1Dans une période d’importants débats sur l’immigration en France et en Europe, ce livre constitue un outil opportun pour comprendre les enjeux actuels des politiques migratoires. Nicolas Fischer et Camille Hamidi nous présentent une synthèse des recherches les plus récentes sur les politiques migratoires menées principalement en Europe et en Amérique du Nord.
2L’ouvrage prend pour point de départ la crise migratoire de 2015, souvent présentée comme inédite, et vise à montrer qu’au-delà de deux évolutions récentes majeures (l’augmentation des migrations internationales et leur mondialisation), cette crise s’inscrit dans une « problématique migratoire » plus ancienne qui, depuis les années 1980, a fait l’objet de nombreux travaux de recherche. Si les auteurs sont issus de la science politique, leur ouvrage est conçu dans une perspective disciplinaire large, mêlant science politique, sociologie, histoire, anthropologie, géographie et économie.
3Il s’organise en cinq chapitres, dont le premier porte sur la production des politiques d’immigration. Ce chapitre s’intéresse aux modèles explicatifs des politiques migratoires et à leurs acteurs, mais aussi à la mise en œuvre pratique de ces politiques. Le second chapitre s’attache aux politiques d’accueil et de séjour, qui sont distinguées des politiques d’immigration et d’asile politique, celles-ci faisant l’objet du troisième chapitre. Le quatrième porte sur le contrôle répressif de l’immigration. Même si cette dimension répressive affecte l’ensemble des politiques migratoires, c’est aussi une politique en soi, marquée par une histoire et des problématiques qui lui sont propres, ce qui justifie pour les auteurs d’y consacrer un chapitre à part entière. Enfin, le dernier chapitre étudie les politiques d’intégration des migrations et des minorités. Ce découpage original correspond aux grandes subdivisions politiques issues de « [l’institutionnalisation] et [de la transformation des] catégories administratives, [des] politiques publiques et [des] pratiques qui visent à qualifier et à administrer les migrants et leurs déplacements » (p. 6).
4La diversité des approches menées pour étudier les politiques migratoires rend la lecture de l’ouvrage stimulante. Les différents chapitres s’ouvrent sur une brève histoire des politiques étudiées et de la construction des catégories administratives en matière de politiques migratoires. Il est ainsi rappelé au début du deuxième chapitre que jusqu’à la Première Guerre mondiale, les migrations étaient libres en Europe, et que la construction des politiques de régulation des flux migratoires s’est faite tout au long du xxe siècle. La question de l’internationalisation et plus précisément de l’européanisation des politiques migratoires, ainsi que celle de leur durcissement, est également abordée dans une perspective historique permettant de « se déprendre des cadres de pensée étatiques » (p. 7). Chacune des grandes catégories de politiques migratoires est aussi analysée dans une « perspective dynamique et relationnelle » (p. 7), à partir de synthèses de travaux analysant la mise en œuvre concrète des politiques migratoires dans l’espace social local. Les pratiques locales des guichetiers dans les préfectures, les « bureaucraties de l’asile », le rôle militant des intermédiaires associatifs, les résistances et les mobilisations des migrants et de leurs soutiens, ou encore les stratégies de séjour irrégulier et d’évitement des contrôles sont autant d’objets de travaux de recherche « par le bas » dont les conclusions sont présentées dans les différents chapitres de l’ouvrage. Enfin, la perspective multiscalaire de l’ouvrage permet de mesurer le rôle croissant de l’échelon supranational et en particulier européen dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques migratoires, et de comparer des situations et des contextes nationaux différents. Cette triple épaisseur historique, sociologique et géographique donnée à l’analyse des politiques migratoires, couplée à un souci de synthèse exigé par le format de l’ouvrage, constitue sa plus grande qualité.
5Cependant, cette pluralité au cœur de la démarche des auteurs – pluralité des politiques analysées, des approches, des disciplines, des échelles d’analyses et des méthodes – nuit parfois à l’unité de la structure de l’ouvrage et à sa clarté. De même, la transversalité des politiques migratoires, qui s’appliquent à différents domaines de l’action publique, interroge sur la pertinence de certains découpages opérés par les auteurs. La présentation témoigne néanmoins d’un net effort de pédagogie, et le lecteur appréciera tout particulièrement la table des matières claire et détaillée, ainsi que la bibliographie de quinze pages qui lui permettra de trouver les références nécessaires pour approfondir ses connaissances sur le sujet. Il faut enfin saluer encore une fois le souci de pluridisciplinarité qui fait de cet ouvrage une très bonne introduction pour tout lecteur s’intéressant aux problématiques liées aux politiques migratoires.