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1Cet ouvrage analyse l’évolution des formations familiales (maritales et non maritales) et leur impact aux niveaux individuel et familial dans les sociétés indonésienne, malaisienne, philippine et singapourienne. Les auteurs considèrent que ces évolutions sont le reflet des transformations de l’institution familiale et plus largement des changements sociaux et économiques dans l’archipel de l’Asie du Sud-Est. Les différents chapitres, en tenant compte de l’hétérogénéité socioculturelle et économique des sociétés étudiées, révèlent que le mariage demeure la norme dans la constitution d’un nouveau ménage ainsi qu’un préalable à la naissance des enfants.

2La force de l’ouvrage, qui s’adresse à un public de spécialistes, est de se fonder sur des analyses de données aussi bien quantitatives (recensements, enquêtes, registres) que qualitatives (études ethnographiques, entretiens approfondis, études de cas), en faisant appel tant à des démographes qu’à des sociologues ou à des anthropologues. Les analyses mettent en exergue de profondes différences entre les pays et, au sein de ceux-ci entre les régions, les zones urbaines et rurales, les groupes ethniques ou socio-économiques. De plus, l’agencement de l’ouvrage assure une excellente cohérence d’ensemble à l’argumentation. Le chapitre introductif retrace les principaux changements dans la structure économique des pays, leur urbanisation rapide, l’évolution des migrations et du marché du travail, l’allongement de la durée des études ainsi que la reconfiguration du rôle des femmes dans ces sociétés. Ensuite, la première partie de l’ouvrage présente, en se fondant sur des données quantitatives entre 1961 et 2005, les tendances générales observées dans la région : recul de l’âge au mariage et diminution de leur nombre dans les dernières décennies, avec, en conséquence, une baisse du taux de fécondité. On notera en particulier que malgré le recul de l’âge moyen au mariage, les unions d’adolescentes de moins de 16 ans demeurent et posent d’importantes questions en termes de politique publique.

3La seconde partie de l’ouvrage analyse sur six chapitres la situation en Indonésie, où le mariage demeure pratiquement universel puisque moins de cinq femmes sur cent sont encore célibataires après 40 ans. Contrairement à ce qui a été observé dans les pays occidentaux et en Chine, parmi les femmes restées célibataires à plus de 30 ans, nombreuses sont celles qui ont un faible niveau d’études et viennent d’un milieu socio-économique modeste. Ce nouveau groupe social, qui a émergé de l’urbanisation, de l’industrialisation rapide du pays et de la participation accrue des femmes au marché du travail, demeure en outre socialement stigmatisé.

4La troisième partie de l’ouvrage s’intéresse, sur quatre chapitres, aux trajectoires maritales en Malaisie. Elle montre notamment que le recul de l’âge au mariage, le fait de ne pas se marier ou encore de divorcer sont devenus davantage une affaire de choix personnel.

5Enfin, la dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux Philippines et à Singapour. Dans le premier, les personnes appartenant aux groupes socio-économiques les plus défavorisés de la population sont celles qui tendent à se marier le plus tardivement et également celles qui cohabitent le pus fréquemment de façon non maritale. Cependant, elles désirent ardemment pouvoir se marier dès qu’elles en auront les moyens financiers afin de sortir du stigmate social associé à la cohabitation. À Singapour, les naissances extramaritales sont particulièrement sanctionnées tandis que le recul de l’âge au mariage et le célibat ont un effet direct sur le taux de fécondité. Pour contrer ces tendances, les autorités gouvernementales ont lancé une série de mesures profamiliales et pronatalistes. Les femmes instruites et économiquement autonomes ne perçoivent plus le mariage comme une nécessité mais comme quelque chose de souhaitable si elles venaient à rencontrer la « bonne personne » avec laquelle elles pourraient construire une relation égalitaire. L’hypergamie sociale n’est plus la règle pour les femmes, qui ont par ailleurs un niveau d’éducation de plus en plus élevé. La tendance est à l’égalisation des niveaux d’éducation au sein du couple, ce qui pourrait induire la stabilisation voire la diminution du nombre de femmes de niveau universitaire qui ne se marient pas.

6En définitive, l’intérêt de cet ouvrage est indéniable et il offre un renouvellement des données sur les dynamiques du mariage en Asie du Sud-Est. Il serait par ailleurs intéressant de comparer ces résultats avec les tendances observées en Chine, à Taïwan, en Corée du Sud et au Japon, tout en liant les analyses présentées à la théorie de l’individualisation, comme le fait de manière élusive Tey Nai Peng dans le chapitre 10 de l’ouvrage.

Mis en ligne sur Cairn.info le 23/09/2016
https://doi.org/10.3917/popu.1602.0405
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