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Introduction : contexte et signification

1La contraception d’urgence à base de lévonorgestel (que nous désignerons ainsi en incluant les produits dédiés, le Postinor et le Norlevo, mais en excluant la méthode Yuzpe) est un des ajouts les plus récents à l’arsenal contraceptif, mais cette méthode est controversée. Le lobby antiavortement dénonce son caractère abortif, alors que les observations cliniques montrent que le mode d’action retarde l’ovulation ; ceci, joint au fait qu’elle n’est utilisée qu’après le rapport sexuel, a conduit à une politisation du débat sur son utilisation. Sa place au sein des programmes traditionnels de planning familial n’a pas été bien étudiée : devrait-elle être acceptée comme un élément de l’arsenal contraceptif ordinaire, être incluse comme une méthode de dernier recours ou être exclue de l’offre contraceptive de première intention ? Cette question se pose avec acuité en Afrique subsaharienne où l’usage d’une contraception régulière est souvent limité.

2Pour être efficace, cette pilule doit être utilisée dans les 72 heures qui suivent un rapport non ou mal protégé (Free et al., 2002), même si un nouveau produit (l’acétate d’ulipristal, indisponible à ce jour dans les pays que nous étudions) peut être utilisé jusqu’à cinq jours après le rapport sexuel. Les personnes concernées et les professionnels auxquels elles s’adressent [2] n’ont pas toujours connaissance de cette contrainte temporelle (Teixiera et al., 2012). En outre, une fois que les personnes décident d’utiliser un contraceptif d’urgence, il leur reste à surmonter les nombreux obstacles liés à l’accès à cette contraception. Les professionnels de santé sont souvent influencés par les normes sociales concernant l’acceptabilité de la contraception d’urgence, notamment son caractère supposé abortif (un point de vue souvent lié au manque de connaissances), et leurs attitudes peuvent dépendre de la détermination des personnes qui demandent à y avoir accès. La présente étude s’attache à caractériser les connaissances, les attitudes et les points de vue des professionnels de santé concernant la contraception d’urgence, et à analyser les réponses qu’ils apportent aux demandes des utilisatrices.

3Des travaux ont montré que la méconnaissance de la contraception d’urgence par les professionnels de santé était un frein important à sa disponibilité et à sa prescription dans divers contextes (Nigéria : Ebuehi et al., 2006 ; Fayemi et al., 2010 ; Inde du Nord : Tripahi et al., 2003 ; Turquie : Sevil et al., 2006 ; Aksu et al., 2010 ; Laos : Sychareun et al., 2010 ; Europe : Uzuner et al., 2005 ; Szucs et al., 2010). Des études aux États-Unis ont montré que même les professionnels qui connaissent l’existence de ces produits ne savent pas toujours comment et quand les utiliser, ni quels sont leurs mécanismes d’action (Sherman et al., 2001 ; Wallace et al., 2004 ; Lawrence et al., 2010 ; Farris et al., 2010). Et même s’ils ont les connaissances adéquates et sont favorables à son utilisation, ils peuvent avoir tendance à prescrire moins que nécessaire (Sherman et al., 2001 ; Wallace et al., 2004). D’autres études ont montré que les professionnels de santé informent rarement les femmes sur la contraception d’urgence et n’anticipent pas leurs besoins dans ce domaine lors des visites de routine du planning familial, aussi bien, d’ailleurs, dans les pays du Nord (Delbanco et al., 1998 ; Karasz et al., 2004) qu’en Afrique (Ebuehi et al., 2006). Or une étude montre qu’aux États-Unis, les femmes sont plus à même d’utiliser la contraception d’urgence dans les délais requis lorsque les professionnels de santé ont abordé le sujet avec elles (Harvey et al., 1999).

