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1Dans les pays du nord, les villes furent dans le passé des lieux néfastes pour la santé. Les populations urbaines connaissaient un risque de mortalité plus élevé que celles des campagnes. Le développement des agglomérations et de leurs infrastructures, la concentration croissante des emplois qualifiés et des richesses ont modifié cette tendance, et les écarts entre villes et campagnes ont disparu au xxe siècle. Mais avec la densification périurbaine et les mobilités résidentielles entre centre et périphérie, la donne change et des différentiels de mortalité au sein même des espaces urbanisés apparaissent. À partir du cas de la Suisse, Mathias Lerch, Michel Oris et Philippe Wanner décrivent l’évolution de la géographie de la mortalité dans le dernier quart du xxe siècle. Ils montrent que le gradient de mortalité entre les zones rurales, périurbaines et urbaines s’est sensiblement transformé au cours du temps, puis analysent les mécanismes qui ont permis aux habitants des zones périphériques des grandes villes de bénéficier des plus bas niveaux de mortalité.

2Les disparités géographiques de la mortalité ont été largement analysées dans les pays développés, notamment pour déterminer l’état de santé d’une population et mieux cibler les mesures préventives (Caselli et Vallin, 2006). Les écarts entre les campagnes et les villes ont moins attiré l’attention des chercheurs, malgré leur importance historique dans le processus démographique d’urbanisation (Vries, 1990). Avant le début de la transition démographique (c’est-à-dire la chute successive des taux de mortalité et de natalité), les zones urbaines étaient caractérisées par une mortalité élevée causée par la pression démographique sur l’environnement citadin (Ramiro-Fariñas et Oris, 2016). L’urbanisation était essentiellement due à l’exode rural d’un grand nombre d’individus. Après une phase de modernisation et de progrès sanitaires qui ont amené les taux de mortalité urbains en dessous des taux ruraux, c’est l’accroissement naturel qui a alors contribué à l’urbanisation. Toutefois, dans le contexte de faible natalité, la démographie urbaine devrait être à nouveau liée aux disparités spatiales de mortalité (et aux mouvements migratoires). Cet article se concentre sur l’étude de la géographie urbaine de la mortalité en Suisse.

3En 1920-1921, trois décennies après le début de la transition démographique dans la Confédération helvétique, 29,2 % de la population du pays vivaient dans les villes. L’espérance de vie dans les cantons plus urbanisés était supérieure de près de 12 ans à celle des cantons moins urbanisés du fait d’une mortalité infantile plus élevée à cause des maladies infectieuses (Fei et al., 1998). En 2013-2014, 73 % des 8,3 millions d’habitants que compte la Suisse vivent dans des zones urbaines. L’espérance de vie y est la plus élevée du monde (80,7 ans pour les hommes et 84,9 ans pour les femmes) et les disparités entre cantons sont fortement réduites, n’étant plus que de 2,2 ans pour les hommes et 2,4 ans pour les femmes [1]. Des recherches antérieures ont souligné l’importance des facteurs de risque comportementaux et de la mortalité aux âges avancés dans les disparités spatiales de mortalité aux âges avancés (Wanner et al., 1997). À mesure que se déroulait cette transition épidémiologique vers une mortalité aux grands âges liée à des maladies chroniques (Omran, 1971), un nouveau gradient géographique a émergé dans les années 1980. L’espérance de vie dans les régions plus urbanisées est devenue inférieure à celle observée en Suisse périphérique (Bopp et Gutzwiler, 1999 ; Wanner et al., 1997, 2012).

4Ce renversement est ici lié aux mouvements de populations à l’origine du processus historique d’urbanisation (Geyer et Kontuly, 1993). La phase initiale, marquée par la concentration spatiale de l’industrie et des populations, a conduit à des effets négatifs dus à la congestion, en termes de trafic et de pollution, des centres-villes. Au début du xxe siècle, en Europe, ce développement a entraîné l’extension spatiale des villes et la délocalisation des industries et des emplois, phénomène nommé sub-urbanisation. Avec le passage de l’économie industrielle à l’économie post-industrielle, l’importance de la distance au lieu de travail comme déterminant des choix résidentiels a reculé du fait du développement des transports et des technologies de communication. Ces modifications ont amené un nouveau type d’étalement urbain dans des zones anciennement rurales situées dans la périphérie urbaine plus éloignée (périou contre-urbanisation) (Champion, 1989). Cette tendance reflétait le désir d’installation dans des contextes environnementaux moins encombrés et plus naturels (Geyer et Kontuly, 1993). Les changements dans la distribution spatiale de la population ont été favorisés par les écarts intra-urbains de coût des logements et la localisation des activités (Frumkin et al., 2004).

5Le processus de périurbanisation a débuté en Suisse dans les années 1960 et aurait entraîné un fort déclin des agglomérations centrales (nommées ici centres-villes) et des populations suburbaines si l’afflux de jeunes adultes – surtout des migrants internationaux – n’avait pas compensé l’émigration. Le départ vers la périphérie urbaine était largement sélectif, avec une surreprésentation des individus hautement qualifiés et des familles riches. Par contre, les populations des centres-villes restaient relativement hétérogènes à cause de l’émergence d’un marché du travail dual proposant à la fois des emplois hautement qualifiés et d’autres, mal payés, dans le secteur des services (Cunha et Both, 2004 ; Rérat et al., 2008).

6Étant donné qu’en Suisse, l’inversion de la géographie urbaine de la mortalité au détriment des centres-villes s’est produite en même temps que l’intensification de la périurbanisation, il faut analyser les liens entre les deux processus. En nous appuyant sur la littérature internationale, nous commençons par montrer les voies par lesquelles la périurbanisation peut affecter la mortalité urbaine. Après avoir présenté les données et méthodes, nous décrivons les différences d’espérance de vie le long du continuum urbain-rural, ainsi que les profils de mortalité par âge et cause au niveau national et par ville depuis 1969. Un modèle multiniveau est ensuite appliqué à l’ensemble de la population adulte résidente en 2000-2008, pour comprendre si la concentration spatiale de certaines caractéristiques de la population et/ou les disparités spatiales des cadres de vie expliquent le gradient urbain de mortalité.

I – Les causes possibles d’un nouveau gradient de la mortalité urbaine

7La vitesse à laquelle ont changé les villes rend difficile l’analyse de la mortalité urbaine. À mesure que la taille et la population des villes augmentent, les modifications de l’environnement urbain ont des conséquences physiques et socioéconomiques multiples sur la santé (Ramiro-Fariñas et Oris, 2016).

8En premier lieu, l’urbanisation qui désigne un processus de croissance et de regroupement des populations transforme l’environnement bâti, avec des conséquences directes pour la santé. Les populations urbaines peuvent subir des effets négatifs sur leur santé à cause de la pollution de l’air, du smog, des accidents de la circulation, du manque de temps pour des activités physiques du fait du temps de transport, et de l’effet de l’îlot de chaleur urbain [2] (Frumkin et al., 2004). Des études dans les pays occidentaux ont montré que la mortalité est plus élevée dans les zones densément peuplées que dans celles qui le sont moins. Les populations urbaines ont des taux particulièrement élevés de maladies respiratoires, de cancers du poumon, de maladies obstructives pulmonaires et de maladies ischémiques cardiaques (Chaix et al., 2006 ; Fan et Song, 2009 ; Gartner et al., 2011 ; O’Reilly et al., 2007 ; Pearce et Boyle, 2005). En Suisse, la mortalité par cancer de la trachée, des bronches ou du poumon s’accroît aussi avec l’exposition aux particules fines et avec la proximité d’une route importante (Huss et al., 2010). La surmortalité pendant la canicule de 2003 a également été plus élevée dans les centres-villes que dans les zones suburbaines, ce qui peut être attribué à un effet d’îlot de chaleur urbain (Grize et al., 2005).

9D’après cette hypothèse environnementale, la mortalité devrait décroître de façon linéaire du centre des villes vers les zones suburbaines et périurbaines, la campagne présentant le niveau le plus faible. La périurbanisation exacerbe les effets environnementaux sur la santé parce qu’elle étend l’environnement bâti, comme l’ont observé Fan et Son (2009) dans les zones métropolitaines des États-Unis.

10En deuxième lieu, dans une perspective historique, la périurbanisation a transformé les structures des populations locales en y insérant des populations aux caractéristiques socioéconomiques et comportements de santé différents. Des impacts de la migration sélective sur les différences géographiques de santé et de mortalité ont en effet été révélés dans plusieurs pays européens (Eggerickx et Sanderson, 2010 ; Kimbele et Janssen, 2013 ; Maguire et O’Reilly, 2015 ; Verheij et al., 1998). En Suisse, le niveau d’instruction et la situation matrimoniale sont les deux facteurs les plus clairement liés à l’état de santé (Burton-Jeangros, 2009). Les résultats pour la mortalité sont cohérents, puisque les hommes de 30 ans avec un diplôme d’enseignement supérieur peuvent espérer vivre jusqu’à 7,1 ans plus longtemps en moyenne que ceux moins instruits ; et les mariés ont des avantages similaires sur les célibataires (Schumacher et Vilpert, 2011 ; Spoerri et al., 2006).

