1Dans les très grands pays, il est fréquent de rencontrer une forte hétérogénéité géographique des comportements démographiques. L’analyse à une échelle infranationale s’impose alors pour saisir leur diversité. Plus l’échelle d’observation est fine, plus elle permet de situer la contiguïté spatiale ou au contraire l’isolement des territoires du point de vue de ces comportements. L’Inde est un cas particulièrement intéressant à ce titre, compte tenu de sa diversité économique, culturelle et démographique. Abhishek Singh, Kaushalendra Kumar, Praveen Kumar Pathak, Rajesh Kumar Chauhan et Adrita Banerjee étudient les variations spatiales de la fécondité à l’échelle des 640 districts indiens afin de cartographier le niveau de la fécondité et ses déterminants. Les cartes ainsi produites s’avèrent des instruments utiles aux démographes pour analyser la concentration spatiale des comportements démographiques.
2L’Inde, deuxième pays le plus peuplé du monde après la Chine, est engagée actuellement dans un processus de transition de la fécondité. La fécondité y a baissé significativement au cours des cinquante dernières années, passant de 5,4 enfants par femme en 1961-1966 à 2,5 en 2010 (Registrar General of India, 2012 ; Rele, 1987). Mais bien que cette transition de fécondité touche l’ensemble des États indiens, tous ne la vivent pas au même rythme, et on peut considérer qu’ils se trouvent aujourd’hui à des étapes différentes. Alors que dans certains États (principalement dans le sud du pays), la fécondité est tombée au niveau de remplacement des générations, dans d’autres (surtout au nord), les taux de fécondité actuels sont encore supérieurs à 3 enfants par femme (Registrar General of India, 2012). Non seulement la fécondité varie d’un État à l’autre, mais elle varie aussi fortement selon le milieu (urbain ou rural) et selon les sous-goupes de la population (IIPS et Macro International, 2007).
3Plusieurs études ont identifié les facteurs déterminants de la fécondité. Alors que la fécondité est négativement associée au niveau d’instruction de la mère, au développement économique et à l’utilisation de la contraception, elle est positivement associée à la mortalité des enfants et à la préférence pour les garçons à la naissance (AksAn, 2014 ; Amin et al., 2007 ; Basu, 2002 ; Bhat, 1996 ; Bhattacharya, 2006 ; Caldwell et MacDonald, 1982 ; Cleland, 2001 ; Dreze et Murthi, 2001 ; Guilmoto, 2005 ; Malhotra et al., 1995 ; Merrick, 2002).
4De nombreux travaux ont été consacrés aux déterminants de la fécondité en Inde et dans ses principaux États, mais rares sont ceux qui expliquent les variations de la fécondité à l’échelle géographique plus fine des districts. C’est le cas de neuf études (Bhat, 1996 ; Bhattacharya, 2006 ; Das et Mohanty, 2012 ; Dreze et Murthi, 2001 ; Guilmoto, 2005 ; Malhotra et al., 1995 ; Mohanty et al., 2016 ; Murthi et al., 1995 ; Registrar General of India, 1997). Le taux d’alphabétisation féminine est l’un des déterminants majeurs de la fécondité indienne (Bhat, 1996 ; Das et Mohanty, 2012 ; Dreze et Murthi, 2001 ; Mohanty et al., 2016 ; Murthi et al., 1995 ; Registrar General of India, 1997). Si deux études ont mis en évidence une relation nettement négative entre le développement économique et la fécondité (Bhattacharya, 2006 ; Malhotra et al., 1995), d’autres n’ont trouvé aucune association ou seulement un lien ténu (Guilmoto, 2005 ; Mohanty et al., 2016). Plusieurs recherches ont mentionné la mortalité des enfants comme un déterminant important de la fécondité (Bhat, 1996 ; Bhattacharya, 2006 ; Das et Mohanty, 2012 ; Dreze et Murthi, 2001 ; Malhotra et al., 1995 ; Mohanty et al., 2016 ; Registrar General of India, 1997). La littérature scientifique indienne présente aussi la préférence pour les garçons comme un facteur majeur de la fécondité (Bhattacharya, 2006 ; Dreze et Murthi, 2001). Le patriarcat et le degré d’autonomie des femmes ont également été associés à la fécondité (Bhattacharya, 2006 ; Malhotra et al., 1995 ; Murthi et al., 1995). Certains travaux ont par ailleurs montré un lien positif entre la fécondité et la proportion de dalits [1] et de populations tribales, ainsi qu’avec la proportion de musulmans (Bhat, 1996 ; Bhattacharya, 2006 ; Das et Mohanty, 2012 ; Murthi et al., 1995).
