CAIRN.INFO : Matières à réflexion
linkThis article is available in English on Cairn International

1Les évolutions sociales et démographiques survenues depuis la seconde moitié du xxe siècle dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne ont profondément affecté le contexte dans lequel les jeunes générations abordent désormais leur vie sexuelle et féconde (Mensch et al., 2006). Le nombre moyen d’enfants par femme a diminué, l’âge moyen d’entrée en union a augmenté (Pilon et Vignikin, 2006 ; Locoh et Hertrich, 1994) et l’âge au premier rapport sexuel des femmes a été retardé (NRC, 2005). Malgré cela, la tendance au recul de l’âge d’entrée en union a rendu la sexualité prémaritale plus fréquente aujourd’hui que par le passé (NRC, 2005, p. 199). Les opportunités d’expériences amoureuses et sexuelles hors du lien conjugal tendent ainsi à se banaliser (Delaunay et Guillaume, 2007 ; Bozon, 2003) et créent un décalage de plus en plus grand entre les réalités auxquelles sont confrontés au quotidien les individus et les règles sociales en vigueur qui stigmatisent cette sexualité hors mariage.

2Dès la fin des années 1980, l’augmentation de la fréquence des grossesses hors mariage en Afrique subsaharienne retient l’attention des chercheurs et des décideurs. Cependant, le lien avec l’évolution des aspirations des jeunes en matière de sexualité et de parentalité abondamment débattu dans les sociétés au Nord (Sihvo et al., 2003 ; Barrett et Wellings, 2002 ; Evans, 2001 ; Fisher et al., 1999 ; Bajos et Ferrand, 2002), demeure inexploré dans les études à propos des pays du Sud. La notion de grossesse non désirée, communément utilisée pour appréhender les difficultés rencontrées par les femmes dans le contrôle de leur fécondité, ignore la complexité des nouveaux référents en matière de procréation à l’œuvre dans les sociétés africaines.

3L’objectif de cette étude est de contribuer à mieux cerner ce que représente une grossesse non prévue chez les jeunes [2] en Afrique subsaharienne aujourd’hui, dans le contexte particulier des grandes villes où les changements de pratiques de fécondité et de mariage sont plus marqués et s’opèrent à un rythme plus soutenu qu’en milieu rural. Il s’agit, en nous basant sur une étude réalisée dans la capitale sénégalaise, Dakar, de rendre compte de la complexité des enjeux individuels et collectifs autour d’une grossesse qui survient de manière inattendue et de montrer que cette notion renvoie à une réflexion plus ample sur la maternité chez les jeunes.

I – Cadre général

4Les premières études sur la fécondité des adolescents dans les années 1980 sont centrées essentiellement sur les risques encourus pour la santé de la jeune mère et de son enfant (Hobcraft et McDonald, 1985 ; Trussel et Pebley, 1984). Par la suite, sous l’effet concomitant du recul généralisé en Afrique de l’âge au mariage et à la première maternité, la problématique des grossesses précoces cède le pas à celle des grossesses hors mariage, interprétées par les chercheurs comme des grossesses non désirées (Zabin et Kiragu, 1998 ; Görgen et al., 1998 ; Gage-Brandon et Meekers, 1994 ; Ageyi et Epema, 1992). La préoccupation sanitaire demeure, mais elle se focalise surtout sur les risques liés aux IST et au VIH en particulier (Caraël, 1995 ; Meekers, 1994). D’autres études s’intéressent à la dimension sociale de la fécondité hors mariage des jeunes (Thiriat, 1999 ; Meekers et Calvès, 1999 ; Bledsoe et Cohen, 1993 ; Longfield, 2004). Elles montrent que les motivations et les aspirations des célibataires africains en matière de sexualité répondent à des logiques fort diversifiées.

5Analysant la fécondité prémaritale sous l’angle des motivations, des chercheurs, contrairement à ce que d’autres avaient conclu, montrent qu’une grossesse prémaritale peut aussi être le fruit d’un acte délibéré et donc désirée (Feyisetan et Bankole, 1991). Les jeunes femmes utilisent parfois la grossesse pour provoquer un mariage ou pour s’attacher les faveurs matérielles du géniteur de leur enfant (Koussidji et Muller, 1983 ; Obbo, 1987 ; Guyer, 1994 ; Sévédé-Bardem, 1997). Dans certains cas, la grossesse prémaritale constitue une preuve avérée de la fertilité d’une femme et garantit le caractère fécond de l’union à venir (Laburthe-Tolra, 1981 ; Oppong et Wéry, 1994 ; Gage et Bledsoe, 1994).

6Plusieurs études ont mis en évidence les conséquences négatives des grossesses prénuptiales sur le devenir des mères, notamment sur leur scolarisation (Meekers et Ahmed, 1999 ; Eloundou-Enyegue, 2004 ; Lloyd et Mensch, 2008). L’obligation d’interrompre la scolarité, voire d’y mettre définitivement un terme, contribue à rendre une grossesse indésirable. Une grossesse non prévue peut également s’avérer lourde de conséquences sur le statut social de l’enfant, ainsi que sur ses conditions de vie aux jeunes âges. Les enfants nés d’unions illégitimes dont le père ne reconnaît pas la paternité sont plus exposés que les autres à certaines formes de discrimination (Calvès, 2000).

7Dès la fin des années 1980, l’épidémie VIH/Sida relègue au second plan des priorités politiques la prévention des grossesses non prévues. Par ailleurs, la baisse tardive mais finalement généralisée de la fécondité dans les pays africains (Cleland et al., 1994), laisse croire à une adhésion massive des populations au principe de planification des naissances et ainsi rend moins pressante la question de la diffusion de contraception moderne. Pourtant les besoins en la matière, particulièrement chez les jeunes générations, ne cessent d’augmenter (Caldwell et Caldwell, 1995 ; Singh et al., 2000).

8Plus récemment, l’augmentation de l’avortement provoqué chez les jeunes femmes non mariées, mise en évidence par les sources hospitalières, ravive la question des grossesses indésirées (Guillaume et Desgrées du Loû, 2002). On s’interroge notamment à propos de l’impact de cette pratique sur les niveaux de fécondité (Guillaume, 2003). Plusieurs études mettent l’accent sur les raisons d’avorter, et par là même sur ce que représente une grossesse non désirée (Guillaume et Molmy, 2004 ; Amegee, 2002 ; Calvès, 2002 ; Gbétoglo, 2004 ; Olukoya, 2004). Ces études montrent pour la plupart que l’aboutissement ou non à un avortement est déterminé par le contexte relationnel et le degré de légitimité de la relation au sein de laquelle s’inscrit la grossesse.

II – Le contexte particulier du mariage et de la sexualité à Dakar

9Dans la société sénégalaise, le mariage est un événement incontournable qui marque l’accès à la majorité sociale et constitue une condition à l’épanouissement individuel (Nanitelamio, 1995). Colette Le Cour Grandmaison (1971) soulignait dans les années 1970 la forte pression sociale qui pesait sur les jeunes filles à Dakar, les incitant souvent à contracter un premier mariage pour satisfaire les attentes de la famille. Près de 30 ans plus tard, Fatou Binetou Dial (2008) fait le même constat. Toutefois, certaines pratiques évoluent, comme on peut l’observer avec l’Enquête démographique et de santé (EDS). Au cours de la seconde moitié du xxe siècle, on observe au Sénégal un retard de l’âge d’entrée en union. Ce phénomène est particulièrement sensible dans les villes : en 1986 l’âge médian au premier mariage des femmes âgées de 25-49 ans y est de 17,6 ans (EDS I) ; en 2005 il atteint 20,1 ans, 20,8 ans à Dakar et 23,9 ans parmi les femmes les plus instruites (EDS IV). Les hommes entrent en union encore plus tardivement : l’âge médian enregistré en 2005 pour le groupe d’âges 30-59 ans est de 29 ans. La contrepartie du recul de l’âge d’entrée en premier mariage est l’allongement de la période de célibat qui se traduit concrètement pour les jeunes générations par des opportunités de vie amoureuse prémaritale plus diversifiées qu’autrefois (Adjamagbo et Antoine, 2002 ; Delaunay et Guillaume, 2007) [3]. Le mariage est plus tardif mais son intensité demeure élevée : à 35 ans, il n’y a pratiquement plus de femmes célibataires et le célibat définitif n’excède pas 5 %, pour les femmes comme pour les hommes (Antoine, 2002). La forte valorisation sociale du mariage rend le statut de non-marié peu enviable. Même en ville, la solitude féminine en particulier n’est tolérée que comme un état transitoire [4].

10À Dakar, seul le mariage, considéré comme le cadre socialement requis pour la maternité, rend légitime la pratique de la sexualité (Diop, 1985). De fait, en 2005, les femmes âgées de 20 à 49 ans déclarent un âge au premier rapport sexuel quasiment identique à celui du premier mariage (20,8 ans dans les deux cas) [5]. Moins concernés par la norme de chasteté, les hommes déclarent quant à eux une vie sexuelle qui commence environ 9 ans avant le mariage (EDS IV). L’absence de sexualité féminine prémaritale à Dakar dans l’Enquête nationale de 2005 ne rend pas compte des changements observés en matière de calendrier des naissances. En effet, des études conduites à Dakar et en milieu rural montrent que les grossesses prémaritales sont de plus en plus fréquentes (Delaunay, 1994 ; Adjamagbo et al., 2004b) [6]. Il semble bien qu’à Dakar, en dépit de la prescription de chasteté avant le mariage, les célibataires, hommes comme femmes, sont sexuellement actifs. Nous pensons, comme le souligne Michel Bozon (2003), que dans une société où la sexualité féminine hors mariage est très stigmatisée, les jeunes célibataires éprouvent des réticences à déclarer une telle pratique lors des enquêtes. Le risque d’une sous-déclaration de la sexualité féminine prémaritale dans l’Enquête démographique et de santé de 2005 ne doit donc pas être écarté. Ce risque est d’autant plus probable que les chiffres observés dans les deux précédentes enquêtes de 1993 et 1997 montrent à l’inverse un âge médian au premier rapport sexuel en milieu urbain clairement antérieur à l’union. En 1997, par exemple, la moitié des femmes âgées de 25 à 49 ans avaient déclaré avoir eu un premier rapport sexuel un an avant de se marier (Adjamagbo et Antoine, 2002).

11À Dakar, sexualité et grossesse prémaritale sont associées à la fréquence de l’avortement provoqué, dont l’augmentation est mise en lumière dans le milieu hospitalier (Faye et al., 1999 ; CEFOREP, 1998 ; Diadhiou et al.,1993) [7]. Souvent réalisé dans des conditions clandestines et d’insécurité sanitaire, l’avortement est majoritairement pratiqué par des jeunes femmes célibataires et sans enfant (Koly, 1991 ; Diouf, 1996). Mais la question de l’avortement renvoie aussi aux difficultés récurrentes d’accès des jeunes célibataires à la planification familiale (Katz et Naré, 2002). Officiellement ouverts aux jeunes, les lieux de distribution des méthodes modernes de contraception parviennent difficilement à satisfaire les besoins d’une jeunesse qui rechigne à les fréquenter par crainte d’être mal jugée.