11Cette hypothèse structurelle conduit à prévoir que les populations qui vivent en zone périurbaine auront un avantage en matière de santé. En effet, les migrants vers ces zones tendent à être sélectionnés parmi les plus instruits et sont – au moins quand leur migration devient effective – plus souvent mariés que ceux qui vivent soit en centre-ville, soit à la campagne. Dans les zones rurales, la mortalité devrait être relativement importante car les habitants ont en moyenne un statut socioéconomique peu élevé. Ces hypothèses sont toutefois plus difficiles à confirmer pour les populations des centres-villes, la mortalité relativement élevée des personnes moins instruites nées sur place pouvant être compensée par l’afflux d’immigrants hautement qualifiés et/ou en bonne santé, ce qui a été observé à Montréal (Choinière, 1991).

12Bien que ces deux hypothèses soient clairement distinctes, il est difficile de démêler les deux impacts sur la mortalité : celui des changements de composition de la population associés à la dynamique de périurbanisation et celui de l’environnement. En décrivant les déterminants de la santé des citadins, Vlahov et Galea (2002) ont introduit une distinction entre urbanisation et urbanicité, qui sont toutes deux affectées par le processus contemporain de périurbanisation. L’urbanisation se réfère ici simplement à l’hypothèse environnementale préalablement présentée. Le terme d’urbanicité traduit les interactions et le cumul des (dés)avantages affectant la distribution spatiale des facteurs de risque (Vlahov et Galea 2002). L’urbanicité diffère selon le cadre de vie local puisqu’elle est façonnée par l’agrégation spatiale des comportements individuels et par leurs interactions, ainsi que par des facteurs exogènes (politiques sociales, aménagement du territoire…). Ces caractéristiques collectives du lieu de vie peuvent affecter les styles de vie et la santé de tous les résidents, indépendamment de leur statut socioéconomique (Macintyre et al., 2002).

13L’urbanicité est souvent appréhendée par les désavantages matériels de la zone géographique, comme la médiocrité des infrastructures et des logements qui ont une influence sur la santé (Cyril et al., 2013). Les habitants des zones pauvres ont généralement une mortalité plus élevée, y compris en Suisse (Moser et al., 2014). Mais ces effets contextuels sont habituellement modestes comparés aux effets beaucoup plus importants des caractéristiques individuelles, et ils concernent surtout les hommes (Pickett et Pearl, 2001). Néanmoins, la prise en compte des désavantages matériels au niveau géographique permet d’expliquer les différences de mortalité urbaine aux États-Unis et en Angleterre-Pays de Galles (Gartner et al., 2011 ; Singh et al., 2011).

14Outre les inégalités socioéconomiques entre zones d’habitation, la distribution inégale des ressources et des richesses au sein des populations d’un même lieu est aussi associée à une mortalité plus élevée à cause du stress psychologique que la comparaison sociale suscite chez les individus (Wilkinson, 1996). Ceci pourrait expliquer qu’une des pires situations se situe dans les zones où pauvres et riches cohabitent. La fréquence des comportements à risque pour la santé en matière de nutrition, tabagisme et consommation d’alcool n’est pas seulement plus élevée dans les catégories pauvres, elle peut aussi s’accroître quand celles-ci vivent dans des zones riches. Bien que l’effet négatif de ces environnements inégalitaires sur la mortalité subsiste même après la prise en compte des différences géographiques des structures de population aux États-Unis, ce n’est pas toujours le cas ailleurs (Jen et al., 2009 ; Subramanian et Kawachi, 2004).

15L’urbanicité présente aussi des opportunités et des contraintes propres aux villes, telles que la quantité et la qualité des équipements sanitaires et scolaires qui, historiquement, furent la cause principale du passage d’une surmortalité à une sous-mortalité urbaine durant la première moitié du xxe siècle (Ramiro-Fariñas et Oris, 2016). Dans une perspective dynamique, l’émigration sélective vers la périphérie urbaine depuis les années 1960 a laissé derrière elle les groupes de population pauvres. Cet appauvrissement a eu un impact direct sur les recettes fiscales des villes, compromettant le maintien de l’avantage urbain en matière de santé [3].

16Cette réduction des revenus se produit lorsque les centres des villes sont confrontés à la plupart des « nouveaux risques sociaux » qui incluent non seulement la précarité, le chômage structurel, la montée de l’isolement des personnes âgées, mais aussi les nouvelles formes familiales, en particulier les familles monoparentales qui sont associées à un risque élevé de pauvreté (Ranci, 2010). En Finlande, la mortalité est plus élevée dans les zones urbaines caractérisées par une plus grande hétérogénéité des configurations familiales, même après la prise en compte de la situation familiale des individus (Martikainen et al., 2003). Des effets contextuels négatifs sur la santé, liés à de moindres interactions sociales dans des environnements qui concentrent des formes familiales non conventionnelles, sont donc probables.

17Enfin, si nous considérons que l’afflux d’immigrants faiblement et hautement qualifiés accroît les inégalités dans les centres urbains, il semble clair que ces zones devraient cumuler des handicaps en matière de survie. Les taux de mortalité les plus faibles devraient par contre se situer dans les régions périurbaines, puisque ces zones ont des niveaux de vie relativement élevés et des équipements de qualité, ainsi que des environnements accueillants pour les familles (Eggerickx et al., 2002). Ces effets contextuels peuvent jouer dans des directions opposées dans les zones rurales : les désavantages matériels peuvent être plus profonds, mais les inégalités locales tendent à y être moindres qu’au centre des villes.

18En résumé, les effets environnementaux de l’urbanisation devraient conduire à une surmortalité dans les villes. Mais les hypothèses structurelles et contextuelles amènent à envisager un gradient spatial de mortalité plus différencié. On s’attend à ce que les niveaux de mortalité les plus élevés soient dans les centres-villes, les plus faibles dans les ceintures des agglomérations, et soient relativement élevés dans les zones rurales.

II – Données, définitions et méthodes

1 – Démarche d’analyse et données

19À partir des tendances et des gradients urbains de la mortalité observés entre 1969 et 2002 au niveau national et au niveau des agglomérations, nous étudions les liens avec les processus démographiques et socioéconomiques de périurbanisation. Les données de l’Office fédéral de la statistique suisse utilisées sont les suivantes : les effectifs annuels moyens de décès enregistrés par l’état civil au cours des périodes 1969-1972, 1979-1982, 1989-1992 et 1999-2002, et les populations exposées au risque recensées en décembre 1970, 1980, 1990 et 2000.

20Nous nous demandons ensuite dans quelle mesure le gradient urbain en 2000-2008 peut être expliqué par les conséquences socioéconomiques de la périurbanisation, en appliquant une analyse multiniveau sur des données individuelles de suivi de la mortalité, et par l’utilisation de la base de données de la Swiss National Cohort (SNC) dans laquelle 94 % des décès survenus entre 25 et 89 ans ont été couplés avec les individus dénombrés au recensement de 2000. Une combinaison de méthodes déterministes et probabilistes d’appariement a été utilisée (Bopp et al., 2008). Cette analyse inclut aussi les décès non appariés imputés selon une technique aléatoire stratifiée [4].

2 – La classification urbaine

21Nous adoptons l’approche fonctionnelle de l’espace de Schuler et al. (2005) qui repose sur les concepts d’agglomération et de zones métropolitaines (c’est-à-dire les marchés du travail centrés sur la ville). Cette classification urbaine s’appuie sur les données géolocalisées tirées du recensement suisse de la population en 2000 et regroupe les municipalités situées autour des villes officielles (soit les municipalités avec au moins 10 000 habitants) sur la base des critères suivants : la continuité et la forme de la zone bâtie, la densité de population, la croissance démographique et l’importance des navettes vers la municipalité centrale de l’agglomération. Comme le montre la figure 1, le système urbain suisse est composé de 50 agglomérations et de 5 villes isolées situées sur un plateau le long d’un axe sud-ouest/nord-est parallèle aux Alpes (en blanc). Les agglomérations les plus grandes sont Zürich au nord-est (avec plus d’un million d’habitants), Genève et Bâle aux frontières sud-ouest et nord-ouest (environ 480 000 habitants chacune), suivies par Berne, la capitale politique au centre du pays, ainsi que Lausanne à l’ouest (plus de 300 000 habitants chacune).

Figure 1

Typologie urbaine des communes suisses en 2000

Figure 1

Typologie urbaine des communes suisses en 2000

Source : Schuler et al. (2005).

