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1Depuis le début des années 2000, le téléphone portable s’est développé à grande vitesse en Afrique de l’Ouest en général (Chéneau-Loquay, 2010) et en Côte d’Ivoire en particulier. Selon l’Union internationale des télécommunications (UIC, 2013), on dénombrait dans ce pays 2,9 lignes téléphoniques mobiles pour 100 habitants en 2000 contre 91,2 en 2012. Au 9 mars 2013, 19,6 millions de lignes mobiles étaient dénombrées [1], réparties entre six opérateurs (Hué, 2013) pour une population estimée en 2012 à 23,2 millions par l’Institut national de la statistique (INS).

2Le téléphone est utilisé depuis de nombreuses années pour la réalisation d’enquêtes dans les pays occidentaux, soit uniquement comme mode de passation du questionnaire, soit également pour l’échantillonnage, à partir d’un tirage au sort dans un annuaire ou avec la génération aléatoire de numéros.

3L’évolution du mobile en Côte d’Ivoire permet d’y envisager ce type d’approche. Ce besoin est notamment apparu lors de l’élaboration d’un projet sur la demande et l’offre de dépistage du VIH et des hépatites virales en Côte d’Ivoire (DOD-CI).

4Cependant, si le téléphone portable a déjà été utilisé en Afrique comme outil de collecte (Demombynes et al., 2013 ; Tomlinson et al., 2009) ou comme outil de suivi de patients (Déglise et al., 2012 ; Karanja et al., 2011), nous n’avons pas identifié d’enquête menée en Afrique subsaharienne qui ait eu recours à un échantillonnage à partir d’une génération aléatoire de numéros. Il nous a semblé nécessaire de réaliser une enquête pilote en amont [2], dont nous présentons ici les résultats.

I – Présentation de l’enquête et choix méthodologiques

5Historiquement, dans le contexte français, les enquêtes téléphoniques ont d’abord été réalisées uniquement à partir de lignes fixes (Guilbert et al., 2011). Dès lors, à chaque numéro était associé un ménage, la première étape de chaque enquête consistant à lister l’ensemble des membres du ménage puis à sélectionner selon une procédure aléatoire l’un d’entre eux. Avec l’émergence du téléphone mobile, certaines enquêtes, comme le Baromètre santé 2010 (Beck et al., 2013), ont ajouté, en plus de l’enquête principale sur lignes filaires (lignes fixes), un recrutement complémentaire de ménages possédant uniquement une ligne mobile. D’autres enquêtes, comme l’enquête KABP 2010 (Sommen et Beltzer, 2012), ont fait le choix de constituer deux échantillons : l’un de ménages joignables par téléphone fixe, l’autre de personnes joignables par téléphone mobile.

6Le contexte ivoirien est sensiblement différent, notamment du fait que le développement de la téléphonie filaire a été très limité. Selon l’Enquête démographique et de santé (EDS) 2011-2012 (Institut national de la statistique et ICF International, 2012), seuls 3,3 % des individus âgés de 18 ans ou plus, résidaient dans un ménage possédant une ligne fixe. Parmi eux, 94,4 % résidaient dans un ménage où au moins l’un des membres possédait un téléphone portable. Dès lors, il est possible d’envisager un protocole ne prenant pas en compte les lignes filaires.

7Le budget de cette enquête pilote était fortement limité et seul un questionnaire d’une durée d’environ cinq minutes pouvait être réalisé. Une approche par ménage nécessite un module permettant d’identifier l’ensemble de ses membres. Elle aurait consommé la quasi-totalité du temps d’enquête disponible. Par ailleurs, aucune enquête nationale n’ayant documenté la possession d’un mobile au niveau individuel, le taux de couverture exact était inconnu au moment de la rédaction du protocole. Nous avons dès lors choisi d’enquêter uniquement auprès de l’abonné principal de chaque ligne sélectionnée, considérant qu’il s’agirait d’une approche conservatrice pour tester la représentativité de l’échantillon, puisque les biais de sélection seraient plus importants qu’une approche « ménage », les non-abonnés mobile habitant avec un abonné mobile n’étant pas inclus dans l’échantillon.

