1La reconnaissance légale des couples de même sexe dans de nombreux pays a suscité une forte demande statistique. Goldani et al. (2013) comptent vingt-cinq pays publiant des statistiques qui concernent les couples de même sexe. Que les données proviennent d’un recensement ou d’une grande enquête, elles sont toujours issues de questionnaires conçus pour étudier les couples de fait (Banens et Le Penven, 2013). Le recensement français pose depuis 2004 la question « Vivez-vous en couple ? » qui permet théoriquement d’identifier les couples de même sexe au même titre que les couples hétérosexuels. Dans la pratique, cette question rencontre des problèmes.
2Le premier est celui de la non-déclaration due au stigmate social qui pèse sur les personnes concernées (Black et al., 2000 ; Goldani et al., 2013). La non-déclaration est difficile à combattre, puisqu’elle est un acte volontaire. Durant le dernier recensement, le Brésil et l’Uruguay ont mené des campagnes publicitaires invitant les couples de même sexe à se déclarer (Goldani et al., 2013). L’effet des campagnes est inconnu, tout comme l’ampleur de la non-déclaration (Cortina et Festy, 2014). À ce jour, il n’existe pas de mesure fiable pour estimer la part des couples de même sexe non déclarés et aucun pays ne propose d’estimation ou de correction.
3Le deuxième problème est celui de la présence de « faux » couples de même sexe. Ce sont des couples hétérosexuels apparaissant comme des couples de même sexe suite au sexe mal codé de l’un des partenaires. L’erreur ne concerne qu’une part infime des couples hétérosexuels. Néanmoins, les « faux » constituent une part importante du total des couples de même sexe étant donné le faible nombre de « vrais » couples. En France, la part des « vrais » couples de même sexe dans le total des couples est estimée à 0,6 % (Buisson et Lapinte, 2013). La part des « faux » est inconnue, mais les estimations issues de plusieurs pays vont de 0,2 % à 0,6 % (tableau 1). Le nombre de « faux » s’approcherait donc du nombre de « vrais » couples de même sexe (CMS).
Part de « faux » couples de même sexe parmi l’ensemble des couples et parmi l’ensemble des couples apparaissant comme de même sexe

Part de « faux » couples de même sexe parmi l’ensemble des couples et parmi l’ensemble des couples apparaissant comme de même sexe
4En maints aspects, la non-déclaration et l’erreur de sexe ont des caractéristiques différentes. La première sous-estime le nombre de CMS, la seconde le surestime ; la première est volontaire, la seconde involontaire ; la première restreint l’étude aux « vrais » CMS autodéclarés tandis que la seconde « pollue » l’étude des CMS par la présence de nombreux couples hétérosexuels ; la première n’est pas identifiable ni corrigeable, la seconde l’est. Corriger l’erreur de sexe est donc une priorité pour de nombreux chercheurs et bureaux statistiques (Black et al., 2000 ; Cortina et Festy, 2014 ; Statistics Canada, 2001 ; Turcotte et al., 2003 ; Festy, 2007). Cela aide, entre autres, à mieux dénombrer les couples de même sexe.
5Pour identifier l’erreur de sexe, il faut une information de contrôle, une question supplémentaire au recensement ou dans l’enquête. C’est le choix qu’a fait le bureau statistique du Canada. Depuis 2001, l’identification des couples de même sexe s’effectue deux fois : par la déclaration explicite que l’on vit en couple avec quelqu’un du même sexe et par le sexe que chaque partenaire déclare par ailleurs. Chaque déclaration connaît un risque d’erreur : 1 % sur le type de couple, 0,57 % sur le sexe d’un des partenaires (Statistics Canada, 2001), mais le croisement des deux identifications – et leur indépendance supposée – permet de repérer les erreurs sur le sexe avec quasi-certitude.
6Les recensements de la Nouvelle-Zélande, du Brésil et de l’Uruguay ont suivi l’exemple du Canada. D’autres, comme les États-Unis, ont choisi des corrections a posteriori par le recours aux prénoms du couple (Hogan et al., 2012). Toujours aux États-Unis, l’enquête biannuelle American Community Survey expérimente aujourd’hui de nouvelles modalités inspirées par l’exemple canadien.