22Au sein de ces agglomérations, on distingue trois grandes catégories de municipalités afin de représenter le continuum spatial urbain-rural (figure 1) : les municipalités centrales (désignées comme centres-villes), les municipalités suburbaines dans la première ceinture des agglomérations, qui a commencé à être urbanisée au début du xxe siècle, et les municipalités périurbaines ou celles à hauts revenus (désignées ici aussi comme périurbaines), qui ont été urbanisées à partir des années 1960. Les centres-villes sont marqués par leur place centrale d’un point de vue politique ou fonctionnel. Les municipalités suburbaines sont définies en fonction de seuils minimaux de population, de densité immobilière ainsi que d’emplois locaux [5]. Les municipalités périurbaines ne satisfont pas ces critères. Les municipalités à hauts revenus sont une catégorie particulière, caractérisées par un niveau moyen élevé d’impôt sur le revenu des personnes physiques et situées généralement en périphérie urbaine (Schuler et al., 2005). Les zones en dehors de ces agglomérations sont désignées comme rurales.

23Pour l’analyse des tendances de la mortalité au niveau agrégé, nous avons appliqué rétrospectivement la typologie urbaine établie en 2000 aux données de population et de mortalité à partir de 1969. Les codes des municipalités ont été harmonisés pour prendre en compte les regroupements administratifs depuis 1969, selon les indications de l’office fédéral de la statistique (BFS, 2007). Les tendances démographiques le long de ce continuum urbain-rural sur les trois décennies d’observations sont conformes aux attentes, avec une baisse des populations dans les centres-villes et des gains importants dans les zones périurbaines (multiplication par 1,5 de la population, tableau 1). Cette délimitation des frontières des agglomérations et des zones intra-urbaines à la fin de la période d’observation nous permet de centrer l’analyse sur les dynamiques démographiques et la différenciation spatiale des populations au fil du temps au sein d’unités spatiales constantes. Il y a cependant un risque d’erreur de classement des zones périphériques des villes dans les premières périodes d’expansion urbaine. Toutefois, les statistiques descriptives du tableau 1 ne confirment pas l’existence d’un tel biais en Suisse, puisque la composition par âge et les caractéristiques socioéconomiques de la population des zones classées périurbaines en 2000 étaient déjà plus proches des zones urbaines que des zones rurales en 1970.

Tableau 1

Caractéristiques de la population classée selon la typologie urbaine de Schuler et al., Suisse, 1970 et 2000

Tableau 1
Centre Suburbain Périurbain Rural total 1970 Population 2 303 961 1 626 036 695 079 1 633 063 6 264 086 Structure par âge Pop. 65-89 ans / Pop. 25-64 ans 0,19 0,13 0,18 0,23 0,18 État matrimonial (%) (a) Célibataire 14,2 9,8 11,1 14,4 12,8 Marié 70,2 79,0 77,4 73,4 74,0 Séparé/veuf 15,6 11,2 11,5 12,2 13,2 Niveau d’instruction (%) (b) Aucun ou Secondaire 38,7 44,3 44,5 59,1 45,8 Supérieur 12,9 13,0 14,8 8,9 12,1 Nationalité (%) (b) Étranger 18,7 20,4 14,2 10,1 16,5 2000 Population 2 145 800 2 117 604 1 066 367 1 953 695 7 283 466 Structure par âge Pop. 65-89 ans / Pop. 25-64 ans 0,30 0,24 0,24 0,27 0,27 État matrimonial (%) (a) Célibataire 15,8 10,3 9,8 10,6 12,0 Marié 62,1 71,6 74,2 73,0 69,6 Séparé/veuf 22,1 18,1 16,0 16,4 18,5 Niveau d’instruction (%) (b) Aucun ou Secondaire 29,8 27,5 21,7 33,3 28,8 Supérieur 23,9 20,4 26,0 15,4 21,0 Nationalité (%) (b) Étranger 26,0 21,6 14,0 12,0 19,3

Caractéristiques de la population classée selon la typologie urbaine de Schuler et al., Suisse, 1970 et 2000

(a) Population âgée de 30-89 ans.
(b) Population âgée de 25-89 ans.
Sources : Recensements de 1970 et 2000.

24Pour l’analyse multiniveau des données individuelles de 2000-2008, les municipalités ont été regroupées en 207 grappes spatiales de niveau supérieur. Dans les grandes agglomérations (au moins 40 000 habitants), les grappes de municipalités sont définies par l’agglomération et la zone intra-urbaine à laquelle elles appartiennent. En raison du faible nombre de décès dans les zones peu peuplées, les grappes dans les agglomérations plus petites et dans les zones rurales sont définies par les « régions de mobilité spatiale », qui regroupent les municipalités selon leurs caractéristiques structurelles et leurs types de migration pendulaire (Schuler et al., 2005). Les grappes représentant de petites agglomérations sont considérées comme suburbaines, alors que toutes les régions situées en dehors des agglomérations urbaines sont considérées comme rurales.

3 – Méthodes et indicateurs

25Pour chaque zone urbaine, nous avons calculé les espérances de vie à la naissance des hommes et des femmes à partir des tables de mortalité abrégées aux dates successives de recensement. Les écarts de chaque zone urbaine à la moyenne nationale ont été décomposés pour 1970 et 2000 selon la contribution des grands groupes d’âges. Nous avons utilisé la méthode développée par Arriaga (1984, 1989), qui estime l’effet total des différences de mortalité dans chaque groupe d’âges sur les écarts d’espérance de vie (en cumulant les années gagnées/perdues dans chaque groupe d’âges et les années gagnées/perdues du fait du nombre accru/diminué de survivants exposés à des conditions de mortalité différentes aux âges ultérieurs). Les contributions relatives des principales causes de décès aux écarts d’espérance de vie peuvent aussi être estimées pour 2000. Nous avons utilisé la classification appliquée par l’Office fédéral de la statistique (Kohli, 2007) qui distingue les cancers, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires, les morts violentes et les causes résiduelles (dominées par les maladies des systèmes nerveux et digestifs, les troubles mentaux et comportementaux).

26Nous avons ensuite estimé des modèles de survie multiniveau afin d’étudier les effets structurels et contextuels de la périurbanisation sur la mortalité des individus toutes causes confondues. L’exposition des individus au risque conditionnel annuel de mortalité débute au moment du recensement de 2000 et se termine avec le décès ou la troncature en novembre 2008 (ou l’émigration pour les étrangers, car ils ont été appariés au registre des étrangers).

27Les modèles sont estimés séparément pour deux grands groupes d’âges (25-64 ans et 65-89 ans) pour deux raisons. D’une part, la structure de la mortalité par cause de décès diffère selon l’âge. D’autre part, les mouvements de population passés qui ont façonné les différences intra-urbaines dans la composition de la population en 2000 ont créé de la sélectivité par âge (Wanner, 2005), avec des effets potentiellement contrastés sur les différences géographiques de mortalité. On peut s’attendre à ce que les mouvements des familles et des travailleurs jeunes soient le fait de populations en meilleure santé, et qu’ils réduisent (augmentent) donc les mesures transversales de la mortalité dans le lieu de destination (d’origine). Aux âges avancés, la mobilité due au veuvage et à la fragilité accrue des individus a un effet inverse. Les modèles sont aussi stratifiés par sexe pour tenir compte des spécificités des progrès des femmes en matière sanitaire pendant la transition épidémiologique et de leur moindre sensibilité aux facteurs contextuels (Pickett et Pearl, 2001).

28Nous utilisons une régression logistique en temps discret avec constante aléatoire afin que les écarts types des coefficients des variables explicatives tiennent bien compte du regroupement spatial des individus en grappes au niveau des agglomérations et des zones intra-urbaines. La variance de la mortalité est subdivisée en variation entre les individus au sein des grappes spatiales (e0ij) d’une part, et variation de la mortalité moyenne entre les grappes (u0j) d’autre part.

29

equation im3

30avec les individus i au sein des grappes de municipalités j, x1ij et W1j étant les effets des variables individuelles et contextuelles respectivement et b0(t) étant le risque de base de mortalité.

31Par ajustement pas à pas du modèle, cette méthode nous permet aussi de déterminer si les variations géographiques de la mortalité résultent de la différenciation socioéconomique des populations urbaines et des cadres de vie. Un premier jeu de modèles n’inclut que l’âge de l’individu et le statut urbain de la grappe (central, suburbain, périurbain ou rural) et fournit une mesure non standardisée du gradient de la mortalité urbaine. Dans un deuxième jeu de modèles, nous annulons l’effet des différences dans la structure de la population des grappes en prenant en compte les caractéristiques socioéconomiques des individus. Nous vérifions alors si cette standardisation abaisse le gradient de la mortalité urbaine par rapport à celui des premiers modèles. Les structures de population sont standardisées en fonction de l’état matrimonial (célibataire, marié, divorcé ou veuf), la nationalité (Suisse, nationalité de l’Union européenne, autre pays) et le niveau d’instruction en utilisant trois grandes catégories de la Classification internationale type de l’éducation (CITE) : jusqu’à l’enseignement secondaire I ; enseignement secondaire II (apprentissage ou enseignement général) et enseignement supérieur. Depuis 1970, les centres-villes ont une population vieillissante et immigrée comme le révèle la forte augmentation de la proportion des personnes âgées et des étrangers (tableau 1). Les parts de personnes célibataires, divorcées ou peu qualifiées sont également plus importantes dans les centres-villes que dans les autres zones urbaines. Ces tendances reflètent l’émigration sélective des centres-villes vers la périphérie urbaine depuis les années 1960. En conséquence, depuis 1970 les zones périurbaines ont connu un fort accroissement de la part de population avec une éducation supérieure (le même phénomène s’observe dans les centres-villes mais s’explique en partie par l’immigration internationale de personnes de plus en plus hautement qualifiées). En 2000, une part relativement élevée des personnes vivant dans les zones périurbaines ou rurales sont mariées. La population des zones rurales est vieillissante. Les campagnes ont généralement de plus faibles proportions d’étrangers et d’individus ayant suivi des études supérieures.