5Bien que ces travaux s’accordent sur la relation entre le niveau d’instruction des femmes ou la mortalité des enfants et la fécondité, leurs résultats divergent en ce qui concerne les liens entre d’autres facteurs et les variations de la fécondité à l’échelle des districts. Par exemple, si Bath (1996) a constaté une association clairement positive entre les besoins non satisfaits de contraception et la fécondité, Das et Mohanty (2012) n’ont trouvé aucune relation entre l’utilisation de la contraception et la fécondité dans les États de l’Uttar Pradesh et du Bihar, après contrôle de l’âge au mariage. Alors que la recherche de Das et Mohanty (2012) a montré une association négative entre l’urbanisation et la fécondité, il n’y a pas de lien entre ces deux variables selon Dreze et Murthi (2001). Nous observons également des résultats divergents en ce qui concerne la relation entre la fécondité et la proportion de dalits et de populations tribales, ou entre la fécondité et la proportion de musulmans. Par exemple, la part de ces groupes dans la population est significativement associée à la fécondité dans les recherches de Bath (1996) et de Das et Mohanty (2012), mais au contraire, Dreze et Murthi (2001) n’ont observé aucun lien entre la fécondité et la proportion de musulmans. Alors que, selon Battacharya (2006), il y a bien une association statistique entre la proportion de musulmans et la fécondité, il n’y en a pas entre la fécondité et la proportion de dalits et de tribus. Un autre résultat mérite d’être mentionné, c’est le lien entre fécondité et pauvreté. Sur neuf recherches, trois ont introduit la pauvreté comme variable indépendante dans leurs modèles statistiques et, curieusement, aucune n’a démontré d’association entre pauvreté et fécondité (Das et Mohanty, 2012 ; Dreze et Murthi, 2001 ; Mohanty et al., 2016). Une variable très peu étudiée est celle de l’infécondité. De nombreuses recherches menées en Afrique subsaharienne ont mis en évidence l’association entre infécondité et fécondité dans le passé (Bongaarts et al., 1984 ; Caldwell et Caldwell, 1983 ; Frank, 1983). L’importance de l’infécondité en Afrique subsaharienne s’expliquait principalement par la forte prévalence des maladies sexuellement transmissibles. Les données disponibles indiquent que l’infécondité varie considérablement d’un district à l’autre en Inde (Ram, 2006).
6La littérature montre clairement que la prévalence de l’infécondité est beaucoup plus élevée dans les États d’Inde du sud que dans ceux du nord et du centre (Agrawal et al., 2012 ; Ganguly and Unisa, 2010 ; Ram, 2006 ; Unisa, 1999). L’analyse des tendances issues des données du recensement indien mène à des résultats similaires (Ram, 2006). Notons également que les États du sud de l’Inde ont une fécondité bien plus faible que ceux du nord et du centre (Registrar General of India, 2012). Ces différents schémas spatiaux de la fécondité et l’infécondité en Inde nous poussent à examiner leurs liens éventuels.
7Bien qu’il existe quelques tentatives d’explication des dimensions spatiales de la réduction de la fécondité en Inde (Bhat et Zavier, 1999 ; Guilmoto, 2005, 2016 ; Guilmoto et Rajan, 2001), aucune n’a essayé à ce jour d’analyser les structures spatiales de la fécondité et ses principaux déterminants. Outre le rôle des facteurs socioéconomiques, nous explorons l’impact de l’infécondité sur les variations de l’indicateur synthétique de fécondité dans les 640 districts qui composent les 29 États et 6 Territoires de l’Union indienne. Cette recherche vise également à tester la corrélation spatiale entre les variables, c’est-à-dire à examiner s’il existe une relation entre la répartition spatiale de la fécondité d’une part, et celle de diverses autres variables d’autre part. Les influences spatiales sont importantes en ce sens qu’elles peuvent invalider certains résultats méthodologiques classiques (Anselin, 1988). Ignorer les effets spatiaux revient à raisonner avec des écarts types inférieurs à leurs valeurs réelles.
I – Données et méthodes
Données
8Nous avons principalement utilisé les données du recensement indien de 2011 et celles de la troisième phase de la District Level Household Survey (DLHS 3) menée en 2007-2008. Le recensement de 2011 a couvert l’ensemble des 29 États et des 6 Territoires de l’Union indienne. En 2011, l’Inde était administrativement divisée en 640 districts. La DLHS 3 a été conçue pour évaluer des indicateurs de la santé maternelle et infantile, de l’utilisation de méthodes de contraception, et d’autres indicateurs de la santé reproductive (IIPS, 2010). Les données ont été recueillies auprès de 720 320 ménages des différents États et Territoires de l’Union. Au total, 643 944 femmes non célibataires âgées de 15 à 49 ans et 166 260 femmes célibataires âgées de 15 à 24 ans ont été interrogées dans le cadre de cette enquête. Une description détaillée de la DLHS 3 est disponible par ailleurs (IIPS, 2010).
