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1La réalisation des enquêtes sociodémographiques impose des efforts importants pour constituer un échantillon représentatif, joindre les personnes sélectionnées et les convaincre de répondre, obtenir des réponses exactes – ou du moins homogènes – aux questions posées. Cette dernière contrainte est remplie à deux conditions : que les questions soient comprises et acceptées de la même manière par tous les répondants, et que les conditions de passation des questionnaires soient aussi identiques que possibles pour tous. La version française de l’enquête européenne Générations et genre a été réalisée par l’Ined en 2005, 2008 et 2011, en face-à-face, avec des enquêteurs professionnels et expérimentés de l’Insee. À partir des données de la première vague de cette enquête, Patrick Festy, Joëlle Gaymu et Marc Thévenin montrent que les réponses des hommes et des femmes en couple aux questions sur l’aisance financière sont globalement proches, mais que la présence du conjoint modifie les réponses de manière notable et en sens opposé pour les hommes et les femmes. L’article nous rappelle ainsi que les analyses de données d’enquêtes doivent tenir compte de la présence d’« effets de collecte » qui peuvent modifier de manière complexe les réponses lors des entretiens.

2Deux paramètres essentiels interviennent dans la qualité des réponses à un questionnaire : qui répond et dans quelles conditions le questionnaire est-il administré ? Nous cherchons ici à mesurer l’impact de certaines conditions de déroulement des entretiens sur les réponses données respectivement par les hommes et les femmes à une question sur la situation économique de leur ménage.

3La recherche sur les conditions de l’entretien a attaché beaucoup d’importance au mode de passation du questionnaire (entretiens en tête-à-tête, téléphoniques ou via internet, questionnaire auto-administré ; support papier ou électronique) et elle s’est fréquemment conjuguée à une mise en question de la possibilité d’interroger sur des sujets très personnels, intimes ou délicats selon la technique utilisée (Riandey et Firdion, 1993). Dans ce champ d’études, un point porte sur l’environnement dans lequel se déroule l’entretien : quelqu’un d’autre que l’enquêteur et l’enquêté est-il présent et cette présence affecte-t-elle la qualité des informations recueillies ? Parmi les personnes susceptibles d’assister à l’entretien, on sait que les enfants, parents et beaux-parents interviennent peu, contrairement au conjoint qui participe plus fréquemment (Aldeghi, 1998). Sur l’effet de leur présence, quelques réponses ont déjà été apportées –?peu nombreuses toutefois dans le domaine démographique?– concernant des enquêtes où étaient posées des questions factuelles et subjectives autour de sujets sur le mariage, la famille et les revenus.

4Pour William S. Aquilino (1991), lorsque l’information est factuelle –?voire sensible (en l’occurrence, une question sur la vie en couple avec un autre partenaire avant l’union actuelle)?–, l’enquêté est incité à être plus précis si le conjoint connaît bien la situation, mais pas s’il la connaît mal. Dans ce dernier cas, l’enquêté aura tendance à donner une réponse susceptible de satisfaire le conjoint présent si l’information représente un enjeu pour celui-ci, mais pas si elle lui est indifférente. Et il en ira de même pour les questions subjectives : l’enquêté tendra à donner des réponses qui satisfassent son conjoint en sa présence, si ces informations ont une importance pour ce dernier, mais pas si elles lui sont indifférentes.

5Ses recherches sur l’usage illicite de drogue ont conduit Aquilino (1997) à confirmer ses hypothèses. François Héran avait également montré que le conjoint était un bon contrôleur d’information dans le domaine de la pratique associative (1988) ou de l’aide au travail scolaire des enfants (1994). Arnaud Régnier-Loilier (2007, 2009) est revenu sur ce thème plus récemment avec l’enquête Erfi (Étude des relations familiales et intergénérationnelles), pour étudier les conséquences de cette présence sur les réponses à des questions factuelles. Il conclut que la présence du conjoint au moment de questions sur la répartition des tâches au sein du couple joue un rôle de régulateur des réponses, qu’elle atténue la tendance –?en particulier masculine?– à donner des réponses stéréotypées, en accord avec la norme égalitaire, en bref qu’elle améliore la qualité des réponses par rapport au strict tête-à-tête. En revanche, la présence du conjoint s’accompagne d’une sous-déclaration des unions antérieures au couple actuel –?en particulier de la part des hommes?– faisant apparaître ce thème comme sensible, délicat à aborder en présence de son partenaire.

6Les interprétations de ces résultats renvoient aux rapports de genre au sein des couples. Les sociologues y voient l’habitus social qui conduit hommes et femmes vers des rôles déterminés où transparaît la domination masculine (Pierre Bourdieu, 1998), tandis que pour les économistes, la répartition des rôles est une manière efficace de maximiser le bien-être en partageant les tâches entre les conjoints (Becker, 1991). Faut-il, pour concilier les uns et les autres, parler comme Michel Bozon (1990) d’une « domination consentie » ou, comme John F. Zipp et ses collègues (2004), d’un « pouvoir caché du mariage » ? Peut-on y voir une propension des femmes à privilégier l’implication des partenaires dans le fonctionnement du couple, et une préférence des hommes pour l’indépendance ?

7Dans ce champ de recherche, beaucoup d’importance a été donnée aux questions qui pouvaient susciter des conflits d’intérêt entre les conjoints, en particulier celles où la réponse pouvait mettre le répondant ou son partenaire dans une situation inconfortable vis-à-vis de l’autre. Il nous a semblé intéressant d’aborder ce sujet d’un point de vue différent, en retenant une question en apparence plus neutre portant sur la facilité ou la difficulté avec laquelle le ménage équilibrait son budget. Cette question se situe à la frontière entre constat factuel et appréciation subjective, qui laisse entendre le jeu d’influences variées dans les domaines économique, culturel et social, et potentiellement différentes selon le sexe.

8La question de l’inégalité entre les rôles masculin et féminin au sein des couples a fait l’objet d’une abondante littérature aux âges actifs (Hakim, 2003 ; Sümer, 2009 ; Esping-Andersen, 2009), mais elle reste toutefois peu abordée aux âges avancés. C’est pourquoi nous proposons de nous centrer sur les personnes âgées de 50 à 79 ans, d’autant plus intéressantes qu’elles sont les survivantes des générations où prévalait le modèle traditionnel du « Monsieur gagne-pain », et les pionnières dans l’évolution de la répartition des rôles masculins et féminins. Ce sont, de plus, les âges auxquels la présence du ou de la partenaire lors de l’entretien d’enquête devient fréquente en raison de la diminution des obligations professionnelles et donc où l’étude de son impact devient essentielle. En outre, certains travaux ont montré qu’à ces âges les déterminants du bien-être subjectif des hommes et des femmes n’étaient pas nécessairement les mêmes (Pinquart and Sörensen, 2000 ; Gaymu et Springer, 2010). Un des objectifs de cet article est également de vérifier s’il en est de même pour leur « satisfaction financière » et de montrer si les conditions de collecte influencent différemment le sentiment d’aisance financière des hommes et des femmes à ces âges.

I – Données, variables et méthodologie

Échantillon

9Les données exploitées sont issues de la première vague (2005) de l’enquête Erfi, version française de Generations and Gender Survey (GGS), réalisée conjointement par l’Ined et l’Insee. On y compte 2 471 couples [1] vivant conjointement dont le répondant, sélectionné aléatoirement, est âgé de 50 ans à 79 ans (tableau 1). Dans 52 % des ménages, la personne enquêtée est de sexe masculin.