8Les numéros de téléphone ivoiriens comportent huit chiffres. À partir du plan de numérotation au 30 juin 2011 de l’Agence des télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI) [3], nous disposions des préfixes ou blocs « ABP » attribués à chaque opérateur, chaque préfixe étant composé de trois chiffres. De façon aléatoire, 500 numéros de téléphone ont été générés par préfixe, soit 112 500 numéros (255 préfixes × 500). À partir de cette base de sondage, des lots de 100 numéros ont été produits, chaque numéro de téléphone ayant la même probabilité d’être sélectionné.

9Les critères d’éligibilité étaient les suivants : être âgé de 18 ans ou plus ; résider en Côte d’Ivoire ; être l’utilisateur principal de la ligne téléphonique ; être capable de s’exprimer dans l’une des langues maitrisées par l’équipe d’enquêteurs (voir plus loin) et donner un consentement verbal à l’enquête. L’objectif de recrutement était de 1 000 personnes. Le questionnaire comportait des questions sur les caractéristiques sociodémographiques de l’enquêté, la possession de plusieurs lignes mobiles et quelques indicateurs sur le dépistage du VIH.

10Au moment de l’acceptation du financement de cette enquête pilote (début 2013), nous n’avions pas identifié à Abidjan de prestataire disposant à la fois d’un plateau technique CATI (collecte assistée par téléphone et informatique) complet et d’une expérience dans le domaine des enquêtes aléatoires par téléphone. Nous avons dès lors décidé de réaliser l’enquête depuis la France. Le prestataire retenu, après appel d’offres, a été la société Ipsos Observer, basée à Paris.

II – Réalisation de l’enquête

11Bien que le français soit parlé par la majorité de la population ivoirienne, les enquêteurs devaient parler au moins une langue vernaculaire. Cinq enquêteurs habitant actuellement en France mais nés et ayant passé la plus grande partie de leur vie en Côte d’Ivoire ont été recrutés. Cette équipe a été complétée par un sixième enquêteur expérimenté, travaillant chez Ipsos depuis de nombreuses années. Les langues parlées dans l’équipe étaient l’agni, l’anglais, le baoulé, le bété, le dida, le dioula, l’ébrié, le français, le guéré, le koyaka, le sénoufo et le yacouba. Les questionnaires étaient rédigés en français, une traduction étant au besoin réalisée en temps réel par l’enquêteur.

12La collecte s’est déroulée du 3 au 21 juin 2013. Les heures d’appels variaient d’un jour à l’autre (entre 9h et 21h heure française, soit entre 7h et 19h heure ivoirienne). Un système de rendez-vous téléphonique au premier contact pour la réalisation de l’enquête a été mis en place. La passation des questionnaires se faisait sur ordinateur.

13Des lots de cent numéros de téléphone ont été mis progressivement en exploitation, jusqu’à l’obtention d’un minimum de 1 000 questionnaires complétés. L’ensemble des lots mis en exploitation ont été intégralement enquêtés, un numéro de téléphone devant être appelé au minimum une quinzaine de fois avant d’être considéré comme inexploitable.

14Le tableau 1 présente la consommation des appels selon les catégories proposées par Guilbert et al. (2011). Au final, 2 700 numéros ont été mis en exploitation et enquêtés (base de départ), parmi lesquels 1 291 se sont avérés ne pas être attribués au moment de l’enquête (non utilisables techniquement) et 150 hors cible selon les critères d’éligibilité (tableau 1). La base utilisable pour l’étude était donc composée de 1 259 individus contactés et éligibles, parmi lesquels 82 ont refusé de participer et 93 n’ont pu être recontactés (jusqu’à 15 tentatives) après une prise de rendez-vous (échec d’exécution). Nous n’avons pas eu d’abandon en cours de passation.