12Le rapport à la parentalité à Dakar se construit dans un contexte plus général de changement social, lié à l’essor de la scolarisation des femmes (Moguerou, 2006) ainsi qu’à la dégradation des conditions de vie particulièrement marquée dans la capitale depuis la fin des années 1980 (Antoine et al., 1995 ; Fall et Sylla, 2000 ; Lessault et Diagne, 2007). Très exposés aux aléas du marché du travail et au climat d’incertitude que provoque le chômage, les jeunes gens entrent fragilisés sur le marché matrimonial (Antoine, 2002). Or, à Dakar comme ailleurs en Afrique subsaharienne, l’argent occupe une place importante dans les relations sociales en général, entre les hommes et les femmes en particulier (Attané, 2009). Par ailleurs, la rétribution économique est de mise dans les relations sexuelles, quel que soit leur contexte (préconjugal, conjugal ou extra conjugal) (Tabet, 2004). Il existe dans la capitale sénégalaise une forme spécifique de relation sexuelle instrumentalisée, désignée par le terme wolof de mbaraan. Elle consiste à avoir des relations sexuelles avec plusieurs partenaires concomitants ou successifs, et qui souvent s’ignorent. La contrepartie des services sexuels et sociaux (accompagnement dans des sorties par exemple) offerts par la femme lui permet d’acquérir les biens matériels et le soutien financier dont elle a besoin. Essentiellement utilisé par les femmes, le mbaaran est pratiqué comme une source d’autofinancement. Il concerne principalement les jeunes célibataires qui, en attendant de se marier, trouvent dans ce système un moyen de survivre dans un certain confort matériel, voire de poursuivre des études ou une formation. La dégradation des conditions de vie exacerbe l’enjeu économique des relations sexuelles et amoureuses, et contribue à en faire un objet de transaction souvent source de troubles et de conflits (Dial, 2008).

13Les grandes caractéristiques des normes et pratiques en vigueur à Dakar dans les domaines du mariage et de la maternité que nous venons de décrire constituent un point de référence important pour la compréhension des logiques qui sous-tendent les projets de parentalité. La gestion que les Dakaroises font des grossesses non prévues est à mettre en regard avec ce contexte social et normatif spécifique.

III – Appréhender différemment les grossesses non prévues

14La majorité des études démographiques qui traitent des grossesses non prévues les considèrent souvent comme non désirées. Les besoins en matière de planification des naissances sont alors définis comme un simple principe arithmétique. La notion de grossesse non prévue (dite non désirée) renvoie au décalage entre fécondité souhaitée et fécondité effective. L’approche adoptée par les enquêtes démographiques et de santé (EDS), notamment, présume ainsi qu’une fécondité (effective) est non désirée dès lors qu’elle dépasse le nombre d’enfants déclarés souhaités par les répondantes. Elle est interprétée en termes de besoins non satisfaits (unmet need) de contraception dès lors que les femmes ne veulent pas ou plus d’enfant, sans pour autant recourir à une méthode de contraception. Dans cette perspective, la contraception moderne apparaît comme un moyen d’empêcher ces grossesses non désirées et ainsi de combler les besoins (Bankole et al., 2006 ; Seiber et al., 2007). Cette vision de la grossesse non prévue présuppose implicitement que la décision de procréer relève d’une logique binaire (vouloir ou ne pas vouloir d’enfant) dans laquelle intention et passage à l’acte s’accorderaient nécessairement. Un tel présupposé laisse totalement de côté la question des motivations cachées et des intérêts personnels, pourtant essentielle pour comprendre les enjeux associés à la maternité.

15Dans cette étude, nous partons du postulat selon lequel la définition d’une grossesse non prévue ne peut se limiter à ses conséquences sanitaires, ni se résumer à une problématique binaire (Barett et Wellings, 2002). Loin d’être figée, la notion de grossesse non prévue se présente plutôt comme une question complexe, fortement déterminée par le degré de légitimité de la relation, par un contexte social et économique spécifique et par un jeu de pouvoir entre différents protagonistes (partenaires, hommes et femmes pris individuellement, prestataires de soins) qui interfèrent et peuvent parfois entrer en contradiction. En effet, étudier ce qui a lieu dans une relation, c’est prendre en considération les rapports de pouvoir fondés sur plusieurs dimensions, dont le sexe et l’âge tout particulièrement. Ces rapports sociaux sont loin d’être donnés une fois pour toutes, et se trouvent perpétuellement redéfinis en fonction des situations ou des séquences de vie (Glenn, 1999). Ainsi, la manière dont les rapports de genre et ceux entre les générations interfèrent sur la gestion des grossesses non prévues est au cœur de notre réflexion.

16En nous fondant sur le cas de la capitale sénégalaise, nous faisons donc l’hypothèse que l’évolution des pratiques dans les domaines du mariage, de la sexualité et de la procréation participe d’un changement social profond. Le décalage croissant entre les normes sociales prescrites et les pratiques avérées ou intimement souhaitées, créent des tensions dans la façon dont les individus et en particulier les jeunes femmes vivent leur sexualité et se projettent dans la maternité. Le concept de grossesse non prévue se construit ainsi en miroir de la norme procréative dominante dans la société dakaroise actuelle (Foley, 2007). Celle-ci apparaît de moins en moins compatible avec les aspirations des jeunes en raison même de l’amélioration de leur niveau d’information et d’instruction. Comme dans d’autres contextes (Bajos et Ferrand, 2002), les jeunes femmes subissent des injonctions normatives de plus en plus fortes, notamment à propos de l’engagement dans la vie familiale et dans le travail (Beguy, 2009 ; Adjamagbo et al., 2004a). Pour mieux cerner ce que recouvre le terme de grossesse non prévue à Dakar, nous proposons d’analyser la manière de gérer les tensions qu’impliquent ces injonctions en relation avec les enjeux du contrôle de la fécondité des femmes.

IV – Données et méthodologie

17Notre étude s’appuie sur les récits de vie de 25 hommes et 49 femmes effectués entre 2007 et 2008 à Dakar dans le cadre de la recherche ECAF (Emergency Contraception in Africa). L’objectif général est d’analyser les conditions de diffusion et d’acceptabilité de la contraception d’urgence dans quatre villes africaines : Accra, Dakar, Ouagadougou et Rabat. L’accent est mis sur la manière dont les femmes et leurs partenaires gèrent au quotidien le contrôle de leur fécondité.

18La collecte des données s’est faite par une approche biographique de type qualitatif qui met en perspective les différentes trajectoires du parcours de vie : résidentielle, scolaire, professionnelle, affective ou amoureuse, conjugale, contraceptive. Cette approche permet d’étudier la manière dont les femmes et les hommes abordent la parentalité à des moments précis de leur parcours de vie, au cœur de situations affectives, qu’ils soient ou non en union.

19La collecte a été conduite en population générale, auprès de femmes et d’hommes âgés de 18 à 40 ans [8] vivant à Dakar. Afin de suivre la diversité de la population, les répondants ont été choisis sur la base de quotas préétablis dans des groupes dont les caractéristiques sociales sont contrastées du point de vue du statut matrimonial, du niveau d’instruction et de la zone de résidence. L’échantillon a été constitué dans une première étape par une approche spontanée, qui a consisté à envoyer les enquêteurs repérer des individus dans différents quartiers de la ville, considérés comme diversifiés du point de vue tant socioéconomique que démographique. Par la suite, l’échantillon a été complété selon la méthode « boule de neige », c’est-à-dire en demandant aux personnes interviewées de nous donner le contact d’autres personnes susceptibles d’accepter l’entretien. Le tableau suivant montre le profil sociodémographique des enquêtés. On note une population relativement jeune où les célibataires dominent. Les personnes en union sont néanmoins représentées, de même que celles ayant fait l’expérience de la maternité.

Tableau 1

Profil sociodémographique de l’échantillon

Tableau 1
Hommes n = 25 Femmes n = 49 Groupe d’âges Moins de 25 ans 5 21 25-29 ans 11 17 30-40 ans 9 11 Niveau d’instruction Sans ou primaire seul 6 11 Secondaire 12 25 Supérieur 7 13 Nombre d’enfants 0 enfant 15 28 1 enfant 6 10 2 enfants 2 7 3 enfants ou plus 2 4 Situation conjugale Célibataire 13 30 dont relation en cours 8 26 Marié(e) monogame 11 14 Marié(e) polygame 1 2 Séparé(e) Veuf(ve) – 3

Profil sociodémographique de l’échantillon

Source : Enquête ECAF Sénégal, 2007-2009.

20Les entretiens auprès des hommes et des femmes ont été menés à partir de guides d’entretiens semi-directifs construits pour recueillir les parcours amoureux, matrimoniaux, sexuels et contraceptifs. Afin de contextualiser les conduites amoureuses et sexuelles, la grille d’entretien prévoyait le recueil d’informations relatives aux parcours résidentiel, scolaire et professionnel, ainsi qu’aux conditions de vie dans l’enfance, incluant des informations sur les parents avant que la personne interrogée atteigne l’âge de 15 ans : leurs origines sociales et culturelles, leur situation matrimoniale et professionnelle. Les entretiens ont été conçus sur le modèle du récit de vie décrit par Bertaux (2006) permettant de replacer la composante étudiée, en l’occurrence le rapport à la contraception, dans le cadre global de l’histoire individuelle. Les entretiens ont été menés par des enquêteurs du même sexe que les enquêté(e)s. Certains entretiens ont été menés dans la langue dominante locale (wolof) et ont fait l’objet d’une traduction en français au moment de la saisie. La durée moyenne des entretiens (hommes et femmes confondus) a été de 2 heures 18 minutes.

21La méthode d’analyse se déroule en plusieurs étapes complémentaires : la première consiste en une analyse globale de l’entretien après une lecture approfondie visant à se familiariser avec le propos de l’enquêté(e) pour faire ressortir les particularités de son histoire. Cette étape donne lieu ensuite à un relevé systématique des principaux événements qui marquent l’itinéraire de la personne dans les parcours scolaire, professionnel, résidentiel, affectif, matrimonial et sexuel. Lors de la deuxième étape, ces événements relevés chronologiquement sont mis en vis-à-vis. Une telle démarche permet de voir rapidement, par exemple, à quel moment de la vie de la personne correspond la survenue d’une grossesse et quelle était alors sa situation affective, scolaire ou professionnelle. Ce traitement des données a pour objectif de « condenser » les informations sur la personne et de permettre une meilleure interprétation ultérieure.

22Le croisement de ces deux étapes – lecture approfondie et construction condensée des trajectoires – permet la rédaction d’un portrait « problématisé » (étape 3 de l’analyse). Le portrait problématisé se fait à la fois à la lumière de la position sociale de la personne (ce que nous appelons ses capitaux) et de ses particularités par rapport aux thématiques de l’enquête, qu’il s’agisse de difficultés contraceptives, de contraception, d’avortement, de maternité ou de rapports hommes-femmes. Cette problématisation découle forcément d’une interprétation du récit de la personne interrogée, et se focalise sciemment vers certaines dimensions particulières de sa vie. Afin d’éviter une vision trop subjective de la vie de l’enquêté(e), chaque portrait a fait l’objet de discussions collectives [9]. En croisant ainsi les façons de lire et d’interpréter un entretien (qui diffèrent d’un chercheur à l’autre), on aboutit au portrait qui paraît à tous le plus juste, le plus pertinent. Les points de désaccord sont très importants car ils obligent à une analyse plus fine et plus approfondie de l’entretien.