Tableau 1

Nombre de répondants par sexe et groupe d’âges

Tableau 1
50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans Total Hommes 489 456 330 1?275 463 416 302 1?181 Femmes 557 403 236 1?196 492 356 207 1?055 Total 1?046 859 566 2?471 955 772 509 2?236

Nombre de répondants par sexe et groupe d’âges

Note : En italique le nombre de répondants pour lesquels les variables de nos modèles sont toutes renseignées.
Source : Enquête Erfi-GGS (1), Ined-Insee, 2005.

Mesure des difficultés budgétaires ou de l’aisance financière

10L’analyse est conduite à partir d’une question sur la perception qu’a le répondant de la situation budgétaire du ménage. Ce type d’interrogation, particulièrement répandu dans les enquêtes qui apportent des informations sur les conditions de vie des ménages, nourrit les approches dites « subjectives » de la pauvreté, en tant que mesure directe ou comme composante d’un score global de difficultés budgétaires combinant les réponses à plusieurs questions. Celles-ci peuvent porter notamment sur le fait que le ménage doit puiser dans son épargne pour faire face aux échéances, a des retards de paiements, a un revenu inférieur au minimum qu’il estime nécessaire pour pouvoir joindre les deux bouts, voire, plus rarement, qu’il se considère comme pauvre. La portée de telles questions est parfois critiquée par sa dimension trop « subjective » dans la mesure où celles-ci se contentent de vérifier si les besoins exprimés par le ménage épuisent ses ressources budgétaires (Lollivier et Verger 1997 ; Verger, 2005). Si le niveau de revenu ou la charge mensuelle du logement sont bien des déterminants objectifs et systématiquement robustes, ces difficultés peuvent également s’expliquer par des comportements trop dispendieux, le ménage disposant d’un niveau de vie relativement confortable par ailleurs.

11Dans l’enquête Erfi, la formulation exacte de la question que nous utilisons à titre principal est « Pour ce qui est des revenus de votre ménage, vous diriez que vous avez des fins de mois… ». Aux six réponses possibles, les proportions de répondants sont : très difficiles (3 %), difficiles (9 %), assez difficiles (18 %), assez faciles (38 %), faciles (27 %), très faciles (5 %).

12Pour mieux cerner la situation budgétaire de ceux qui considèrent leurs fins de mois comme « assez difficiles », nous complétons cette réponse par celles qui sont données à un jeu d’autres questions permettant d’évaluer la situation matérielle du ménage, comme le fait de ne pas pouvoir mettre de l’argent de côté, se permettre certaines dépenses ou régler certaines dépenses contraintes, et le fait de devoir se priver d’équipement(s) pour raison financière. Un sur cinq de ces répondants n’ayant aucune impossibilité à épargner, payer son loyer, etc., nous les avons exclus du groupe des personnes déclarant une situation difficile pour les intégrer au groupe « assez facile ».

13La part des enquêtés avec des fins de mois difficiles (y compris très difficiles et assez difficiles) est ainsi ramenée de 30 % à 27 %. À l’inverse, ils sont 31 % dont les fins de mois sont faciles (y compris très faciles). La situation intermédiaire (assez facile) est la plus courante et concerne 42 % des répondants.

Méthode utilisée

14Comme l’opinion sur les fins de mois est une variable ordonnée regroupée en trois modalités (« difficiles » regroupant les trois modalités très difficiles, difficiles et assez difficiles ; « assez faciles » ; « faciles » regroupant les deux modalités faciles et très faciles), nous recourons à des modèles logistiques ordonnés généralisés [2]. Dans ce cas, il convient de prendre en compte l’hypothèse de pentes parallèles lorsqu’on analyse les effets d’une variable indépendante. Lorsque cette hypothèse est respectée, l’effet mesuré par les coefficients de régression ou leur transformation en odds ratios (OR) ne présente pas de différence significative selon qu’on compare les ménages en situation difficile (versus assez facile et facile) ou ceux en situation facile (versus difficile et assez facile), on peut alors parler indifféremment des déterminants des difficultés et de l’aisance financières. Si ce n’est pas le cas, l’interprétation des coefficients est plus complexe et doit être nuancée, surtout si leurs signes sont différents. Cette dernière situation n’a toutefois été relevée qu’une fois.

Les conditions de passation et les autres variables explicatives

15Dans les enquêtes scientifiques, il est courant en fin du questionnaire de demander à l’enquêteur des informations sur les conditions de passation de l’entretien, plus particulièrement sur la présence et le degré d’intervention d’une ou plusieurs tierces personnes. L’originalité de l’enquête Erfi est de fournir des informations sur ces conditions de passation à plusieurs moments-clés de l’entretien (Régnier-Loilier, 2006). Cinq pointages ont été réalisés : le premier au début, les trois suivants juste avant les questions sur, respectivement, la répartition des tâches parentales, la répartition des tâches domestiques, la qualité de la relation conjugale, et le dernier lorsque l’entretien est achevé. La question sur les fins de mois se situe dans la dernière partie du questionnaire, mais certaines dimensions explicatives de la situation budgétaire ressentie par les ménages se situent en amont et sont donc susceptibles d’être également affectées par la présence d’un tiers. Ceci nous a conduit à retenir trois indicateurs :

16P1 : présence du partenaire avant les questions sur la répartition des tâches domestiques.

17P2 : présence du partenaire en fin d’entretien.

18P1P2 : présence du partenaire à au moins l’un des deux pointages.

19Nous avons privilégié le dernier indicateur, P1P2, afin de conserver le nombre maximum d’entretiens effectués en présence du partenaire [3].

20D’autres variables sont introduites dans les modèles (tableau 2), dont la plupart sont systématiquement utilisées dans ce type d’analyse [4]. C’est le cas par exemple du revenu, de la santé (incapacité), du niveau d’instruction, du statut d’occupation du logement, de la situation par rapport au marché du travail (personne en emploi dans le ménage) ou de la composition du ménage (enfants et mode de cohabitation). En complément de ces variables « classiques », nous avons ajouté d’autres déterminants potentiels supplémentaires.

