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1Ce livre est une mise en perspective de la notion de consanguinité. Les auteurs partent de l’acception la plus stricte de ce terme : la relation génétique entre descendants d’un ancêtre commun, mesurée par un coefficient (F) qui exprime, en probabilité, le fait que deux allèles d’un gène en un emplacement chromosomique chez un individu sont la copie d’un même allèle provenant d’un ancêtre commun. À titre d’exemple – mais ceci représente le cas le plus fréquent dans les populations humaines –, le coefficient F chez un individu issu d’une union entre cousins germains est de 0,0625 : pour 1 gène sur 16 de son génome, les deux allèles de ce gène sont identiques par ascendance, ce qui crée une situation d’homozygotie. Une fois posés ces éléments, l’ouvrage propose une série de contributions qui abordent la consanguinité sous divers aspects.

2L’un de ces aspects est celui des pratiques matrimoniales provoquant, par la consanguinité, une augmentation du risque de maladies génétiques. Deux principaux facteurs sont évoqués concernant ces pratiques : l’isolement et les mariages préférentiels. L’isolement se caractérise par une quasi-absence d’échanges migratoires ou par un espace d’intermariages dans lequel le choix du conjoint s’effectue à l’intérieur d’un groupe relativement fermé d’individus risquant d’appartenir à une même lignée familiale. Les mariages préférentiels, quant à eux, répondent à des considérations culturelles et aux bénéfices sociaux ou économiques attendus lorsque l’union s’effectue avec un apparenté. L’ouvrage est ainsi très documenté sur les populations méditerranéennes et du Moyen-Orient où la consanguinité est fréquente et se traduit par la fréquence élevée de maladies génétiques telles que la drépanocytose et la β-thalassémie [1].

3Un autre aspect occupant une place importante dans cet ouvrage est celui des stratégies de santé publique retenues dans différents pays pour faire face aux problèmes, tant démographiques qu’économiques, posés par les maladies génétiques. L’exemple de Chypre et de la Sardaigne est très probant. La prévalence de la b-thalassémie y a fortement diminué à la suite de la mise en place de programmes de dépistage des sujets porteurs d’allèles mutés délétères. Ces programmes reposent essentiellement sur le conseil génétique apporté aux couples ayant un risque de donner naissance à un enfant malade, ce qui leur permet de se déterminer sur un choix reproductif. Un exemple très parlant est également le programme déployé en Israël auprès des communautés orthodoxes, où les mariages sont arrangés par les familles et l’avortement proscrit, mais qui sont touchées par la maladie de Tay-Sachs, d’apparition précoce et létale [2]. Ce programme, instauré depuis le début des années 1980 et consistant à effectuer des tests génétiques prénuptiaux qui impliquent la participation des autorités rabbiniques, s’est traduit par une nette diminution de la maladie de Tay-Sachs chez les Ashkénazes.

4Outre la clarté des exposés et la diversité des situations présentées, l’un des principaux mérites du livre de Shaw et Raz est de montrer que la réussite des programmes de lutte contre les maladies génétiques liées à la consanguinité n’est possible qu’à la condition d’intégrer localement les facteurs culturels et les croyances populaires aux interventions médicales caractérisées, bien souvent, par une haute technicité.

Notes

  • [1]
    La drépanocytose et la b-thalassémie sont deux maladies génétiques du sang. La première se caractérise par une modification de la forme des globules rouges, la seconde par une production insuffisante d’hémoglobine.
  • [2]
    La maladie de Tay-Sachs est une maladie génétique du métabolisme. Par défaut de production d’une enzyme, une forme particulière de lipide s’accumule anormalement dans le système nerveux.
Mis en ligne sur Cairn.info le 25/08/2017
https://doi.org/10.3917/popu.1702.0381
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