32Dans un troisième jeu de modèles, des effets contextuels sont testés, fournissant une estimation du gradient de la mortalité urbaine standardisé à structure démographique et cadre de vie donnés. Les variables contextuelles sont tirées du recensement de 2000 pour les 207 grappes de municipalités. Le désavantage social inter-grappes est estimé par l’indice de Townsend (Townsend et al., 1988). C’est une somme non pondérée de proportions standardisées (z-scores) de logements privés surpeuplés (plus d’une personne par pièce), de ménages privés non propriétaires, du taux de chômage et de la part de la population âgée de 25 ans ou plus ayant au maximum un diplôme d’enseignement secondaire I. Un indice élevé pour une grappe donnée reflète un niveau de désavantage socioéconomique supérieur à la moyenne. L’indicateur de Townsend est largement utilisé et a été validé pour la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, notamment parmi la population d’âge actif (Gordon, 1995 ; O’Reilly, 2002) [6].

33En plus des différences dans le niveau de désavantage social entre grappes, nous avons estimé l’inégalité matérielle au sein des grappes par un indice de Gini fondé sur la distribution cumulée des populations locales en termes de richesse. La richesse est estimée ici pour chaque individu par une somme non pondérée des attributs inverses de ceux utilisés pour l’indice de Townsend [7]. L’indice de Gini prend des valeurs entre zéro et cent, les valeurs élevées indiquant une distribution de richesse plus inégale dans une grappe spatiale donnée.

34Pour rendre compte de la diversité des formes familiales, nous estimons les différences entre grappes en utilisant un indice résumé pondéré de l’importance des catégories de ménages non traditionnels (non mariés et sans enfant) parmi la population adulte âgée de 30 à 49 ans (les pondérations ont été estimées par une analyse factorielle, voir Hermann et al., 2005). Plus le score d’une grappe spatiale est élevé, plus la proportion de la population de cette grappe vivant dans des ménages éloignés du modèle familial dominant est elevée. On notera que dans une perspective comparative européenne, la Suisse a un taux élevé de cohabitation prémaritale mais un faible taux de naissances hors mariage, ce que les chercheurs considèrent comme le reflet d’une conception normative fortement dominante de ce que la famille doit être (Le Goff et al., 2005).

35Des modèles ont été estimés dans la version 3.32 de MLwiN par une méthode de Monte Carlo par chaines de Markov (MCMC ; Browne, 2003 ; Rasbash et al., 2005). L’importance des facteurs structurels et contextuels pour la géographie de la mortalité en Suisse est évaluée en fonction de la décroissance de la variance entre grappes au fur et à mesure de l’introduction des variables. La signification statistique de chaque facteur dans l’explication des différentiels de mortalité individuelle est évaluée en jugeant de l’amélioration pas-à-pas du modèle par le critère d’information bayésien (Bayesian Information Criterion, BIC).

4 – Tests de sensibilité

36Nous avons testé différentes fonctions des effets des variables contextuelles continues (linéaire, quadratique, et une fonction utilisant une variable binaire pour chaque quintile) et nous avons retenu les fonctions qui donnaient les meilleurs modèles selon le BIC. Bien que les indicateurs contextuels soient apparus significativement corrélés entre eux (en particulier les inégalités au sein des grappes et les différences dans le désavantage entre grappes ; r = 0,80), ils mesurent des dimensions différentes du contexte qu’il est important de prendre en compte quand on cherche à déterminer les effets cumulés des désavantages. Nous avons ajusté le modèle en incluant pas-à-pas ces variables et nous avons vérifié si des effets de confusion intervenaient. Quand c’était le cas, les effets d’interaction entre les deux variables considérées ont été testés. Les résultats de ce test ont montré que ces effets n’étaient pas statistiquement significatifs ou qu’ils n’amélioraient pas la qualité des modèles (données non présentées ici). La robustesse de nos résultats vis-à-vis de la définition des grappes spatiales a aussi été vérifiée en appliquant les modèles sur la population urbaine seulement, et en utilisant une classification spatiale fondée sur les municipalités (plutôt que sur les zones urbaines). Les résultats sont restés qualitativement les mêmes (données non présentées ici).

37Comme la migration entre grappes pendant la période de suivi (2000-2008) n’est renseignée que pour les individus décédés, nous avons dû supposer la résidence des personnes constante dans le temps, c’est-à-dire la grappe de résidence au moment du recensement. Cette résidence ne correspondait pas nécessairement au lieu du décès pour les personnes âgées qui vivaient encore de manière indépendante en 2000, puisque la majorité des décès en Suisse surviennent en maison de retraite ou en milieu hospitalier (Hedinger et al., 2015). Ceci ne pose pas de problème pour notre analyse car un certain temps doit s’écouler entre l’exposition à un cadre de vie et son effet sur la mortalité. Toutefois, le lieu de résidence au moment du recensement peut ne pas être celui où les individus ont passé l’essentiel de leur vie. D’une part, la migration entre zones urbaines est à l’origine de la différenciation spatiale de la population et des cadres de vie qui peut influencer le gradient de la mortalité urbaine. D’autre part, la migration biaise aussi nos résultats, en particulier aux âges avancés, puisque la mortalité est endogène à l’entrée des personnes fragiles en établissements de soins (Jonker et al., 2013 ; Kimbele et Janssen, 2013). Malheureusement, le recensement contient peu d’informations permettant de traiter ces questions (seul le lieu de résidence cinq ans auparavant est connu). À titre de test de sensibilité, nous avons établi des modèles qui éliminaient la mobilité récente entre grappes en prenant en compte, pour les migrants internes (les immigrants internationaux étaient exclus), la grappe de résidence en 1995 (au lieu de 2000), qui pourrait être l’environnement socioéconomique auquel ils ont été exposés le plus longtemps. Aux âges avancés, nous avons exclu aussi des modèles les populations vivant en maisons de retraite ou en milieu hospitalier.

III – Le gradient de la mortalité urbaine en Suisse, 1969-2002

38Le tableau 2 montre les évolutions de l’espérance de vie à la naissance pour chaque zone urbaine entre 1970 et 2000 (voir aussi Wanner et al., 2012). En trois décennies, l’espérance de vie en Suisse s’est accrue de 7 ans pour les hommes, atteignant 77,3 ans, et de 6,6 ans pour les femmes, atteignant 82,9 ans.

Tableau 2

Espérance de vie à la naissance (e0) pour les hommes et les femmes selon une classification urbaine fonctionnelle, et contributions par âge et par cause de décès (en années) aux écarts de l’e0 à la moyenne nationale, 1969-2002

Tableau 2
hommes Femmes total (Réf.) Centre Suburbain Périurbain Rural étendue total (Réf.) Centre Suburbain Périurbain Rural étendue 1970 e0 70,3 70,5 70,8* 70,7 69,3* 1,4 76,3 76,9* 76,3 76,1 75,2* 1,7 Écart à la moyenne-total + 0,2 + 0,5 + 0,4 – 1,0 + 0,6 0 – 0,2 – 1,1 Décomposition par âge 0-19 ans 0,11 0,13 0,12 – 0,29 0,07 0,1 – 0,04 – 0,16 20-39 ans 0,13 0,15 – 0,02 – 0,41 – 0,02 0,04 0,03 – 0,05 40-64 ans – 0,08 0,25 0,14 – 0,19 0,07 0,05 – 0,01 – 0,18 65 ans et + 0,04 – 0,05 0,16 – 0,09 0,53 – 0,13 – 0,17 – 0,70 1980 e0 72,5 72,4 73,1* 73,0* 71,7* 1,4 79,1 79,2 79,4* 79,1 78,5* 0,9 1990 e0 74,3 73,6* 74,8* 75,3* 73,8* 1,5 81,1 80,8* 81,3 81,4 81,0 0,4 2000 e0 Écart à la moyenne-total 77,3 76,7* – 0,6 77,8* + 0,5 78,5* + 1,2 76,8* 1,6 – 0,5 82,9 82,4* – 0,5 83,3* + 0,4 83,3* + 0,4 82,9 0,4 0,0 Décomposition par âge 0-19 ans – 0,01 0,03 0,12 – 0,07 0 0,01 0,03 – 0,02 20-39 ans – 0,03 0,04 0,12 – 0,09 – 0,10 0,02 0,09 0,06 40-64 ans – 0,43 0,17 0,54 – 0,06 – 0,25 0,02 0,24 0,12 65 ans et + – 0,16 0,28 0,37 – 0,28 – 0,12 0,33 0,02 – 0,18 Décomposition par cause Cancer – 0,13 0,07 0,29 – 0,10 – 0,10 0,04 0,02 0,08 Cardiovasculaire 0 0,09 0,19 – 0,21 0,07 0,09 0,06 – 0,25 Système respiratoire 0 0,07 0,10 – 0,12 – 0,02 0,03 0,03 – 0,02 Violence 0,02 0,14 0,23 – 0,29 – 0,09 0,03 0,10 0,03 Autres causes – 0,52 0,15 0,35 0,22 – 0,33 0,19 0,17 0,13