7En Europe, aucun recensement n’a suivi l’exemple canadien (Cortina et Festy, 2014), mais certaines grandes enquêtes ont intégré des questions de contrôle [1]. C’est le cas de l’enquête Famille et logements (Insee, 2011 ; voir ci-dessous). Grâce à l’appariement avec le recensement, les données de l’enquête française ont pu être vérifiées et corrigées, permettant ainsi l’étude des couples homosexuels cohabitants en France en 2011 [2]. Mais l’enquête offre également l’occasion d’étudier l’erreur de sexe commise au recensement. C’est l’objet de notre recherche. Nous mesurons et analysons les erreurs de sexe commises au recensement par ceux et celles qui ont également répondu à l’enquête Famille et logements. Ensuite, nous mesurons les erreurs de sexe commises par le/la partenaire de l’enquêté·e. Cette deuxième mesure constitue une mesure secondaire de vérification. Enfin, utilisant la fréquence observée comme indicateur de probabilité, nous montrons que tous les couples qui apparaissent comme homosexuels n’ont pas la même probabilité d’être « faux ».
I – L’enquête Famille et logements
8L’enquête Famille et logements est associée au recensement et vise à mieux connaître la pluralité des formes familiales. Sa grande taille (359 770 répondants) permet en outre l’étude des couples de même sexe. L’enquête et le recensement partagent la méthode autodéclarative [3]. L’agent recenseur dépose les questionnaires de l’enquête en même temps que ceux du recensement, puis les récupère quelques jours plus tard. Nous disposons donc de deux questionnaires de la part de chaque enquêté, soit deux sources d’information.
9La déclaration du sexe ne se fait pas de la même façon dans chacune des sources. Sur le questionnaire du recensement, l’enquêté coche la case « homme » ou « femme ». En cochant, il peut se tromper, mais l’erreur peut aussi se produire à la saisie [4]. Sur le questionnaire de l’enquête, en revanche, il n’existe pas de question sur le sexe mais le protocole de l’enquête prévoit un questionnaire sexué : il s’adresse soit aux hommes, soit aux femmes. Dans chaque ménage, seul l’un des sexes est interrogé, défini par le secteur d’habitation. Si l’agent recenseur se trompe de questionnaire, celui-ci sera supprimé à la saisie. En revanche, si l’homme remplit le questionnaire destiné à sa femme ou inversement, l’erreur ne sera pas détectée à la saisie.
10Le repérage des personnes vivant en couple de même sexe ne se fait pas non plus de la même façon. L’enquête demande si l’on est en couple, si le partenaire vit dans le logement et s’il est un homme ou une femme. Le repérage est donc direct. Le recensement, en revanche, demande seulement si l’on vit en couple. Le repérage du couple de même sexe se fait en repérant les ménages où seules deux personnes du même sexe ont déclaré vivre en couple. Cette méthode introduit deux erreurs : certains ménages comptent plus de deux personnes vivant en couple empêchant l’identification du couple ; ou alors, les deux personnes peuvent chacune « vivre en couple » avec une personne ne résidant pas dans le ménage. La confrontation avec l’enquête permettra de mesurer ces erreurs.
11Nous disposons de 359 770 répondants à l’enquête et au recensement. En outre, la base de données contient les déclarations au recensement des autres membres du ménage, c’est-à-dire de 471 192 personnes supplémentaires. Pour compléter, les déclarations brutes, avant apurement, sont également disponibles.
