1L’histoire migratoire de l’Espagne est mouvementée. Après avoir été un pays d’émigration pendant les années 1950 à 1990, l’Espagne est devenue, au début du xxie siècle, le principal pays d’immigration de l’Union européenne, avec un solde migratoire de plus de 600 000 personnes par an de 2002 à 2007. La crise économique de 2008 a provoqué l’effondrement de ce solde, devenu négatif en 2011. Les entrées sur le territoire se sont taries et de nombreux habitants ont quitté le pays dont, au premier chef, les immigrés. C’est ce mouvement d’« émigration des immigrés » que Gemma Larramona analyse ici, grâce aux données du registre de population qui renseigne sur les sorties du territoire. Elle distingue les départs des immigrés vers leur pays de naissance (migrations de retour) de ceux vers d’autres pays, et analyse les déterminants de ces deux types d’émigration : caractéristiques individuelles des migrants, caractéristiques économiques des régions d’origine et des pays de destination.
2Une migration internationale n’est pas toujours une décision définitive. Dans les pays de l’OCDE, les départs d’immigrés représentent 20 % à 75 % des arrivées annuelles (Dumont et Spielvogel, 2008). La majorité des études sur la migration la considèrent cependant comme définitive, et les analyses de la migration du point de vue du pays d’accueil mettent l’accent sur l’arrivée des immigrants. Dans la plupart des pays, les travaux empiriques traitent rarement de l’éventuel départ des immigrés, en particulier par manque de données fiables. Les rares études sur le sujet portent généralement sur les migrations de retour au pays, plutôt que d’adopter le concept plus large d’émigration des immigrés, qui englobe à la fois les retours au pays d’origine et les départs vers des pays tiers. La distinction a été faite pour les migrations intérieures (DaVanzo, 1976?; Newbold, 1997?; Newbold et Bell, 2001), mais pas pour les migrations internationales.
3La migration de retour a été largement étudiée en Allemagne grâce au Panel socio-économique allemand (GSOEP), étude interdisciplinaire et longitudinale des ménages ordinaires incluant une information sur les pays d’origine et de destination. Cette base de données a recueilli des informations au niveau des individus, des ménages et des familles, sur une période suffisamment longue pour qu’une analyse des relations intergénérationnelles soit possible. Dusmann (2003, 2008) s’est appuyé sur cette base pour étudier les migrations de retour motivées par l’existence d’enfants et leurs besoins en termes d’éducation?; il conclut que ces facteurs influencent les projets de retour au pays des parents. Constant et Massey (2003) montrent que l’aisance en allemand et le prestige de l’emploi occupé diminuent la probabilité de retour, et Kirdar (2009) qu’un chômage élevé augmente les décisions de migration de retour des immigrés résidant en Allemagne.
4Les travaux sur les États-Unis ont recours à des bases de données moins spécifiques. Borjas et Bratsberg (1996) ainsi que Zakharenko (2008) ont utilisé le recensement de 1980 et l’enquête Current Population Survey. Les premiers montrent que la composition par qualification professionnelle des flux d’émigrants dépend du type de sélection à l’origine du flux initial d’immigration, Zakharenko (2008) étudie certains déterminants de l’émigration des immigrés.
5Constant et Massey (2002) adoptent un point de vue plus général et testent sur les données allemandes l’hypothèse d’une migration de retour conforme au modèle néo-classique et à la nouvelle économie des migrations de travail. Leurs résultats font apparaître des arguments en faveur de chacune de ces théories.
6Ces études examinent la migration de retour à partir du pays d’accueil, mais dans d’autres pays et d’autres régions, c’est le pays d’origine qui est pris en compte grâce à des bases de données spécifiques (Philippines : Yang, 2006?; Pacifique : Gibbons et McKenzie, 2011?; Tunisie : Mesnard, 2004?; Hongrie : Co et al., 2000).
7L’Espagne a été un pays d’émigration nette de 1900 au début des années 1970. La principale destination fut d’abord l’Amérique du Sud de 1900 à 1950, puis l’Europe de 1950 aux années 1970. La migration de retour en Espagne a été étudiée à partir du pays d’accueil, l’Allemagne, par Dustmann (1997) et une recherche plus approfondie par Castillo (1980) s’est appuyée sur une enquête auprès de plus de 1?500 émigrés espagnols de retour au pays, dont l’auteur examine les caractéristiques personnelles, l’intégration, les raisons du retour, la situation économique dans le pays hôte et la situation au retour en Espagne.
8D’autres études sur la migration de retour en Espagne ont porté uniquement sur les migrations intérieures : Recaño, (2004, 2010) a utilisé le recensement de 1991 en adoptant une perspective familiale plutôt qu’individuelle?; il analyse les caractéristiques de la famille, le passé migratoire de ses membres et les différences entre hommes et femmes.
9Durant les années 2000, l’Espagne est devenue un important pays d’immigration. Le pays comptait 650?000 immigrés en 1999 (1,6 % de la population totale), et 5?650?000 en 2009 (12 % de la population totale). La figure 1 représente les flux d’immigration internationale dans un ensemble de pays d’accueil classés selon le nombre absolu d’entrées en 2007 et 2008. L’Espagne figure en deuxième place en 2007, et troisième en 2008. Ces effectifs d’immigrés (stock) et d’immigrants (flux) soulignent l’intérêt d’une étude des migrations récentes au départ d’Espagne.