23Afin de gérer les difficultés afférentes à l’analyse d’un nombre important d’entretiens, nous avons recouru au logiciel d’analyse de données textuelles NVivo. Ce logiciel a été utile pour procéder au découpage thématique et au classement du contenu de chaque entretien en fonction des catégories d’analyse élaborées par nous-mêmes. Cette étape d’analyse transversale de nos 74 entretiens s’est avérée particulièrement efficace pour la conception des typologies des grossesses non prévues et a facilité le repérage des verbatim.

24Les différentes étapes de l’analyse ont débouché sur la construction d’une typologie des grossesses non prévues visant à faire émerger la complexité de la catégorie. La reconstitution de l’historique des relations affectives ou conjugales a permis le découpage en autant de séquences correspondant aux événements en lien avec la survenue (avérée ou crainte) d’une grossesse non prévue. Pour chacune de ces séquences, ont été identifiées les mentions faites à une grossesse non prévue par la personne elle-même, par son partenaire, par les deux en tant que couple ou par leur famille. Ces séquences ont été ensuite resituées dans leur cadre relationnel caractérisé selon son degré de légitimité, la situation socioéconomique de l’individu et l’effectivité des rapports de pouvoir dans les décisions relatives à la grossesse. Trois modalités de résolution ont été identifiées lorsque la grossesse non prévue (avérée ou crainte) surgit : la grossesse est menée à terme, la femme utilise la contraception d’urgence et/ou elle avorte.

V – Les différentes situations relationnelles autour de l’arrivée d’une grossesse non prévue

25Deux grands types de situations ont été identifiés dans notre échantillon : tantôt la grossesse survient dans un contexte relationnel qui ne se prête pas à la maternité, tantôt la grossesse se présente au contraire au sein d’une relation où une naissance est envisageable, mais où néanmoins le moment s’avère inopportun.

1 – Quand la relation ne se prête pas à la maternité

26Ont été regroupées ici les grossesses qui surviennent dans un contexte relationnel dans lequel la maternité n’a pas de légitimité sociale ou affective : soit les partenaires ensemble (ou au moins l’un des deux) ne se projettent pas dans un avenir partagé ; soit la relation est considérée comme non viable par l’entourage familial parce que les partenaires ne correspondent pas au profil attendu.

La maternité n’a pas de sens

27Il s’agit essentiellement de relations éphémères qui n’impliquent en principe aucun engagement. C’est le cas, par exemple, du tout premier rapport sexuel dans un couple non marié. Citons ici l’histoire de Bijou [10] (mariée, 1 enfant, niveau d’instruction primaire, commerçante, âgée de 29 ans au moment de l’enquête). Lorsqu’elle rencontre son premier petit copain, elle a 16 ans et lui 30 ans. Ils vont attendre un an avant d’avoir leur premier et unique rapport sexuel. Il travaillait alors en Italie, ne revenant à Dakar que pour les vacances. Lors de l’un de ses séjours au Sénégal, après plusieurs mois de séparation, il se montre désireux de faire l’amour. D’abord surprise, Bijou finit par se laisser aller et cède à sa demande. A posteriori, elle explique avoir perdu le contrôle de la situation :

28

« D’habitude, je n’acceptais pas d’aller aussi loin avec un homme dans certains trucs, vraiment. On est arrivé à un moment où tu vois, moi je ne sais même pas par où ça m’est venu quoi. »

29Quand on lui demande si elle était consentante, elle répond :

30

« Non il ne m’a pas forcée, vraiment, il ne m’a pas forcée hein. Mais moi je ne l’avais jamais fait quoi, je n’ai pas réagi. »

31Dans le feu de l’action, ils négligent toute protection. Quelques semaines plus tard, après le départ de son copain pour l’Italie, Bijou soupçonne qu’elle est enceinte. Après deux mois d’aménorrhée et de malaises, elle finit par aller consulter à l’hôpital et voit ses craintes confirmées. À 17 ans, la maternité lui semble d’autant moins pensable qu’elle ne se projetait pas dans une union stable avec cet homme qui ne convenait pas à sa mère. Celle-ci avait un autre projet de mariage pour sa fille avec un cousin éloigné émigré en Europe. Bijou vit très mal cette situation :

32

« ça m’a fait mal hein. Vraiment ça m’a fait mal parce que c’est un truc qui m’a beaucoup surprise. J’étais très surprise parce que d’habitude je prévoyais les choses, je prévoyais toujours tu vois. »

33Bien que totalement désemparée, Bijou décide (avec le soutien de sa mère) de mener cette grossesse à terme :

34

« Bon, moi non plus je n’ai rien essayé parce que je savais que c’est la volonté de Dieu. Après j’ai appelé ma mère et je lui ai tout expliqué, elle aussi ça lui a fait très mal. […] De toute façon moi, je n’avais pas l’intention d’y toucher [elle n’envisageait pas d’avorter]. »

35Elle y voit la volonté de Dieu de l’éprouver. Furieuse contre son partenaire, elle décide d’abord de le laisser dans l’ignorance de la grossesse et de rompre. Il finit par l’apprendre et tente alors une demande en mariage, qu’elle refuse catégoriquement avec le soutien de sa famille. Elle se mariera plus tard avec un autre homme et confiera sa fille à sa mère.

36L’histoire de Bijou est exemplaire des conséquences d’un premier rapport non anticipé. En acceptant de rester seule avec son copain, elle n’imaginait pas y risquer sa virginité et encore moins se retrouver enceinte. Voilà un cas de figure assez classique de grossesse imprévue qui survient dans une relation jeune, non construite, dans laquelle les partenaires (tout au moins la femme) excluent d’emblée tout projet de maternité.

Une grossesse pour pérenniser la relation

37Dans d’autres situations récurrentes de notre échantillon, la relation est dominée par une tension autour de son acceptation par l’entourage et les familles. Deux partenaires se fréquentent et mènent une vie sexuelle, tout en sachant le plus souvent que leur union n’est pas bien perçue par l’entourage familial aux yeux duquel le (ou la) partenaire ne correspond pas aux critères attendus du « bon parti ». Dans pareils cas, les partenaires gardent leur relation secrète autant que possible. Lorsqu’une grossesse survient dans ces conditions, l’avenir même du couple est en jeu. Pour le couple concerné, la ruse ou la rupture sont les deux options envisageables. L’histoire d’Anta (25 ans, mariée, 1 enfant, niveau secondaire, sans emploi) illustre bien la première option : Anta n’a eu qu’un seul copain dans sa vie. Elle l’a rencontré lorsqu’elle était en CM2 lors du cours de soutien scolaire que lui faisaient suivre ses parents. Le répétiteur est un homme de dix ans son aîné, et une relation affective fraternelle s’installe entre eux qui dure plusieurs années. Un jour, alors qu’Anta a grandi, l’homme lui avoue ses sentiments. Surprise, puis flattée, Anta accepte ses avances. Elle a alors 18 ans et lui 28, et une relation chaste s’installe entre eux. Parallèlement, à l’occasion d’un séjour de vacances dans sa famille dans une ville de l’intérieur du pays, Anta sent que quelque chose se trame dans son dos. Effectivement, une fois revenue à Dakar, son père lui annonce qu’il a organisé son mariage avec son cousin. Anta refuse catégoriquement et révèle son amour pour l’autre homme. Rendu furieux par un tel affront, son père la gifle. Ses tantes et cousins essaient de la ramener à la raison et lui conseillent de suivre la volonté de son père. Mais Anta campe sur sa position. La situation s’envenime et Anta réalise que les choses deviennent sérieuses. Tout le monde se ligue contre elle. Pour échapper à ce piège, Anta raconte comment elle décide de tomber enceinte de celui qu’elle aime pour mettre fin au projet de mariage imposé :

38

« j’ai compris que les parents commençaient à parler de choses sérieuses, je ne savais pas quoi faire. Le jour de son anniversaire [de son copain], je me suis mise à penser, tu sais nous les femmes on a des possibilités. Je me suis dit : “ces gens-là veulent me donner de force en mariage ? Attends, je vais tout faire aujourd’hui pour avoir des rapports sexuels et tomber en état de grossesse, hein !”. Je préférais être en état de grossesse que de marier avec mon cousin, parce qu’à ce moment, ces gens [sa famille] sont sérieux à un tel point qu’ils oseraient célébrer le mariage, alors je ne pourrai plus rien y faire. Donc c’était le jour de son anniversaire, je suis allée chez lui. On est restés toute la soirée. Tu sais, une femme, avec ses possibilités (rire), je l’ai provoqué jusqu’à ce que… il m’a déviergée et tu sais, je lui ai expliqué. On a continué de plus en plus à avoir des rapports sexuels. C’est après qu’on a constaté que j’étais enceinte. J’ai appelé ma mère pour lui dire que j’étais en état de grossesse et elle m’a dit : “tu vas me couvrir de honte”, tu sais les mères ! Je lui ai dit : “tout ça, c’est votre faute parce que je vous ai dit carrément que je n’en voulais pas, que je n’en voulais pas !” Voilà, maintenant, j’ai fait exprès d’être en état de grossesse, c’est tout. »

39L’annonce de la grossesse crée de vives réactions dans la famille et l’entourage. L’imam du quartier consulté sur l’affaire propose d’attendre un peu que les choses se calment avant de lancer les formalités de mariage. Anta et son copain, désormais convaincus que rien ne peut plus nuire à leur union, suivent le conseil. Ils se marient après la naissance de l’enfant, qui coïncide aussi avec la fin des études de son copain et son entrée dans la vie active.

40Anta a ainsi usé de ruse pour faire pression sur son groupe d’appartenance et cherché, par une grossesse que nous qualifions de « stratégique », à forcer l’acceptation sociale de la relation. Aussi, dans ce bras de fer entre la famille et le couple, la grossesse est-elle le drapeau blanc qui met fin aux tractations. Dans la logique de la grossesse stratégique, le désir de maternité est d’une nature particulière, car il est un instrument de lutte pour parvenir à pérenniser un couple socialement atypique. Dans ce cas précis, les deux partenaires sont ligués contre la famille. C’est donc du point de vue de la famille et non des partenaires que la grossesse non prévue prend sa signification en tant que telle.

41Les désaccords familiaux autour d’un projet conjugal sont récurrents dans nos entretiens. Les cas d’incompatibilités sociales qui font obstacle au mariage concernent le plus souvent l’identité ou le statut social de l’un des partenaires (son statut économique, sa religion ou encore son origine sociale). Une des spécificités de la société sénégalaise concerne un certain nombre d’ethnies majoritaires où se reproduit un système de division en castes dont les attributions sociales d’origine professionnelle continuent à avoir des incidences fortes (Diop, 1985). Les règles d’endogamie qui en découlent redoublent les interdits et prescriptions religieux ou ethniques et exercent une pression plus ou moins forte sur les choix matrimoniaux selon les milieux. Mais, partout, l’union entre un membre de caste et un noble reste extrêmement stigmatisée. Si les deux partenaires se trouvent dans cette situation, leur relation est socialement niée et déclarée sans avenir. Il est rare dans ces cas que les deux partenaires soient en accord, car le choix d’une telle union est difficile à assumer. La rupture est alors l’issue la plus probable comme le montre l’histoire de Seydou.