Variable dépendante
9La variable dépendante est l’indice synthétique de fécondité (ISF). Nous avons utilisé les données du recensement de 2011 pour calculer des estimations de l’ISF au niveau des 640 districts à partir du nombre de naissances survenues au cours des douze derniers mois et du nombre de femmes réparties par groupes quinquennaux d’âges [2] (ORGI, 2015). Les valeurs ainsi obtenues sont potentiellement sous-estimées (Registrar General of India, 1989). Nous avons comparé les estimations de l’ISF non corrigées au niveau des États, obtenues à partir du nombre de naissances des douze derniers mois, avec celles qui proviennent du système d’état civil par sondage (Sample Registration System, SRS). Les deux séries sont proches, à l’exception de celles des États d’Uttar Pradesh, de Bihar et de Jammu et Cachemire. Leur coefficient de corrélation atteint 0,77. Pour compenser cette possible sous-estimation, nous avons ajusté les valeurs estimées des ISF des districts en recourant à la méthode suggérée par Bath et al. (1984) et décrite par Vosti et Lipton (1991). Celle-ci consiste à calculer un coefficient multiplicateur qui fait intervenir la structure par âge de la population d’âge fécond et la mortalité des enfants [3]. Après correction, elles se rapprochent en Uttar Pradesh et au Bihar. Le coefficient de corrélation entre nos ISF corrigés et les ISF provenant du SRS au niveau des États s’élève à 0,86. Entre nos estimations corrigées et celles de Guilmoto et Rajan (2013), le coefficient de corrélation dépasse 0,9. Ces tests de cohérence montrent que nos estimations corrigées de la fécondité au niveau des districts sont généralement fiables et s’accordent largement avec les estimations basées sur le SRS concernant les variations régionales. Plusieurs travaux antérieurs ont utilisé les données sur les naissances des douze derniers mois pour évaluer les ISF des districts indiens (Dreze et Murthi, 2001 ; Malhotra et al., 1995 ; Murthi et al., 1995). Notons toutefois que les estimations de l’ISF pour l’État de Jammu et Cachemire sont parmi les plus élevées, du fait d’une possible surestimation des nombres d’enfants dans le recensement de 2011 (Guilmoto et Rajan, 2013). Par conséquent, nos résultats pour cet État doivent être interprétés avec précaution.
Variables indépendantes
10Les recherches sur la fécondité indienne ont répertorié de nombreux éléments associés aux variations de la fécondité (Bhat, 1996 ; Das et Mohanty, 2012 ; Dreze et Murthi, 2001 ; Malhotra et al., 1995 ; Mohanty et al., 2016 ; Murthi et al., 1995 ; Registrar General of India, 1997). Nous avons donc introduit dans l’analyse plusieurs variables socioéconomiques (pourcentage de femmes sachant lire et écrire [4], de femmes exerçant une activité professionnelle, de ménages extrêmement pauvres et de ménages urbains), culturelles (pourcentage de dalits et de populations tribales, de musulmans) et touchant à la fécondité (pourcentage de femmes sans enfant, de femmes n’utilisant aucun moyen moderne de contraception, de femmes de 20-29 ans mariées avant l’âge de 18 ans). Nous avons également introduit la mortalité des enfants et le rapport de préférence de sexe (comme indicateur de préférence pour les garçons) dans l’analyse descriptive et l’analyse multivariée. La définition précise de chaque variable indépendante est fournie dans le tableau 1. Les valeurs de toutes les variables indépendantes ont été estimées à partir des données du recensement de 2011, à l’exception du rapport de préférence de sexe, du pourcentage de femmes non utilisatrices de contraception moderne et du pourcentage de femmes de 20 à 29 ans mariées avant 18 ans qui ont été calculés à partir des données de la DLHS 3. Il convient de noter que la DLHS 3 n’a été effectuée que dans 601 districts. Pour chaque variable, nous avons donc attribué à chaque district non couvert par l’enquête la moyenne des valeurs observées dans l’État auquel il appartient. Les quotients de mortalité infanto-juvénile des 640 districts proviennent de Guilmoto et Rajan (2013).
11On peut définir l’infécondité de plusieurs façons (Mascarenhas et al., 2012 ; OMS, 2006 ; OMS-ICMART, 2009 ; Rutstein et Shah, 2004). Pour cette recherche, nous définissons l’infécondité comme la proportion de femmes âgées de 45 à 49 ans qui n’ont jamais eu d’enfant. Nous utilisons cette définition faute de pouvoir dans ce cas distinguer infécondités volontaire et involontaire (bilogique).
12Il est intéressant de noter que, pour la première fois, le recensement indien de 2011 a fourni des données individuelles relatives au logement dans sa base de données (ORGI, 2011). Ce sont des informations sur le statut du logement, le type de ménage, l’alimentation en électricité, les matériaux des murs, du sol et du toit, l’alimentation en eau, le type de salle de bain, l’accès à des latrines, le système d’écoulement des eaux usées, le combustible utilisé, la possession de différents moyens de communication et l’accès à divers types de loisirs. Nous avons utilisé ces variables pour construire, au moyen d’une analyse en composantes principales, un indice synthétique de richesse. Les valeurs de cet indice ont été ensuite réparties en 5 classes interquintiles : très pauvre (les 20 % des ménages qui présentent les valeurs les plus faibles de l’indice), pauvre, moyen, aisé et très aisé (les 20 % des ménages les plus riches). Des travaux antérieurs ont montré que l’indice de richesse est un bon indicateur de la situation économique du ménage (Rutstein, 1999 ; Rutstein et al., 2000). L’indice de richesse a été évalué au niveau national. Dans cette étude, nous utilisons le pourcentage de ménages du district qui se situent au-dessous du premier quintile national comme indicateur du niveau de pauvreté.
Méthode statistique
13Nous avons construit des fonds de cartes à l’aide du logiciel ArcGIS, puis transféré ces cartes vierges vers le logiciel Geoda [5] pour procéder à l’analyse spatiale. Dans l’analyse spatiale, nous avons utilisé une matrice de contiguïté du premier ordre comme matrice de pondération.