Nombre d’immigrants selon le pays d’accueil en 2007 et 2008

Nombre d’immigrants selon le pays d’accueil en 2007 et 2008
10Selon DaVanzo (1976), il est important de traiter séparément les migrations de retour au pays et les migrations vers un pays tiers. Nous étudions ici les profils des deux types de migration, en faisant apparaître l’effet des caractéristiques sociodémographiques disponibles des migrants, de variables temporelles et de variables concernant les pays de destination et d’origine sur la probabilité qu’une émigration ne soit un retour au pays ou non.
11En l’absence d’une base de données comparable au GSOEP ou d’autres enquêtes donnant des informations pertinentes sur les migrations temporaires, nous avons utilisé les données du registre de population.
12Cette base de données est décrite dans la première partie de l’article, ainsi que ses limites et les possibilités qu’elle offre. La deuxième partie présente plusieurs statistiques descriptives pour l’Espagne. L’effet de diverses variables sur la probabilité qu’une émigration marque un retour au pays figure dans la troisième partie, suivie de nos principales conclusions.
I – Les données du registre de population
Définir l’émigration des immigrés
13Selon la définition de la Division des statistiques des Nations unies (UNSD, 1998), les migrants de retour sont « des personnes qui rentrent dans le pays dont elles sont ressortissantes après avoir été des immigrants internationaux (de court ou long terme) dans un autre pays et qui ont l’intention de rester dans leur propre pays pendant au moins un an. »
14En élargissant cette définition à l’ensemble des émigrations d’immigrés, nous pouvons dire que ces migrations sont des mouvements de personnes qui rentrent dans le pays dont elles sont ressortissantes ou qui vont dans un autre pays après avoir été des migrants internationaux (à court ou à long terme), et qui ont l’intention de rester dans le pays de destination pendant au moins un an.
15Ceci exclut cependant les personnes qui prennent la nationalité du pays de destination, en abandonnant leur nationalité d’origine ou en devenant binationaux avec l’Espagne [1]. Ces migrants prenant la nationalité espagnole ne sont pas inclus dans la définition ci-dessus, puisqu’ils sont devenus citoyens espagnols, mais nous considérons que les départs d’Espagne de ces personnes doivent être traités comme des émigrations. Durant la période 2002-2009, près de 17 % des migrants de plus de 18 ans nés non espagnols ont la nationalité espagnole, et cette proportion atteint près de 50 % pour les migrants venus d’Argentine.
16C’est pourquoi nous utilisons la définition suivante, fondée sur le pays de naissance et non la nationalité, qui tient compte également de l’absence d’information sur les intentions de séjour dans le pays de destination : les émigrations sont des mouvements de personnes qui retournent dans leur pays de naissance ou vont dans un autre pays, après avoir été des immigrants internationaux (de court ou long terme) en Espagne [2].
17Les migrations qui marquent un retour au pays de naissance sont considérées comme migrations de retour, les autres étant des émigrations vers un pays tiers.
Le registre de population (EVR) et ses limites
18En l’absence d’une base de données comparable au GSOEP allemand ou d’autres enquêtes donnant des informations pertinentes sur l’émigration, nous utilisons les variations d’effectifs constatées dans les registres de population (EVR). Les résidents doivent se faire enregistrer à leur arrivée dans le pays et se faire radier à leur départ. Ces enregistrements comptabilisent les entrées et les sorties du pays et peuvent être utilisés pour déterminer les départs des personnes nées en Espagne et des immigrés, ainsi que les migrations des natifs résidant à l’étranger. Cette information est recueillie par l’Institut national de statistique (INE) dans la base de données Estadistica de Variaciones Residenciales (EVR). Nous utilisons ici les données individuelles de l’EVR publiées par l’INE [3].
19La limite principale, soulignée par les Perspectives de l’OCDE en 2008, est que les individus se font inscrire et radier du registre en fonction de la durée prévue de leur séjour dans le pays (à l’entrée) et de la durée prévue de leur absence (à la sortie). Des personnes peuvent ainsi quitter le pays sans se faire radier si elles prévoient de revenir rapidement. Il en va de même pour ceux qui omettent délibérément de déclarer leur départ afin de ne pas perdre certains droits attachés à leur résidence en Espagne. L’INE a essayé de corriger ce défaut par une procédure de radiation des immigrés étrangers par les autorités locales, lorsque les immigrés ne confirment pas leur résidence sur une période de deux ans (cette procédure intitulée ENCSARP a débuté en 2006), ou s’ils se font radier sans déclarer leur destination (prise en compte depuis 2004). Depuis le 1er janvier 2006, les autorités locales appliquent une procédure permettant de déclarer caducs les enregistrements des personnes nées à l’étranger –?sans résidence dans l’Union européenne et sans autorisation ou permis de séjour permanent?– qui ne renouvellent pas leur enregistrement tous les deux ans. Quand un enregistrement est déclaré caduc, il est comptabilisé dans les données officielles comme un départ sans indication du pays de destination.
20Ainsi, depuis 2006, les données incluent les migrations des personnes qui n’ont pas renouvelé leur déclaration de résidence dans les deux ans en plus des enregistrements des migrations de retour et des départs vers un pays tiers.
