CAIRN.INFO : Matières à réflexion
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1Ce livre réunit une partie des textes présentés au cours du colloque qui a eu lieu en 2014, à l’occasion du 40e anniversaire de l’Institut des sciences de la famille dont font partie les deux directeurs d’ouvrage. Un grand nombre de spécialistes de la famille de plusieurs nationalités et venant d’horizons disciplinaires très divers y ont participé : historiens, juristes, psychologues, théologiens, philosophes, sociologues et ethnologues ont échangé sur leurs recherches devant un public très large et avec l’ouverture d’esprit défendue par l’ISF. La pluridisciplinarité assumée de ce colloque est sans doute l’une des difficultés de l’ouvrage, car les points de vue sont très différents et ne se prêtent pas aisément à une discussion claire. S’il est question de comprendre l’articulation entre les liens familiaux et le temps, on s’aperçoit rapidement que cette dernière notion prend des acceptions très différentes, ce qui donne un caractère hétéroclite à l’ensemble.

2La première partie présente tout d’abord l’Institut des sciences de la famille et son action enracinée dans un catholicisme social à travers la figure notamment de sa créatrice, la juriste Emma Gounod, dont un texte est reproduit. Valérie Aubourg essaie de retracer l’histoire institutionnelle de l’ISF, ses missions de formation et de recherche, ses publics. Paul Servais, historien, trace une histoire de l’évolution de la famille, des liens entre Eglise et famille puis entre université et Eglise, une histoire dont l’ISF est l’héritier.

3La deuxième partie propose une réflexion sur le temps et les changements qui ont affecté les familles. Georges Eid, dans un texte théorique, analyse les nouvelles formes de rapport au temps et essaie de les mettre en relation avec l’évolution des familles. Dans une perspective post-moderne, il lie l’émergence du temps pointilliste, où le présent guide les pratiques des individus, aux formes familiales « protéiformes » marquées par les séparations, les recompositions, les biographies fragmentées… Eid propose également de qualifier de « temps préventif », ce rapport au temps où l’individu essaie de se prémunir contre un futur incertain, tout particulièrement dans les rencontres amoureuses. Pascale Boucaud examine la mise en œuvre dans la législation internationale du droit des individus au mariage et à fonder une famille, énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Elle s’intéresse tout particulièrement à la question de la régulation juridique des mariages forcés et à l’égalité en droit et en responsabilité dans les familles.

4La troisième partie analyse « la famille au temps démocratique », prenant ici le temps dans l’acception de période ou d’époque. Jean-Hugues Déchaux présente dans un texte dense la façon dont l’esprit démocratique (fondé sur l’égalité et le contrat) modifie les représentations et les croyances en matière de parenté. Il montre comment une forme de laïcisation de la parenté a favorisé le développement d’un pluralisme familial. Dans le cadre d’engagements familiaux vus comme contractuels, les individus deviennent dans les représentations « force instituante du lien de parenté ». Ainsi, la gestation pour autrui (GPA) ou la procréation médicalement assistée (PMA) augmentent la dimension volontaire, élective, contractuelle du lien entre parents. Deux autres textes sur le droit de la famille et du temps complètent cette section.

5La quatrième partie traite de la « temporalité et les incertitudes familiales ». Le psychologue Kamel Arar se demande comment l’accélération du temps que connaît notre société modifie la fabrique de l’humain et celle des groupes comme la famille qui servent à produire l’humain. Le psychologue Jacques Arène interroge la dimension temporelle de la famille à travers la question de la continuité dans le temps des lignées, une des fonctions essentielles, d’après lui, de la famille. Il constate aujourd’hui une certaine usure temporelle dans le cadre familial consécutive à la montée du narcissisme.

6La dernière partie concerne les familles au temps du virtuel. Gérard Neyrand présente une réflexion à propos de l’influence des réseaux sociaux sur les rencontres et l’incertitude conjugale. Les réseaux sociaux modifient l’espace et le temps de la rencontre classique, désormais marqués par l’incertitude et une plus grande symétrie entre hommes et femmes. Enfin l’historien Olivier Servais réfléchit à la façon dont les jeux vidéo redéfinissent les temps familiaux. Après une période où ils clivaient les générations, une nouvelle génération de parents semble réduire cette fracture, en partageant avec leurs enfants des moments autour de cette pratique.

7L’ensemble de l’ouvrage propose donc une réflexion sur l’articulation entre temps et famille qui nous apparaît hétéroclite. Au-delà des appartenances disciplinaires, la notion de temps est bien trop générale et floue puisqu’on passe du temps partagé au temps de la filiation, à « l’esprit du temps » d’une époque, ou à l’avenir plus ou moins incertain. Par ailleurs, il est regrettable qu’un grand nombre de chapitres ne s’appuient que sur du matériau de « seconde main », voire n’aient pas de matériau d’enquête du tout, donnant ainsi l’impression d’une réflexion abstraite ou essayiste.

Christophe Giraud
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Mis en ligne sur Cairn.info le 28/06/2018
https://doi.org/10.3917/popu.1801.0165
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