14Nous avons estimé l’indice I de Moran et les indices locaux d’association spatiale (Local Indicator of Spatial Association – LISA) univarié et bivarié. L’indice I de Moran est le coefficient de Pearson mesurant l’autocorrélation spatiale (Moran, 1950). L’autocorrélation spatiale indique dans quelle mesure les points représentant les données ont des valeurs similaires à celles des points qui en sont géographiquement voisins. Le I de Moran est défini par :

16Zi est la variable d’intérêt standardisée, Wij est la matrice de pondération, C est le ratio du total des unités spatiales et de la somme de toutes les pondérations spatiales.
17Une valeur négative (positive) indique une autocorrélation spatiale négative (positive). Il y a autocorrélation spatiale positive quand les points qui se ressemblent en termes de valeurs des variables sont proches les uns des autres dans l’espace ; l’autocorrélation spatiale est négative quand les points géographiquement proches sont plus dissemblables. Les valeurs de l’indice I vont de – 1 (dispersion maximale) à + 1 (corrélation parfaite). La valeur zéro indique que la distribution spatiale est aléatoire.
18L’indice LISA univarié mesure la corrélation entre les valeurs présentées par des points situés dans une même zone. Il indique l’ampleur de l’effet de concentration spatiale des données en grappes. La procédure LISA de Geoda offre deux options importantes : cartographier les grappes et cartographier les niveaux de signification statistique (figure 1).
19L’indice LISA bivarié mesure la corrélation spatiale entre une variable d’une zone et la moyenne pondérée d’une autre variable dans les zones voisines. Il permet de voir s’il existe une corrélation entre la distribution spatiale de la variable dépendante d’une part, et celles des variables indépendantes d’autre part. Dans cette étude, l’indice LISA bivarié indique si la distribution spatiale des ISF est corrélée avec celles de diverses autres variables indépendantes (figure 2). Cet indice implique un croisement entre les valeurs standardisées d’une variable (par exemple l’ISF) de la zone i avec la moyenne des valeurs d’une autre variable (par exemple la proportion de femmes non utilisatrices de la contraception moderne) dans les zones contiguës.
20Nous avons d’abord utilisé la méthode des moindres carrés ordinaires (MCO) pour examiner la relation entre l’ISF et les variables indépendantes (à l’exception de la mortalité des enfants). Étant donné le risque d’endogénéité de la mortalité des enfants – si une forte mortalité des enfants tend à augmenter la fécondité, une fécondité élevée peut aussi augmenter la mortalité des enfants pour diverses raisons –, les coefficients d’une régression MCO sont généralement biaisés (Greene, 2012 ; Kennedy, 2003). Pour examiner l’association entre la mortalité des enfants et la fécondité, et corriger ce biais, nous avons recouru à la régression des doubles moindres carrés. Cette technique exige que l’on choisisse des variables instrumentales appropriées. Dans notre cas, une variable instrumentale adéquate sera une variable fortement corrélée avec la mortalité des enfants et aucunement avec la fécondité. Dreze et Murthi (2001) ont retenu l’accès à l’eau potable comme variable instrumentale appropriée pour examiner l’effet de la mortalité des enfants sur la fécondité. Dans notre régression des doubles moindres carrés, nous avons introduit l’accès à un réseau de distribution d’eau potable traitée. Un test de Hausman [6] nous permettra de voir si l’ISF et la mortalité des enfants sont des variables endogènes ou non.
21Nous avons également utilisé le modèle à terme d’erreur spatiale du logiciel Geoda pour examiner la relation entre la variable dépendante et les variables indépendantes (Anselin, 2005). Ce modèle évalue la part de l’effet de concentration spatiale d’une variable dépendante qui n’est pas expliquée par les variables indépendantes. L’effet de concentration spatiale est expliqué en référence à l’effet de grappe des termes d’erreur. Le modèle à terme d’erreur spatiale s’exprime mathématiquement de la façon suivante :

23u est l’erreur du modèle, e sont les résidus (non corrélés spatialement), m est un paramètre d’autocorrélation spatiale, W est la matrice de pondération spatiale.
24Nous avons utilisé une régression spatiale de doubles moindres carrés pour analyser l’association entre la mortalité des enfants et la fécondité après correction des effets de concentration spatiale. Il est important de noter que négliger l’autocorrélation spatiale amène à rendre significatives un plus grand nombre de variables, puisque les écarts types paraissent plus faibles qu’ils ne le sont en réalité. De plus, l’autocorrélation spatiale conduit à un excès de précision.
II – Résultats
Les autocorrélations spatiales
25Le tableau 1 présente les moyennes des valeurs des variables dépendante et indépendantes introduites dans notre analyse. L’ISF moyen est de 3,3 enfants par femme. Ses valeurs vont d’un minimum de 1,6 à Kolkata (Bengale-Occidental) à un maximum de 7,3 à Kupwara (Jammu et Cachemire).
26Dans le tableau 2 figurent les valeurs de l’indice I de Moran pour les variables dépendantes et indépendantes. Pour l’ISF, I vaut 0,68, ce qui signifie qu’il existe une forte autocorrélation spatiale de l’ISF sur l’ensemble des districts de l’Inde. On a une autocorrélation spatiale positive lorsque des valeurs similaires sont géographiquement proches. Nos résultats indiquent que les districts avec des ISF semblables sont géographiquement voisins les uns des autres. L’indice I de Moran va de 0,40 (rapport de préférence de sexe) à 0,83 (pourcentage de femmes de 20-29 ans mariées avant l’âge de 18 ans). L’indice I est aussi très élevé (0,80) pour le pourcentage de ménages très pauvres appartenant à la première tranche interquintile (plus faible quintile de la distribution des richesses), la participation des femmes au marché du travail (0,75), la mortalité des enfants (0,75), la non-utilisation d’une contraception moderne (0,74) et le pourcentage de musulmans (0,72). Les valeurs élevées de l’indice de Moran démontrent clairement une forte autocorrélation spatiale des variables étudiées.