Espérance de vie à la naissance (e0) pour les hommes et les femmes selon une classification urbaine fonctionnelle, et contributions par âge et par cause de décès (en années) aux écarts de l’e0 à la moyenne nationale, 1969-2002

Note : * indique un écart à la moyenne nationale significatif au seuil de 95 %.
Lecture : En 2000, les hommes dans les zones périurbaines vivent 1,2 an de plus que la moyenne nationale (78,5-77,3), parce qu’ils gagnent 0,12 année de vie grâce à une moindre mortalité à entre 0 et 19 ans, 0,12 année entre 20 et 39 ans, 0,54 année entre 40 et 64 ans, et 0,37 année à 65 ans et plus. Pour les de causes de décès, l’écart des espérances de vie résulte pour 0,35 an d’une moindre mortalité par cause résiduelle, pour 0,23 an par violence, pour 0,10 an par maladie du système respiratoire, pour 0,19 an par maladie cardiovasculaire, et pour 0,29 an par cancer.
Source : Calculs des auteurs à partir des statistiques d’état civil et les recensements de population.

39L’accroissement a bénéficié à toutes les zones urbaines, mais le taux d’accroissement a varié, conduisant à une transformation du gradient de la mortalité urbaine. L’analyse géographique par période, ainsi que les tendances par lieu sur trois décennies, donnent des résultats similaires pour les hommes et les femmes, bien que les variations soient plus marquées pour les hommes. En 1970, l’espérance de vie dans les zones rurales était autour de 1,5 an inférieure à celle des villes. L’espérance de vie des hommes était comparable dans les municipalités centrales, suburbaines et périurbaines (entre 70,5 et 70,8 ans). Pour les femmes, on observait un gradient linéaire du même ordre qu’au début du xxe siècle, l’espérance de vie la plus haute étant dans les centres-villes (76,9 ans).

40En 1970, l’avantage des hommes suburbains et periurbains, et des femmes des centres-villes, s’expliquaient par une moindre mortalité à partir de 40 ans. La décomposition montre un gain d’espérance de vie chez les hommes suburbains (de 0,25 an à 40-64 ans), periurbains (de 0,14 an), ainsi que chez les femmes dans les centre-villes (de 0,53 an aux âges de 65 ans et plus). La surmortalité des hommes dans les zones rurales provenait de taux de mortalité plus élevés chez les enfants et les jeunes adultes (de 20 à 39 ans), principalement dus à des maladies de l’enfance et à des morts violentes. La migration des campagnes vers les villes chez les jeunes avant 1970 peut aussi avoir été sélective, laissant derrière elle des membres des catégories sociales plus défavorisées qui tendent à adopter des comportements sanitaires plus à risque. Mais chez les femmes, la mortalité aux âges avancés explique l’essentiel du désavantage des campagnes.

41Entre 1970 et 2000, les municipalités rurales ont rattrapé leur retard, avec des hausses d’espérance de vie de 7,5 ans pour les hommes et 7,7 ans pour les femmes. L’espérance de vie dans les zones périurbaines a augmenté de 7,8 ans pour les hommes et 7,2 ans pour les femmes, à comparer avec les centres-villes où ce gain est de 6,2 ans pour les hommes et 5,5 ans pour les femmes. En 2000, les niveaux de mortalité dans les centres-villes sont devenus semblables ou légèrement inférieurs à ceux des campagnes. Le gradient de mortalité intraurbain s’est donc élargi, en particulier entre 1980 et 1990, quand les gains en espérance de vie ont été deux fois plus importants dans les zones périurbaines que dans les centres-villes. Cette période correspond à la phase la plus intense de périurbanisation, au cours de laquelle les familles des catégories supérieures ont quitté les zones centrales.

42L’espérance de vie masculine en 2000 est la plus faible dans les centres-villes et dans les zones rurales (76,7 ans), et la plus élevée dans la zone périurbaine (78,5 ans). Les communes suburbaines occupent une position intermédiaire. Chez les femmes par contre, les habitants des deux zones ceintures des agglomérations ont l’espérance de vie la plus élevée (83,3 ans) alors qu’elle n’est que de 82,4 ans dans les centres-villes. Bien que les gradients urbains (1,6 an pour les hommes et 0,4 an pour les femmes) soient statistiquement significatifs au niveau national, ils restent faibles par rapport aux différences fondées sur des caractéristiques individuelles comme le niveau d’instruction et l’état matrimonial. La non-linéarité du gradient reflète néanmoins les différences spatiales dans les compositions socioéconomiques des populations (tableau 1).

43Les profils de la surmortalité rurale par âge et cause de décès en 2000 indiquent le rôle joué par les facteurs infrastructurels (la proximité des services d’urgence) et suggèrent aussi des différences dans les comportements à risque. Par comparaison à la mortalité des zones urbaines, la contribution de la population âgée (65 ans ou plus) et des maladies cardiovasculaires, ainsi qu’un surcroît de morts violentes et une moindre mortalité pour les causes résiduelles (chez les hommes), sont les raisons principales de ce différentiel dans les zones rurales.

44Les plus fortes mortalités masculine et féminine dans les centres-villes en 2000 concernent principalement les adultes de 40 à 64 ans, alors que ces derniers sont avantagés quand ils vivent dans les ceintures des agglomérations. Cette surmortalité dans les centres-villes est attribuable aux maladies des systèmes nerveux et digestif et aux troubles mentaux et comportementaux (c’est-à-dire aux causes résiduelles). Inversement, les avantages propres des ceintures des agglomérations proviennent des mêmes causes (plus les cancers chez les hommes). Ce gradient par âge et cause de décès laisse penser que les différences de styles de vie entre centres-villes et zones périurbaines (l’urbanicité) jouent un rôle important.

45Afin de vérifier si la nouvelle différenciation intra-urbaine de la mortalité est liée au processus de périurbanisation, nous avons associé graphiquement pour chaque agglomération la différence intra-urbaine des espérances de vie masculines à la naissance en 2000 et une mesure simple de l’expansion urbaine entre 1970 et 2000 (la différence moyenne entre le taux de croissance démographique intercensitaire des ceintures des agglomérations et celui de leurs centres-villes) (figure 2). Pour accroître la robustesse des résultats, nous avons retranché le taux de croissance et l’espérance de vie du centre-ville des estimations regroupant à la fois les zones suburbaines et périurbaines.

Figure 2

Corrélation entre la différence moyenne de croissance démographique des ceintures des agglomérations comparées aux centres-villes (1970-2000) et le gradient intra-urbain d’espérance de vie à la naissance des hommes (e0) en 2000, pour les villes suisses de plus de 50 000 habitants

Figure 2

Corrélation entre la différence moyenne de croissance démographique des ceintures des agglomérations comparées aux centres-villes (1970-2000) et le gradient intra-urbain d’espérance de vie à la naissance des hommes (e0) en 2000, pour les villes suisses de plus de 50 000 habitants

Note : Les ceintures des agglomérations regroupent les municipalités suburbaines et périurbaines, alors que les centres-villes correspondent à la municipalité centrale de chaque agglomération (voir la section de données et méthodes). * significatif à 0,05.
Source : Calculs des auteurs à partir des statistiques d’état civil et des recensements de population.

46Le coefficient de corrélation est positif et statistiquement significatif à 95 % (r = 0,69*). Les villes qui ont connu la périurbanisation la plus intense dans les décennies précédentes ont en 2000 un différentiel intra-urbain d’espérance de vie plus important que les autres villes. Il en va de même quand nous testons la corrélation entre la périurbanisation des agglomérations et les évolutions des différentiels intra-urbains des espérances de vie entre 1970 et 2000 (r = 0,58*) ; les résultats sont similaires mais moins extrêmes pour les femmes (données non présentées ici). La périurbanisation et le gradient de la mortalité intra-urbaine sont plus significatifs dans les villes qui sont les principaux pivots du système urbain suisse (Zurich, Bâle, Berne, Lausanne et, dans une moindre mesure, Genève), et dans les villes qui ont connu récemment une forte expansion (Fribourg, Bienne, Will, Winterthur et, dans une moindre mesure Lucerne, et Lugano ; voir Rérat et al., 2008) [8]. Le différentiel des espérances de vie masculines dans ces agglomérations urbaines dépasse trois ans, soit davantage que le gradient intercantonal récent.