II – L’erreur de sexe du répondant vivant en couple cohabitant
12Parmi les répondants à l’enquête, 810 (sur 359 770) affichent un sexe différent de celui déclaré au recensement. L’une des deux informations est donc erronée. Avant correction, ces répondants « ambigus » étaient au nombre de 1 236 (Insee, 2014). Ceux qui n’y sont plus (426) ont été supprimés au motif que l’information erronée était probablement celle de l’enquête. Pour arriver à cette conclusion, la procédure d’apurement a utilisé l’information sur le sexe du partenaire des « ambigus » vivant en couple (977). Partant de l’hypothèse que l’erreur de sexe est indépendante du type de couple – homosexuel ou hétérosexuel –, les 977 individus seraient moins de 1 % à vivre en couple de même sexe. Or, si l’information de l’enquête était exacte, 426 (44 %) vivraient en couple de même sexe. Un tel pourcentage fut jugé invraisemblable et l’on a conclu que dans leur cas, l’erreur avait eu lieu à l’enquête. Après correction, ils se sont trouvés « hors champ » – leur sexe ne correspondant plus à celui du secteur d’habitation – et ont été éliminés de la base de données.
13Les 810 individus restants ont été maintenus avec le sexe tel qu’il apparaît dans l’enquête. Or, on ne peut certifier que celui-ci serait exact. Près d’un tiers (259 sur 810) n’ont pas déclaré de conjoint et n’ont donc pas été soumis au contrôle décrit précédemment. Nous limitons donc la mesure de l’erreur aux seules personnes (551) vivant en couple. Selon l’enquête, tous vivent avec un conjoint de sexe opposé – ce qui signifie qu’ils ont passé le premier contrôle. Cependant, dans un nombre non négligeable de cas (109), le sexe du conjoint se révèle lui aussi contraire à celui déclaré au recensement. Par exemple, un homme de 26 ans déclare à l’enquête qu’il vit en couple avec une femme de 28 ans tandis que, selon le recensement, l’individu de 26 ans est une femme et son conjoint de 28 ans un homme. On retrouve donc bien les deux individus, mais aux sexes inversés. Soit ils ont été inversés dans la procédure d’appariement de l’enquête avec le recensement due à un questionnaire mal ou non renseigné, auquel cas il ne s’agit pas d’une erreur de sexe au recensement ; soit les conjoints se sont tous les deux trompés de sexe sur les bulletins individuels du recensement. Le premier cas de figure semble plus probable que le second dans la mesure où il n’implique qu’une seule erreur, même si elle implique deux personnes, tandis que le second implique deux erreurs. L’analyse des couples concernés confirme cette hypothèse. Selon l’enquête, la femme serait plus âgée que son conjoint et travaillerait plus souvent dans la production, l’exploitation et sur les chantiers que dans le commerce, le secrétariat et la logistique, ce qui est à l’opposé des autres couples hétérosexuels. Nous concluons donc qu’il s’agit d’une inversion de personnes au moment de l’appariement et non pas de doubles erreurs commises au recensement.
14Sur les 442 individus restants, 16 vivent en couple non cohabitant et 31 autres vivent dans un ménage où le couple n’a pu être identifié au recensement. Nous limitons donc la mesure à la seule population vivant en couple cohabitant selon les deux sources et dont le couple a pu être identifié sans ambiguïté [5]. Cette limitation ne nuit pas à notre objectif, car seule l’erreur de sexe des personnes vivant en couple cohabitant est capable de générer de « faux » couples de même sexe. Au final, nous retenons 22 023 individus vivant en couple cohabitant, parmi lesquels 395 (0,176 %) affichent un sexe erroné au recensement.
15Arrivés à ce stade de l’analyse, le sexe de tous les individus retenus est supposé correct dans l’enquête. Nous pouvons alors appliquer la pondération individuelle [6]. Après pondération, le taux d’erreur de sexe commise au recensement par les répondants à l’enquête Famille et logements vivant en couple cohabitant est de 0,177 %.