21Autre limite, également signalée par l’OCDE : les registres de population n’incluent pas les immigrés illégaux, qui ne peuvent être suivis et dénombrés ni dans le pays ni en dehors. Cette limite est beaucoup moins importante dans le cas de l’Espagne car depuis 2000, leur enregistrement auprès de la municipalité permet aux immigrés d’accéder aux systèmes publics de santé et d’enseignement, sans craindre d’être poursuivis par les autorités (il subsiste néanmoins un sous-enregistrement des immigrés selon Devolder et al., 2003).
22Une troisième limite, non indiquée par l’OCDE, est que l’EVR comptabilise les migrations, pas les migrants. Ródenas et Martí (1997, 2002) ont cependant comparé les trois bases de données espagnoles sur les migrants –?l’EVR, l’Encuesta de Migrantes (Enquête sur les migrations) et le recensement?– et ils concluent que l’EVR est la mieux adaptée à l’étude des phénomènes migratoires en Espagne. Elles montrent que l’Enquête sur les migrations, qui s’appuie sur l’Enquête sur les forces de travail (Encuesta de Población Activa), fait apparaître des flux migratoires faibles et décroissants en Espagne au cours des dix dernières années, signes de sérieux problèmes de sous-estimation de la mobilité. Le recensement ne fournit des informations que tous les 10 ans.
23En 2007, l’INE a conduit une enquête dite ENI (Encuesta Nacional Inmigrantes), sur un échantillon de plus de 15 000 immigrés, mais les données individuelles ne portent que sur une année, et les questions sur la migration de retour concernent des projets, pas des mouvements effectifs. Dans cette enquête, seuls 6 % des immigrés prévoient une migration de retour dans les cinq prochaines années, et on ne sait pas si ce projet a été réalisé. Dans l’enquête GSOEP menée en Allemagne en 1984, les intentions de retour (au cours de la vie) concernaient 72,8 % des immigrés, et le taux de réalisation dans les treize années suivantes avait été de 21,9 % (Dustmann, 2003), même si ces enquêtes sont difficilement comparables.
24De 2002 à 2009, l’EVR n’inclut de données que sur l’âge à l’enregistrement, le sexe, la nationalité, l’origine, la destination et la taille de la ville d’accueil. Il n’y a pas de données longitudinales, ce qui rend l’analyse problématique concernant les ménages et les couples. Il n’y a pas d’information sur l’état matrimonial ou la nationalité du conjoint, sur le nombre d’années passées en Espagne, le type de visa, le permis de séjour, le nombre d’enfants et leur résidence, ainsi que d’autres caractéristiques importantes.
25L’échantillon tiré de l’EVR inclut les mouvements internationaux des personnes nées à l’étranger résidant en Espagne, qu’elles retournent dans leur pays de naissance ou partent vers un pays tiers. Pour être sûr que les mouvements répondent à la décision des individus, nous ne retenons que les personnes âgées de plus de 18 ans à leur départ d’Espagne. Dans l’échantillon, il n’y a pas de distinction entre les immigrés légaux et illégaux et il n’est donc pas nécessaire de distinguer les ressortissants de l’Union européenne de ceux d’autres pays, cette caractéristique étant prise en compte dans la spécification du modèle économétrique.
II – Caractéristiques des immigrés quittant l’Espagne
Les statistiques d’émigration
26L’émigration des immigrés prend une importance croissante en Espagne, qui est devenue récemment un pays d’accueil. En faisant l’hypothèse que la radiation des immigrés résidant en Espagne correspond à une émigration [4], le tableau 1 présente l’ensemble des émigrations et les distingue selon que la radiation est volontaire –?le pays de destination peut être connu ou inconnu (à partir de 2004)?– ou que la radiation est prononcée par les autorités municipales à l’expiration du délai de deux ans (à partir de 2006). Les radiations à l’initiative des étrangers étant peu fréquentes, la loi organique 14/2003 mise en place en 2006 établit que les étrangers non communautaires sans permis de séjour permanent doivent renouveler leur enregistrement tous les deux ans, sous peine de radiation par les autorités municipales. C’est une procédure administrative.
27D’après le tableau 1, la procédure complémentaire introduite en 2004 s’applique à plus de 25 % des émigrations de la période 2002-2009, et la procédure administrative introduite en 2006 s’applique à plus de 50 % des émigrations.
Effectifs d’immigrés espagnols considérés comme émigrants selon le type de radiation de l’EVR, 2002-2009

Effectifs d’immigrés espagnols considérés comme émigrants selon le type de radiation de l’EVR, 2002-2009
28La figure 2 représente l’évolution du taux d’émigration internationale des immigrés résidant en Espagne, calculé sur l’effectif des personnes nées à l’étranger, à partir des registres municipaux (Padrón Municipal) de l’INE. On a distingué les émigrations selon qu’il s’agissait d’une radiation administrative ou d’une déclaration de départ, avec ou sans indication du pays de destination.