Tableau 1

Tableau de consommation des appels de l’enquête DOD-CI (Côte d’Ivoire) et de l’échantillon « lignes mobiles » de l’enquête KABP 2010 (France)

Tableau 1
KABP 2010 DOD-CI2013 Effectif % Effectif % Base de départ 26 268 100,0 2 700 100,0 Non utilisable techniquement (numéros non attribués) 10 030 38,2 1 291 47,8 Non utilisable étude (répondant hors champ, enquête impossible) 2 592 9,9 150 5,6 Base utilisable 13 646 1 259 Refus 2 737 10,4 82 3,0 Échec d’exécution 5 902 22,5 93 3,4 Participation à l’enquête 5 007 19,1 1 084 40,1 Taux de refus (base utilisable) 20,1 6,5 Taux d’échec d’exécution (base utilisable) 43,3 7,4 Taux de participation (base utilisable) 36,7 86,1 Nombre moyen de numéros par questionnaire complété 5,2 2,5 Durée moyenne du questionnaire (en minutes) 38 7 Sélection de l’enquêté membre du ménage abonné principal

Tableau de consommation des appels de l’enquête DOD-CI (Côte d’Ivoire) et de l’échantillon « lignes mobiles » de l’enquête KABP 2010 (France)

Note : L’enquête KABP 2010 comportait deux échantillons (lignes fixes et lignes mobiles). Seules les données de l’échantillon lignes mobiles sont présentées ici.
Sources : Ipsos Observer pour l’échantillon mobile de l’enquête KABP 2010, avec l’autorisation des commanditaires de l’étude ; DOD-CI et EDS.

15Au total, 1 084 questionnaires ont été complétés, principalement en français (923 soit 85,1 %), suivi du dioula (77 soit 7,1 %), d’un mélange de français populaire ivoirien et de termes nouchi [4] (75 soit 6,9 %), du baoulé (6 soit 0,6%) et enfin de l’agni, du koyaka et de l’anglais (un questionnaire chacun soit 0,1 %). La répartition des enquêtés par opérateur téléphonique correspondait à la répartition connue au niveau national par l’ATCI (tableau non reproduit).

16Dans la mesure où nous ne connaissons pas d’autre enquête réalisée en Afrique de l’Ouest et ayant effectué un échantillonnage à partir d’une génération aléatoire de numéros de téléphone, nous avons décidé de mettre en regard le tableau de consommation des appels avec celui de l’enquête KABP 2010 (connaissances, attitudes, croyances et pratiques face au VIH/sida) réalisée en France et qui comportait deux échantillons : un échantillon de lignes fixes et un échantillon de lignes mobiles. La comparaison présentée dans le tableau 1 ne porte que sur l’échantillon de lignes mobiles.

17Ces deux enquêtes ont utilisé une méthodologie similaire d’échantillonnage. Les principales différences résident dans la sélection de l’enquêté (un des membres du ménage pour KABP, l’abonné principal pour DOD-CI) et dans la durée du questionnaire (respectivement 38 vs. 7 minutes en moyenne).

18La proportion de numéros « non utilisables techniquement » est du même ordre de grandeur dans les deux enquêtes (48 % pour DOD-CI et 38 % pour KABP) ; celle de « non utilisables pour l’étude » un peu plus élevée pour KABP (10 % vs. 6 %) en raison de critères de sélection un peu plus restrictifs.

19Le taux de refus observé dans DOD-CI (7 % de la base utilisable) est sensiblement plus faible que celui de KABP (20 %). Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette différence : la durée plus courte du questionnaire ; le fait que les enquêtes marketing par téléphone sont peu fréquentes en Côte d’Ivoire alors qu’en France les individus sont régulièrement sollicités ; la sélection en deux étapes de l’enquêté dans KABP qui induit plus de possibilités de refus (niveau ménage et niveau individuel).

20Le taux d’échec d’exécution est lui aussi plus faible dans DOD-CI (7 % vs. 43 % de la base utilisable) du fait de rendez-vous non aboutis beaucoup plus nombreux dans l’enquête KABP (76 % des échecs d’exécution correspondaient à un rendez-vous non abouti avant l’étape de sélection d’un membre du ménage, 22 % à un rendez-vous non abouti après cette étape et 2 % à un abandon en cours de questionnaire).

21Au final, 2,5 numéros de téléphone auront en moyenne été mis en exploitation pour un questionnaire complété dans DOD-CI contre 5,2 dans KABP.

III – Pondération de l’échantillon et population enquêtée

22Sur 1 084 questionnaires complétés, quatre ont été exclus des analyses en raison de données manquantes sur les caractéristiques sociodémographiques principales.