L’erreur de sexe selon certaines caractéristiques sociodémographiques
16Comme le montre le tableau 2, l’erreur de sexe au recensement est moins fréquente parmi les hommes (0,157 %) que parmi les femmes (0,198 %). La différence est significative au seuil de 1 %. Pour chaque sexe séparément, une autre variable sociodémographique montre un impact significatif : le sexe des enfants vivant dans le ménage. Avoir plus de garçons que de filles diminue significativement le taux d’erreur pour les hommes et l’augmente significativement pour les femmes. L’inverse est vrai pour les ménages avec plus de filles que de garçons. Il s’agit probablement d’un effet d’entraînement. Cocher la case « homme » plusieurs fois sur les bulletins individuels des enfants augmenterait le risque de la cocher une fois de trop. L’hypothèse implique que dans certains ménages une seule personne a rempli les bulletins individuels pour tous.
Taux d’erreur de sexe au recensement selon le sexe et certaines caractéristiques sociodémographiques(a)


Taux d’erreur de sexe au recensement selon le sexe et certaines caractéristiques sociodémographiques(a)
Lecture : Parmi les hommes vivant en couple hétérosexuel 0,157 % apparaissent comme « femme » au recensement.(a) : Effectifs insuffisants (inférieurs à 200).
Significativité : * 5 % ** 2 % ; *** 1 %.
Champs : Hommes et femmes vivant en couple cohabitant hétérosexuel.
17Le fait d’être immigré ou sans diplôme semble augmenter le risque d’erreur, mais les différences ne sont pas significatives. Toutes les autres caractéristiques semblent plutôt indifférentes au risque d’erreur.
18Un couple hétérosexuel a donc un risque de 0,157 % d’apparaître comme un couple de femmes, un risque de 0,198 % d’apparaître comme un couple d’hommes. Au total, le risque d’être un « faux » couple de même sexe s’élève à 0,355 %, soit un risque situé dans la fourchette de ceux observés à l’étranger (tableau 1).
L’erreur de sexe du conjoint
19L’enquête Famille et logements permet une deuxième mesure de l’erreur de sexe commise au recensement. Les répondants à l’enquête déclarent le sexe de leur partenaire que nous pouvons comparer avec le sexe déclaré par le partenaire lui-même au recensement. Nous limitons l’analyse aux couples où aucune autre incohérence n’a été repérée sur le sexe d’ego ni sur l’année de naissance du conjoint [7]. Nous avons alors 217 917 enquêtés, dont 1 005 (0,48 % après pondération) ont déclaré un sexe de partenaire opposé à celui déclaré par le/ la partenaire au recensement.
20À nouveau, le sexe peut être erroné au recensement ou dans l’enquête. Aucun des deux risques n’étant a priori lié au type de couple, il est vraisemblable, comme précédemment, que les 1 005 individus soient, pour plus de 99 %, en couple hétérosexuel. Si le couple apparaît comme homosexuel dans l’enquête, l’erreur se situe vraisemblablement dans l’enquête ; dans le cas contraire, elle a été commise au recensement. Seules ces dernières intéressent notre recherche. Elles sont au nombre de 374, ce qui, rapporté aux 217 917 répondants, donne un taux d’erreur de 0,191 % (pondéré) que nous pouvons décliner selon le sexe du partenaire ayant commis l’erreur : 0,221 % des femmes, 0,161 % des hommes. Nous retrouvons donc presque les mêmes taux d’erreur que pour les répondants à l’enquête.
III – Conséquences pour le recensement des couples de même sexe
21Le tableau 3 montre les personnes vivant en couple de même sexe cohabitant selon le recensement (colonne 1), selon l’enquête Famille et logements (colonne 9), et selon les deux (colonne 4). Les colonnes 2 et 3 montrent celles repérées au recensement qui n’ont pas été confirmées par l’enquête. Celles de la colonne 2 ont été écartées pour erreur de sexe ; celles de la colonne 3 parce que la personne s’avérait en couple non cohabitant. Les colonnes 5, 6 et 7 montrent les personnes que l’enquête a repérées, mais qui ne l’avaient pas été au recensement. Celles de la colonne 5 n’avaient pas été repérées parce que le ménage comptait plus de deux personnes vivant en couple, ce qui empêche l’identification du couple ; celles des colonnes 6 et 7 parce que la personne elle-même (6) ou son partenaire (7) n’avait pas déclaré vivre en couple.