Taux d’émigration internationale des immigrés espagnols, 2002-2009

Taux d’émigration internationale des immigrés espagnols, 2002-2009
Note : Le taux d’émigration des immigrés est calculé par le rapport : nombre d’émigrants parmi les immigrés / nombre d’immigrés en Espagne.29Le flux d’émigration à destination d’un pays connu s’accroît au fil du temps (la hausse cesse en 2009, où elle est compensée par une forte augmentation du flux d’émigration vers un pays inconnu). Les améliorations de la base de données nous permettent d’estimer de façon fiable que l’émigration représente environ 5 % de la population immigrée résidant en Espagne, avec une tendance à la hausse. Cette valeur est très proche des intentions de retour exprimées dans l’enquête ENI de 2007.
30De 2002 à 2009, il y aurait eu au total 958?844 émigrations (tableau 1), dont 275?207 sans déclaration du pays de destination et 471?881 radiations administratives. Afin de distinguer émigrations de retour et émigrations vers un pays tiers, seules sont prises en compte celles dont le pays de destination est connu, et parmi elles, celles qui ont pu être décidées par les individus eux-mêmes, âgés de 18 ans ou plus. On dispose ainsi de 182?458 émigrations entre 2002 et 2009, dont 153 130 représentent un retour au pays natal et 29?328 se font vers un pays tiers.
31Cet échantillon pourrait cependant être biaisé si les migrants qui déclarent leur pays de destination ne se répartissent pas entre ceux qui retournent au pays et ceux qui partent vers un pays tiers de la même façon que l’ensemble des émigrants. Pour le vérifier, nous nous appuyons sur l’enquête ENI. Dans la réponse à la question sur les « projets pour les cinq prochaines années » [5], 921 personnes prévoient un retour au pays natal et 160 un départ vers un pays tiers. En d’autres termes, 85 % des immigrés qui ont un projet d’émigration prévoient un retour au pays, une proportion semblable à celle obtenue dans l’EVR, où 84 % des émigrations sont des retours au pays natal. La base de données semble donc représentative de l’ensemble des émigrations. Martí et Ródenas (2012) ont elles aussi utilisé l’ENI pour compléter les informations obtenues par l’EVR.
Migration de retour ou vers un pays tiers??
32Les émigrations pour lesquelles la distinction peut être clairement faite entre retour au pays et départ vers un pays tiers étant peu nombreuses, nous analyserons les données en termes relatifs. La figure 3 illustre l’évolution du ratio « retour au pays » sur « départ vers un pays tiers » pour les années où les données sont disponibles.
33Les émigrations sont principalement des retours au pays de naissance et cette tendance s’accentue au fil du temps (figure 3). La courbe présente trois petits pics en 2004, 2006 et 2008 au moment de la mise en place de certaines politiques migratoires et du déclenchement de la crise économique. L’impact des politiques est difficile à mesurer, mais on peut penser que leur mise en application a pu induire des variations de l’émigration. Le pic de 2004 pourrait tenir à l’introduction du Plan de retour volontaire des immigrés, approuvé en novembre 2003. Le plan, intitulé PREVIE, fournissait des incitations monétaires (émanant du ministère espagnol du Travail et de l’immigration, à travers certaines ONG) aux immigrés souhaitant retourner dans leur pays d’origine. Le pic de 2006 pourrait être la conséquence de la régularisation massive des immigrés illégaux approuvée en 2005. Et le pic de 2008 pourrait résulter de la mise en place en novembre 2008 du Plan d’anticipation des prestations sociales?; cette politique, destinée aux immigrés retournant dans leur pays de naissance et ne revenant pas en Espagne dans les trois ans, s’est adressée aux ressortissants de vingt pays avec lesquels l’Espagne a un accord bilatéral [6]. Le début de la crise économique mondiale pourrait être un autre événement important susceptible d’expliquer la hausse du ratio « retour au pays / départ vers un pays tiers ».
Ratio « migrations de retour » sur « migrations vers un pays tiers » des immigrés résidant en Espagne, 2002-2009.

Ratio « migrations de retour » sur « migrations vers un pays tiers » des immigrés résidant en Espagne, 2002-2009.
Statistiques régionales
34Cependant, l’évolution n’est pas la même à travers le pays. L’Espagne est constituée de dix-sept régions et de deux villes autonomes [7] (selon la définition d’Eurostat, niveau NUTS2). Les régions gèrent elles-mêmes de nombreux services publics, ce qui fait de l’Espagne un pays fortement décentralisé. Les gouvernements régionaux sont responsables des écoles, des universités, de la santé, des services sociaux, de la culture, du développement urbain et rural et, dans certains cas, de la police. Le financement du système de sécurité sociale provient pour 50 % environ du gouvernement central, à près de 40 % des gouvernements régionaux et 10 % des autorités locales.
35Le tableau 2 donne, pour 2009, l’effectif de la population née à l’étranger résidant dans chaque région d’Espagne (colonne 1), la part de la population immigrée dans la population totale de chaque région (colonne 2) et la répartition de la population immigrée dans les régions pour un total national de 100 immigrés (colonne 3). Cette information est tirée du Padrón Municipal de l’INE. La colonne 4 présente la répartition par région de 100 émigrations à destination du pays de naissance et la colonne 5 à destination d’un pays tiers. Dans les colonnes (6) et (7), on a fait figurer le rapport entre la répartition des migrations et celle de la population immigrée. Quand le ratio dépasse 1, la région a un taux d’émigration de retour au pays (ou vers un pays tiers) supérieur à la moyenne nationale.