23Nous avons calculé un poids statistique proportionnel à l’inverse de la probabilité d’inclusion de chaque individu enquêté (i.e. inversement proportionnel au nombre de lignes possédées). En tenant compte de cette pondération, près de la moitié des abonnés mobiles (47,1 %) possèdent deux numéros de téléphone ou plus. Le nombre moyen de numéros de téléphone par abonné mobile est de 1,7 (2,1 en l’absence de pondération). Ce résultat n’est pas surprenant dans le contexte ivoirien, où il est fréquent d’avoir deux ou trois numéros (le plus souvent chez des opérateurs différents).

24Le dernier recensement général de la population et de l’habitation (RGPH) datant de 1998, nous avons préféré comparer la structure de notre échantillon à celle de la dernière EDS menée en 2011-2012 (tableau 2), en tenant compte de son plan d’échantillonnage (enquête stratifiée à deux degrés). L’EDS documentant la possession d’un portable au niveau du ménage, nous avons également calculé la structure de l’échantillon des personnes de 18 ans et plus résidant dans un ménage ayant au moins un téléphone portable. Tous les calculs ont été réalisés avec le logiciel de statistique R et le package survey.

Tableau 2

Caractéristiques sociodémographiques des 18 ans et plus (DOD-CI et EDS 2011-2012)(a),(b)

Tableau 2
DOD-CI brut (a) DOD-CI pondéré (b) EDS 2011-2012 (ménages équipés de mobiles) EDS 2011-2012 (ensemble des ménages) Sexe (%) Femme 30,9 35,9 49,8 50,4 Homme 69,1 64,1 50,2 49,6 Groupe d’âges (%) 18-24 ans 25,8 27,9 24,9 23,8 25-34 ans 37,9 37,6 30,9 29,6 35-49 ans 24,6 22,6 25,2 25,0 50 ans et plus 11,7 11,9 19,0 21,6 Niveau d’instruction (%) Aucun 27,8 31,7 58,2 61,8 Primaire 19,8 20,4 23,2 22,0 Secondaire 38,0 36,4 15,5 13,6 Supérieur 14,4 11,5 3,1 2,6 Grande région (%) Abidjan (ville) 46,6 46,3 25,2 22,0 Grand Centre 20,1 20,9 30,4 30,7 Grand Nord 7,9 7,6 11,5 13,2 Grand Ouest 10,8 10,9 17,6 19,7 Sud (hors Abidjan) 14,6 14,3 15,3 14,4 Milieu de résidence (%) Rural 11,9 12,1 46,5 52,1 Urbain 88,1 87,9 53,5 47,9 Effectif 1 080 1 080 21 740 25 731

Caractéristiques sociodémographiques des 18 ans et plus (DOD-CI et EDS 2011-2012)(a),(b)

(a) sans prise en compte de la multipossession de lignes mobiles.
(b) avec prise en compte de la multipossession de lignes mobiles.
Sources : DOD-CI et EDS.

25Les hommes sont surreprésentés dans l’échantillon DOD-CI. La pondération réduit de 5 points la part des hommes (69,1 % à 64,1 %), parce que les hommes ont en moyenne plus de numéros que les femmes (respectivement 1,8 et 1,4). Par ailleurs, le taux d’équipement en téléphone portable est probablement plus faible parmi les femmes. Les individus âgés de 25 à 34 ans sont surreprésentés et ceux âgés de 50 ans et plus sont sous-représentés.

26La population de l’échantillon DOD-CI présente un niveau d’instruction plus élevé que celle de l’EDS 2011-2012, les personnes ayant un niveau secondaire ou supérieur étant largement surreprésentées tandis que celles n’étant jamais allé à l’école sont sous-représentées. Cela s’observe quel que soit le sexe (tableau non reproduit).

27La collecte de l’information sur le milieu de résidence a été problématique. Nous ne disposions pas d’un annuaire des localités récent tenant compte des évolutions du découpage administratif depuis 1998. La Côte d’Ivoire est divisée entre un secteur communal (112 communes urbaines et 85 rurales) et un secteur non communal (rural). Il était demandé à chaque individu où il résidait. S’il s’agissait d’une des 197 communes, celle-ci était renseignée. S’il résidait en dehors du secteur communal, l’enquêté était considéré comme vivant en milieu rural.