42Seydou (24 ans, célibataire sans enfant, niveau primaire, artiste rappeur, Wolof) relate ainsi la relation qu’il a entretenue pendant près de 2 ans avec l’une de ses nombreuses conquêtes. Amoureux au début de la relation, il se lasse peu à peu, tandis que sa compagne s’attache de plus en plus à lui. La fille est prête à tout pour le garder et va même jusqu’à pratiquer le mbaraan pour lui offrir régulièrement de l’argent de poche et des cadeaux. Seydou y trouve son compte, mais il la trouve trop « docile » et ne voit pas d’avenir pour leur relation. Lui est noble et elle de la caste des griots, il n’envisage pas de l’épouser. Convaincu de l’impasse dans laquelle ils se trouvent, Seydou tente de persuader sa partenaire d’accepter l’une des nombreuses propositions de mariage qui lui sont faites par ses parents pour la détourner de lui. Elle les refuse toutes et propose à Seydou d’avoir un enfant avec lui pour imposer leur amour. Seydou prend peur, ils ne sont pas d’accord sur le sujet. Lui ne veut pas d’enfant avec elle. Il exprime sa position en ces termes :

43

« Elle disait que si ça tenait qu’à elle, on allait avoir un enfant à l’instant même. À chaque instant, elle me disait cela, mais moi ça ne m’aurait pas arrangé quoi ! Je lui disais non “on attend un peu plus tard, ça va aller”. Mais à chaque instant elle me le proposait allant jusqu’à pleurer. Elle voulait que je l’engrosse par force. Ça lui faisait mal. Après j’ai eu peur. J’ai failli le faire à un moment, mais je me suis dit “non, non si je le fais aussi c’est gâcher ma vie quoi. Je vais l’arrêter”. »

44Il parvient à la convaincre qu’il n’est pas prêt à lutter pour imposer leur union. Elle finit par se résigner et le quitte pour épouser un des prétendants que sa famille lui propose.

45Dans le récit de Seydou, le projet de grossesse stratégique, ardemment désirée par sa copine, n’est pas partagé par lui et n’aboutira pas. Derrière la position antagoniste des deux partenaires sur la question de faire ou de ne pas faire un enfant se cache une opposition ferme sur l’avenir de leur relation. Pour Seydou, la différence de caste ne laisse aucun doute sur le caractère temporaire de leur idylle. La réaction négative que suscite chez lui la perspective d’une grossesse finit par convaincre la jeune femme de la fragilité de ses sentiments à son égard. L’enjeu autour de la maternité/paternité se cristallise dans le jeu de pouvoir (établi ici par la hiérarchie sociale) qui s’instaure entre elle et lui et les conduit à la rupture.

Quand la grossesse menace la relation

46Dans certaines relations, la sexualité est instrumentalisée par les deux partenaires à travers la pratique du mbaraan. Cette pratique d’échange de services sexuels et sociaux contre rétribution est, comme nous l’avons déjà indiqué, relativement courante au Sénégal. Destinée à améliorer leur bien-être personnel, les jeunes femmes interrogées dans notre enquête déclarent s’en servir également pour aider leurs familles. Les partenaires sont choisis en fonction de leur solvabilité, ce qui exclut du jeu les jeunes gens de la même classe d’âges que la femme, souvent désargentés. L’argent pour la femme versus la gratification sexuelle [11] pour l’homme conditionnent donc la durée de la relation. Cette relation exclut généralement toute perspective de mariage, et chacun des partenaires prend la responsabilité de se protéger d’une grossesse imprévue, ou d’une IST.

47Myma (23 ans, célibataire sans enfant, niveau d’instruction secondaire, couturière) constitue un cas éloquent de ce type de relation. Elle se pose elle-même en experte du mbaraan. Au moment où nous la rencontrons, elle entretient quatre relations en même temps et poursuit un objectif précis : elle aime le luxe et rejette celui qui ne veut ou ne peut pas payer. Elle nous dit :

48

« Tu sais, les filles d’aujourd’hui ne se suffisent pas de ce qu’elles ont, elles ne peuvent pas se suffire. Tout ce qu’on veut coûte cher, c’est ça. Aussi parfois, tu sais le mbaraan te règle certaines choses, […] quand tu as besoin de quelque chose tu leur dis j’ai besoin de 50 000, soit ils te donnent, soit ils ne te donnent rien. Ils te règlent tes problèmes quoi. Parfois c’est bon, parfois pas. Mais quand même ils te donnent, parce que moi, le mbaraan, soit tu me donnes ce dont j’ai besoin et on reste ensemble, soit tu ne me donnes rien et chacun va voir ailleurs, c’est comme ça. »

49Son système lui rapporte l’équivalent mensuel d’un salaire de cadre et lui permet de compléter les revenus qu’elle tire de son atelier de couture. Myma n’entend pas être enceinte. Elle n’utilise personnellement pas de moyen de contraception mais a toujours utilisé le préservatif avec ses différents partenaires. Elle n’a d’ailleurs jamais eu à s’en soucier car tous se montrent très précautionneux et en ont toujours dans la poche. Quand on lui demande si elle n’a jamais eu de problème, elle répond :

50

« Oui cela nous est arrivé, hi ! J’ai eu peur. Parce que le truc a éclaté, je ne sais plus, un moment, mon copain a crié il a dit aïe, le préservatif a éclaté. Je lui dis qu’est-ce que cela veut dire, il me dit que c’est le préservatif qui a éclaté, je lui dis éclaté !!? Il me dit oui, j’ai eu peur ce mois-là, j’ai eu vraiment peur, mais aussi, peut-être que je n’étais pas dans ma période, je ne suis pas tombée enceinte, je ne suis pas tombée enceinte. Oui, cela nous est arrivé une fois. hi ! j’ai eu peur parce que tu sais être enceinte aussi, nous ne le souhaitons pas en tout cas, nous ne le souhaitons vraiment pas. »

51Dans cette situation de mbaraan, telle que vécue par Myma, le projet de maternité n’est pas de mise. La survenue d’une grossesse risquerait de compromettre un équilibre matériel et financier que la femme cherche avant tout à se constituer à travers ces relations. Ici, la sexualité est totalement déconnectée de tout projet conjugal et davantage encore de sa fonction procréative.

52Le système est répandu chez les jeunes femmes de notre échantillon. Kancou (20 ans, célibataire sans enfant, niveau d’instruction supérieur, étudiante), autre experte du mbaraan, se définit elle-même sur le plan sentimental comme une fille qui a eu « trop d’expérience ». À 18 ans, alors qu’elle vient de réussir son brevet d’études, un ami d’enfance lui déclare son amour avant de partir travailler en Espagne faire des affaires. Kancou accepte de sortir avec lui (à distance) mais pratique parallèlement le mbaraan. Elle entretient une relation privilégiée avec l’un de ses nombreux partenaires. Leur relation est uniquement basée sur une forte complicité sexuelle. Il est attentionné et surtout lui procure du plaisir. Lui aussi a une copine en Europe et ils ne font aucun projet d’avenir ensemble. Elle précise à ce propos que leur couple présente un défaut : elle est musulmane et lui catholique. Elle tombe enceinte de lui et, sans hésiter, ils décident d’un commun accord de mettre fin à la grossesse. Ils se rendent chez un infirmier qui pratique chez lui à « un tarif étudiant », soit 50 000 francs CFA (environ 80 €) entièrement payés par le partenaire. Cet avortement, rondement mené, marquera la fin de leur relation.

53Entre temps, Kancou se familiarise avec la famille de son copain d’Espagne et leur relation devient beaucoup plus sérieuse. Il prend l’habitude de lui faire des cadeaux et il lui envoie 35 000 à 50 000 francs CFA par mois. Il lui offre un portable pour pouvoir la surveiller. Mais Kancou supporte mal l’abstinence sexuelle et poursuit quand même ses amours rémunératrices. Pas très précautionneuse, son usage du préservatif est irrégulier :

54

« ouais c’est plus sûr, mais des fois quand on prévoit pas de le faire, t’as pas de préservatif sur toi, eh ben on se dit “Ah, on tente !” Y a un de mes copains, lui il éjacule dehors, ouais. »

55Elle ne s’intéresse pas à la contraception, et surtout refuse d’y consacrer de l’argent :

56

« Vaut mieux prendre des contraceptifs, mais j’y pense pas souvent à la contraception. Parce que mon fric, je le mets pas dans ce genre de truc. Chaque fois quand j’ai de l’argent, c’est pour acheter des feuilles pour mes cours ou bien des fringues, c’est tout, mais acheter ces genres de truc, j’y pense pas du tout bizarrement. »

57Pourtant, une grossesse est pour le moment totalement exclue pour elle, ainsi que l’idée même de mariage :

58

« si je tombe enceinte qu’est-ce que je vais dire à mes parents ? Tu vois les conséquences. Tu te dis attend, ils [sa famille] vont rigoler de toi ça c’est sûr. Même mon avenir serait à l’eau parce qu’avec un bébé vraiment, je pense pas que je vais pouvoir suivre mes études. Le mariage et être femme au foyer, ça je ne veux pas. Je sais que beaucoup de gens dans ma famille se disent que celle-là tôt ou tard elle va amener un bébé ici… parce qu’à chaque fois je vais danser. Je m’en sors dans mes études, mais je le sais, j’ai trop d’amis ; je suis rarement à la maison. Mais je fais en sorte qu’on ne me voit pas là où on s’attend à me voir comme on dit en wolof. Donc j’évite de tomber enceinte en ce moment. »

59Suite à une déchirure de préservatif avec l’un de ses amants, elle prend la contraception d’urgence dès le lendemain matin. Elle connaît bien cette méthode depuis qu’une amie lui en a expliqué le principe et elle l’utilise souvent. En outre, elle connaît des endroits où avorter et elle y amène ses copines en difficultés. Kancou est une jeune femme qui sait ce qu’elle veut. À ce stade de sa trajectoire, ni le mariage, ni la maternité ne font partie de ses aspirations. Ses priorités se tournent vers d’autres sources d’épanouissement : les sorties avec les amis et les études. Elle connaît la contraception et ses avantages, mais ne l’utilise pas par choix. Elle gère le risque de grossesse non prévue à sa manière, recourant tantôt au préservatif, tantôt à la contraception d’urgence ou encore à l’avortement en cas d’échec et assume totalement ses choix.

2 – La relation se prête à la maternité mais le moment est mal venu

60Dans ce type de relation, se trouvent les cas où les partenaires ont une fréquentation guidée par un projet de vie commune. Généralement les partenaires se connaissent depuis suffisamment longtemps pour penser qu’ils détiennent les caractéristiques mutuelles de futurs conjoints. Cette prise de conscience ouvre ainsi une dimension cruciale dans l’attitude vis-à-vis du risque de grossesse non prévue puisqu’un projet de vie commune est envisagé ou envisageable. Deux déclinaisons sont apparues dans notre échantillon selon que la relation est officiellement légitimée par un mariage ou pas.

Le déshonneur de la grossesse prénuptiale

61Sont classées ici les situations où la relation s’inscrit dans la durée et qu’un projet de mariage est socialement acceptable et agréé par les familles. Si une grossesse survient inopinément, son accueil dépendra de la manière dont les partenaires, et surtout la femme concevront l’arrivée impromptue d’un enfant à ce moment de leur trajectoire. Mais la situation est réévaluée à la lumière de l’opportunité du mariage. La grossesse a donc de fortes chances d’être menée à son terme. Seul cas où la grossesse prémaritale est généralement tolérée par l’entourage, elle donne lieu dans la plupart des cas à une anticipation de la célébration du mariage quand la grossesse est connue très précocement, ou après la naissance de l’enfant au moment du baptême lorsqu’elle est connue plus tardivement.