47Des recherches supplémentaires au niveau des agglomérations montrent une association entre les conséquences socioéconomiques de la périurbanisation et le gradient de la mortalité intra-urbaine. Les différences d’espérance de vie masculine à la naissance en 2000 sont en effet corrélées positivement avec la concentration croissante, dans les ceintures des agglomérations, des individus mariés (r = 0,59*) et des personnes avec au moins un diplôme de niveau secondaire II (r = 0,41*) ; nous avons estimé ces grandeurs par les variations des indices relatifs de localisation entre les recensements de 1970 et 2000 [9]. Pour éviter d’éventuels biais écologiques (soit la fausse inférence de comportements individuels à partir de changements démographiques observés au niveau des populations), la section suivante examine si cette interprétation socioéconomique du gradient de la mortalité urbaine est confirmée par une analyse multiniveau des données de niveau individuel.

IV – Effets structurels et contextuels de la périurbanisation sur le gradient de la mortalité urbaine

48Nous avons fait figurer dans les tableaux 3 et 4 les effets de la périurbanisation sur le gradient de la mortalité urbaine à structures socioéconomiques et cadres de vie donnés parmi les individus recensés en 2000, pour lesquels le statut de survie est connu de 2000 à 2008 (les résultats apparaissent sous forme de rapports des cotes). Les gradients de la mortalité urbaine standardisée par âge, des hommes et des femmes d’âge actif, sont cohérents avec les estimations des espérances de vie à la naissance pour 1999-2002 (tableau 3, modèle 1). L’introduction des variables socioéconomiques améliore substantiellement la qualité du modèle (modèle 2). Les effets de ces caractéristiques individuelles s’accordent avec ce que nous savons des différentiels socioéconomiques de la mortalité en Suisse. Les individus célibataires et divorcés/veufs ont une mortalité plus élevée, de même que ceux peu instruits. Les personnes mariées et plus instruites – en particulier celles de niveau supérieur – présentent une moindre mortalité. Les Suisses ont une mortalité plus élevée que les étrangers venant de l’Union européenne et, plus encore, que les non-Européens. On peut expliquer cet écart par la sélection positive des émigrants dans leur pays d’origine et qui ont de ce fait des profils sanitaires plus favorables et une moindre aversion face aux risques (Zufferey, 2014).

Tableau 3

Facteurs contextuels et individuels de la mortalité par sexe, rapports de cotes, adultes 25-64 ans, Suisse, 2000-2008

Tableau 3
Hommes Femmes M1 M2 M3 M1 M2 M3 Âge 25-44 ans 0,21* 0,19* 0,19* 0,20* 0,20* 0,20* 45-64 ans (Réf.) 1 1 1 1 1 1 Catégorie urbaine Centre 1,11* 1,14* 1,04 1,21* 1,20* 1,08 Suburbain 0,98 1,02 1,00 1,07* 1,08* 1,03 Périurbain 0,88* 0,95 1,00 0,93* 0,98 1,01 Rural (Réf.) 1 1 1 1 1 1 état matrimonial Célibataire Marié-e (Réf.) Divorcé-e, veuf-ve 1,63* 1 1,80* 1,63* 1 1,80* 1,58* 1 1,68* 1,58* 1 1,68* Nationalité Suisse (Réf.) U. européenne Non U. européenne 1 0,78* 0,55* 1 0,78* 0,55* 1 0,75* 0,56* 1 0,74* 0,56* Niveau d’instruction Aucune ou secondaire I 1,38* 1,37* 1,44* 1,44* Secondaire II (Réf.) Supérieur 1 0,66* 1 0,66* 1 0,82* 1 0,81* Contexte régional Désavantage social intergrappes 1,03* 1,00 Inégalité intragrappe 0,99 1,02 Diversité familiale (intergrappes) 1,00 1,005* vj 0,017* 0,010* 0,008* 0,004* 0,004* 0,003* BIC 58 265 51 379 51 372 43 483 40 703 40 699 N personnes-années 14 725 121 14 714 796 N événements 50 177 28 040

Facteurs contextuels et individuels de la mortalité par sexe, rapports de cotes, adultes 25-64 ans, Suisse, 2000-2008

Note : vj = variance géographique de la mortalité intergrappe.
Significativité statistique : * au niveau 0,05.
Source : Base de données Swiss National Cohort (recensement 2000 et état civil 2000-2008).
Tableau 4

Facteurs contextuels et individuels de la mortalité par sexe, rapports de cotes, adultes 65-89 ans, Suisse, 2000-2008

Tableau 4
Âge Hommes Femmes M1 M2 M3 M1 M2 M3 65-74 ans 0,28* 0,30* 0,30* 0,21* 0,25* 0,25* 75-89 ans (Réf.) 1 1 1 1 1 1 Catégorie urbaine Centre 0,96* 1,03* 1,06* 0,98 1,01 1,09* Suburbain 0,95* 1,00 1,00 0,99 1,01 1,02 Périurbain 0,88* 0,95* 0,95* 0,91* 0,96* 0,93* Rural (Réf.) 1 1 1 1 1 1 état matrimonial Célibataire 1,51* 1,51* 1,77* 1,76* Marié-e (Réf.) 1 1 1 1 Divorcé-e, veuf-ve 1,48* 1,48* 1,73* 1,73* Nationalité Suisse (Réf.) 1 1 1 1 U. européenne 0,84* 0,84* 0,86* 0,86* Non U. européenne 0,62* 0,62* 0,71* 0,70* Niveau d’instruction 1,23* 1,23* 1,21* 1,21* 1 0,79* 1 0,79* 1 0,83* 1 0,83* Aucune ou secondaire I Secondaire II (Réf.) Supérieur Contexte régional Désavantage social intergrappes 0,99 0,98* Inégalité intragrappe 1,01* 1,02* Diversité familiale (intergrappes) 1,00 1,00 vj 0,004* 0,002* 0,002* 0,004* 0,004* 0,003* BIC 56 001 47 271 47 274 53 837 41 838 41 830 N personnes-années 3 714 686 5 083 403 N événements 156 175 156 271

Facteurs contextuels et individuels de la mortalité par sexe, rapports de cotes, adultes 65-89 ans, Suisse, 2000-2008

Note : vj = variance géographique de la mortalité intergrappe.
Significativité statistique : * au niveau 0,05.
Source : Base de données Swiss National Cohort (recensement 2000 et état civil 2000-2008).

49La prise en compte de ces facteurs structurels élimine partiellement le gradient de la mortalité urbaine (comparaison du modèle 2 au modèle 1) : l’avantage dans les zones périurbaines disparaît à la fois pour les hommes et les femmes, en particulier quand on prend en compte les différences de niveau d’instruction. Toutefois, le risque de décès continue à être plus élevé dans les centres-villes qu’en milieu rural.

50Comme dans d’autre pays, les effets du cadre de vie sur la mortalité des adultes de 25 à 64 ans apparaissent modestes par comparaison aux déterminants socioéconomiques individuels (modèle 3). Ces effets contextuels sont également plus importants pour les hommes que pour les femmes, comme le montre le critère de qualité du modèle et la diminution de la variance spatiale de la mortalité (comparé au modèle 2). Vivre dans une zone défavorisée est significativement associé à une mortalité accrue des hommes, et la prise en compte de cet effet explique entièrement la surmortalité des hommes des centres-villes (comparaison du modèle 3 au modèle 2). La même surmortalité chez les femmes s’explique par une plus forte hétérogénéité des configurations familiales – même si la faiblesse du rapport des cotes appelle à la prudence dans l’interprétation de ce résultat. L’inégalité intragrappe n’a d’impact significatif pour aucun des deux sexes.

51L’analyse prenant en compte la migration récente (en se référant pour les migrants à leur grappe de résidence en 1995), non présentée ici, confirme généralement ces résultats. La seule différence porte sur l’avantage en termes de mortalité des zones périurbaines (modèle non ajusté), qui est significatif mais plus faible pour les hommes et non significatif pour les femmes. La migration vers la périphérie urbaine a donc bien sélectionné des individus en meilleure santé.

52Les résultats pour la population âgée (tableau 4) s’accordent moins bien avec nos hypothèses. Les gradients de la mortalité urbaine standardisée par âge sont moins marqués. Les hommes dans toutes les zones urbaines ont des niveaux de mortalité significativement plus faibles que leurs homologues dans les zones rurales (modèle 1). Toutefois, les hommes en milieu périurbain bénéficient du plus grand avantage en termes de survie, et cet avantage est également significatif chez les femmes. Les caractéristiques socioéconomiques ont le même effet sur la mortalité aux âges élevés que sur la mortalité aux âges actifs (modèle 2).

53La prise en compte de ces effets structurels (variables sociodémographiques individuelles) améliore substantiellement la qualité du modèle. Ces effets expliquent aussi les niveaux plus bas de la mortalité masculine dans les zones suburbaines, mais n’expliquent pas entièrement l’avantage des zones périurbaines pour les deux sexes : les rapports de cotes associés s’approchent de l’unité mais ils restent significativement inférieurs à 1 (comparaison du modèle 2 au modèle 1). En outre, la moindre mortalité dans les centres-villes se transforme en surmortalité après la prise en compte des différences de niveau d’instruction. Les gens plus instruits avec une moindre mortalité sont surreprésentés dans la population âgée au centre des villes. Ceci peut s’expliquer par le processus historique de diffusion de l’enseignement supérieur des zones centrales vers la périphérie en Suisse.