Nombre de personnes vivant en couple cohabitant de même sexe(1),(2),(3),(4),(5),(6),(7),(8),(9)


Nombre de personnes vivant en couple cohabitant de même sexe(1),(2),(3),(4),(5),(6),(7),(8),(9)
(1) Personnes en couple de même sexe cohabitant selon le recensement.(2) Erreurs de sexe d’ego ou du partenaire.
(3) Ego en couple non cohabitant.
(4) Personnes confirmées par l’enquête.
(5) Personnes non repérées dans le recensement car le ménage compte plus de deux personnes vivant en couple.
(6) Personnes non repérées dans le recensement car ego n’a pas déclaré vivre en couple.
(7) Personnes non repérées dans le recensement car le partenaire n’a pas déclaré vivre en couple (ego a déclaré vivre en couple).
(8) Total non repéré dans le recensement.
(9) Total des couples de même sexe cohabitant selon l’enquête.
Lecture : En 2011, 279 300 personnes apparaissent en couple de même sexe au recensement, dont 117 738 (42 %) ont été corrigées pour erreur de sexe d’ego ou du partenaire, et 6 249 (2 %) pour cohabitation non confirmée. Inversement, l’enquête a repéré 17 762 personnes en couple de même sexe cohabitant non repérées au recensement, ce qui correspond à 11 % des personnes repérées dans les deux sources.
Champ : Individus qui apparaissent au recensement, corrigés, confirmés ou nouvellement identifiés par l’enquête Famille et logements, selon l’état matrimonial et la présence d’enfants dans le ménage (tous enfants de 0-17 ans, plus les enfants de 18-24 ans déclarés comme enfant d’au moins une personne du couple) ; France métropolitaine.
22A priori, aucune des colonnes ne peut être considérée comme exacte. Cependant, la colonne 4 est peu susceptible de contenir des erreurs, car elle regroupe les personnes pour lesquelles les deux sources sont concordantes. Il s’agit de 155 300 personnes (après pondération), dont 63 700 femmes et 91 600 hommes. Parmi elles, 12 300 femmes (aucun homme) vivent avec au moins un enfant de moins de 25 ans. En rajoutant les personnes repérées uniquement par l’enquête, nous arrivons à 71 900 femmes et 101 200 hommes vivant en couple homosexuel. Parmi elles, une sur deux (50,0 %) est pacsée. La modalité « pacsé » ne figurant pas sur le questionnaire du recensement, 28 % des personnes pacsées se sont déclarées mariées [8]. Presque tous les « mariés » du tableau 3 sont donc en réalité des pacsés.
23L’erreur de sexe est de très loin la première source d’erreur commise au recensement : 42 % des personnes repérées sont dans un « faux » couple de même sexe suite à une erreur de sexe. La deuxième source d’erreur, tenant à une incohérence de statut conjugal, ne compte que pour 2 %. En sens inverse, 10 % des personnes n’ont pas été repérées au recensement car elles-mêmes (8 %) ou leurs partenaires (2 %) n’avaient pas déclaré vivre en couple [9]. Toutefois, cette correction est sujette à interprétation car, contrairement à l’erreur de sexe, il s’agit ici de déclarations contradictoires et non pas d’erreurs. La dernière source d’erreur, indiscutable celle-ci, s’avère marginale : moins de 1 % des personnes vivant en couple de même sexe n’ont pu être repérées au recensement, parce que le ménage comptait plus de deux personnes vivant en couple.
24L’erreur de sexe est la source principale d’erreurs, elle est également la seule à avoir des effets contrastés selon les catégories sociodémographiques. Le taux de « faux » couples est de 7 % seulement pour les hommes célibataires vivant sans enfant ; il est de 100 % pour ceux vivant avec enfants. Pour les femmes, les taux sont respectivement de 13 % et 71 %. Les autres catégories se situent entre ces deux extrêmes. Si l’on considère la fréquence observée comme un indicateur de la probabilité d’être « faux », celle-ci est donc fortement corrélée à la catégorie sociodémographique à laquelle appartient la personne.
