation professionnelle
  • discrimination
  • France

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Isabelle Bensidoun
Centre d’études prospectives et d’information internationale, CEPII.
Correspondance : Isabelle Bensidoun, Centre d’études prospectives et d’information internationale, 20 avenue de Ségur, 75007 Paris
Danièle Trancart
Centre d’études de l’emploi et du travail, CEET.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 28/06/2018
https://doi.org/10.3917/popu.1801.0035
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