Estimation des ratios d’émigration par région en 2009

Estimation des ratios d’émigration par région en 2009
36Les effectifs d’immigrés sont les plus nombreux dans les régions de Catalogne, Madrid et Valence, mais leur part dans la population totale est la plus élevée dans les îles Baléares, puis dans les régions de Madrid et Valence. L’Estrémadure semble peu attractive, les immigrés y représentent moins de 5 % de la population. Dans cette région, les ratios d’émigration de retour et de départ vers un pays tiers sont supérieurs à l’unité, la part des émigrations dans le total espagnol étant supérieure à la part des immigrés. On notera comme un cas particulier Ceuta et Melilla, où le taux de départ vers les pays tiers est très élevé, largement supérieur au taux d’émigration de retour, car les migrants africains utilisent ces villes comme des portes d’entrée vers l’Europe. L’Estrémadure et le Pays basque ont des taux élevés d’émigration de retour et de départ vers des pays tiers, notamment du fait que les deux régions sont frontalières. L’Andalousie, l’Aragon, les Asturies, les îles Baléares et Canaries, la Cantabrie, la Castille-La Manche, la Navarre et la région de Valence attirent des migrants qui ont tendance à rester sur place : les taux d’émigration de retour ou de départ vers les pays tiers sont faibles.
Statistiques descriptives
37Dans le tableau 3 figurent les principales statistiques, regroupées en quatre catégories, pour l’émigration totale, ses composantes de retour et de départ vers un pays tiers, afin de tester si les caractéristiques des retours au pays diffèrent de celles des départs vers les pays tiers.
Principales caractéristiques des immigrés partant d’Espagne, période 2002-2009

Principales caractéristiques des immigrés partant d’Espagne, période 2002-2009
Note : l’hypothèse testée est H0 : moyenne (pays tiers) – moyenne (retour) = 0.Seuils de significativité : * 10 %?; ** 5 %?; *** 1 %.
38La première catégorie regroupe les variables sociodémographiques : groupes d’âges, sexe et continent de naissance du migrant. S’y ajoute une variable indicatrice (dummy) pour la nationalité européenne, puisque les membres de l’Union européenne bénéficient d’une liberté de circulation qui peut évidemment affecter la migration. Cette variable tient compte du fait que Chypre, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Slovénie sont devenus membres de l’Union européenne en 2004, suivis de la Bulgarie et la Roumanie en 2007. Le deuxième groupe de variables concerne chaque année entre 2002 et 2009.
39Les variables caractérisant les pays de destination (troisième groupe) sont constituées du PNB par tête (d’après la Banque mondiale), l’année de la migration, afin de tenir compte de l’attraction économique exercée par la destination, et de cinq variables indicatrices qui regroupent les pays de destination par continent. Ces informations sont disponibles pour tous les pays de destination et toutes les années, et permettent de ne pas perdre de données dans l’échantillon EVR.
40Enfin, la quatrième catégorie concerne les pays d’origine. Trois variables indicatrices évaluent l’effet de vivre : dans une petite ville (moins de 10?000 habitants), dans une grande ville, capitale d’une région (plus de 50?000 habitants, selon Eurostat, troisième niveau territorial des statistiques européennes, NUTS3), ou dans une ville moyenne, ville non capitale (entre 10?000 et 50?000 habitants). Sont également incluses trois variables régionales (Eurostat, niveau NUTS2): les taux moyens de chômage d’après l’Enquête sur les forces de travail (Encuesta de Población Activa) de l’INE, le PNB par tête d’après la comptabilité régionale espagnole (Contabilidad Regional de España) de l’INE et le nombre total d’immigrés dans la région de départ l’année de l’émigration, d’après les registres municipaux (Padrón Municipal) de l’INE. Il s’agit d’évaluer la réussite de l’intégration sur le marché du travail, le revenu dans la région de résidence et les réseaux établis dans cette région. Ces derniers sont mesurés par le ratio du nombre total d’immigrés sur la population. Toutes les variables agrégées sont fonction du temps. Les 18 variables indicatrices correspondent aux régions et cités autonomes dont partent les émigrants.
41Les migrations de retour et les départs vers un pays tiers révèlent des comportements différents selon les variables (tableau 3). La proportion d’émigrants vers le pays de naissance pour raison de retraite (65 ans et plus) est supérieure à la proportion de ceux qui partent la prendre dans un pays tiers. La plupart des départs vers les pays tiers sont le fait des ressortissants des 27 États de l’Union européenne, alors que les retours au pays touchent surtout des non-Européens. Concernant le continent de naissance, on notera que 20 % des émigrations sont le fait d’Européens de l’Est, alors que ceux-ci ne représentent que 6 % des départs vers les pays tiers. C’est l’inverse pour les originaires d’Afrique, qui représentent 13 % des émigrations mais 22 % des départs vers les pays tiers.
42Les comportements de retour au pays ou de départ vers les pays tiers varient au fil du temps. Plus de 70 % des émigrations ont eu lieu après 2005, mais 73 % des migrations de retour et 66 % des départs vers les pays tiers ont lieu entre 2006 et 2009. Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer : la régularisation massive de 2005, le Plan d’anticipation des prestations sociales et la crise économique. L’estimation économétrique inclut les indicateurs annuels afin de mesurer les effets marginaux de chaque année séparément et proposer quelques pistes.