Les cartographies des indices LISA
27La figure 1 présente la cartographie des indices LISA univariés des variables dépendante et indépendantes. La carte des grappes montre les zones qui présentent un indice de Moran significatif, en les classant selon le type de corrélation spatiale : rouge foncé pour les associations de type élevé-élevé, gris foncé pour faible-faible, gris clair pour faible-élevé et rose pour élevé-faible. Par exemple, un ISF élevé-élevé signifie qu’un district qui a un ISF supérieur à la moyenne nationale est contigu à d’autres districts qui ont également un ISF supérieur à la moyenne (figure 1A). Par contre, élevé-faible signifie qu’un district qui a un ISF supérieur à la moyenne est entouré de districts ayant un ISF inférieur à la moyenne. Les districts élevé-élevé sont également appelés points chauds (hot spots) et les districts faible-faible, points froids (cold spots) (Iwasawa et al., 2009 ; Sridharan et al., 2011 ; Weinreb et al., 2008). On remarque un effet de concentration spatiale, en particulier pour les valeurs élevées de l’ISF dans quelques districts du nord, du centre, de l’est et du nord-est de l’Inde (figure 1A). En revanche, c’est essentiellement dans le sud du pays que des districts à ISF faible voisinent avec des districts à ISF similaire. Des grappes de districts à ISF faible s’observent aussi au nord et à l’est. Les grappes de districts à infécondité élevée sont situées au sud et sur la côte orientale (figure 1B). On en trouve également quelques-unes au nord-est. Par contre, on observe des grappes de districts à faible infécondité au nord et au centre. Les grappes de forte mortalité des enfants touchent des zones du centre, de l’est et du nord-est de l’Inde (figure 1C). Les ménages très pauvres sont essentiellement concentrés dans les districts de l’est, du centre et du nord-est (figure 1D). L’examen de l’effet de concentration spatiale du rapport de préférence de sexe (figure 1F) montre des disparités : le rapport est élevé dans des grappes de districts du nord, du centre et de l’est, tandis qu’il est faible au sud du pays.
Valeurs moyennes des variables dépendante et indépendantes(1),(2),(3),(4)

Valeurs moyennes des variables dépendante et indépendantes(1),(2),(3),(4)
Note : Les écarts types sont indiqués entre parenthèses.Sources :
(1) Calculs des auteurs à partir des données du recensement de 2011.
(2) Calculs des auteurs à partir des données sur le logement dans le recensement de 2011.
(3) Calculs des auteurs à partir des données de la District Level Household Survey-3 (DLHS 3).
(4) Guilmoto et Rajan (2013).
28La figure 2 montre la cartographie des indices LISA bivariés, qui caractérisent l’association entre l’ISF et les variables indépendantes au niveau local.Ainsi, une corrélation spatiale élevé-élevé significative indique que des ISF élevés sont significativement corrélés avec des proportions élevées de femmes non utilisatrices de la contraception moderne (figure 2D) ; et une corrélation spatiale faible-élevé signifie que des ISF faibles sont corrélés avec des proportions élevées de femmes non utilisatrices de la contraception moderne (Anselin, 1995). Des ISF faibles sont statistiquement corrélés avec des taux d’infécondité élevés dans 71 districts, dont la grande majorité se situent dans le sud du pays et quelques-uns à l’est (figure 2A). À l’opposé, des valeurs élevées de l’ISF sont significativement corrélées avec des taux d’infécondité faibles dans 65 districts, situés au centre, à l’est et au nord de l’Inde, ainsi que dans quelques poches isolées d’autres régions. L’association entre un ISF élevé et une infécondité importante s’observe dans certains districts du centre et de l’est.
Indice I de Moran pour les variables dépendante et indépendantes

Indice I de Moran pour les variables dépendante et indépendantes
Lecture : Les valeurs de l’indice vont de – 1 (dispersion maximale) à + 1 (corrélation parfaite). La valeur zéro indique que la distribution spatiale est aléatoire.29En ce qui concerne l’association bivariée entre la mortalité des enfants et la fécondité (figure 2B), on observe également des structures spatiales intéressantes. Dans l’ensemble, les ISF élevés sont significativement corrélés avec une mortalité importante des enfants, principalement dans les districts du centre, de l’est et du nord de l’Inde, ainsi que dans certains districts du nord-est. On trouve des valeurs faibles de l’ISF significativement corrélées avec une faible mortalité des enfants dans les districts du sud du pays. Une forte mortalité des enfants est associée à un ISF bas dans quelques districts des États d’Andhra Pradesh, de Karnataka, de Jammu et Cachemire, de Himachal Pradesh et d’Odisha. Le même schéma s’observe concernant la préférence pour les garçons (figure 2E). Le pourcentage de femmes mariées avant 18 ans et l’ISF (figure 2F) présente des valeurs élevées dans des districts concentrés principalement au nord, au centre et à l’est de l’Inde. Par contre, lorsqu’elles ont toutes les deux des valeurs basses, c’est généralement dans des districts du sud. Soulignons que quelques districts (en particulier dans les États d’Andhra Pradesh et de Telangana) ont un ISF faible avec un pourcentage élevé de femmes mariées avant 18 ans.