Tableau 2

Le sentiment de gêne ou d’aisance financière et ses dimensions explicatives

Tableau 2
Variable expliquée Modalités Sentiment d’aisance financière : situation budgétaire perçue du ménage Variable ordinale à trois niveaux construite à partir d’une interrogation sur la perception qu’a le répondant sur les fins de mois et d’une série de questions sur la situation matérielle du ménage. « situation facile » versus « situation difficile et assez facile » ; « situation facile et assez facile » versus « situation difficile »
Tableau 2
Variables explicatives Modalités Présence du partenaire Types de pointage : P1 : présence au 3e pointage de l’enquête, P2 : présence au dernier pointage, P1P2 : présence au moins à l’un de ces deux pointages. Oui Non Sexe du répondant Homme Femme Âge du répondant 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans Différence d’âge entre conjoints Variable continue. Il s’agit de la différence entre l’âge du répondant et celui de son conjoint. Enfant(s) et leur mode de cohabitation Enfant(s) non cohabitant(s) seulement Pas d’enfant en vie Au moins un enfant cohabitant Incapacité « Êtes-vous limité(e) dans votre capacité à effectuer des activités quotidiennes normales en raison d’un problème de santé physique ou mentale ou d’un handicap ? » Oui Non Niveau d’instruction Les trois modalités regroupent les niveaux de formation déclarés sur la base de la nomenclature ISCED (niveau 6). Un niveau faible va jusqu’au brevet des collèges. Le niveau élevé correspond à des diplômes au moins équivalents à Bac+2. Faible Moyen Élevé Différence de niveau d’instruction entre conjoints Niveau du répondant comparé à celui de son conjoint. Plus faible Identique Plus élevé Situation du ménage par rapport à l’emploi Existence d’au moins un actif occupé, y compris le ou les enfants cohabitants. Oui Non Niveau de revenu Construit à partir du revenu total mensuel net du ménage déclaré sur 8 tranches. Moins de 1?500 euros De 1?500 à 2?500 euros 2?500 euros et plus Rapport des contributions financières entre femmes et hommes Il s’agit du rapport entre les sommes perçues mensuellement par la femme et celles perçues par l’homme. Il est construit à partir des montants pour 4 sources principales de revenus déclarés (salaire, pension de retraite, allocation chômage ou pension d’invalidité). Le seuil de 0,5 correspond à la valeur médiane de ce rapport sur l’échantillon. Nul Positif jusqu’à 50 % Supérieur ou égal à 50 % Gestion des comptes du ménage « Pouvez-vous m’indiquer quel membre du ménage se charge des tâches suivantes ? De payer les factures et tenir les comptes : 1. Toujours moi, 2. Le plus souvent moi, 3. Autant moi que mon conjoint, 4. Le plus souvent mon conjoint, 5. Toujours mon conjoint, 6. Toujours ou le plus souvent d’autres membres du ménage, 7. Toujours ou le plus souvent quelqu’un ne faisant pas partie du ménage ». Les modalités 1 et 2 ainsi que 4 et 5 ont été regroupées. Les modalités 6 et 7 ont été transformées en valeur manquante (N = 11). Le répondant Les deux Le conjoint Soutien de l’entourage en cas de problème « Je vais maintenant vous lire plusieurs phrases sur votre vie actuelle. Pouvez-vous m’indiquer pour chacune dans quelle mesure elles vous correspondent ? Vous pouvez vous appuyer sur suffisamment de personnes en cas de problème ». Oui Plus ou moins Non

Le sentiment de gêne ou d’aisance financière et ses dimensions explicatives

21Étant donné qu’une large fraction des ménages sont âgés, ils sont susceptibles de recevoir des aides informelles de la part de la famille, des amis ou du voisinage pour les soins, les tâches ménagères ou administratives. Celles-ci peuvent se substituer à certaines aides marchandes et donc contribuer à réduire les dépenses des ménages, ce qui justifie leur prise en compte. Dans l’enquête Erfi, le répérage de cette aide est plus subjectif qu’objectif : il est demandé au répondant dans quelle mesure il peut « s’appuyer sur suffisamment de personnes en cas de problème ». Cette formulation large peut recouvrir des situations qui affectent, directement ou indirectement, la situation matérielle du ménage.

22Par ailleurs, le répondant à l’enquête, sélectionné aléatoirement, n’est pas forcément la personne la plus qualifiée pour apprécier les fins de mois du ménage. L’enquête Erfi permet de contrôler ce point grâce à l’une des questions sur la répartition des tâches domestiques, où le répondant doit indiquer qui est la personne qui s’occupe de la gestion du budget courant du ménage (règlement des factures et tenue des comptes). Dans le même ordre d’idées et afin de caractériser les couples, et non plus les répondants, d’autres variables ont été prises en compte : les écarts d’âge et de niveau d’instruction entre conjoints, la contribution des femmes aux revenus du ménage. Il s’agit ainsi d’illustrer les inégalités de position, et donc éventuellement de pouvoir, entre hommes et femmes au sein des couples.

23Pour mesurer la position économique relative des deux conjoints, nous avons calculé le rapport des contributions financières entre la femme et l’homme au sein de chaque couple. Le lien entre ce rapport et le niveau de vie du ménage n’est pas systématique, loin de là. Un rapport élevé peut être le reflet d’une contribution insuffisante de la part du conjoint (chômage, maladie, handicap). En outre, aux alentours de 60 ans, les deux partenaires liquident très rarement leurs droits à la retraite la même année. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à devoir patienter au-delà de l’âge légal pour bénéficier d’une pension à taux plein [5].

II – Résultats

24Préalablement à l’étude des effets de la présence d’une tierce personne sur l’opinion exprimée par les répondants à propos des difficultés budgétaires de leur ménage, nous proposons de montrer dans quelle mesure les conditions de passation des questionnaires varient selon le sexe du répondant. L’objectif est de vérifier si les personnes interviewées en présence de leur conjoint diffèrent de celles qui répondent à l’enquêteur en tête-à-tête. Pour pouvoir juger de l’impact sur la comparaison entre les perceptions des unes et des autres de leur situation budgétaire, nous conduisons cette analyse préliminaire avec les mêmes variables indépendantes, décrites précédemment.

Des conditions de passation différentes pour les hommes et les femmes

25Quel que soit le moment du pointage, environ 40 % des entretiens se sont déroulés en présence du partenaire, et dans plus de 45 % des cas, ce dernier assistait à au moins l’un des deux moments (tableau 3). Les femmes sont plus fréquemment interrogées que les hommes en tête-à-tête, leur conjoint ayant assisté à l’entretien dans 37 % des cas contre 53 % pour les hommes. C’est sans doute la conséquence d’une présence au domicile plus fréquente de la part des femmes que des hommes, même à des âges auxquels les raisons professionnelles contribuent moins à l’expliquer. Les disparités de genre dans la réalisation des tâches domestiques dans ces générations continuent de refléter après la retraite ce qu’elles étaient pendant les périodes d’activité (Solaz, 2009 ; Anxo et al., 2011). La présence des femmes dans le ménage serait donc plus fréquente que celle des hommes qui peuvent privilégier des activités extérieures.

Tableau 3

Proportion (%) d’entretiens réalisés en présence du partenaire

Tableau 3
Présence du partenaire aux divers pointages Répondant Homme Répondant Femme Ensemble des répondants P1 : premier pointage 45,1 33,9 39,8 P2 : second pointage 46,7 33,9 40,7 P1P2 : au moins l’un des deux 52,5 38,3 45,8

Proportion (%) d’entretiens réalisés en présence du partenaire

Note : Les proportions ont été calculées sur les seuls répondants dont l’ensemble des variables sont renseignées.
Source : Enquête Erfi-GGS (1), Ined-Insee, 2005.

26En outre, les répondants –?hommes comme femmes?– n’ont pas les mêmes caractéristiques selon qu’ils sont interrogés isolément ou en présence de leur conjoint (tableau 4). Dans ce dernier cas, ils sont plus âgés (chez les hommes 32 % ont 70-79 ans, contre 19 % s’ils sont interrogés isolément), souffrent plus souvent d’incapacité (29 % contre 21 % quel que soit le sexe), ont un niveau d’instruction ou de revenu plus faible (un quart des hommes, par exemple, déclarent moins de 1?500 euros contre 15 % lorsqu’ils sont seuls pendant l’entretien), appartiennent plus fréquemment à des couples d’inactifs et disent moins souvent être les seuls gestionnaires du budget courant du ménage. De surcroît, lorsque les femmes sont interrogées en présence de leur conjoint, elles ont, en moyenne, un plus fort écart d’âge avec lui (2,6 ans de moins contre 1,9 lors des entretiens en tête-à-tête).