Conclusion
25Le dispositif de l’enquête Famille et logements est une opportunité unique pour étudier l’erreur de sexe commise lors du recensement. Il en résulte que le taux d’erreur (0,355 % des couples) se situe bien dans la fourchette mesurée à l’étranger. Ce faible taux produit néanmoins 117 700 personnes en « faux » couple de même sexe cohabitant que l’on doit comparer aux 173 100 que l’enquête retient finalement comme vivant dans un « vrai » couple de même sexe cohabitant. Le rapport entre « faux » et « vrais » est plus défavorable encore pour les couples vivant avec enfants : 59 500 contre 14 300. L’erreur de sexe doit obligatoirement être traitée si l’on veut utiliser le recensement – ou toute autre grande enquête – pour étudier les couples de même sexe cohabitants.
26Nous observons que l’erreur semble aléatoire, à l’exception du sexe d’ego et des enfants vivant dans le ménage. Nous constatons également que l’erreur de sexe, contrairement aux autres erreurs, produit de fortes disparités en termes de probabilité qu’un couple apparaissant comme de même sexe soit « vrai » ou « faux ». Cette caractéristique pourra être exploitée pour développer une méthode de correction des données de recensement en l’absence de données de contrôle.
Notes
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[*]
Centre Max Weber-CNRS, Université Lyon 2.
Correspondance : Maks Banens, Centre Max Weber-CNRS, Université Lyon 2, 14 av. Berthelot, 69007 Lyon, courriel : Maks.Banens@univ-lyon2.fr -
[**]
MV2 Conseil, Montrouge.
-
[1]
En 2015, le recensement français introduit deux nouvelles modalités concernant la vie de couple, mais celles-ci ne permettront pas de repérer les erreurs de sexe.
-
[2]
Les contrôles et les corrections sont explicités dans la référence Insee (2014, p. 19-22). Les couples non cohabitants, toutefois, n’ont pu bénéficier des mêmes contrôles.
-
[3]
Le recensement s’effectue sous forme d’enquêtes annuelles dont l’organisation ne sera pas discutée ici, car il est peu vraisemblable qu’elle ait une incidence sur l’erreur de sexe. Pour simplifier la dénomination, ce texte appellera « recensement » l’enquête annuelle de recensement de 2011.
-
[4]
L’erreur de saisie sur le sexe est en pratique rare car le niveau d’exigence de l’Insee sur cette variable est le plus élevé parmi les variables précasées (http://www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/recensement/resultats/doc/pdf/2.3-controle-qualite-de-la-saisie.pdf)
-
[5]
Pour déterminer la vie de couple dans l’enquête, nous utilisons q3couple_r=11 qui correspond à la déclaration de vie de couple cohabitant sans ambiguïté de déclaration ; dans le recensement, nous avons retenu les personnes ayant déclaré vivre en couple dans un ménage où une seule autre personne a déclaré vivre en couple. Cette limitation permet de réduire autant que possible l’erreur de repérage du couple.
-
[6]
L’enquête Famille et logements a volontairement surreprésenté les femmes dans l’échantillonnage (deux femmes pour un homme), ce qui entraîne une pondération fortement différenciée. Tant que dans l’étude, le sexe réel des personnes est incertain, il n’est pas possible d’appliquer la pondération.
-
[7]
Nous avons recours à la variable brute (q5sexe_c_x), car la procédure d’apurement (Insee, 2011) a corrigé les erreurs que nous analysons ici. Parmi les modalités de la variable brute, nous excluons celles qui indiquent une déclaration ambiguë : raturée, double coches, etc. (q5sexe_c_x =. | 11 | 22 | 23 | 32 | 33).
-
[8]
L’enquête a eu lieu en 2011, donc avant l’ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013. À noter également que seul le recensement contient l’information concernant l’état matrimonial.
-
[9]
L’asymétrie vient du fait que pour les ménages de deux personnes de même sexe, on compte une erreur dès que l’un au moins des deux répondants ne s’est pas déclaré en couple au recensement.