43Les écarts les plus importants entre migrations de retour et départs vers les pays tiers sont liés aux variables de destination. Le PNB moyen par tête des pays de destination est trois fois plus élevé en cas de départ vers un pays tiers que de retour au pays. Il s’agit avant tout de retour au pays quand la destination est le Mexique, l’Amérique centrale ou du Sud et l’Afrique, et de départs vers des pays tiers quand la destination est en Europe ou en Amérique du Nord.
44Les caractéristiques d’origine reflètent des différences régionales en Espagne et des spécificités rurales-urbaines. La taille moyenne des villes, le chômage par région et le PNB par tête ne varient pas significativement entre migrations de retour et départs vers des pays tiers, bien qu’il existe des différences régionales entre les deux types d’émigration, ainsi que le montre le tableau 2.
Le sexe et l’âge
45Les variables d’âge et de sexe nécessitent une attention particulière. Concernant le sexe, le tableau 3 ne donne que la moyenne et l’écart type de cette variable qui diffèrent peu entre émigration totale, migration de retour et départ vers les pays tiers. Pour faire apparaître des écarts entre continents de naissance, le tableau 4 présente le pourcentage d’hommes et de femmes par continent dans l’émigration totale, les migrations de retour et les départs vers des pays tiers.
Part (%) des hommes et des femmes dans l’émigration selon le continent de naissance, 2002-2009

Part (%) des hommes et des femmes dans l’émigration selon le continent de naissance, 2002-2009
46L’émigration des immigrés résidant en Espagne est essentiellement le fait d’hommes, en particulier ceux nés en Afrique, sauf pour les originaires du Mexique et d’Amérique centrale et du Sud. Le schéma est identique pour les migrations de retour. Les départs vers les pays tiers sont à prédominance féminine pour tous les immigrés nés en Amérique du Nord, centrale et du Sud. Ce résultat demandera cependant à être confirmé quand les autres variables socio-économiques auront été contrôlées.
47Le rôle de l’âge peut être analysé avec les figures 4 et 5 et le tableau 5. La figure 4 décrit la répartition des migrations de retour et des départs vers des pays tiers par groupe d’âges pour l’ensemble de la période 2002-2009. Plus de 70 % des émigrations, de retour ou vers un pays tiers, ont lieu entre 20 et 44 ans, alors que la part de ces âges dans la population immigrée vivant en Espagne n’est que de 50 %. L’émigration semble donc surtout fréquente aux premières étapes de la vie active.
Répartition (%) des migrations de retour et des départs vers des pays tiers selon l’âge, 2002-2009

Répartition (%) des migrations de retour et des départs vers des pays tiers selon l’âge, 2002-2009
48Avant 30 ans et après 55 ans, la fréquence des migrations de retour est supérieure à celle des départs vers un pays tiers?; c’est l’inverse entre 30 et 55 ans, c’est-à-dire aux âges de pleine activité. Par ailleurs, on voit que la fréquence des départs vers les pays tiers est maximale entre 30 et 34 ans, et entre 25 et 29 ans pour les migrations de retour. La figure 4 couvre l’ensemble de la période 2002-2009, mais il est intéressant de regarder si les résultats sont valides pour chacune des années avec un regroupement d’âges semblable à celui du tableau 3.
49La figure 5 est construite à partir de la répartition par grand groupe d’âges des migrations de retour et des départs vers des pays tiers et du rapport des deux séries de grandeurs par groupe d’âges. Le rapport est inférieur à l’unité quand les migrations de retour sont moins fréquentes que les départs vers des pays tiers dans ce groupe d’âges. C’est le cas à 30-44 ans, confirmant ainsi les résultats de la figure 4. Une tendance spécifique apparaît au-delà de 45 ans : la fréquence relative des migrations de retour, comparée à celle des départs vers des pays tiers, décroît après 2004. Entre 45 et 64 ans, les migrations de retour deviennent moins fréquentes que les départs vers des pays tiers. L’accroissement le plus fort de la migration de retour par rapport aux départs vers des pays tiers se concentre sur les âges 18-29 ans, qui représentent 35 % des mouvements de la période.
Ratio « migrations de retour sur départs vers des pays tiers » par grand groupe d’âges, 2002-2009

Ratio « migrations de retour sur départs vers des pays tiers » par grand groupe d’âges, 2002-2009
50Les émigrants nés aux États-Unis et au Canada ont les âges moyens les plus faibles, autour de 31 ans?; ceux nés en Europe occidentale les âges moyens les plus élevés, autour de 41 ans.
Âge moyen des immigrés émigrants selon le continent de naissance, 2002-2009

Âge moyen des immigrés émigrants selon le continent de naissance, 2002-2009
III – Modèle économétrique et résultats empiriques
51La section précédente a permis de montrer que les migrations de retour et les départs vers des pays tiers ont des caractéristiques différentes. Dans cette partie, ces différences sont analysées simultanément grâce à un modèle économétrique multivarié. L’échantillon inclut l’ensemble des départs d’immigrés d’Espagne vers une destination connue entre 2002 et 2009, soit 181 378 migrations de personnes âgées de plus de 18 ans, pour lesquelles toutes les variables utilisées dans la section précédentes sont connues : caractéristiques sociodémographiques, année, origine et destination de la migration. La variable endogène est la probabilité qu’une émigration soit un retour au pays de naissance, les variables exogènes sont celles du tableau 3. Cette analyse déterminera l’effet de ces variables sur la probabilité qu’une émigration internationale au départ d’Espagne soit un retour au pays.