Tableau 4

Distribution des répondants ou des ménages selon les modalités de diverses caractéristiques, en fonction du sexe du répondant et de la présence ou non du partenaire lors de l’entretien

Tableau 4
Caractéristiques Modalités Hommes Femmes Partenaire présent Partenaire absent Partenaire présent Partenaire absent Âge du répondant 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans 33,9 34,7 31,4 45,1 35,8 19,1 31,9 39,1 29,0 55,8 30,4 13,8 Différence d’âge avec le conjoint (moyenne) 3,1 3,2 – 2,5 – 1,6 Cohabitation avec enfant Pas d’enfant en vie Au moins un cohabitant Seulement non cohabitant(s) 6,0 19,3 74,7 5,7 24,1 70,2 7,4 12,9 79,7 4,9 18,6 76,5 Incapacité du répondant Non Oui 71,8 28,2 77,7 22,3 70,8 29,2 78,8 21,2 Statut d’occupation du logement Propriétaire et logé gratuitement 72,7 73,6 79,0 75,3 Locataire et accédant 27,3 26,4 21,0 24,7 Niveau d’instruction du répondant Faible Moyen  Élevé 50,2 37,6 12,2 37,2 37,1 25,7 65,8 26,2 8,0 48,4 34,4 17,2 Différence de niveau d’instruction avec le conjoint Niveau plus faible Niveau identique Niveau plus élevé  13,2 60,7 26,1 12,7 60,8 26,5 26,7 61,1 12,1 28,0 55,3 16,7 Personne en emploi dans le ménage Non Oui 64,0 36,0 47,0 53,0 70,3 29,7 51,0 49,9 Revenus du ménage   Moins de 1?500 euros 1?500 à 2?500 euros 2?500 euros et plus 25,0 36,8 38,2 15,3 30,5 54,2 25,0 41,0 36,9 19,2 35,3 45,5 Rapport des contributions financières entre femme et homme Nul Positif jusqu’à 50 % Supérieur ou égal à 50 % 20,2 32,3 47,5 17,6 29,8 52,6 17,3 33,9 48,8 16,9 31,5 51,6 Gestion du budget courant du ménage Le répondant Les deux Le conjoint 33,2 21,0 45,8 43,7 20,0 36,3 41,3 22,8 35,9 50,1 21,5 28,4 Soutien de l’entourage en cas de problème Oui Plus ou moins Non 70,8 17,9 11,3 69,3 20,5 10,2 70,0 18,3 10,7 69,7 18,9 12,4 N 620 561 404 651

Distribution des répondants ou des ménages selon les modalités de diverses caractéristiques, en fonction du sexe du répondant et de la présence ou non du partenaire lors de l’entretien

Note : Les proportions ont été calculées sur les seuls répondants dont l’ensemble des variables sont renseignées.
Source : Enquête Erfi-GGS (1), Ined-Insee, 2005.

27« Toutes choses égales par ailleurs », les hommes assistent moins souvent à l’entretien de leur partenaire que l’inverse (odds ratio (OR) = 0,53). D’autre part, ce n’est pas dans n’importe quel couple que le conjoint est présent (tableau 5). Certains déterminants sont communs aux répondants masculins et féminins : être plus âgé accroît cette probabilité tandis que le fait d’avoir un niveau d’instruction élevé (OR = 0,46) [6] la réduit. Lorsque c’est un homme qui est interrogé, un seul autre facteur a de l’influence : sa partenaire assiste plus souvent à l’entretien si aucun des membres du ménage n’est en emploi (OR = 1,54). Lorsque c’est une femme qui répond, ne pas avoir de soutien de son entourage ou gérer seule les comptes du ménage diminue le risque que le partenaire assiste à l’entretien (OR = 0,71). Enfin, plus les femmes sont jeunes par rapport à leur conjoint et plus le risque que ce dernier participe à son interview est élevé.

28Les couples pour lesquels les deux conjoints sont présents lors de l’entretien sont donc sélectionnés et ils le sont, en partie, sur des critères différents selon que c’est l’homme ou la femme qui répond au questionnaire. Au-delà des contraintes de la vie (par exemple, la non-disponibilité d’un conjoint qui travaille), en règle générale, les situations de plus grande vulnérabilité socio­démographique du répondant (être plus âgé, avoir un faible niveau d’instruction…) favorisent la présence du conjoint, mais ces caractéristiques se retrouvent plus chez les femmes. Cette mise en avant de la vulnérabilité du répondant suggère le rôle de domination ou de protection que joueraient les hommes envers les femmes et compenseraient en partie l’effet mécanique de la présence plus fréquente des épouses au foyer. Il est toutefois difficile de déterminer dans ce constat ce qui tient au souhait d’entraide mutuelle (aide au travail de remémoration, différence de compétence sur le sujet par exemple…) et ce qui relève d’un désir de contrôle ou de domination. Certes, le conjoint peut s’être imposé durant l’entretien, mais sa présence peut aussi résulter de la demande du répondant ou d’un commun accord, et les situations de plus grande fragilité des épouses peuvent inciter les maris à plus d’engagement dans l’univers domestique (Glaude et de Singly, 1986). Il est d’autant plus difficile d’interpréter la présence du conjoint lors de l’entretien en termes de rapport de genre que les variables prises en compte pour illustrer le degré d’inégalité entre conjoints au sein des couples ne jouent pas toutes dans le même sens.

29Le lien entre écart d’âge important avec le mari et risque plus fort pour les femmes d’être interrogées en sa présence peut être la résultante d’un effet d’âge plus avancé du conjoint (qui a plus de probabilité d’être à la maison) ou d’un exemple classique de « domination consentie » des femmes (Bozon, 1990), mais rien de tel ne s’observe en cas de différence de niveau de diplôme. Quant au fait d’avoir un fort pouvoir économique (contribuer fortement aux revenus du ménage), il va de pair pour les femmes avec une présence plus fréquente de leur époux.

30Dans quelle mesure ces conditions de passation différentes ont-elles une influence sur la perception qu’ont les hommes et les femmes de leur capacité à « joindre les deux bouts » ? Les facteurs qui augmentent le risque de présence du partenaire ne jouent pas nécessairement tous de la même façon sur le sentiment de gêne ou d’aisance financière. Par exemple, les personnes interrogées en tête-à-tête sont surreprésentées chez les plus jeunes et dans les ménages aux revenus les plus élevés (tableau 5) ; or on verra que les premières se jugent moins aisées que la moyenne et c’est l’inverse pour les secondes. Ces effets de sélection peuvent modeler différemment les réponses masculines et féminines sur la perception de leur situation économique.