4Diverses études font apparaître qu’au-delà de facteurs médicaux, des considérations morales structurent les attitudes des professionnels en matière de santé sexuelle et reproductive, notamment en ce qui concerne la contraception d’urgence, et induisent souvent des restrictions d’accès, en particulier pour les femmes jeunes et non mariées, en Afrique (Mantell et al., 2000 ; Mantell et al., 2001 ; Adeokun et al., 2002 ; Mngadi et al., 2008) et dans d’autres pays du Sud (Hobcraft et Baker, 2006 ; Fairhurst et al., 2004). Les préoccupations des personnels de santé reflètent leur réticence à promouvoir la contraception d’urgence de peur qu’elle n’induise un développement des relations sexuelles non protégées et donc un accroissement du risque d’infection par le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (Ziebland, 1999 ; PPAG, 2001 ; Karasz et al., 2004). Leurs pratiques traduisent aussi leur crainte des effets secondaires en cas de recours fréquent à ces pilules fortement dosées en hormones (PPAG, 2001) et leur inquiétude de voir les méthodes classiques de régulation des naissances supplantées par un recours systématique à la contraception d’urgence, bien que ce phénomène ait été réfuté (Marston et al., 2005).

5Liées au contexte socioculturel dans lequel travaillent les personnels de santé, des préoccupations morales normatives font obstacle à la fourniture adéquate de contraception d’urgence (Davidson et al., 2010). La plus courante est celle qui associe la contraception d’urgence avec un mode d’action de type abortif – un point de vue notamment avancé par la Food and Drug Administration des États-Unis à l’époque de George Bush (The Lancet Editorial, 2005 ; Ackerman, 2006). Ce point de vue est partagé par des personnels de santé dans différentes régions du monde. Glazier et al. (1996) ont montré que des professionnels de santé en Malaisie ne souhaitaient pas distribuer de contraception d’urgence parce qu’ils pensaient qu’elle pouvait être abortive. Une étude auprès des associations membres de l’IPPF (International Planned Parenthood Federation), en pointe dans la fourniture de la contraception d’urgence, indique que plus de la moitié des personnels de santé dans les pays du Sud n’en délivraient pas, en partie par crainte de mécanismes supposés abortifs (Senanayake, 1996). Dans plusieurs études aux États-Unis, les personnels évoquent leur crainte que la promotion de la contraception d’urgence ne soit un signal envoyé aux jeunes, laissant croire qu’ils peuvent avoir des rapports sexuels non protégés (Ziebland, 1999 ; Karasz et al., 2004). Pour Rutgers et Verkuyl (1998), les personnes délivrant la contraception d’urgence étaient particulièrement critiques à l’égard des adolescents. Une étude au Royaume-Uni a montré que les usagers préféraient recourir aux pharmaciens plutôt qu’aux médecins parce qu’ils leur offraient un service plus souvent dénué de jugement moral (Bissell et Anderson, 2003).

6Les travaux sont rares sur les connaissances, les attitudes et les pratiques des personnels de santé en matière de contraception d’urgence dans les pays du Sud. On sait mal comment ils interprètent et comprennent les mécanismes d’action de la contraception d’urgence, si cela affecte leurs pratiques professionnelles et s’ils portent un jugement – et lequel – sur les différents types de clients qui les sollicitent. Cette méthode peut contribuer à réduire les avortements et la mortalité maternelle en Afrique subsaharienne, en particulier en Afrique de l’Ouest, où le recours à la régulation des naissances reste limité et où les grossesses non prévues, les avortements qui en résultent et les taux de mortalité maternelle sont élevés (Ghana DHS, 2009 ; INSD et ORC Macro, 2004). Il est donc important de comprendre les attitudes des professionnels de santé dans ces pays. Une seule étude récente est disponible sur le sujet en Afrique subsaharienne (Fayemi et al., 2010) qui complète utilement les études déjà anciennes sur le sujet (Gichangi et al., 1999 ; Muia et al., 1999 ; Muia et al., 2000 ; Steiner et al., 2000).

7La recherche dont nous rendons compte ici est la première à s’appuyer sur des entretiens approfondis pour appréhender les connaissances, attitudes et pratiques des professionnels de santé reproductive concernant la contraception d’urgence dans les capitales de deux pays d’Afrique de l’Ouest : le Ghana et le Burkina Faso.