52La forte corrélation entre les variables indépendantes gonfle cependant la variance des estimations des paramètres. Cette multi-colinéarité peut aussi conduire à des erreurs de signe et de grandeur dans les estimations des coefficients de régression, et donc à des conclusions incorrectes concernant les relations entre les variables indépendantes et dépendantes. La valeur la plus élevée du test du facteur d’inflation de la variance est de 823 et la moyenne de 46,81, ce qui confirme l’existence d’une multi-colinéarité, et conduit à éliminer certaines variables de destination et d’origine, jusqu’à la réalisation d’une régression sans multi-colinéarité. La propension (latente) de l’émigration à être un retour au pays est alors une fonction linéaire des variables suivantes :

54où l’indice i désigne l’individu et soc_dem, année, destination et origine les vecteurs des variables reflétant les facteurs socio-économiques, âge, sexe, nationalité européenne et continent de naissance (référence : l’Europe occidentale), les variables indicatrices annuelles (référence : 2009), les variables de destination (PNB par tête dans le pays de destination, en milliers) et les variables d’origine (taille de la ville de résidence –?référence : taille médiane?–, le chômage, le PNB par tête et le nombre total d’immigrés dans la région où résidait le migrant).
55Le tableau 6 présente les résultats d’un modèle probit d’émigration de retour (colonne 1) et, les données souffrant d’hétéroscédasticité, les résultats d’un modèle probit hétéroscédastique (colonne 2) utilisé pour estimer les effets marginaux à la moyenne des variables indépendantes continues (l’effet marginal pour les variables indicatrices indique un passage discret de 0 à 1). Ce modèle correspond à une généralisation du maximum de vraisemblance du modèle probit, puisque le test de Wald d’hétéroscédasticité fait apparaître une amélioration du modèle du fait de la généralisation (p = 0,0002). Des variables explicatives étant définies à un niveau d’agrégation plus élevé que la variable dépendante (niveau individuel), nous appliquons l’option qui tient compte des effets de grappe.
Résultats d’un modèle probit appliqué aux migrations de retour

Résultats d’un modèle probit appliqué aux migrations de retour
Lecture : La probabilité qu’une émigration soit une migration de retour est plus faible de 0,023 (2,3 points de pourcentage) pour les émigrants de 18-29 ans que pour ceux de 65 ans et plus, « toutes choses égales par ailleurs »?; un PNB par habitant de 1?000 $ de plus au pays de destination correspond à une diminution de 1,6 point de la probabilité que la migration soit une migration de retour.Note : Tous les résultats sont significatifs au seuil de 5 %, sauf pour l’année 2008.
56Tous les intervalles d’âges ont un effet négatif sur la probabilité de migration de retour, par rapport à la catégorie de référence constituée des âges de retraite. La valeur marginale la plus élevée se situe entre 30 et 44 ans, les émigrations à ces âges ayant une moindre probabilité d’être des retours au pays, alors que les âges de retraite correspondent à une probabilité réduite de départ vers un pays tiers. Le fait d’être un homme affecte négativement l’émigration de retour : les émigrantes retournent plus fréquemment dans leur pays de naissance que les émigrants. Les immigrés nés dans les pays les plus riches, les États-Unis et le Canada, ont une probabilité plus élevée de choisir une migration de retour?; ceux venus d’Asie et d’Afrique ont la probabilité la plus forte de partir vers un pays tiers. Pour les immigrés d’une nationalité de l’Union européenne (qui n’ont pas besoin d’un permis de séjour), la probabilité de retour est plus faible de 11 %.
57Comme prévu, la probabilité que l’émigration soit un départ vers un pays tiers est d’autant plus forte que le PNB par tête est élevé dans le pays de destination, ce type de mouvement étant davantage motivé par des facteurs économiques que les migrations de retour. Pour la même raison, un accroissement du taux de chômage dans la région espagnole d’origine s’accompagne d’une augmentation de la probabilité de départ vers des pays tiers, le recul de l’intégration sur le marché du travail incitant à chercher ailleurs de meilleures opportunités d’emploi.
58Plus la part des immigrés est importante dans la région de résidence en Espagne, plus la probabilité est faible que l’émigration soit un départ vers un pays tiers, et donc plus la probabilité est forte qu’elle soit une migration de retour.
59Selon que la ville de départ est grande ou petite, les coefficients associés sont respectivement positifs et négatifs. C’est sans doute dû au fait que, lorsqu’un émigrant n’atteint pas ses objectifs, celui qui réside dans une petite ville va d’abord chercher de meilleures possibilités d’emploi dans une ville plus grande, plutôt que d’entreprendre une nouvelle migration internationale.