Tableau 5

Déterminants de la présence du partenaire durant l’entretien selon le sexe (régression logistique dichotomique)

Tableau 5
Variables Modalités Ensemble Hommes Femmes Sexe du répondant Homme Femme 1 0,53 (0,00) Âge du répondant 50-59 ans 60-69 ans 70-79 ans 0,71 1 1,42 (0,00) (0,00) 0,95 1 1,41 (0,78) (0,04) 0,49 1 1,43 (0,00) (0,06) Différence d’âge avec le conjoint (variable continue) 0,99 (0,25) 1,00 (0,38) 0,97 (0,06) Incapacité du répondant Non Oui 1 1,14 (0,20) 1 1,03 (0,79) 1 1,28 (0,12) Statut d’occupation du logement Propriétaire et logé gratuitement 1 1 1 Locataire et accédant 1,10 (0,46) 1,31 (0,15) 0,91 (0,65) Niveau d’instruction du répondant Faible Moyen Élevé 1,45 1 0,46 (0,00) (0,00) 1,33 1 0,57 (0,09) (0,00) 1,60 1 0,56 (0,01) (0,02) Différence de niveau d’instruction avec le conjoint Plus faible Identique Plus élevé 0,88 1 1,24 (0,30) (0,09) 0,96 1 1,29 (0,83) (0,13) 0,85 1 1,08 (0,33) (0,73) Personne en emploi dans le ménage Oui Non 1 1,30 (0,03) 1 1,54 (0,02) 1 1,05 (0,81) Revenus du ménage Moins de 1?500 euros 1?500 à 2?500 euros 2?500 euros et plus 1,05 1 0,91 (0,72) (0,41) 1,13 1 0,88 (0,50) (0,39) 0,92 1 1,00 (0,51) (0,57) Rapport des contributions financières Nul Positif jusqu’à 50 % Supérieur ou égal à 50 % 1,11 1 0,97 (0,42) (0,75) 1,06 1 0,87 (0,76) (0,33) 1,14 1 1,09 (0,45) (0,07) Gestion du budget courant du ménage entre femme et homme Le répondant Les deux Le conjoint 0,71 1 1,12 (0,00) (0,35) 0,79 1 0,86 (0,13) (0,46) 0,71 1 1,04 (0,05) (0,83) Soutien de l’entourage en cas de problème Oui Plus ou moins Non 1 0,83 0,80 (0,11) (0,14) 1 0,75 0,82 (0,02) (0,44) 1 0,89 0,70 (0,52) (0,13) Constante + 0,06 (0,79) – 0,11 (0,69) – 0,40 (0,17) N (ayant répondu à toutes les questions) Log vraisemblance (constante seulement) Log vraisemblance (complet) 2?243 – 1?546,6 – 1?429,3 1?185 – 819,9 – 770,8 1?058 – 703,5 – 648,9

Déterminants de la présence du partenaire durant l’entretien selon le sexe (régression logistique dichotomique)

Note : Le tableau présente les exponentielles des paramètres (odds ratios), sauf pour la constante. Pour chaque variable, l’odds ratio pour la modalité de référence vaut 1. Entre parenthèses, le coefficient de significativité associé au test (p>|z|).
Source : Enquête Erfi-GGS (1), Ined-Insee, 2005.

Conditions de passation et déclarations de l’aisance budgétaire : un fort effet de genre

31Environ 27 % des hommes comme des femmes mentionnent des fins de mois difficiles, 31?% se déclarent, à l’inverse, à l’aise financièrement (tableau 6). Cette absence de différences entre les réponses masculines et féminines vaut quel que soit l’âge, les quinquagénaires signalant toutefois plus souvent des problèmes que les plus âgés : le tiers des premiers disent avoir des difficultés à joindre les deux bouts contre à peine plus de 20 % des seconds (25 % des hommes et 22 % des femmes). La mesure de l’aisance financière donne lieu à des écarts en sens inverse.

Tableau 6

Proportions (%) d’enquêtés déclarant des fins de mois difficiles ou faciles selon l’âge, le sexe et la présence ou non du partenaire à l’entretien*, °

Tableau 6
Groupe d’âges Homme Femme Total Partenaire présent Partenaire absent Total Partenaire présent Partenaire absent Fins de mois difficiles 50-59 ans 31,5 33,8 29,6 33,3 38,8 31,4 60-79 ans 24,5 24,6 24,3 22,0 26,5* 17,7 ° Ensemble 27,3 27,7 26,7 27,3 30,4 25,3 Fins de mois faciles 50-59 ans 24,2 24,3 24,1 28,5 20,9 30,8 ° 60-79 ans 34,5 34,1 35,1 34,3 30,9 37,7 Ensemble 30,4 30,8 30,1 31,5 27,7* 33,8

Proportions (%) d’enquêtés déclarant des fins de mois difficiles ou faciles selon l’âge, le sexe et la présence ou non du partenaire à l’entretien*, °

Notes : Les proportions ont été calculées sur les seuls répondants dont l’ensemble des variables sont renseignées.
* : écart significatif à 5 % entre présence et absence du conjoint.
° : écart significatif à 5 % entre hommes et femmes.
Source : Enquête Erfi-GGS (1), Ined-Insee, 2005.

32Les conditions de passation du questionnaire font apparaître clairement un effet de genre : la présence du partenaire influence différemment les déclarations des hommes et des femmes. Quel que soit le contexte de l’entretien, les réponses masculines sont identiques : environ 30 % à 50-59 ans et 24 % à 60-79 ans mentionnent des fins de mois difficiles, environ 24 % et 34 % déclarent ne pas avoir de problème financier (tableau 6). En revanche, les femmes sont beaucoup plus négatives en présence de leur partenaire que lorsqu’elles sont enquêtées isolément. Elles disent à la fois plus souvent avoir des fins de mois difficiles (39 % contre 31 % chez les 50-59 ans, 26 % contre 18 % chez les 60-79 ans) et moins souvent être à l’aise financièrement (21 % contre 31 % chez les 50-59 ans, 31 % contre 38 % chez les 60-79 ans). Les conditions de passation des questionnaires semblent donc modifier de façon différente la perception des difficultés budgétaires des hommes et des femmes. Ces dernières seraient-elles davantage influencées que les hommes par la présence de leur partenaire ? À moins que ce constat ne soit la conséquence de la sélection différente des couples dans lesquels le conjoint assiste à l’entretien, selon le sexe du répondant. Une analyse toutes choses égales par ailleurs va permettre d’éliminer ces effets de structure.

33Un modèle logistique estime le rapport de risque ou odds ratio (OR) de déclarer de l’aisance financière plutôt que des difficultés. Un OR inférieur à 1 indique moins d’aisance que la catégorie de référence, tandis qu’un OR supérieur à 1 indique plus d’aisance.

34Sur l’ensemble de l’échantillon « toutes choses égales par ailleurs », rien ne différencie les réponses masculines et féminines (OR = 0,97, tableau 7), ni les réponses selon la présence ou l’absence du conjoint (OR = 1,02). Mais la présence du conjoint modifie fortement les réponses des hommes et des femmes, dans des sens opposés. Si leur partenaire est présent, les femmes ont de plus faibles chances que les hommes de se déclarer à l’aise financièrement (OR = 0,72) mais si elles sont interrogées isolément, c’est l’inverse : elles mentionnent plus de facilités à joindre les deux bouts que les hommes (OR = 1,24).

Tableau 7

Effets de la présence du partenaire sur la déclaration d’aisance financière selon le sexe du répondant (régression logistique ordinale)

Tableau 7
Modèle sans interaction Modèle avec interaction Partenaire présent Partenaire absent Homme répondant Femme répondant 1 0,97 (0,81) 1 0,72 (0,01) 1 1,24 (0,04) Homme répondant Femme répondante Partenaire absent Partenaire présent 1 1,02 (0,81) 1 1,31 (0,01) 1 0,76 (0,03)

Effets de la présence du partenaire sur la déclaration d’aisance financière selon le sexe du répondant (régression logistique ordinale)

Notes : Le tableau présente les exponentielles des paramètres (odds ratios). Entre parenthèses, le coefficient de significativité associé au test (p>|z|). Les variables explicatives des modèles sont les mêmes que celles des modèles présentés dans le tableau 8. Les résultats des régressions détaillés figurent dans le tableau annexe.
Source : Enquête Erfi GGS (1), Ined-Insee, 2005.