28Seuls 15 individus sur 1 080 (1,4 %) ont déclaré ne pas habiter dans l’une de ces 197 communes, soit une très forte sous-représentation du secteur non communal. Il est probable que plusieurs enquêtés aient déclaré la commune la plus proche de leur domicile, même s’ils n’habitaient pas administrativement cette commune. Il n’y a pas d’indication précise des adresses (en particulier en milieu rural), et lorsqu’elle existe elle n’est pas forcément connue des populations locales. Le taux d’équipement en mobile est également plus faible en milieu rural : 75,3 % des personnes de 18 ans et plus vivaient dans un ménage équipé, contre 94,4 % en milieu urbain (EDS).

29Enfin, les zones d’enquête de l’EDS ont été sélectionnées selon une probabilité d’échantillonnage proportionnelle au nombre de ménages au dernier recensement et reproduit donc la structure par région et milieu de résidence de 1998. Or la Côte d’Ivoire a connu des mouvements de population importants depuis 1998, notamment en raison des crises politiques successives.

IV – Indicateurs de dépistage

30Le questionnaire DOD-CI comportait quatre questions communes avec l’EDS 2011-2012 : avoir déjà entendu parler du sida ; connaître un lieu de dépistage du VIH ; avoir déjà fait au moins un test au cours de sa vie ; avoir fait au moins un test au cours des douze derniers mois et en avoir reçu le résultat.

31La figure 1 présente ces quatre indicateurs selon le sexe tels que mesurés dans les deux enquêtes parmi les 18-49 ans [5]. Pour la comparaison, nous avons également effectué un calage sur marges de l’échantillon DOD-CI sur la structure par sexe, grand groupe d’âges, niveau d’instruction, milieu de résidence et grande région de l’échantillon de l’EDS. Du fait de la distorsion importante entre les deux échantillons, les poids obtenus varient de 0,5 à 550.

Figure 1

Principaux indicateurs de dépistage du VIH selon le sexe (comparaison DOD-CI et EDS 2011-2012), chez les individus de 18 à 49 ans

Figure 1

Principaux indicateurs de dépistage du VIH selon le sexe (comparaison DOD-CI et EDS 2011-2012), chez les individus de 18 à 49 ans

Notes : Les segments indiquent les intervalles de confiance à 95 %.
DOD-CI brut : Sans prise en compte de la multi-possession de lignes mobiles.
DOD-CI pondéré : Avec prise en compte de la multi-possession de lignes mobiles.
DOD-CI calé : Avec post-stratification sur la structure par âge, sexe, niveau d’instruction, milieu et région de résidence de l’EDS 2011-2012.
Sources : DOD-CI et EDS.

32La quasi-totalité (94,8 % à 98,6 %) de la population a déjà entendu parler du VIH/sida. Pour les trois autres indicateurs, les estimations brutes et pondérées DOD-CI sont systématiquement plus élevées que celles de l’EDS. Ces écarts peuvent s’expliquer à la fois par la différence de temporalité entre les deux enquêtes (un an et demi d’écart), les différences structurelles des deux échantillons et le contexte de passation (téléphone vs. face-à-face, place de la question dans le questionnaire), sans que l’on puisse faire la part de chacune de ces raisons.

33Outre les différences de niveaux, les écarts entre groupes (sexe, groupe d’âges, niveau d’instruction, milieu de résidence) observés entre les deux enquêtes sont équivalents pour ces quatre indicateurs (tableaux non reproduits). Les mêmes différences par groupe d’âges sont observées pour les deux enquêtes : pour les hommes, le taux de dépistage augmente avec l’âge, tandis que pour les femmes, le maximum est atteint entre 25-34 ans. Dans les deux enquêtes, le dépistage augmente avec le niveau d’instruction et il est plus élevé en milieu urbain.

V – Limites de l’enquête pilote

34D’un point de vue technique, cette enquête pilote a été réalisée dans de bonnes conditions : très peu de coupures en cours d’entretien et une bonne qualité auditive des appels. Le taux de refus est relativement faible, comparativement à des enquêtes similaires réalisées en France.