60Toutes les variables annuelles ont un effet négatif sur la probabilité qu’une émigration soit un retour au pays par rapport à 2009 (année de référence). Ce pourrait être la conséquence de la crise économique ou du Plan d’anticipation des prestations sociales. À partir de 2006, les effets marginaux sur l’émigration sont négatifs, mais de plus en plus proches de zéro, ce qui indique que la probabilité qu’une émigration soit une migration de retour augmente après 2005, peut-être à cause de la régularisation massive de 2005.
Conclusion
61L’émigration est un phénomène de plus en plus significatif en Espagne. Dans la première décennie du xxie siècle, le pays devient une destination importante pour les immigrants et son rôle comme pourvoyeur d’émigrants se modifie. Les études, peu nombreuses, portent sur la migration de retour plus que sur une conception large de l’émigration internationale, ou sur la migration internationale de retour à partir de l’Espagne comme pays d’origine. Cet article utilise les modifications observées dans le registre de population, à partir d’une définition moins étroite de l’émigration, incluant retour au pays de naissance et départ vers un pays tiers à partir de l’Espagne.
62Cette recherche présente certaines limites. La base de données utilisée (EVR) pose plusieurs problèmes pour une analyse de l’émigration. Certains sont communs à la majorité des recherches traitant de la migration espagnole, d’autres sont propres à l’analyse de l’émigration. L’amélioration de la collecte des données en 2004, et plus encore en 2006, permet d’analyser l’ensemble de l’émigration, mais pas de distinguer retour au pays et départ vers un pays tiers dans tous les cas où la destination des émigrants n’est pas connue. Cependant, l’enquête ENI a permis de montrer que l’échantillon restant n’était pas biaisé. Par ailleurs, certains déterminants importants de l’émigration ne sont pas disponibles dans la base. En l’absence d’alternative, cette étude apparaît comme un premier essai pour identifier certaines caractéristiques de l’émigration au départ de l’Espagne, pays hôte, et pour différencier retour au pays et départ vers un pays tiers.
63Entre 2002 et 2009 la migration de retour s’est accrue davantage que les départs vers des pays tiers. Les principales conclusions peuvent être résumées en cinq points :
- L’émigration des immigrés est surtout le fait d’hommes aux premières étapes de leur vie active, les départs vers les pays tiers sont plus fréquents à 30-34 ans et les retours au pays après 65 ans et à 18-29 ans.
- Les ressortissants d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine résidant en Espagne ont de moindres probabilités de retourner dans leur pays de naissance.
- La probabilité que l’émigration soit un départ vers un pays tiers est d’autant plus forte que le PNB par tête est élevé dans le pays de destination. Ce type de mouvement est davantage motivé par des facteurs économiques que les migrations de retour.
- Pour la même raison, un accroissement du taux de chômage dans la région espagnole d’origine s’accompagne d’une augmentation de la probabilité de départ vers des pays tiers, du fait de la moindre intégration sur le marché du travail.
- Plus la part des immigrés dans la région de résidence en Espagne est importante, plus la probabilité que l’émigration soit un retour au pays d’origine est forte.
64Remerciements
Je remercie Inmaculada Villanúa, Josefina Cabeza et Javier Silvestre, de l’Université de Saragosse, ainsi que les participants du séminaire de l’Adetre, Saragosse, pour leurs commentaires et suggestions. Je remercie également le ministère de la Science et de la technologie espagnol pour son soutien à cette recherche. Les éventuelles erreurs restent de la responsabilité de l’auteure.
Notes
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Université de Saragosse, Espagne.
Correspondance : Gemma Larramona, Université de Saragosse, Gran Vía, 2, 50005 Zaragoza, Espagne, tél : + 34 976 762 789, fax : + 34 976 761 996, courriel : gemmalar@unizar.es. -
[1]
Les ressortissants de plusieurs pays (Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, Honduras, Nicaragua, Panama, Pérou, République dominicaine) peuvent obtenir la binationalité en Espagne.
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[2]
Cette définition nous aidera à tester l’hypothèse d’échantillon non biaisé, puisque l’échantillon utilisé pour comparer nos résultats utilise aussi le concept de retour dans le pays de naissance.
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[3]
http://www.ine.es/prodyser/micro_varires.htm.
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[4]
Il est raisonnable de supposer que les immigrés qui partent s’installer dans une autre région d’Espagne vont s’y enregistrer pour bénéficier des services de santé et d’enseignement, et leurs mouvements seront considérés comme des migrations internes. S’ils restent sur place, ils vont renouveler leur enregistrement pour les mêmes raisons. On suppose donc que les immigrés qui n’ont pas renouvelé leur enregistrement ont quitté l’Espagne.
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[5]
Quatre réponses étaient possibles, le nombre de répondants figure entre parenthèses : 1. Rentrer au pays (921)?; 2. Rester en Espagne (12 826)?; 3. Partir vers un pays tiers (160)?; 0. Ne sait pas (1 358).
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[6]
Andorre, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Équateur, États-Unis, Maroc, Mexique, Paraguay, Pérou, Philippines, République dominicaine, Russie, Tunisie, Ukraine, Uruguay, Venezuela.
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[7]
Ceuta et Melilla ont une réglementation différente, du fait de leur localisation en Afrique. Elles ne sont pas désignées comme « communautés autonomes » (c’est-à-dire des régions), mais comme « cités autonomes ». Dans cette analyse nous les considérerons comme une région.