35Ayant ici éliminé les différences de structure du ménage liées aux conditions de passation des questionnaires, on constate donc bien que ces dernières ont un rôle sur les déclarations : en présence de leur conjoint, les femmes répondent plus négativement que les hommes, mais plus positivement qu’eux lorsque l’entretien est effectué en tête-à-tête. Autre illustration de la puissance de cet effet différent des conditions de l’entretien sur les déclarations masculines et féminines : en présence de leur partenaire les femmes répondent non seulement plus négativement que les hommes (OR = 0,72) mais également plus négativement que les femmes interrogées isolément (OR = 0,76). À l’inverse, les hommes enquêtés en présence de leur épouse se différencient de ceux interrogés isolément –?et contrairement aux résultats descriptifs?– par une augmentation sensible de la probabilité qu’ils déclarent une aisance financière (OR = 1,31).

36Dans un jeu de rôles prévisible devant leur partenaire, les répondants vont dans le sens de ce qu’ils supposent attendu par l’autre ou de ce qu’ils jugent socialement correct, les hommes de ces générations étant majoritairement les pourvoyeurs des revenus et les femmes les gestionnaires de l’économie domestique.

Conditions de passation et déterminants de l’aisance financière : peu de différences entre hommes et femmes

37Cet effet du genre est d’autant plus remarquable qu’il est l’un des rares à être influencé par les conditions de passation du questionnaire : que les hommes et les femmes soient interrogés isolément ou en présence de leur conjoint, les autres déterminants de leur capacité à joindre les deux bouts sont très proches. Ceci vaut surtout pour toutes les variables décrivant la situation socio-économique du ménage et qui, conformément à la littérature (Senik, 2002), ont un impact majeur sur la perception de la situation budgétaire (tableau 8). Par exemple, plus le montant du revenu est élevé et plus les enquêtés tendent à déclarer ne pas avoir de fins de mois difficiles : les odds ratios s’échelonnent de 0,25 à 0,42 pour les personnes ayant un faible revenu jusqu’à 2,64-3,53 au sommet de la hiérarchie. Être accédant à la propriété (et souvent endetté) ou locataire diminue la probabilité de se déclarer à l’aise financièrement (OR de 0,28 à 0,50). C’est le noyau dur des déterminants des difficultés financières. Mentionnons aussi que, quelles que soient les conditions de collecte et chez les hommes comme chez les femmes, l’existence ou non d’une personne en emploi dans le ménage est le seul facteur qui n’a pas d’influence sur leurs difficultés budgétaires.

Tableau 8

Déterminants de l’aisance financière du ménage selon que le conjoint assiste ou non à l’entretien (régression logistique ordinale)

Tableau 8
Variables Modalités Hommes Femmes Partenaire présent Partenaire absent Partenaire présent Partenaire absent Âge du répondant 50-59 ans 0,80 (0,37) 0,63 (0,05) 0,54 (0,04) 0,66 (0,07) 60-69 ans 1 1 1 1 70-79 ans 1,59 (0,03) 1,07 (0,79) 1,72 (0,03) 1,73 (0,03) Différence d’âge avec le conjoint (variable continue) 0,98 (0,22) 1,01 (0,70) 0,98 (0,39) 0,94 (0,02) Enfant Seulement non cohabitant 1,36 (0,37) 0,59 (0,17) 0,60 (0,19) 1,38 (0,36) Pas d’enfant en vie 1 1 1 1 Au moins un cohabitant 0,43 (0,04) 0,32 (0,00) 0,53 (0,20) 0,39 (0,02) Incapacité du répondant Non 1 1 1 1 Oui 0,45 (0,00) 0,77 (0,20) 0,68 (0,09) 0,61 (0,01) Statut d’occupation du logement Propriétaire 1 1 1 1 Locataire ou accédant 0,37 (0,00) 0,28 (0,00) 0,50 (0,03) 0,50 (0,00) Niveau d’instruction (répondant)  Faible 0,84 (0,45) 0,98 (0,96) 0,73 (0,29) 0,58 (0,00) Moyen 1 1 1 1 Élevé 1,52 (0,16) 1,42 (0,13) 1,83 (0,16) 1,00 (0,82) Différence de niveau d’instruction avec le conjoint Plus faible 1,16 (0,57) 0,84 (0,52) 1,59 (0,06) 0,85 (0,42) Identique 1 1 1 1 Plus élevé 0,84 (0,46) 0,84 (0,43) 0,76 (0,44) 0,51 (0,09) Personne(s) en emploi dans le ménage Oui 1 1 1 1 Non 1,07 (0,78) 0,96 (0,86) 1,29 (0,42) 0,81 (0,36) Revenu du ménage Moins de 1?500 euros 0,30 (0,00) 0,25 (0,00) 0,30 (0,00) 0,42 (0,00) 1?500 à 2?500 euros 1 1 1 1 2?500 euros et plus 3,10 (0,00) 3,53 (0,00) 2,65 (0,00) 2,64 (0,00) Rapport des contributions financières Nul 0,81 (0,40) 1,01 (0,97) 0,80 (0,79) 0,87 (0,58) Positif jusqu’à 50 % 1 1 1 1 Supérieur ou égal à 50 % 0,83 (0,32) 0,90 (0,63) 0,52 (0,00) 0,79 (0,18) Gestion du budget courant du ménage Répondant 1,35 (0,19) 0,63 (0,04) 1,30 (0,33) 0,87 (0,48) Les deux 1 1 1 1 Conjoint 1,12 (0,59) 0,76 (0,25) 1,22 (0,47) 0,77 (0,25) Soutien de l’entourage  Oui 1 1 1 1 Plus ou moins 0,63 (0,03) 1,21 (0,37) 0,72 (0,22) 0,67 (0,05) Non 0,65 (0,11) 0,58 (0,07) 1,02 (0,95) 0,48 (0,00) Constante seuil 1 Constante seuil 2 – 1,55 + 0,85 – 2,19 + 0,24 – 1,79 + 0,46 – 2,17 + 0,20 N (ayant répondu à toutes les questions) 620 561 404 622 log L (constante seulement) – 671,8 – 604,1 – 437,2 – 703,2 log L (modèle complet) – 549,4 – 506,6 – 376,6 – 609,8 Test de Brant : pentes parallèles de la régression ordinale (p>Chi2) 0,65 0,09 0,73 0,22

Déterminants de l’aisance financière du ménage selon que le conjoint assiste ou non à l’entretien (régression logistique ordinale)

Notes : Le tableau présente les exponentielles des paramètres (odds ratios). Entre parenthèses, la valeur test (p>|z|). Pour 77 variables sur 80, l’hypothèse de pentes parallèles est acceptée à 5 % (les trois exceptions sont indiquées en italiques).
Source : Enquête Erfi-GGS (1), Ined-Insee, 2005.