35En termes de représentativité, l’échantillon obtenu s’avère être plus jeune, plus urbain et plus masculin que la population atteinte par l’EDS 2011-2012 qui a servi de point de comparaison. Si les différents indicateurs de dépistage sont plus élevés dans l’échantillon DOD-CI par rapport à l’EDS, les écarts observés par sexe, âge ou niveau d’instruction sont comparables entre les deux enquêtes.

36Cependant, certaines limites doivent être surmontées dans l’optique de réaliser une nouvelle enquête à plus vaste échelle.

37La limite la plus importante est de n’avoir enquêté qu’auprès des abonnés sur ligne mobile, avec des biais de sélection non négligeables en matière de milieu de résidence, région, sexe, ou niveau d’instruction. Il apparaît indispensable de prendre en compte également les personnes non abonnées mais résidant dans un ménage équipé. Selon l’EDS 2011-2012, 85 % des adultes de 15 ans et plus vivaient dans un ménage possédant au moins un téléphone portable (96 % en milieu urbain, 75 % en milieu rural).

38La manière de collecter l’information sur le milieu de résidence dans cette enquête pilote a été problématique, une partie des enquêtés ruraux étant probablement enregistrés à tort comme urbains. Il est nécessaire de disposer d’un répertoire des localités actualisé. Un tel répertoire est en cours d’élaboration par l’INS de Côte d’Ivoire à partir du travail de cartographie du recensement général de la population et de l’habitation (RGPH) de 2014 et devrait lever cette difficulté.

39La couverture de l’enquête pourrait également être améliorée en étant plus restrictif sur l’âge des enquêtés. L’EDS 2011-2012 montre que la part des individus résidant dans un ménage équipé est aux alentours de 88 % entre 15 et 40 ans, puis décroît à 84 % pour les 40-49 ans, 79 % pour les 50-59 ans et 70 % ou moins après 60 ans (tableau non reproduit). Si la thématique s’y prête, il pourrait être pertinent de limiter l’âge des enquêtés éligibles au seuil de 50 ou 60 ans.

40L’échantillonnage de l’enquête pilote a été réalisé à partir du plan de numérotation au 30 juin 2011, ne prenant donc pas en compte les blocs « ABP » attribués après cette date. L’utilisation d’un plan de numérotation récent est donc une nécessité.

41Nous pouvons également mentionner la possibilité d’augmenter l’amplitude horaire pour la passation des appels ainsi que le taux d’insistance (nombre d’appels minimum avant qu’un numéro ne soit considéré comme injoignable) comme éléments pouvant améliorer la couverture.

42La question de la post-stratification de l’échantillon est essentielle. Pour cela, il est nécessaire de disposer d’une source précise et récente donnant la structure par âge, sexe, milieu de résidence et région de la population. Le RGPH de 2014, dont les premiers résultats sont attendus fin 2015, fournira les éléments nécessaires à un calage sur marges.

43Malgré les limites dont nous venons de discuter, cette enquête pilote montre qu’il est tout à fait possible de réaliser une enquête nationale de plus grande ampleur en Côte d’Ivoire à partir d’un échantillonnage de numéros de téléphone portable générés de façon aléatoire.

Notes

  • [*]
    IRD/Ceped, France.
    Correspondance : Joseph Larmarange, Ceped, 45 rue des Saints Pères, 75006 Paris, courriel : joseph.larmarange@ceped.org
  • [**]
    Ensea, Côte d’Ivoire.
  • [♦]
    Ipsos Observer, France.
  • [♦♦]
    PAC-CI, Côte d’Ivoire.
  • [1]
    Il importe de distinguer lignes mobiles et téléphones mobiles. En effet, les appareils téléphoniques acceptant plusieurs cartes SIM sont d’un usage fréquent en Afrique de l’Ouest. Dès lors, le nombre de lignes mobiles est supérieur à celui des téléphones mobiles (en tant qu’appareils).
  • [2]
    Enquête financée par l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS 12287).
  • [3]
    Devenue en 2013 l’Autorité nationale de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI). Il s’agissait du dernier plan de numérotation disponible en date. Un nouveau plan a été publié le 20 janvier 2014.
  • [4]
    Le nouchi est un mélange de français et de plusieurs langues de Côte d’Ivoire, apparu dans les années 1970.
  • [5]
    Ces indicateurs étaient mesurés parmi les 15-49 ans dans l’EDS et les 18 ans et plus dans DOD-CI.
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Français