62L’histoire de Niany (22 ans, mariée, 3 enfants, niveau d’instruction secondaire, sans emploi) illustre ce type de situation. À 16 ans, Niany rencontre un garçon lors d’une visite à un membre de sa famille habitant dans le quartier. Ils discutent, se plaisent et échangent leurs coordonnées. Lui a alors 23 ans et travaille comme chauffeur. Très vite, ils ont un premier rapport sexuel pendant lequel ils utilisent un préservatif. Dès le second rapport, en revanche, ils ne prennent plus aucune précaution et Niany est très vite enceinte. Après un retard de règle de près de deux mois, elle commence à s’inquiéter. Elle va alors consulter et le verdict tombe. Elle ne s’attendait pas du tout à cette grossesse :

63

« ah c’était un accident. Bon, je crois que c’était un accident, la volonté de Dieu quoi. C’est pas que je le voulais, ou que lui le voulait. »

64Cédant à la panique dans un premier temps, elle envisage d’avorter :

65

« J’ai vécu dans la crainte, jusqu’à ce que je sois sûre d’être enceinte. Dès que je l’ai su, j’ai eu peur, j’ai eu si peur, je voulais avorter. C’est lui qui m’a dit de ne pas avorter. »

66Son copain réussit à la convaincre d’accepter la situation et d’assumer ensemble la responsabilité de cette grossesse non prévue. Il la rassure quant à ses intentions vis-à-vis d’elle et de l’enfant. Les deux familles profondément irritées par le déshonneur de cette grossesse illégitime, ne s’opposent pas à leur union. Deux mois après l’accouchement, ils se marient. Dans le cas de ce couple, l’inconvenance de la grossesse est réévaluée à l’aune de la relation. En l’occurrence, les deux partenaires conçoivent de faire leur vie ensemble et rien ni personne ne vient remettre en cause la légitimité du couple. L’union peut donc être scellée officiellement et l’affront d’une grossesse prémaritale ainsi réparé.

Quand la grossesse n’est pas la priorité du moment

67Dans le cadre de l’union légitime, la grossesse n’est pas toujours la bienvenue. Ici, l’enjeu de maternité prend une tournure particulière parce qu’il se situe dans le cadre socialement admis de la maternité par excellence.

68Dans ce dernier groupe ont été réunies les grossesses qui surviennent au sein d’une relation déjà socialement reconnue et scellée par le mariage. Dans les représentations sociales dominantes, au Sénégal comme dans beaucoup de pays africains, la naissance d’un enfant est attendue très rapidement après le mariage. L’exemple de Kadia (30 ans, diplômée du supérieur, secrétaire) illustre bien la contrainte imposée à la plupart des jeunes couples sénégalais.

69Kadia est mariée depuis quelques mois avec un homme de 3 ans son aîné, qui occupe un bon poste dans une société industrielle. Elle habite encore chez ses parents mais s’apprête à rejoindre le domicile conjugal au moment de l’entretien. Elle-même gagne bien sa vie dans une entreprise dakaroise prospère, mais doit faire face à de nombreuses charges familiales : elle donne chaque mois une partie de son salaire à sa mère et paie une école privée à l’une de ses nièces. De son côté, son mari consacre lui aussi une bonne part de ses revenus au financement des nombreuses cérémonies qui rythment la vie familiale : baptêmes, mariages ou décès. Kadia considère sa relation avec son mari comme plutôt égalitaire et décrit un couple où le dialogue et l’échange fonctionnent bien. Ils souhaitent avoir des enfants, mais sont soucieux de leur donner une bonne éducation, ce qui nécessite d’augmenter leurs revenus. Elle voudrait compléter sa formation pour prétendre à un poste mieux rémunéré et ils envisagent de repousser la naissance de leur premier enfant. Mais le point de vue de la famille est tout autre. Sa belle-mère et sa mère font pression sur Kadia et s’inquiètent du fait qu’elle ne soit toujours pas enceinte. Même le gynécologue qu’elle a consulté pour prendre la pilule lui a conseillé d’avoir d’abord un premier enfant avant de recourir à la contraception. Elle est consciente qu’en jetant sur elle le doute de la stérilité, ses aspirations la mettent en porte-à-faux avec son entourage. Elle craint pour l’équilibre de son couple, fragilisé par une belle-mère inquisitrice qui lui reproche sans cesse de ne pas se comporter comme une « bonne » épouse. Dans ces conditions, elle n’ose pas imposer son choix de la contraception :

70

« je prends pas de pilule parce que les gens me disent non, surtout ma mère, elle dit non il ne faut rien prendre. Ben on a beau dire on a nos réalités. Ici au Sénégal tu te maries, un an tu tombes pas enceinte les gens te regardent. On se demande si tu n’es pas stérile et pourquoi tu ne peux pas avoir d’enfant. »

71Son projet professionnel et son désir de retarder la maternité entrent en conflit direct avec les attentes de son entourage en matière de procréation. L’injonction à la maternité, en lui rendant difficile l’usage de la contraception, ne lui laisse nullement la certitude de pouvoir éviter une grossesse.

Quand les grossesses s’enchaînent trop vite

72Si la norme contraceptive observée dans les pays du Nord (Bajos et Ferrand, 2002) ne semble guère s’appliquer en Afrique de l’Ouest, l’espacement des naissances est, quant à lui, valorisé. Quand il n’est pas respecté, la grossesse est alors considérée comme « non prévue ». L’histoire génésique d’Anna (37 ans, mariée, 3 enfants, études supérieures, sans emploi) en rend compte. Au moment de l’entretien, le dernier de ses trois enfants a 5 ans. Le deuxième est né rapidement après le premier, car Anna ne prenait alors aucune contraception et a dû interrompre rapidement l’allaitement en raison d’une grave crise de paludisme. L’aîné n’a pas 6 mois quand elle tombe enceinte. Après la naissance du deuxième, épuisée et bien décidée à prendre ses précautions, elle se fait prescrire la pilule. Mais elle craint les effets secondaires ; elle se sent fatiguée, malade et, sur les conseils d’amies, elle envisage d’utiliser plutôt un grigri dont on lui vante les vertus. Par prudence, elle continue tout de même la pilule. Elle entame alors de longs mois de prises totalement anarchiques de pilule combinées au grigri. Elle tombe à nouveau enceinte mais fait une fausse couche. Elle reprend alors la pilule, l’oublie encore et se retrouve (à son grand étonnement) enceinte de son troisième enfant :

« Cette grossesse de mon dernier enfant là m’a surprise. C’est la période où je prenais la pilule. J’ai commencé à la prendre comme ça et en même temps subitement j’ai pris la grossesse malgré la pilule. Parce que c’est dû aux oublis dont je te parlais, j’étais négligente de ce côté. Je suis partie en consultation, on m’a fait savoir que je suis enceinte. J’ai dit : HAN ?! »
Son mari lui reproche de ne pas se reposer suffisamment entre chaque enfant. Après ces deux grossesses non prévues successives, elle décide alors, suivant les conseils médicaux, de choisir une méthode efficace et qui cette fois lui convient mieux : l’injection. Dans le cas illustré ici par Anna, la grossesse non prévue qui survient dans l’union légitime ne pose guère d’autre problème que celui qui renvoie à la question de l’espacement des naissances. Dans le parcours d’Anna, les deux grossesses non prévues sont menées à terme. Anna n’envisage à aucun moment de recourir à l’avortement mais déplore simplement l’épuisement que ces grossesses rapprochées lui occasionnent. Ce cas nous semble exemplaire d’une situation particulière souvent négligée dans la littérature qui associe principalement les grossesses non prévues aux célibataires. L’union, cadre privilégié de réalisation du projet parental, renferme souvent des situations de tensions autour du rythme et du nombre des grossesses. Ces tensions sont à mettre en lien avec la faiblesse relative du recours à la contraception moderne des femmes en union (moins de 20 % à Dakar en 2005 – EDS IV).

VI – Discussion

73Les données que nous avons recueillies ne prétendent pas être représentatives de l’ensemble de la population de Dakar. Cela est inhérent à toute approche qualitative. Cependant, elles prennent toute leur valeur par la finesse des informations recueillies, par leur capacité à informer sur les processus sociaux liés à la maternité et la manière dont les populations les vivent au quotidien. Ainsi, nous avons pu approcher au plus près les situations qui entourent la survenue des grossesses non prévues (GNP) et les enjeux individuels et collectifs qui leur sont associés, sans imposer de cadre de référence aux enquêtés. Cette approche est particulièrement adaptée à notre question de recherche qui propose de réinterroger la notion de GNP en mettant à jour des réalités complexes que les enquêtes par questionnaire ne peuvent appréhender.

74Par ailleurs, on pourrait regretter que nos données ne croisent pas les réponses des hommes et des femmes sur les mêmes événements. Nous analysons en effet les relations de couple du seul point de vue de l’un des partenaires, car nous avons fait le choix de saisir le partenaire de l’interviewé à travers ses dires. Néanmoins, on peut penser que le fait d’interviewer les deux partenaires aurait pu induire une certaine retenue dans les réponses et réduire la spontanéité des répondants. Au final, la richesse des témoignages obtenus sur des sujets aussi intimes dans une société où la sexualité hors mariage est fortement stigmatisée compense largement les limites méthodologiques. Notre expérience rejoint sur ce point le constat d’autres chercheurs à propos de l’intérêt des approches qualitatives pour aborder les questions relatives à la santé sexuelle et reproductive en Afrique (Randall et Koppenhaver, 2004 ; LeGrand et al., 2003). L’étude conduite ici nous a permis de discuter l’approche simplificatrice des grossesses non prévues (GNP) et plus généralement de ses modes de régulation en Afrique subsaharienne. La grande diversité et la complexité des situations que recouvrent les GNP à Dakar ainsi que leur mise en perspective permet d’identifier quatre dimensions structurantes du rapport à la maternité.

1 – Le contexte relationnel

75Le premier élément structurant pour comprendre les enjeux associés aux GNP est le « contexte relationnel » dans lequel elles surgissent. Nous rejoignons sur ce plan le constat fait dans les études sur la sexualité en Europe (Bajos et Bozon, 2009 ; Marquet, 2004). Dans le contexte africain, la légitimité sociale de la relation dans laquelle survient la GNP apparaît déterminante dans la façon dont une femme ou un couple réagit à son annonce. Nous avons vu, en effet, que certaines relations excluaient par principe tout projet de maternité alors que d’autres les autorisaient. Malgré la banalisation des relations non conjugales, la norme sociale lie encore très fortement procréation et mariage (Adjamagbo et al., 2004b) et interdit toujours d’envisager sereinement la sexualité et la maternité des célibataires, qu’il s’agisse des premiers rapports, de rencontres occasionnelles ou de mbaraan. Les réactions conservatrices à l’égard de ces changements majeurs dans la vie des jeunes générations ne sont pas propres à Dakar. Cette norme s’observe ailleurs en Afrique et interroge quant à ses retombées sur la santé sexuelle et reproductive des jeunes (Speizer et al., 2001 ; Bankole et al., 2006), en particulier sur leur capacité à se protéger des GNP et des IST.