38Les limitations de santé jouent négativement sur les appréciations portées sur la capacité à joindre les deux bouts (OR de 0,45 à 0,68), sauf pour les hommes interrogés en tête-à-tête. Le rôle des autres facteurs varie également selon les conditions de passation du questionnaire et, de surcroît, parfois différemment selon le sexe du répondant. Ainsi en est-t-il du contexte familial. Avoir au moins un enfant cohabitant joue négativement sur la probabilité de se sentir à l’aise financièrement pour les hommes (OR de 0,43 en présence du partenaire et 0,32 en tête-à-tête) et uniquement pour les femmes interrogées en tête-à-tête (OR de 0,39). De même, ce n’est que dans ce contexte d’enquête que l’absence de soutien de proches en cas de problème est mentionnée comme source de difficultés (OR de 0,58 chez les hommes et 0,48 chez les femmes). En présence de leur partenaire, les personnes enquêtées, principalement les femmes, tendent-elles à censurer certains facteurs qui pourraient mettre en cause leur entourage familial ?

39D’autres facteurs n’ont une influence négative sur le sentiment d’aisance financière qu’en cas d’entretiens en tête-à-tête : avoir un faible niveau d’instruction pour les femmes (OR = 0,58) et le fait de gérer seul les comptes pour les hommes (OR = 0,63). Enfin, les variables illustrant la plus ou moins grande inégalité entre conjoints ne jouent pas sur la perception financière des hommes. En revanche chez les femmes, la différence d’âge et de niveau de diplôme n’est source de difficultés budgétaires qu’en entretien en tête-à-tête, l’inégalité de pouvoir économique ne jouant, a contrario, qu’en présence du conjoint (OR = 0,52). Sur ce dernier point, certains ont émis l’hypothèse que les différences dans les préférences des hommes et femmes en matière d’égalité de revenus –?les premiers privilégiant le modèle traditionnel du pourvoyeur de revenu (breadwinner) et les secondes souhaitant plus d’égalité?– pourraient être source de plus d’insatisfaction côté féminin en cas de répartition très inégalitaire au sein du couple (Bonke, 2008). Nos résultats vont dans ce sens mais les femmes ayant un fort pouvoir économique ne font mention d’un moindre « bien-être économique » qu’en présence de leur conjoint. Autrement dit, dans ces générations, appartenir à un couple où homme et femme s’éloignent de leurs rôles traditionnels serait, pour ces dernières, source d’une insatisfaction qui ne s’exprime que sous le regard de l’autre.

Conclusion

40Bien que l’instruction soit généralement donnée aux enquêteurs de passer le questionnaire en tête-à-tête, une part importante des entretiens sont réalisés en présence du partenaire : 40 % dans l’enquête Erfi quand le répondant a 50 ans et plus ; environ 50 % dans l’enquête Share (Survey of health, ageing and retirement in Europe), la proportion varie de 25 % en Grèce à plus de 60 % en Belgique ou en Italie. Nos analyses montrent que les couples dont le conjoint assiste à l’entretien n’ont pas les mêmes caractéristiques que ceux qui répondent en tête-à-tête à l’enquêteur, les différences entre les deux groupes étant plus marquées lorsque le répondant est une femme. S’y ajoute le fait que l’impact des conditions de collecte sur les déclarations de difficultés financières est inverse sur les hommes et sur les femmes. Alors que pour l’ensemble de l’échantillon, rien ne différencie les réponses masculines et féminines, les hommes déclarent plus souvent avoir des difficultés budgétaires que les femmes si l’entretien se déroule en tête-à-tête, alors que c’est l’inverse en présence de leur conjoint : ils mentionnent alors plus d’aisance financière que les femmes.

41La présence de leur partenaire semble donc conduire hommes et femmes à modifier leur perception de la réalité ou la déclaration qu’ils en font. La dimension économique a déjà été abordée dans les mesures d’impact de la présence du conjoint lors de l’entretien (Aquilino, 1991 ; Cantillon et Newman, 2005). Dans les deux cas, les hommes interrogés avec leur épouse tendaient à sous-estimer leurs ressources (ou surestimer leurs privations) par rapport à ceux interrogés en tête-à-tête avec l’enquêteur, et c’était l’inverse pour les femmes. Un contraste associé au genre était donc observé, mais inversé par rapport à celui présenté. Il s’agissait dans les deux cas d’indicateurs concrets du bien-être économique, alors que la situation semble très différente avec un indicateur subjectif. Cela peut confirmer l’importance de ces deux dimensions –?objective et subjective?– dans les mesures de bien-être et de pauvreté (Verger, 2005). Mais c’est en même temps une mise en garde, puisque les perceptions étudiées ici pourraient se rapporter à une réalité elle-même affectée par des biais de déclaration. Les analyses « toutes choses égales par ailleurs », ne garantissent pas contre l’oubli de certains facteurs contribuant différemment à la « satisfaction financière » des femmes et des hommes ou de la non-prise en compte de certains biais de sélection des ménages selon les conditions de passation des questionnaires. Enfin, derrière ce résultat, il y a peut-être aussi une capacité différente des hommes et des femmes à exprimer des sentiments négatifs (Simon et Nath, 2004 ; Mirowsky and Ross, 1995).

42Certains auteurs ont montré que la présence d’autrui améliorait la qualité des informations recueillies, notamment en facilitant le travail de mémorisation (Auriat, 1996) ou en jouant un rôle de régulateur par rapport à la valorisation de soi : « L’exemple de la répartition des tâches domestiques au sein du couple tend plutôt à indiquer que la présence du conjoint joue un rôle de “contrôle” des réponses tandis que son absence favorise une mise en scène de soi en donnant à voir une répartition plus lissée, davantage en conformité avec une certaine norme égalitaire » (Régnier-Loilier, 2007). D’autres, a contrario, plaident en faveur d’entretiens en tête-à-tête, la présence d’autrui et en particulier du conjoint incitant les enquêtés à avoir des réponses plus normées (Aquilino, 1991).

43Il semble ici impossible de trancher, mais nos résultats montrent qu’une attention toute particulière doit être accordée au recueil d’information sur les conditions de passation des questionnaires. Même si les facteurs associés aux difficultés financières sont identiques pour les hommes et les femmes, leurs déclarations sont différentes selon qu’ils sont interrogés en tête-à-tête ou en présence de leur conjoint, et les caractéristiques des enquêtés ne sont pas les mêmes selon qu’ils sont interrogés seuls ou non. L’importance croissante des données d’enquêtes quantitatives dans la mesure des comportements et des attitudes devrait inciter à davantage d’études méthodologiques dans ces domaines.

Annexe

Tableau annexe. Les déterminants de l’aisance financière du ménage (régression logistique ordinale)