Cet article présente les résultats d’une enquête exploratoire pilote sur le dépistage du VIH/sida (DOD-CI) visant à tester la faisabilité et la représentativité d’une enquête nationale en population générale en Côte d’Ivoire à partir d’un échantillon aléatoire de numéros de téléphones portables. Les refus ont été peu nombreux et inférieurs à ce qui est habituellement observé dans des enquêtes similaires en France. En termes de représentativité, l’échantillon obtenu s’avère être plus jeune, plus urbain et plus masculin. Nous avons comparé quatre indicateurs de dépistage du VIH/sida avec l’Enquête démographique et de santé (EDS) réalisée en 2011-2012. Du fait de biais de sélection différents dans les deux enquêtes, les indicateurs étaient plus élevés que ceux observés dans l’EDS 2011-2012. Cependant, les différentiels observés par sexe, groupe d’âges, niveau d’instruction et milieu de résidence étaient similaires. Il paraît dès lors envisageable de réaliser une enquête nationale en Côte d’Ivoire selon cette approche, en opérant plusieurs ajustements, dont la prise en compte des non-abonnés à des téléphones mobiles résidant dans le même ménage qu’un abonné.

Mots-clés

  • enquête par téléphone
  • représentativité
  • faisabilité
  • échantillonnage
  • téléphone mobile
  • Côte d’Ivoire

Références

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  • En ligneChéneau-Loquay Annie, 2010, « L’Afrique au seuil de la révolution des télécommunications. Les grandes tendances de la diffusion des TIC », Afrique contemporaine, 234(2), p. 93-112.
  • En ligneDéglise Carole, Suggs Suzanne, Odermatt Peter, 2012, « SMS for disease control in developing countries : A systematic review of mobile health applications », Journal of Telemedicine and Telecare, 18(5), p. 273-281.
  • En ligneDemombynes Gabriel, Gubbins Paul, Romeo Alessandro, 2013, « Challenges and opportunities of mobile phone-based data collection : Evidence from South Sudan », World Bank, Policy Research Working Paper n° 6321, 33 p.
  • En ligneGuilbert Philippe, Beltzer Nathalie, Gautier Arnaud, Warszawski Josianne, Riandey Benoit, 2011, « Pour de nouveaux indicateurs de qualité des enquêtes téléphoniques par sondage aléatoire », Revue d’épidémiologie et de santé publique, 59(2), p. 91-96,
  • Hué Goore Bi, 2013, « 18 723 755 abonnés identifiés sur plus de 19,6 millions », Fraternité Matin, Abidjan, p. 19-21.
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  • Karanja Sarah, Mbuagbaw Lawrence, Ritvo Paul, Law Judith, Kyobutungi Catherine et al., 2011, « A workshop report on HIV mHealth synergy and strategy meeting to review emerging evidence-based mHealth interventions and develop a framework for scale-up of these interventions », The Pan African Medical Journal, 10, p. 37.
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Joseph Larmarange [*]
  • [*]
    IRD/Ceped, France.
    Correspondance : Joseph Larmarange, Ceped, 45 rue des Saints Pères, 75006 Paris, courriel : joseph.larmarange@ceped.org
Ouattara Kassoum [**]
  • [**]
    Ensea, Côte d’Ivoire.
Élise Kakou [**]
  • [**]
    Ensea, Côte d’Ivoire.
Yves Fradier [♦]
  • [♦]
    Ipsos Observer, France.
Lazare Sika [**]
  • [**]
    Ensea, Côte d’Ivoire.
Christine Danel [♦♦]
  • [♦♦]
    PAC-CI, Côte d’Ivoire.
Le groupe DOD-CI ANRS 12 287
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/07/2016
https://doi.org/10.3917/popu.1601.0121
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