54Les principales différences dans les déterminants du gradient urbain de la mortalité aux âges avancés, comparé aux âges plus jeunes, portent sur les effets des facteurs contextuels (tableau 4, modèle 3). Premièrement, la mortalité s’accroît significativement avec le niveau d’inégalités au sein des grappes spatiales pour les deux sexes. Cet effet n’est pas contrecarré par des différences locales dans la diversité des configurations familiales, qui n’affectent pas du tout la mortalité aux âges avancés ; ni par une colinéarité avec les niveaux de désavantage entre grappes. Deuxièmement, le désavantage social entre grappes ne joue un rôle significatif que pour les femmes, et il est associé à un niveau de mortalité plus faible (et non plus élevé). Nous n’avons pas d’explication pour ce paradoxe [10]. Troisièmement, la prise en compte des différences de contexte chez les hommes n’explique pas la variance géographique de la mortalité et n’améliore pas la qualité du modèle (comparaison du modèle 3 au modèle 2). Le contexte socioéconomique n’est donc pas un facteur important de la mortalité aux âges avancés chez les hommes. Quand les différences de cadre de vie sont prises en compte chez les femmes, le modèle s’améliore et la variance géographique de la mortalité diminue. Le gradient urbain s’élargit significativement : avec des caractéristiques structurelles identiques et des cadres socioéconomiques de vie semblables, les femmes âgées sont particulièrement vulnérables dans les centres-villes et très protégées dans les zones périurbaines.

55L’analyse de sensibilité prenant en compte la migration depuis 1995 donne quasiment les mêmes résultats (non présentés ici). On note une seule différence qualitative quand on exclut la population vivant en maison de retraite ou en établissements de soins : l’inégalité intragrappe n’entraîne plus d’accroissement significatif de la mortalité féminine. L’entrée en établissements de soins aux âges avancés est donc particulièrement défavorable à la survie quand ces établissements sont situés dans un cadre de vie local marqué par de fortes inégalités socioéconomiques.

V – Discussion et conclusion

56Compte tenu de la diminution des taux de natalité à travers le monde, la géographie de la mortalité joue un rôle de plus en plus important dans la démographie urbaine. Sur la base des recensements et des statistiques d’état civil, nous avons décrit l’évolution du gradient de mortalité entre 1969 et 2002, en recourant à un découpage spatial cohérent des agglomérations et des zones urbaines en Suisse. En nous appuyant sur des données exhaustives de suivi de la mortalité au niveau individuel, nous avons ensuite cherché à vérifier si les conséquences socioéconomiques de la périurbanisation pouvaient expliquer le gradient urbain en 2000-2008.

57L’éventail des niveaux de l’espérance de vie le long du continuum urbainrural ne s’est pas élargi de façon substantielle depuis 1969, car une baisse de la mortalité a aussi été observée dans les zones rurales. Mais une différenciation intra-urbaine est apparue depuis les années 1980, lorsque la périurbanisation est devenue la forme dominante de résidence dans les villes suisses. La géographie de la mortalité est passée d’une époque où les villes bénéficiaient d’un avantage sur les zones rurales au début du xxe siècle à un gradient non linéaire sur le continuum urbain dans les années 2000. Nos résultats montrent que la mortalité est désormais plus élevée en centres-villes et à la campagne que dans les zones de ceintures des agglomérations urbaines, comme c’est le cas en Belgique et au Canada (Eggerickx et Sanderson, 2010 ; Ostry, 2009). Ces résultats contredisent l’hypothèse environnementale, qui stipulerait une plus faible mortalité dans les zones rurales.

58La surmortalité des zones rurales se concentre sur la population âgée, en particulier en 2000, et est due principalement aux décès par accidents et maladies cardiovasculaires. Ces types de décès suggèrent que la proximité des services d’urgences joue un rôle (Lopez-Rios et al., 1992). Les maladies cardiovasculaires peuvent être en outre reliées à des comportements sanitaires à risques. Dans les milieux urbains, le gradient de mortalité entre les zones périurbaines et les centres-villes est maximal pour les hommes. Il provient principalement des taux de mortalité différentiels entre 40 et 64 ans et est dû aux maladies des systèmes nerveux et digestif, aux troubles mentaux et comportementaux ainsi qu’aux cancers. Ces résultats indiquent l’existence de styles de vie spécifiques parmi la population des centres-villes, par comparaison à celle des zones périurbaines. L’argument selon lequel cette différenciation de l’urbanicité s’expliquerait par l’émigration sélective des centres vers la périphérie urbaine est confirmé par nos observations au niveau des villes : le gradient de mortalité est plus important dans les agglomérations qui ont connu des niveaux plus élevés d’expansion urbaine et de redistribution spatiale de la population en fonction de caractéristiques socioéconomiques.

59Le rôle des conséquences socioéconomiques de la périurbanisation est confirmé dans l’analyse multiniveau à partir de données individuelles, et il explique entièrement le gradient urbain chez les adultes d’âge actif en 2000-2008. La moindre mortalité des zones périurbaines reflète la concentration spatiale de personnes très instruites et de familles. Nous avons aussi fait apparaître une sélection des migrants en bonne santé en direction de la périphérie urbaine. À l’inverse, la surmortalité des centres-villes peut être attribuée au cadre de vie, à ses désavantages socioéconomiques chez les hommes et (dans une moindre mesure) à une plus grande diversité des formes familiales chez les femmes.

60Le cadre de vie joue davantage sur les niveaux de mortalité des hommes que des femmes. En outre, les effets contextuels propres à chaque sexe sont conformes à des observations déjà effectuées pour la Suisse, selon lesquelles le revenu affecte la santé des hommes plus que celle des femmes, alors que les dimensions sociales sont plus importantes pour le bien-être physique et mental des femmes que des hommes (Burton-Jeangros, 2009). Le fait que le lien soit plus fort entre la mortalité et le contexte social (plutôt qu’économique) chez les femmes renforce l’idée que celles-ci sont à un stade plus avancé de la transition épidémiologique que les hommes. Autre différence entre les gradients de mortalité masculin et féminin : l’espérance de vie des femmes n’est pas plus faible dans les banlieues que dans les zones périurbaines. Ceci pourrait indiquer un effet négatif chez les hommes de la classe ouvrière, qui ont été davantage exposés que les femmes dans le passé à un environnement dommageable à la santé sur leur lieu de travail, notamment dans les industries suburbaines.

61Ces résultats suggèrent que la composition socioéconomique des populations et les lieux de vie participent à la différenciation des comportements sanitaires en ville, et conduisent en fin de compte au gradient de mortalité observé. L’absence de différences urbaines-rurales des états de santé actuellement observés dans les enquêtes suisses (Heeb et al., 2011) ne met pas nécessairement en cause cette interprétation. Des différentiels intra-urbains de comportements (reproduisant le gradient de mortalité non linéaire observé dans cet article) peuvent brouiller la comparaison dichotomique entre zones urbaines et rurales. En outre, la mortalité actuelle résulte de comportements des cohortes dans les décennies passées, qui n’ont pas été couverts par les enquêtes de santé.

62Le gradient de mortalité urbaine pour les populations âgées résulte d’un ensemble de causes plus complexe. L’importance du contexte socioéconomique pour la mortalité des femmes âgées, mais pas des hommes, peut s’expliquer par la plus forte prévalence du veuvage chez les premières. Perdre le soutien émotionnel du mari peut accentuer le rôle du contexte [11]. Comme les femmes vivent plus longtemps que les hommes, elles peuvent aussi être moins sélectionnées aux âges avancés et constituer ainsi un groupe plus hétérogène, davantage sujet aux influences contextuelles. Bien que nos analyses de sensibilité confirment que la mortalité féminine dans les zones désavantagées est étonnamment faible, la possibilité de biais liés à la migration avant 1995 ne peut pas être exclue. Le lieu de résidence d’une personne âgée n’est pas forcément représentatif du lieu dans lequel elle a passé la majeure partie de sa vie. La personne peut avoir migré pendant sa retraite ou pour faire face à l’aggravation de sa fragilité. Il se peut aussi que l’indice de Townsend ne reflète pas correctement le cadre de vie matériel des personnes âgées, comme l’a montré O’Reilly (2002) en Irlande du Nord. Enfin, le résultat le plus inattendu chez les personnes âgées est que la prise en compte de la différenciation spatiale de la population et des cadres de vie n’explique pas une part importante de leur gradient de mortalité urbaine. Ce gradient se rattache donc sans doute à des facteurs autres que ceux de la vie urbaine.