tableau im10
Variables Modalités Sans interaction Avec interaction Sexe du répondant Homme 1 Femme 0,98 (0,81) Présence du conjoint Non 1 Oui 1,02 (0,81) Homme, partenaire absent 1 Femme, partenaire absent 1,24 (0,07) Homme, partenaire présent 1,31 (0,02) Femme, partenaire présent 0,94 (0,66) Âge du répondant 50-59 ans 0,64 (0,00) 0,62 (0,00) 60-69 ans 1 1 70-79 ans 1,45 (0,00) 1,46 (0,00) Différence d’âge avec le conjoint (continue) 0,98 (0,00) 0,97 (0,00) Enfant Seulement non cohabitant 0,99 (0,97) 0,98 (0,93) Pas d’enfant en vie 1 1 Au moins un cohabitant 0,44 (0,00) 0,44 (0,00) Incapacité du répondant Non 1 1 Oui 0,63 (0,00) 0,63 (0,00) Statut d’occupation du logement Propriétaire 1 1 Locataire ou accédant 0,42 (0,00) 0,42 (0,00) Niveau d’instruction (répondant)  Faible 0,75 (0,01) 0,75 (0,01) Moyen 1 1 Élevé 1,30 (0,06) 1,30 (0,05) Différence de niveau d’instruction avec le conjoint Plus faible 1,04 (0,74) 1,04 (0,07) Identique 1 1 Plus élevé 0,72 (0,01) 0,71 (0,00) Personne(s) en emploi dans le ménage Oui 1 1 Non 0,93 (0,59) 0,92 (0,51) Revenu du ménage Moins de 1?500 euros 0,34 (0,00) 0,34 (0,00) 1?500 à 2?500 euros 1 1 2?500 euros et plus 2,81 (0,00) 2,83 (0,00) Rapport des contributions financières entre femme et homme Nul 0,88 (0,33) 0,89 (0,36) Positif jusqu’à 50 % 1 1 Supérieur ou égal à 50 % 0,77 (0,00) 0,77 (0,00) Gestion du budget courant du ménage Répondant 0,93 (0,53) 0,93 (0,53) Les deux 1 1 Conjoint 0,91 (0,43) 0,91 (0,43) Soutien de l’entourage  Oui 1 1 Plus ou moins 0,79 (0,03) 0,79 (0,03) Non 0,62 (0,01) 0,62 (0,01) Constante seuil 1 – 2,00 – 1,90 Constante seuil 2 + 0,26 + 0,36 N (ayant répondu à toutes les questions) 2?236 2?236 log L (constante seulement) – 2?419,3 – 2?087,2 – 2?419,3 log L (modèle complet) 2?082,0 Test de Brant : pentes parallèles de la régression ordinale (p>Chi2) 0,14 0,11

Tableau annexe. Les déterminants de l’aisance financière du ménage (régression logistique ordinale)

Note : Le tableau présente les exponentielles des paramètres (odds ratios), sauf pour la constante. Pour chaque variable, l’odds ratio pour la modalité de référence vaut 1.
Source : Enquête Erfi-GGS (1), Ined-Insee, 2005.

Notes

  • [*]
    Institut national d’études démographiques.
    Correspondance : Patrick Festy, Institut national d’études démographiques, 133 Boulevard Davout, 75980 Paris Cedex 20, tél : 33 (0)1 56 06 22 01, courriel : festy@ined.fr
  • [1]
    Les ménages avec une personne autre qu’un enfant vivant au domicile n’ont pas été conservés dans l’échantillon afin de préserver une certaine homogénéité de la population étudiée.
  • [2]
    Le modèle logistique ordonné est estimé sous Stata avec la commande OLOGIT, avec les tests de pentes parallèles qui lui sont associés : test de Wald pour chaque variable et test de Brant qui évalue cette hypothèse sur l’ensemble du modèle.
  • [3]
    Dans le tableau 3, la présence du conjoint apparaît peu différente avec les trois indicateurs. Les résultats des analyses sont en outre peu affectés par le choix entre P1, P2 et P1P2.
  • [4]
    Deux numéros de la revue Économie et statistique sont consacrés aux mesures de la pauvreté : en 1997, les n° 308-309-310, « Mesurer la pauvreté aujourd’hui » (Herpin et Verger, 1997) ; en 2005, les n° 383-384-385, « Les approches de la pauvreté à l’épreuve des comparaisons internationales » (Verger, 2005).
  • [5]
    Dans la génération 1934, un tiers des femmes liquident leur retraite à 65 ans contre moins de 4 % des hommes, ces derniers partant majoritairement (86 %) à 60 ans (Bonnet et al., 2004).
  • [6]
    Idem si le conjoint a un niveau d’instruction élevé, variable testée sur un autre modèle non présenté ici.
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Résumé

Bien que l’instruction soit généralement donnée aux enquêteurs de passer le questionnaire en tête-à-tête avec l’enquêté(e), une part importante des entretiens sont réalisés en présence du partenaire, en particulier aux âges avancés – environ 40 % dans l’enquête Études des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi, 2005) quand l’enquêté(e) a 50 ans ou plus. Les couples dont le conjoint assiste à l’entretien n’ont pas les mêmes caractéristiques que ceux qui répondent en tête-à-tête à l’enquêteur, les différences entre les deux groupes étant plus marquées lorsque le répondant est une femme. À la question sur la situation financière du ménage, rien ne différencie les réponses masculines et féminines, pour l’ensemble de l’échantillon, mais les hommes déclarent plus souvent avoir des difficultés à joindre les deux bouts que les femmes lorsque l’entretien se déroule en tête-à-tête, et c’est l’inverse en présence de leur conjoint : ils mentionnent alors plus d’aisance financière que les femmes. Les facteurs associés aux difficultés budgétaires sont toutefois identiques pour les hommes et les femmes, selon qu’ils sont interrogés en tête-à-tête ou en présence de leur conjoint. Il est difficile de dire si, en règle générale, la présence du conjoint améliore ou détériore la qualité des réponses des enquêtés, mais l’interprétation qu’on peut donner de celles-ci dépend pour partie des conditions de passation des questionnaires.

Mots-clés

  • situation financière
  • rapports de genre
  • passation des questionnaires
  • enquête en tête-à-tête
  • Erfi
Español

Evaluar la situación presupuestaria del hogar, a solas con el encuestador o en presencia de la pareja

Resumen

Aunque la instrucción que se da a los encuestadores es generalmente de interrogar al encuestado (a) a solas, una parte importante de las entrevistas se hacen en presencia de la pareja, sobre todo en las edades avanzadas – aproximadamente 40 % de los casos en la encuesta “Etude des relations familiales et intergenerationnelles” (ERFI, 2005), cuando el encuestado(a) tiene 50 años o más. Los casos en los que el cónyuge asiste a la entrevista presentan características diferentes de aquéllas en las que la persona es entrevistada a solas, las diferencias siendo más importantes si se trata de una mujer. Cuando se pregunta sobre la situación financiera de la pareja, no hay ninguna diferencia entre las respuestas masculinas y femeninas en el conjunto de la muestra, pero cuando la entrevista se hace a solas, los hombres declaran tener más dificultades que las mujeres para llegar a fin de mes, y lo contrario sucede cuando la entrevista se hace en presencia del cónyuge : los hombres manifiestan entonces una mayor holgura financiera que las mujeres. Sin embargo, los factores asociados a las dificultades financieras son idénticos para los hombres y las mujeres, cualquiera que sea el modo de entrevista. Es difícil decir si, de forma general, la presencia del cónyuge mejora o deteriora la calidad de las respuestas de los encuestados, pero la interpretación que se puede dar de éstas depende en parte de las condiciones en las que las personas han respondido al cuestionario.

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Patrick Festy [*]
  • [*]
    Institut national d’études démographiques.
    Correspondance : Patrick Festy, Institut national d’études démographiques, 133 Boulevard Davout, 75980 Paris Cedex 20, tél : 33 (0)1 56 06 22 01, courriel : festy@ined.fr
Joëlle Gaymu [*]
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    Correspondance : Patrick Festy, Institut national d’études démographiques, 133 Boulevard Davout, 75980 Paris Cedex 20, tél : 33 (0)1 56 06 22 01, courriel : festy@ined.fr
Marc Thévenin [*]
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    Institut national d’études démographiques.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 18/06/2014
https://doi.org/10.3917/popu.1401.0085
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