76Si une GNP en dehors du mariage n’est pas souhaitable, elle peut devenir envisageable en fonction du degré de conformité du couple conjugal potentiel à la norme autant qu’à l’image sociale des individus et de leurs familles. La régularisation des grossesses non prévues est un fait caractéristique de la société dakaroise (Mondain et al., 2009). Lorsque la nouvelle d’une grossesse se répand, l’entourage et la famille peuvent faire pression pour que la femme désigne le géniteur (si la relation était clandestine) afin de l’inciter rapidement à prendre ses responsabilités. À défaut d’épouser la mère, il lui faudra pour le moins reconnaître l’enfant. Dans les récits que nous avons recueillis, les hommes craignent particulièrement d’avoir à reconnaître et assumer une paternité non prévue. Ces pratiques de « régularisation » a posteriori sont un moyen important de gestion des grossesses non prévues des jeunes célibataires dans les sociétés africaines actuellement, et mériteraient d’être davantage prises en compte dans les enquêtes.

77L’annonce de la GNP chez les jeunes célibataires suscite invariablement des tensions entre les partenaires, mais aussi entre le couple et l’entourage. Généralement, ce n’est pas tant l’enfant à naître qui est en jeu que le cadre dans lequel il doit être accueilli. L’opportunité sociale et économique de l’union est alors évaluée et du verdict découle sa destinée. C’est ainsi que lorsque l’un des partenaires ne répond pas aux attentes, la famille incite à la rupture. Souvent, les partenaires anticipent les conflits et mettent fin à la grossesse avant qu’elle ne soit révélée publiquement. Dans ces cas, l’avortement est le plus souvent envisagé. Parfois, la grossesse non prévue se trouve au cœur d’une tractation entre les deux partenaires, ou entre le couple et la famille, pour imposer envers et contre tous l’union socialement impossible, comme dans le cas des grossesses que nous avons qualifiées de stratégiques.

2 – Les différents protagonistes

78Ces remarques nous renvoient à la deuxième dimension structurante du rapport à la maternité et à la paternité : celle des relations de pouvoir entre « les différents protagonistes » (l’individu, le couple, la famille et/ou l’entourage). Lorsque se diffuse l’annonce d’une GNP, un jeu de négociation s’instaure entre les différents acteurs (l’homme, la femme, le couple, la famille, et même le prestataire de soins) aux intérêts parfois divergents. Il serait vain en effet de considérer le couple comme une entité indépendante, tournée vers ses propres intérêts. Que ce soit dans une union conjugale ou non, la maternité est toujours l’occasion d’une immixtion de la famille dans les affaires privées du couple (Katz et Naré, 2002).

79Au Sénégal comme ailleurs en Afrique, l’enjeu de maintien d’une cohésion sociale rend délicate toute expression de projet autonome, surtout lorsque celui-ci est en discordance avec les pratiques sociales attendues. Dans la sphère privée de la relation conjugale, s’exercent tous les enjeux de la reproduction sociale et biologique des communautés. Si cette affirmation s’applique à bon nombre de sociétés, y compris occidentales (Segalen, 2003), elle s’impose avec une acuité particulière en Afrique. Le constat d’une famille veillant âprement au respect des règles procréatives et conjugales, également mis en lumière par nos données, renvoie au problème de la difficile expression des individualités face au collectif qui traverse différentes sphères de la vie sociale en Afrique (Calvès et Marcoux, 2007). Le couple est loin d’être le seul référent dans la prise de décision (Kagwa et al., 2008). À Dakar, les jeunes femmes nouvellement mariées subissent avec insistance l’injonction sociale à la maternité. Sommées de faire rapidement la preuve de leur fertilité, elles peuvent difficilement justifier de différer à leur guise l’arrivée d’une naissance. Pour une jeune femme motivée par d’autres sources d’épanouissement que la maternité à ce moment précis de sa trajectoire de vie, l’annonce d’une grossesse sera vécue de son point de vue personnel comme malvenue, alors qu’elle sera fortement désirée et attendue par la famille.

3 – Les rapports de pouvoir fondés sur le genre

80Les divergences d’intérêt dans la gestion de la fécondité soulignent la question cruciale des « rapports de pouvoir fondés sur le genre », troisième dimension importante dans notre analyse. Il ressort de nos récits que le rapport que les femmes entretiennent avec la maternité est encore solidement ancré dans les normes procréatives. Les tensions qui se cristallisent autour de l’enjeu d’une grossesse non prévue donnent lieu à des négociations dont l’issue varie en fonction de la position sociale de la femme et de ses capitaux économiques ou intellectuels. Les femmes mariées ont, pour toutes les raisons que nous venons d’aborder, une marge de manœuvre relativement mince comparées aux célibataires. Ces dernières, non engagées dans le contrat social du mariage, ont en effet une liberté de choix plus étendue lorsque la GNP est constatée ou lorsqu’elle est crainte. Mais cette remarque doit être nuancée, car seules les mieux armées en capitaux sociaux et scolaires accèdent facilement à l’avortement ou à la contraception d’urgence. Pour les autres, les options sont réduites et consistent surtout à se faire épouser ou, à défaut, à faire reconnaître l’enfant par le père. Autrement dit, il existe bien des inégalités sociales face à une GNP et face aux risques biologiques et sociaux qui lui sont associés. Pour les catégories les moins biens dotées en capitaux personnels, la GNP risque de porter un frein aux projets de mobilité sociale en imposant le statut peu valorisé de mère célibataire et en réduisant les chances d’un « bon » mariage. C’est sans nul doute l’une des principales raisons pour laquelle, lorsque la GNP arrive, l’urgence du mariage se fait plus pressante, y compris pour les familles qui craignent de devoir en supporter la charge. Pour les mieux nanties, par contre, la GNP tout aussi lourde de conséquences est gérée comme un échec de contraception auquel l’IVG peut apporter une réponse, à moins qu’elles aient pu prendre à temps la contraception d’urgence. Ainsi, la manière d’aborder une grossesse non prévue est déterminée par des logiques de pouvoir qui ne se limitent pas au sexe, mais intègrent aussi la question du statut socioéconomique. Ce point est important puisqu’il détermine une différence entre les femmes. On voit se dessiner une catégorie de femmes qui fait preuve d’une certaine « agentivité » [12] dans leur façon de gérer la sexualité, voire d’instrumentaliser la GNP pour imposer une relation, face à d’autres catégories plus désemparées devant cet événement fortuit.

4 – La précarisation des conditions de vie

81Ceci nous conduit à la dernière dimension structurante du rapport à la maternité que nous avons identifiée. Il s’agit de « la précarisation des conditions de vie » qui, à Dakar comme ailleurs dans les villes d’Afrique subsaharienne, rend urgent pour certaines femmes l’entrée en mariage, perçue, à tort ou à raison, comme la garantie d’une relative sécurité économique. Elle accentue les tensions sur les enjeux économiques du mariage et de la sexualité et favorise les échanges économico-sexuels (mbaraan) qui confèrent aux femmes aide et subsistance, voire contribuent à leur autonomie en leur ouvrant une voie vers l’indépendance économique.

82Cette indépendance économique, appréciée par celles qui y accèdent, n’est pas pour autant clairement revendiquée comme une alternative au mariage, étape jugée incontournable et valorisante dans la vie d’une femme. Le mbaraan est vécu par les femmes que nous avons rencontrées comme un épisode temporaire, prélude au mariage. On retrouve ici une logique transitoire, similaire à celles décrites au Maroc par Mériam Cheikh (2009), ou encore par Paola Tabet (2004), traitant des sociétés européennes et africaines. Située entre jeunesse et âge adulte, la transaction économico-sexuelle fonctionne comme un système où le principe de liberté et d’absence de contrainte est déterminant. Une grossesse non prévue n’est jamais la bienvenue avec ces « amants abonnés au service sexuel tarifé » [13] car elle risque de mettre fin à ce qui donne sens à la relation : la recherche d’un équilibre matériel et financier. Ces transactions pécuniaires sont désormais au centre d’une recomposition des rapports de pouvoir entre hommes et femmes. Elles sont aussi réévaluées à l’aune de l’augmentation du capital scolaire, notamment des femmes, et modifie leur vision de l’avenir (Moguerou, 2006) et leurs aspirations profondes. Ces rapports de pouvoir mériteraient d’être élucidés et étendus aux autres moments de la trajectoire de vie des femmes.

Conclusion

83Notre étude montre qu’à Dakar les jeunes femmes se projettent différemment dans l’avenir que leurs propres mères. Pourtant, il reste difficile pour elles de ne pas suivre les modèles classiques. Le désir d’émancipation est difficile à assumer et pour beaucoup d’entre elles le rapport à la maternité et aux grossesses non prévues se construit toujours en miroir des normes procréatives et conjugales dominantes dans la société. Ces normes, qui stigmatisent la sexualité hors mariage et les naissances illégitimes, sont cependant en décalage croissant avec l’évolution des conditions du passage à la parentalité, particulièrement marquée au cours des dernières décennies dans la plupart des pays d’Afrique au sud du Sahara. Nos résultats montrent aussi que si les femmes sortent souvent perdantes des négociations relatives au contrôle de leur corps, d’autres savent aussi tourner la situation à leur avantage, instrumentalisant la GNP pour imposer une relation ou jouant de leurs charmes pour mener à bien leurs projets personnels. Le recours aux méthodes qualitatives s’est avéré particulièrement adapté pour révéler toute l’importance de la nature de la relation, de l’impact des clivages socioéconomiques, des rapports de genre, ou encore du jeu des différents protagonistes lorsqu’une grossesse non prévue se présente. Nous avons pu ainsi éclairer les logiques complexes qui régissent les pratiques et fondent le projet parental chez les jeunes Dakarois.