63Des différences de mortalité aux âges avancés pourraient s’expliquer par des différences de comportement et d’état de santé qui ne s’accordent pas avec le statut socioéconomique, comme House et al. (2000) l’ont montré pour les États-Unis. La surmortalité résiduelle dans les centres-villes et l’avantage dont bénéficient les zones périurbaines peuvent aussi indiquer l’importance des effets environnementaux de l’urbanisation. Les personnes âgées souffrant d’affections chroniques sont particulièrement vulnérables à des effets comme la chaleur (Grize et al., 2005). Au total, nos résultats pour la mortalité aux âges avancés posent plus de questions qu’ils n’offrent de réponses. Davantage de recherches sont nécessaires sur la vulnérabilité des populations âgées dans des environnements densément bâtis.

64Dans le même temps, les résultats pour la population d’âge actif indiquent clairement que la périurbanisation a joué un rôle dans la réémergence historique d’une surmortalité urbaine aux stades avancés de l’urbanisation. Bien qu’on ait montré que la longévité variait davantage au sein de certaines agglomérations qu’elle ne le faisait entre les cantons suisses en 2000, les facteurs sous-jacents ne sont pas les mêmes que ceux des premières phases de la transition épidémiologique. Le stress environnemental lié à la surpopulation dans les villes était la première cause de surmortalité autrefois, alors que le désavantage récent provient principalement de la différenciation spatiale de la vie urbaine.

65C’est pourquoi les formes continuellement changeantes de l’urbanisation ont de l’importance. De grands centres métropolitains aux États-Unis et en Europe occidentale ont récemment connu une renaissance démographique due à divers facteurs, dont la réhabilitation de quartiers pauvres par l’arrivée de populations favorisées (gentrification), l’allongement des étapes du parcours de vie et la concentration spatiale d’une économie de services hautement spécialisée (Buzar et al., 2007 ; Guest et Brown, 2005 ; Kabisch et Haase, 2011). Certains gradients urbains de mortalité ont même été inversés aux États-Unis, la mortalité étant maintenant plus faible au centre des métropoles que dans les zones ceintures des agglomérations ou dans les petites villes (Cosby et al., 2008 ; Singh et al., 2012). Étant donné les signes démographiques récents (mais discrets) d’un renouveau urbain en Suisse (Rérat, 2012), on peut s’attendre à ce que le gradient de mortalité urbaine dans le pays se modifie à l’avenir par le jeu des effets structurels et contextuels des mouvements de populations. Les recherches à venir devront nous permettre une meilleure compréhension des effets indépendants des flux migratoires – migration interne et mobilité internationale – qui sélectionnent des sous-groupes de population en plus ou moins bonne santé en fonction de l’âge. En éclairant la complexité de ces évolutions liées à la mobilité, il peut être envisagé d’élaborer des mesures sanitaires préventives sur le plan territorial.

Remerciements

Nous avons bénéficié du soutien de l’IP213 du Pôle national de recherche LIVES - « Surmonter la vulnérabilité : Perspective du parcours de vie », financé par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. Nous remercions aussi l’Office fédéral suisse de la statistique et la Swiss National Cohort pour l’accès aux données.

Notes

  • [*]
    Max Planck Institute for Demographic Research.
    Correspondance : Mathias Lerch, Max Planck Institute for Demographic Research, Konrad-Zuse- Str. 1, 18057 Rostock, Allemagne, courriel : lerch@demogr.mpg.de
  • [**]
    Université de Genève.
  • [1]
    https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/population/naissances-deces/deces-mortalite-esperance-vie.assetdetail.317642.html
  • [2]
    Des épidémiologistes et des environnementalistes ont défini le terme d’« îlot de chaleur urbain » il y a environ un demi-siècle. Les environnements bâtis de couleur sombre absorbent plus de chaleur que les zones vertes, ils se refroidissent moins pendant la nuit, et les immeubles de grande hauteur ralentissent les vents qui rafraichissent l’air urbain. De plus, la concentration des activités humaines exacerbe les phénomènes météorologiques du fait de la pollution de l’air et de la déperdition de chaleur associée à une consommation intense d’énergie (Anderson et Bell, 2011).
  • [3]
    Un cas extrême est celui de la ville de Liège, la plus peuplée de Belgique francophone. Selon les statistiques fiscales de 1977, le rapport entre l’impôt sur les revenus des ménages et le nombre d’habitants classait la ville au 6e rang des municipalités les plus riches de la province. Mais vingt ans plus tard, Liège est tombée au 62e rang. Entretemps, la ville a fait faillite et a été contrainte de fermer de nombreuses institutions (Eggerickx et al., 2002).
  • [4]
    Un test a montré que ceci ne modifiait pas nos résultats.
  • [5]
    Les municipalités suburbaines comptent au moins 500 habitants, 40 % d’immeubles de grande hauteur, et le rapport des individus ayant un emploi dans la zone sur l’ensemble des résidents actifs et salariés s’élève à au moins 75 % (Schuler et al., 2005).
  • [6]
    Un autre indicateur de l’environnement socioéconomique des Suisses a récemment été développé sur la base du voisinage centré sur les individus, et tenant compte des loyers plutôt que de la propriété du logement (Panczak et al., 2012). Cette démarche ne permet cependant pas de décomposer les variations de la mortalité aux niveaux contextuel et individuel, les zones spatiales n’étant pas partagées par les individus. Nous avons conservé la variable « propriété du logement » pour permettre la comparabilité internationale de nos résultats.
  • [7]
    Chaque individu se voit attribuer une valeur de 1 s’il vit dans un logement non surpeuplé ou dont il est propriétaire, s’il occupe un emploi ou est inactif, et s’il a un niveau d’instruction au moins de secondaire II. L’indice de Gini mesure la surface entre la courbe de Lorenz obtenue en représentant le pourcentage cumulé de richesse en fonction du nombre cumulé de bénéficiaires (en commençant par l’individu le plus pauvre) d’une part, et la ligne droite hypothétique qui supposerait une parfaite égalité d’autre part.
  • [8]
    La petite ville de Zug est un cas particulier à cause de la composition spécifique de sa population. Des avantages fiscaux ont conduit de nombreuses sociétés internationales à y établir leur siège administratif. Un grand nombre de personnes riches vivent ainsi à Zug. L’espérance de vie dans le centre-ville était plus élevée que dans la ceinture de l’agglomération en 1970, mais l’écart s’est réduit depuis.
  • [9]
    L’indice relatif de localisation pour les zones ceintures des agglomérations est obtenu en divisant les proportions de population mariée/instruite par les mêmes indicateurs calculés pour l’ensemble de l’agglomération urbaine.
  • [10]
    Ceci peut être dû à l’intervalle qui doit séparer l’exposition aux effets physiologiques et le décès aux âges avancés. C’est pourquoi nous nous sommes demandés si les désavantages des zones en 1970, 1980 ou 1990 avaient un impact négatif indépendant sur la mortalité, ou si l’amélioration ou la détérioration du classement des zones sur ce point au long des 30 dernières années affectait le phénomène. Nous n’avons pu confirmer aucune de ces deux hypothèses (résultats non présentés ici).
  • [11]
    La perte du soutien économique pourrait aussi être envisagée. Mais alors que la pauvreté des veuves était un sujet de débat public et mesurée empiriquement à la fin du xxe siècle en Suisse, cette relation a disparu au début du xxie siècle suite à une réforme du régime des retraites favorable aux veuves (Gabriel et al., 2015).
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Alors que les différences régionales d’espérance de vie se sont estompées en Suisse, quels sont les effets de la périurbanisation sur la géographie de la mortalité ? À partir des données de l’état civil et des recensements, on observe un accroissement des différentiels intra-urbains de mortalité depuis 1980, en particulier dans les villes les plus grandes ou qui se sont récemment étendues. Un gradient non linéaire émerge : l’espérance de vie est plus faible dans les centres-villes et les zones rurales que dans la ceinture des agglomérations urbaines. Les profils de mortalité par âge et cause suggèrent que cela tient à la fois aux styles de vie propres aux populations des centres-villes et à la concentration spatiale des groupes défavorisés. Pour la mortalité entre 20 et 64 ans, un modèle multiniveau appliqué à des données de mortalité couplées aux recensements montre que la moindre mortalité observée dans les zones périurbaines résulte de la concentration d’individus très instruits et de familles. À l’inverse, la surmortalité des 20-64 ans dans les centres-villes reflète des désavantages matériels et sociaux. Cependant, ces conséquences socioéconomiques de la périurbanisation ne suffisent pas à rendre compte du gradient de la mortalité urbaine observé chez les personnes âgées.

Mots-clés

  • mortalité urbaine
  • gradient de mortalité
  • urbanisation
  • périurbanisation
  • urbanicité
  • analyse multiniveau
  • Suisse

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Mathias Lerch [*]
  • [*]
    Max Planck Institute for Demographic Research.
    Correspondance : Mathias Lerch, Max Planck Institute for Demographic Research, Konrad-Zuse- Str. 1, 18057 Rostock, Allemagne, courriel : lerch@demogr.mpg.de
Michel Oris [**]
  • [**]
    Université de Genève.
Philippe Wanner [**]
Pour la Swiss National Cohort
  • [**]
    Université de Genève.
Traduit par
Patrick Festy
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/05/2017
https://doi.org/10.3917/popu.1701.0095
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