30Globalement, les indices LISA bivariés suggèrent que la distribution spatiale des ISF d’une part, et les variables sélectionnées d’autre part, opposent systématiquement les districts du centre et de l’est (par exemple la région de l’Uttar Pradesh) à ceux de l’extrême sud (par exemple les régions du Tamil Nadu, du Kerala…). Par ailleurs, les indices LISA bivariés montrent une association entre infécondité, rapport de préférence pour le sexe, non-utilisation de méthode moderne de contraception, alphabétisation des femmes, et ISF. Cette association est anlysée plus finement par l’estimation des ISF moyens au niveau des districts en fonction de ces variables (tableau 3). Les résultats confirment les associations obtenues par l’analyse des indices LISA bivariés. L’ISF moyen dans les districts où le ratio de préférence pour le sexe se situe entre 4,0 et 24,5 est plus élevé de 1,2 enfant que dans les districts où ce ratio est entre 0,0 et 0,19. La fécondité est plus faible dans les districts où le niveau d’alphabétisation des femmes et l’infécondité sont les plus élevés. Les districts dans lesquels le taux d’alphabétisation des femmes est inférieur à 50 % ont en moyenne 1,7 enfant de plus que les districts où ce taux est supérieur à 64 %.
Les modèles de régression MCO
31Nous avons utilisé un modèle de régression MCO pour analyser les déterminants de la fécondité en Inde. Les résultats de la régression des moindres carrés ordinaires figurent dans le tableau 4.
Cartographie des indices LISA univariés, montrant l’effet de concentration spatiale des variables dépendante et indépendantes

Cartographie des indices LISA univariés, montrant l’effet de concentration spatiale des variables dépendante et indépendantes
32Un élément clé de l’analyse de la régression est d’examiner l’association entre l’infécondité et la fécondité. Comme prévu, l’infécondité est négativement associée à l’ISF, comme le taux d’alphabétisation des femmes (modèle 1). En revanche, le rapport de préférence de sexe est associé positivement. Les autres variables positivement corrélées avec l’ISF sont le pourcentage de musulmans, la proportion de femmes qui n’utilisent pas de contraception moderne, la proportion de dalits et de tribus, et le pourcentage de femmes mariées avant 18 ans. Les variables qui ne sont pas associées à l’ISF sont la participation des femmes au marché du travail, la pauvreté des ménages et l’urbanisation.
33La régression des doubles moindres carrés (modèle 2) évalue l’association entre la mortalité des enfants et l’ISF. Le test de Hausman a confirmé que l’endogénéité entre la fécondité et la mortalité était un sérieux problème, mais que l’accès à un réseau de distribution d’eau potable traitée constituait un bon instrument [7]. Il faut souligner que l’effet de l’infécondité est resté inchangé dans ce dernier modèle. La préférence de sexe, la non-utilisation de la contraception moderne, la proportion de dalits et de tribus, ainsi que celle de musulmans sont aussi significativement associées à la fécondité. L’alphabétisation des femmes et la proportion de celles mariées avant 18 ans deviennent statistiquement non significatives.
Cartographie des indices LISA bivariés, montrant la corrélation spatiale entre les variables dépendante et indépendantes

Cartographie des indices LISA bivariés, montrant la corrélation spatiale entre les variables dépendante et indépendantes
34Nous avons également calculé les deux modèles précédents en y intégrant un terme d’erreur spatiale (modèles 3 et 4) pour prendre en compte les effets de concentration spatiale dans l’analyse de l’association entre l’ISF et les variables indépendantes. Les résultats, présentés dans le tableau 4, indiquent une autocorrélation spatiale statistiquement significative (lambda). Ce paramètre lambda est statistiquement significatif dans les deux types de modèles. Ces résultats témoignent de la pertinence des modèles d’analyse spatiale présentés ici [8]. L’infécondité est effectivement associée négativement à l’ISF. La mortalité des enfants n’a pas de lien avec l’ISF dans le modèle spatial sur l’estimation des doubles moindres carrés. Par contre, la préférence de sexe et la non-utilisation de la contraception moderne sont positivement associées à l’ISF, tout comme les proportions de dalits et et de tribus, ainsi que celle des musulmans.