Notes

  • [*]
    Institut de recherche pour le développement (IRD).
  • [**]
    ENS, Dakar.
  • [1]
    La composition de l’équipe ECAF est présentée dans l’introduction du dossier.
  • [2]
    Le terme jeune est à considérer dans notre étude dans un entendement relativement large puisqu’il recoupe des situations prénuptiales (célibataires) et des situations de personnes mariées en début d’union.
  • [3]
    Il convient de rappeler qu’une autre retombée importante du recul de l’âge au premier mariage est la baisse de la fécondité observée à l’échelle nationale et avec une acuité particulière à Dakar : 5,4 enfants en moyenne par femme en 1986 (EDS I) dans les villes contre 4,1 en 2005 et 3,7 à Dakar (EDS IV).
  • [4]
    De façon générale, rester célibataire ou divorcée est une réalité souvent mal vécue qui ne peut se prolonger trop longtemps. La rapidité du remariage après divorce est d’ailleurs l’une des particularités des stratégies matrimoniales à Dakar (Dial, 2008).
  • [5]
    Suivant la tendance de l’âge au premier mariage, l’âge au premier rapport sexuel des femmes tend à reculer en milieu urbain : en 1997 (EDS III), la moitié des femmes âgées de 25 à 49 ans avaient eu leur premier rapport sexuel à 18,6 ans ; ce chiffre passe à 20 ans en 2005 (EDS IV).
  • [6]
    Ainsi que les naissances hors mariage.
  • [7]
    Ces études sont conduites auprès de femmes hospitalisées pour des complications d’avortements provoqués.
  • [8]
    Le seuil de 18 ans a été choisi pour n’enquêter qu’auprès d’hommes et de femmes ayant atteint l’âge légal de la majorité et de ce fait libres d’accepter un entretien de leur plein gré sans avoir à solliciter l’accord d’une tierce personne.
  • [9]
    Tous les chercheurs élaborent le portrait d’une même personne. Chaque portrait est présenté lors d’un atelier hebdomadaire devant l’équipe des chercheurs afin de confronter les différentes versions et évacuer au mieux la subjectivité. Dans cette procédure de régulation par le groupe, on débat des divergences afin d’être au plus près du sens de l’entretien. On procède ensuite aux ajustements nécessaires, aussi bien du contenu que de l’expression. Le portrait final résulte d’une construction consensuelle issue des apports de chacun.
  • [10]
    Les prénoms cités dans l’article sont tous des pseudonymes.
  • [11]
    À cette gratification, s’ajoute également un certain prestige social lié à la présence auprès de soi en public d’une femme généralement jeune, élégante et attirante (Tabet, 2004).
  • [12]
    Traduction française du terme agency, concept clé des théories féministes anglo-saxonnes qui, dans l’analyse des mécanismes de la société patriarcale, invitent à mettre en lumière les rôles des femmes comme actrices sociales. L’« agentivité » renvoie aux modes de résistance aux normes sociales et aux relations de pouvoir oppressives (autrement dit à la domination masculine) et se trouve fréquemment liée aux concepts de « capabilités » et d’empowerment. Les récents déploiements théoriques de ce concept nuancent la dichotomie intrinsèque oppresseurs/oppressées pour considérer les femmes comme des sujets tout à la fois dominées et agissantes (Telemme, 2012).
  • [13]
    Pour reprendre l’expression utilisée par Paula Tabet (2004, p. 11).
linkThis article is available in English on Cairn International
Français

De nombreuses études ont souligné l’augmentation des grossesses non planifiées chez les jeunes en Afrique subsaharienne, mais rares sont celles qui se sont intéressées à l’évolution concomitante des aspirations des jeunes dans les domaines de la sexualité et de la parentalité. À partir d’une recherche menée à Dakar au Sénégal, cet article analyse la complexité des enjeux individuels et collectifs autour d’une grossesse inattendue, et montre que cette notion renvoie à une réflexion plus ample sur les enjeux contraceptifs en début de vie sexuelle. L’étude s’appuie sur 74 récits de vie de femmes et d’hommes recueillis entre 2007 et 2008 à Dakar dans le cadre de la recherche ECAF (Emergency Contraception in Africa) financée par l’Union européenne. La collecte des données repose sur une approche biographique de type qualitative qui met en perspective les trajectoires résidentielle, scolaire, professionnelle, affective ou conjugale, et contraceptive des individus. Les résultats révèlent quatre dimensions structurantes de la relation à la maternité : le contexte relationnel dans lequel la grossesse survient, le jeu de pouvoir entre les différents protagonistes (individus, couples, familles et/ou entourage), les relations de pouvoir fondées sur le genre, et l’insécurité croissante des conditions de vie.

Mots-clés

  • Sénégal
  • grossesse non prévue
  • maternité
  • projet conjugal
  • relations de genre
  • autonomie des femmes
Español

Situaciones relacionales y embarazos involuntarios en Dakar

Numerosos estudios han notado el aumento de los embarazos no planificados en las jóvenes de África subsahariana, pero raros son los que se han interesado a la evolución concomitante de las aspiraciones de la juventud en los dominios de la sexualidad y de la familia. A partir una investigación conducida en Dakar (Senegal), este articulo analiza la complejidad de lo que está en juego individualmente y colectivamente en torno a un embarazo no previsto, y muestra la necesidad de una reflexión más amplia sobre lo que recubre la contracepción en el comienzo de la vida sexual. Este trabajo se apoya en 74 historias de vida de mujeres y de hombres recogidas entre 2007 y 2008 en Dakar, dentro del marco de la investigación Emergency Contraception in Africa (ECAF), financiada por la Unión Europea. La colecta de datos se ha efectuado con un enfoque biográfico de tipo cualitativo que pone en perspectiva las trayectorias residencial, escolar, profesional, afectiva o conyugal, y contraceptiva de los individuos. Los resultados revelan cuatro dimensiones estructuradoras de la relación a la maternidad: el contexto relacional en el cual el embarazo sobreviene, el juego de poder entre los diferentes protagonistas (individuos, parejas, familias y/o entorno), las relaciones de poder fundadas en el género, y la inseguridad creciente de las condiciones de vida.