ISF moyens au niveau du district, selon le taux d’infécondité, le rapport de préférence de sexe, la non-utilisation de contraception et la proportion de femmes alphabétisées

ISF moyens au niveau du district, selon le taux d’infécondité, le rapport de préférence de sexe, la non-utilisation de contraception et la proportion de femmes alphabétisées
III – Discussion
35De nombreuses recherches menées en Inde ont examiné les déterminants de la fécondité au niveau national et au niveau des États, mais rarement au niveau du district, la plus petite division administrative en Inde. C’est pourtant à ce niveau que les politiques et programmes d’action sont généralement mis en œuvre. Nous n’avons trouvé qu’un petit nombre de recherches qui aient analysé les déterminants de la fécondité au niveau des districts en Inde. En outre, la plupart de ces études n’ont pas réussi à rendre compte de l’autocorrélation spatiale des données. Le principal objectif de notre travail est d’examiner les structures spatiales de la fécondité et de ses déterminants en exploitant les données du recensement indien de 2011. Un de nos résultats les plus marquants est la solide association qui lie l’infécondité avec la fécondité. Au niveau des districts, l’infécondité est significativement et négativement associée à l’ISF dans les quatre modèles statistiques. Les distributions spatiales respectives de la fécondité et de l’infécondité sont clairement liées, et ceci oppose systématiquement les districts du centre et de l’est de l’Inde à ceux de l’extrême sud. Quelques travaux portant sur l’Afrique subsaharienne ont déjà décrit une association entre la stérilité et la fécondité (Bongaarts et al., 1984 ; Frank, 1983). L’article de Frank (1983) a révélé que la stérilité provoquait un déficit de fécondité dans plusieurs grands pays (Cameroun, Mozambique, Tanzanie, Zaïre) et dans quelques autres plus petits (Congo, Gabon, République centrafricaine). Une recherche de Caldwell et Caldwell (1983) mentionne également l’infécondité comme une cause majeure des niveaux de fécondité anormalement bas observés dans certaines régions d’Afrique tropicale. Les niveaux élevés d’infécondité qui touchaient certains pays d’Afrique subsaharienne étaient essentiellement dus aux maladies sexuellement transmissibles. Avec la diffusion des antibiotiques, la stérilité a considérablement diminué.
Résultats des modèles de régression de l’ISF au niveau des districts indiens

Résultats des modèles de régression de l’ISF au niveau des districts indiens
Significativité : ** p ≤ 0,01 ; * p ≤ 0,05.Fécondité et infécondité
36Il est intéressant de souligner que la forte infécondité est concentrée dans les régions du sud et de la côte orientale de l’Inde. À l’opposé, les zones de faible infécondité se regroupent dans les districts du nord et du centre. Une analyse de l’infécondité chez les femmes mariées de 40-44 ans et 45-49 ans, basée sur les données du recensement de 2001, montre également des taux élevés d’infécondité dans les régions côtières du sud et de l’est de l’Inde (Ram, 2006). Les données du recensement de 1981 avaient déjà donné le même résultat. Une recherche de Agrawal et al. (2012) indique une forte prévalence de l’infécondité, largement supérieure à la moyenne nationale, dans tous les États du sud : 13 % en Andhra Pradesh, 12 % au Kerala et 9 % au Tamil Nadu. Unisa (1999) montre également que l’incidence de l’infécondité est beaucoup plus élevée en Andhra Pradesh que dans le reste de l’Inde. Ganguly et Unisa (2010), exploitant les données de l’Enquête nationale sur la santé familiale de 2005-2006, signalent que les taux les plus élevés de prévalence de l’infécondité se rencontrent dans les États du sud du pays. Malheureusement, il y a très peu de travaux qui traitent de l’épidémiologie de l’infécondité en Inde. Quelques études à petite échelle mentionnent la salpingite aiguë, le virus de l’herpès simplex de type 2, l’occlusion des trompes de Fallope, etc., comme causes principales de l’infécondité en Inde (Adamson et al., 2011 ; Mittal et al., 2015 ; Zargar et al., 1997). Les données récentes de la troisième phase de la DLHS révèlent une forte demande de traitements de l’infécondité. Près de 80 % des femmes de 15 à 49 ans souffrant d’infécondité primaire ont cherché à obtenir un traitement (IIPS, 2010). Une demande aussi forte signifie que l’infécondité est un problème sérieux en Inde. De nombreuses recherches sont nécessaires sur tous les aspects de l’infécondité et sur le rôle de l’infécondité en tant que déterminant des comportements démographiques dans ce pays.
La préférence pour les garçons
37Un autre résultat intéressant émerge de notre analyse, c’est l’association statistiquement significative et positive entre la préférence de sexe (indicateur de la préférence pour les garçons à la naissance) et la fécondité. Exploitant les données des recensements de 1981 et 1991, Dreze et Murthi (2001) et Bhattacharya (2006) ont également montré une association significative entre la préférence pour les garçons et la fécondité. Nos résultats, basés sur le recensement indien de 2011, révèlent que cette préférence est encore un déterminant important de la fécondité en Inde. L’indice LISA bivarié montre aussi que c’est manifestement un obstacle à la réduction de la fécondité dans les districts du centre, de l’est et du nord du pays. Curieusement, ce facteur n’est pas corrélé avec l’ISF dans les districts de l’ouest, marqués pourtant par un sex ratio déséquilibré. Et les distributions spatiales de la fécondité et de la préférence pour les garçons opposent systématiquement les districts du centre, de l’est et du nord avec ceux du sud.
L’effet de la distribution spatiale
38L’autocorrélation spatiale (lambda) s’est avérée statistiquement significative dans les modèles avec terme d’erreur spatiale, ce qui montre que la relation entre la fécondité et les variables indépendantes au niveau agrégé (au niveau du district, par exemple) peut être trompeuse si on néglige l’effet de concentration spatiale. Les données présentées précedemment indiquent qu’il existe effectivement une interrelation entre la distribution spatiale de la fécondité, d’une part, et celles de plusieurs autres variables, d’autre part. Le test AK justifie aussi l’utilisation de modèles spatiaux pour analyser les déterminants de la fécondité à l’échelle des districts indiens. Notre recherche apporte un résultat nouveau avec l’identification de zones géographiques hors normes. Une autre originalité de ce travail est l’utilisation de données provenant d’un échantillon de ménages du recensement de 2011 pour déterminer les quintiles de l’indice de richesse. Ceux-ci ont été estimés à partir des données sur les ménages, et nous avons introduit le pourcentage de ménages appartenant à la tranche interquintile la plus pauvre dans nos modèles statistiques. Ce faisant, nous avons évité le recours à un découpage arbitraire, souvent discutable, pour estimer la proportion de la population qui vit au-dessous du seuil de pauvreté.
Conclusion
39Les indices LISA univarié et bivarié nous ont donné un bon aperçu du phénomène de la concentration spatiale des variables analysées. La cartographie des indices LISA univariés nous a également aidés à identifier les districts ou régions qui méritent une attention particulière, par exemple ceux où se concentrent les ménages les plus pauvres et ceux où le mariage avant 18 ans est particulièrement fréquent. Les indices LISA bivariés concernant l’ISF et la proportion de femmes mariées avant 18 ans ont révélé des situations étonnantes dans quelques districts des États de Telangana, d’Andhra Pradesh, du Bengale- Occidental marqués par une forte proportion de femmes mariées précocément et un ISF faible. Or on sait que les États d’Andhra Pradesh et de Telangana se caractérisent par une grande précocité du mariage, de la première naissance et de la stérilisation (Matthews et al., 2009 ; Padmadas et al., 2004 ; Singh et al., 2012). Les indices LISA bivariés ont également mis en évidence un certain nombre de cas isolés, dont la présente recherche ne peut pas facilement expliquer la situation, par exemple, des districts dans lesquels coexistent une forte infécondité et une fécondité élevée. Il est difficile de déterminer si une telle association est due à des comportements particuliers, à des variations aléatoires ou à la mauvaise qualité des données sur les naissances des douze derniers mois et la descendance actuelle des femmes. De nouvelles recherches devront être consacrées à ces situations hors norme pour en déterminer les raisons.
40Finalement, ces résultats montrent la nécessité d’un investissement social plus important, en particulier dans les États du centre et de l’est, où la fécondité est encore considérablement élevée. On a pu voir également que la réduction de la préférence pour un fils est aussi un objectif prioritaire. La fécondité semble être structurée davantage par ces facteurs sociaux que par la situation de revenu ou de richesse. Quant à la modernisation, comme en témoignent le statut de richesse du ménage et le pourcentage de la population qui vit en milieu urbain, elle n’a pas exercé d’influence statistiquement significative sur la fécondité.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr C. Z. Guilmoto pour ses suggestions et commentaires utiles. Ils sont également reconnaissants envers Mr Sharban Sarkar qui les a aidés à confectionner les cartes. Une version précédente de cet article a été présentée à la conférence de l’Asian Population Association, tenue à Kuala Lumpur du 27 au 30 juillet 2015. Les remarques et suggestions des participants nous ont été utiles. Les auteurs expriment également leur gratitude aux trois lecteurs dont les commentaires ont permis d’améliorer considérablement la qualité de l’article.Notes
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[*]
International Institute for Population Sciences, Mumbai, Inde.
Correspondance : Abhishek Singh, Associate Professor, International Institute for Population Sciences, Mumbai – 400 088, Inde, courriel : abhi_iips@yahoo.co.in. -
[**]
Department of Geography, Delhi School of Economics, New Delhi, Inde.
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[***]
Population Research Center, Lucknow, Inde.
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[1]
Les dalits, nommés aussi intouchables, sont des groupes d’individus généralement désavantagés au bas du système de castes.
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[2]
Tableau F-9 du recensement de 2011.
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[3]
Pour un district donné, le coefficient d’augmentation est 0N5/Σ(5Wax5fadx5L0/5*l0)x5), où 0N5 est le nombre d’enfants de 0 à 5 ans, 5Wa est le nombre de femmes de chaque groupe quinquennal d’âges entre 15 et 49 ans, les 5fad sont les taux de fécondité par groupe quinquennal d’âges, et 5L0/5*l0 est la probabilité de survie infanto-juvénile.
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[4]
En raison du manque de données satisfaisantes, nous avons introduit dans notre analyse le taux d’alphabétisation des femmes plutôt que le nombre d’années de scolarité.
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[5]
Geoda est conçu pour l’analyse de données spatiales : traitement des données, cartographie et analyse de régression spatiale (Anselin, 2005).
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[6]
Le test de Hausman évalue le degré d’endogénéité d’une variable en comparant les valeurs d’une variable instrumentale aux valeurs homologues estimées par la technique des moindres carrés ordinaires.
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[7]
C’est-à-dire que la variable d’accès à l’eau potable était bien corrélée à la mortalité et significative dans l’équation de première étape.
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[8]
Le test d’Anselin-Kelejian (AK) a rejeté l’hypothèse nulle d’absence d’autocorrélation spatiale des résidus du modèle et a justifié l’utilisation du modèle à terme d’erreur spatiale.