Références

  • Adjamagbo A., Antoine P., 2002, « Le Sénégal face au défi démographique », in Diop M. C. (dir.), La société sénégalaise entre le local et le global, Paris, Karthala, p. 511-547.
  • Adjamagbo A., Antoine P., Dial F. B., 2004a, « Le dilemme des Dakaroises : entre travailler et “bien travailler” », in Diop M. C. (dir.), Gouverner le Sénégal : entre ajustement structurel et développement durable, Paris, Karthala, p. 247-272.
  • En ligneAdjamagbo A., Antoine P., Delaunay V., 2004b, « Naissances prémaritales au Sénégal : confrontation de modèles urbain et rural », Cahiers québécois de démographie, 33(2), p. 239-272.
  • En ligneAgeyei W. K., Epema E. J., 1992, « Sexual behavior and contraceptive use among 15-24 years old in Uganda », International Family Planning Perspectives, 18(1), p. 13-17.
  • Amegee L. K., 2002, « Recours à l’avortement provoqué en milieu scolaire au Togo : mesure et facteurs du phénomène », in Guillaume A., Desgrées du Loû A., Zanou B., Koffi N., Santé de la reproduction en Afrique, Abidjan, Côte d’Ivoire, ENSEA, FNUAP, IRD, p. 297-320.
  • Antoine P., 2002, « Les complexités de la nuptialité ; de la précocité des unions féminines à la polygamie masculine », in Caselli G., Vallin J ., Wunsch G. (dir.), Démographie, analyse et synthèse, II. Les déterminants de la fécondité, Paris, Ined, p. 75-102.
  • Antoine P., Bocquier P., Fall A. S., Guisse Y. M., Nanitellamio J., 1995, Les familles dakaroises face à la crise, Dakar, Ifan/Orstom/Ceped, 209 p.
  • En ligneAttané A., 2009, « Quand la circulation de l’argent façonne les relations conjugales : l’exemple des milieux urbains au Burkina Faso », in Broqua C., Eboko F. (dir.), Autrepart, La fabrique des identités sexuelles, n° 49, p. 155-172.
  • Bajos N., Bozon M. (dir.), 2009, Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 609 p.
  • Bajos N., Ferrand M. et l’équipe Giné, 2002, De la contraception à l’avortement : sociologie des grossesses non prévues, Paris, Inserm, 348 p.
  • Bankole A., Oye-Adeniran B., Singh S., Adewole I., Wulf D. et al., 2006, Unwanted Pregnancy and Induced Abortion in Nigeria: Causes and Consequences, New York, Guttmacher Institute, 32 p.
  • En ligneBarrett G., Wellings K., 2002, « What is a planned pregnancy? Empirical data from a British study », Social Science and Medicine, 55(4), p. 545-557.
  • En ligneBéguy D., 2009, « The impact of female employment on fertility in Dakar (Senegal) and Lomé (Togo) », Demographic Research, 20(7), p. 97-128, http://www.demographic-research.org/volumes/vol20/7/
  • Bertaux D., 2006, Le récit de vie, Paris, Armand Colin, 138 p.
  • Bledsoe C., Cohen B. (eds.), 1993, Social Dynamics of Adolescent Fertility in Sub-Saharan Africa, National Research Council, Washington, DC, National Academy Press.
  • Bozon M., 2003, « À quel âge les femmes et les hommes commencent-ils leur vie sexuelle ? Comparaisons mondiales et évolutions récentes », Population et sociétés, n° 391, 4 p.
  • Caldwell J., Caldwell P., 1995, « The cultural, social and attitudinal context of male sexual behaviour in urban south-west Nigeria », Health Transition Review, 5(2), p. 207-222.
  • En ligneCalvès A., 2000, « Premarital childbearing in urban Cameroon: Paternal recognition, child care and financial support », Journal of Comparative Family Studies, 31(4), p. 443-452.
  • En ligneCalvès A., 2002, « Abortion risk and decisionmaking among young people in urban Cameroon », Studies in Family Planning, 33(3), p. 249-260.
  • En ligneCalvès A., Marcoux R., 2007, « Sociétés africaines en mutation : entre individualisme et communautarisme », Presses universitaires de Montréal, Sociologie et sociétés, 39(2), p. 5-18.
  • Caraël M., 1995, « Sexual behavior », in Cleland J., Ferry B. (eds.), Sexual Behavior and Aids in Developing Countries, Genève, WHO/ Taylor & Francis, p. 75-123.
  • Ceforep, 1998, « Introduction des soins obstétricaux d’urgence et de la planification familiale pour les patients souffrant de complications d’avortement », Dakar.
  • En ligneCheikh M., 2009, « Échanges sexuels monétarisés, femmes et féminités au Maroc : une autonomie ambivalente », in Broqua C., Eboko F. (dir.), Autrepart, La fabrique des identités sexuelles, n° 49, p. 170-189.
  • Cleland J., Onuoha N., Timaeus I., 1994, « Fertility change in Sub-Saharan Africa : A review of the evidence », in Locoh T., Hertrich V. (eds.), The Onset of Fertility Transition in Sub-Saharan Africa, Liège, Dérouaux-Ordina éditions, p. 1-20.
  • Delaunay V., 1994, L’entrée en vie féconde. Expression démographique des mutations socioéconomiques d’un milieu rural sénégalais, Paris, Ceped, Les Études du Ceped, n° 7, 326 p.
  • Delaunay V., Guillaume A., 2007, « Sexualité et mode de contrôle de la fécondité chez les jeunes en Afrique subsaharienne », in Adjamagbo A., Msellati P., Vimard P. (dir.), Santé de la reproduction et fécondité dans les pays du Sud. Nouveaux contextes et nouveaux comportements, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, p. 214-267.
  • Diadhiou F., Faye E. et al., 1993, À propos des avortements à risque au Sénégal et au Cameroun, CHU Le Dantec, 46 p.
  • Dial F., 2008, Mariage et divorce à Dakar. Itinéraires féminins, Paris/ Dakar, Karthala/ Crepos, 200 p.
  • Diop A., 1985, La famille wolof : tradition et changement, Paris, Karthala, 262 p.
  • Diouf P., 1996, « L’avortement à Pikine », in Charbit Y., Ndiaye S. (dir.), La population du Sénégal, Sénégal, DPS-CERPAA, chap. 22, p. 409-418.
  • En ligneEloundou-Enyegue P., 2004, « Pregnancy-related dropouts and gender inequality in education: A life-table approach and application to Cameroon », Demography, 41(3), p. 509-528.
  • En ligneEvans A., 2001, « The influence of significant others on Australian teenagers’ decision about pregnancy resolution », Family Planning Perspectives, 33(5), p. 224-230.
  • Fall S., Sylla M., 2000, Évolution de la pauvreté au Sénégal. Distribution des revenus, pauvreté, bien-être, CIPRE, DIAL, CREFA.
  • Faye E. O., Cisse M. L., Kouedou D., Diadhiou F., 1999, « Perforation utérine après un avortement provoqué », Médecine Tropicale, 59(4), p. 371-374.
  • En ligneFeyisetan B., Bankole A., 1991, « Male selection and fertility in urban Nigeria », Journal of Comparative Family Studies, 22(3), p. 272-292.
  • Fisher R. C., Stanford J. B., Jameson P. et al., 1999, « Exploring the concepts of intended, planned, and wanted pregnancy », Journal of Family Practice, 48, p. 117-122.
  • En ligneFoley E. E., 2007, « Overlaps and disconnects in reproductive health care: Global policies, national programs, and the micropolitics of reproduction in Northern Senegal », Medical Anthropology, 26(4), p. 323-354.
  • Gage A., Bledsoe C., 1994, « The effects of education and social stratification on marriage and the transition to parenthood in Freetown, Sierra Leone », in Bledsoe C., Pison G. (eds.), Nuptiality in sub-Saharan Africa. Contemporary Anthropological and Demographic Perspectives, Oxford, Clarendon Press, p. 148-166.
  • En ligneGage-Brandon A., Meekers D., 1994, « Sexual activity before marriage in sub-Saharan Africa », Social Biology, 41(1-2), p. 44-60.
  • Gbetoglo D., 2004, « L’avortement provoqué chez les jeunes de Lomé : motifs et conditions de recours », Communication présentée à la Chaire Quételet, Santé de la reproduction au Nord et au Sud. De la connaissance à l’action, Université de Louvain-la-Neuve, Belgique, 17-20 novembre, 22 p.
  • Glenn E. N., 1999, « The social construction and institutionalization of gender and race: An integrative framework », in Ferree M. M., Lorber J., Hess B. B. (eds.), Revisioning Gender, Thousand Oaks, Sage, p. 3-43.
  • En ligneGörgen R., Yansané M. L., Marx M., Millimounou D, 1998, « Sexual behavior and attitudes among unmarried urban youths in Guinea », International Family Planning Perspectives, 24(2), p. 65-71.
  • En ligneGuillaume A., 2003, « Le rôle de l’avortement dans la transition de la fécondité à Abidjan au cours des années 1990 », Population, 58(6), p. 741-772.
  • En ligneGuillaume A., Desgrées du Loû A., 2002, « Fertility regulation among women in Abidjan, Côte d’Ivoire: Contraception, abortion, or both? », International Family Planning Perspectives, 28(3), p. 159-166.
  • Guillaume A., Molmy W. (dir.), 2004, L’avortement en Afrique. Une revue de la littérature des années 1990 à nos jours / Abortion in Africa. A review of litterature from the 1990’s to the present day, Les Numériques du Ceped, Paris.
  • Guyer J. I., 1994, « Lineal identities and lateral networks : The logic of polyandrous motherhood », in Bledsoe C., Pison G. (eds.), Nuptiality in sub-Saharan Africa. Contemporary Anthropological and Demographic Perspectives, Oxford, Clarendon Press, p. 231-252.
  • En ligneHobcraft J. N., McDonald J. W., Rutstein S. O., 1985, « Demographic determinants of infant and early child mortality: A comparative analysis », Population Studies, 39(3), p. 363-385.
  • En ligneKaggwa E. B., Diop N., Storey J. D., 2008, « The role of individual and community normative factors: A multilevel analysis of contraceptive use among women in union in Mali », International Family Planning Perspectives, 34(2), p. 79-88.
  • En ligneKatz K., Naré C., 2002, « Reproductive health knowledge and use of services among young adults in Dakar, Senegal », Journal of Biosocial Science, 34(2), p. 215-231.
  • Koly F., 1991, L’avortement provoqué clandestin : aspects actuels et perspectives à la clinique gynécologique et obstétricale du CHU de Dakar, Thèse de doctorat en médecine, Dakar.
  • En ligneKoussidji S., Mueller E., 1983, « The economic and demographic status of female-headed households in rural Botswana », Economic Development and Cultural Change, 31, p. 831-859.
  • Laburthe-Tolra P., 1981, Les Seigneurs de la forêt, Paris, Publications de la Sorbonne, 490 p.
  • Le Cour-Grandmaison C., 1971, « Stratégies matrimoniales des femmes dakaroises », Cahiers des sciences humaines, 8(2), p. 201-220.
  • En ligneLeGrand T., Koppenhaver T., Mondain N., Randall S., 2003, « Reassessing the insurance effect: A qualitative analysis of fertility behaviour in Senegal and Zimbabwe », Population and Development Review, 29(3), p. 375-403.
  • Lessault D., Diagne A., 2007, Émancipation résidentielle différée et recomposition des dépendances intergénérationnelles à Dakar, Ceped, Collection « Regard sur… », 45 p.
  • En ligneLloyd C. B., Mensch B. S., 2008, « Marriage and childbirth as factors in dropping out from school: An analysis of DHS data from sub-Saharan Africa », Population Studies, 62(1), p. 1-13.
  • Locoh T., Hertrich V. (eds.), 1994, The Onset of Fertility Transition in Sub-Saharan Africa, Liège, Dérouaux-Ordina éditions, 308 p.
  • En ligneLongfield K., 2004, « Rich fools, spare tyres and boyfriends: Partner categories, relationship dynamics and Ivorian women’s risk for STIs and HIV », Culture, Health & Sexuality, 6(6), p. 483-500.
  • Marquet J. (dir.), 2004, Normes et conduites sexuelles : approches sociologiques et ouvertures disciplinaires, Louvain-La-Neuve, Bruylant-Academia, 222 p.
  • Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan (Direction de la prévision et de la statistique) ; DHS – Macro International
  • 1988
    , Enquête démographique et de santé au Sénégal 1986 (EDS I), Dakar, 173 p.
  • 1994
    , Enquête démographique et de santé au Sénégal 1992-93 (EDS II), Dakar, Calverton, 284 p.
  • 1998
    , Enquête démographique et de santé au Sénégal 1997(EDS III), Dakar, Calverton, 238 p.
  • Ministère de la Santé et de la Prévention Médicale, Centre de recherche pour le développement humain, 2006, Enquête démographique et de santé au Sénégal 2005 (EDS IV), Dakar, Calverton, 467 p.
  • En ligneMeekers D., 1994, « Sexual initiation and premarital childbearing in sub-Saharan Africa », Population Studies, 48(1), p. 47-64.
  • En ligneMeekers D., Ahmed G., 1999, « Pregnancy-related school dropouts in Botswana », Population Studies, 53(2), p. 195-209.
  • En ligneMeekers D., Calvès A. E., 1999, « Gender differentials in adolescent sexual activity and reproductive health risks in Cameroon », African Journal of Reproductive Health, 3(2), p. 51-67.
  • En ligneMensch B. S., Grant M. J., Blanc A. K., 2006, « The changing context of sexual initiation in sub-Saharan Africa », Population and Development Review, 32(4), p. 699-727.
  • Moguerou L., 2006, Vouloir et pouvoir scolariser ses enfants. Pratiques éducatives à Dakar sous le prisme des inégalités sociales, familiales et de genre, Thèse de doctorat de troisième cycle, Institut d’études politiques de Paris, 477 p.
  • Mondain N., Delaunay V., Adjamagbo A., 2009, « Maternité avant le mariage en milieu rural sénégalais, quel avenir pour les mères célibataires ? », in Gourbin C. (dir.), Santé de la reproduction au Nord et au Sud, de la connaissance à l’action, Actes de la Chaire Quetelet, Louvain-La-Neuve, Presses universitaire de Louvain, p. 111-130.
  • Nanitelamio J., 1995, « Insertion urbaine et représentations des statuts féminins », in Antoine P., Diop A. B. (dir), La ville à guichets fermés ?, Dakar, IFAN/ORSTOM, p. 277-289.
  • National Research Council, 2005. Growing Up Global: The Changing Transitions to Adulthood in Developing Countries, Cynthia B. Lloyd (ed.), Panel on Transitions to Adulthood in Developing Countries, The National Academic Press, Washington DC, 736 p.
  • En ligneObbo C., 1987, « The old and the new in east African elite marriage », in Parkin D., Nyamwaya D. (eds.), Transformations of African Marriage, Manchester, Manchester University Press, for the International African Institute, p. 263-282.
  • En ligneOlukoya P., 2004, « Reducing maternal mortality from unsafe abortion among adolescents in Africa », African Journal of Reproductive Health, 8(1), p. 57-62.
  • Oppong C., Wéry R., 1994, « Women’s roles in demographic change in sub-Saharan Africa », IUSSP, Policy research papers, Liège, Belgium, 36 p.
  • Pilon M., Vignikin K., 2006, Ménages et familles en Afrique subsaharienne, Paris, Éditions des archives contemporaines, Collection Démographie et développement, 131 p.
  • En ligneRandall S., Koppenhaver T., 2004, « Qualitative data in demography: The sound of silence and other problems », Demographic Research, 11(3), p. 57-96.
  • Ségalen M., 2003, Éloge du mariage, Paris, Découverte Gallimard, Culture et société, 127 p.
  • En ligneSeiber E. E., Bertrand T. J., Sullivan T. M., 2007, « Changes in contraceptive method mix in developing countries », International Family Planning Perspectives, 33(3), p. 117-123.
  • Sévédé-Bardem I., 1997, Précarités juvéniles en milieu urbain africain (Ouagadougou), Paris, L’Harmattan, 256 p.
  • En ligneSihvo S., Bajos N., Ducot B., Kaminski M., Cocon Group, 2003, « Women’s life cycle and abortion decision in unintended pregnancy », Journal of Epidemiology and Community Health, 57(8), p. 601-605.
  • En ligneSingh S., Wulf D., Samara R., Cuca Y. P., 2000, « Gender differences in the timing of first intercourse: Data from 14 countries », International Family Planning Perspectives, 26(1), p. 21-28.
  • En ligneSpeizer I. S., Mullen S. A., Kodjokpatapa A., 2001, « Gender differences in adult perspective on adolescent reproductive behaviors: Evidence from Lomé, Togo », International Family Planning Perspectives, 27(4), p. 178-185.
  • Tabet P., 2004, La grande arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, Bibliothèque du féminisme, 207 p.
  • Telemme (UMR 6570), 2012, « Agency : un concept opératoire dans les études de genre ? », Rives méditerranéennes, n° 41, 156 p.
  • Thiriat, M.-P., 1999, Faire et défaire les liens du mariage : évolution des pratiques matrimoniales au Togo, Paris, Les études du Ceped n° 16, 295 p.
  • En ligneTrussell J., Pebley A. R., 1984, « The potential impact of changes in fertility on infant, child, and maternal mortality », Studies in Family Planning, 15(6), p. 267-280.
  • En ligneZabin L. S., Kiragu K., 1998, « The health consequences of adolescent sexual and fertility behavior in sub-Saharan Africa », Studies in Family Planning, 29(2), p. 210-232.
Agnès Adjamagbo [*]
Institut de recherche pour le développement, 08 BP 841 Cotonou, Bénin
  • [*]
    Institut de recherche pour le développement (IRD).
Pierrette Aguessy Koné [**]
  • [**]
    ENS, Dakar.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2013
https://doi.org/10.3917/popu.1301.0067
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Ined Éditions © Ined Éditions. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...