8Cet article présente d’abord la méthodologie utilisée, puis décrit le contexte des programmes de planning familial, la disponibilité de la contraception d’urgence et l’évolution des contextes socioculturels du recours à la contraception dans les deux pays. Après une brève description de la disponibilité et de la connaissance de la contraception d’urgence parmi les personnels de santé, nous analysons les principales dimensions qui structurent leurs attitudes et pratiques. Enfin, nous présentons une typologie des attitudes et des réponses à la demande de contraception d’urgence.

I – Méthodes : des entretiens semi-structurés avec des personnels de santé au Burkina Faso et au Ghana

9La présente étude fait partie d’un projet plus large intitulé « Contraception d’urgence en Afrique » (Emergency Contraception in Africa, ECAF) qui s’est déroulé dans quatre pays : Ghana, Burkina Faso, Sénégal et Maroc. Des entretiens avec des personnels de santé ont été conduits dans tous les pays, mais nous n’avons retenu ici que le cas du Ghana et du Burkina Faso. Au Maroc, le contexte social et religieux est très différent, ce qui rend difficile la comparaison avec les trois pays d’Afrique occidentale. En outre, il n’y avait pas de produit spécifique dédié à la contraception d’urgence autorisé légalement dans le pays au moment de l’enquête (par opposition aux pilules contraceptives œstroprogestatives utilisées avec le même objectif), de sorte que les entretiens avec les professionnels de santé ont très peu porté sur la contraception d’urgence et son utilisation. Au Sénégal, les entretiens ont été réalisés et traduits trop tard pour être inclus dans notre analyse. Par ailleurs, le Ghana et le Burkina Faso sont deux pays voisins en Afrique occidentale qui offrent un contraste intéressant en matière d’histoire coloniale et d’organisation politique et sociale.

10La contraception d’urgence à base de lévornorgestrel est disponible depuis 2000 au Ghana et 2003 au Burkina Faso. L’étude a été conduite dans les capitales car la contraception d’urgence y était disponible et vendue sans ordonnance.

1 – L’échantillon

11L’échantillon a été constitué sur la base des personnels de santé qui travaillent dans des infrastructures des secteurs public et privé (y compris des pharmacies), sélectionnées à partir de listes du gouvernement en fonction de leur proximité avec le centre d’Accra au Ghana et de Ouagadougou au Burkina Faso. Les caractéristiques des répondants figurent dans le tableau 1. La plupart des répondants dans les deux pays sont des femmes ; au Burkina Faso, plusieurs répondants sont médecins, ce qui reflète une plus grande médicalisation de la contraception par comparaison au Ghana où les médecins ne fournissent généralement pas de contraception. Nous ne pouvons pas être sûrs d’avoir atteint la saturation (à cause de contraintes de temps et de budget), mais les regroupements qui émergent de notre typologie indiquent une forte cohérence dans les résultats, qui correspond à l’objectif de saturation.

Tableau 1

Caractéristiques des professionnels de santé ayant participé à l’enquête ECAF au Ghana et au Burkina faso (effectifs)

Tableau 1
Ghana (n = 15) Burkina Faso (n = 16) Total (n = 31) Âge 20 à 29 ans 2 1 3 30 à 39 ans 3 7 10 40 à 49 ans 4 4 8 50 ans et plus 6 4 10 Sexe Homme 2 5 7 Femme 13 11 24 Profession Infirmier.e / sage-femme 11 7 18 Pharmacien.ne 2 2 4 Assistant.e en pharmacie 2 2 4 Médecin 0 5 5

Caractéristiques des professionnels de santé ayant participé à l’enquête ECAF au Ghana et au Burkina faso (effectifs)

Source : enquête ECAF, 2006-2007.

12Au Ghana, les entretiens ont été menés en anglais et transcrits ; au Burkina Faso, ils ont été conduits en français et/ou en langues locales, transcrits en français puis traduits en anglais. Tous les entretiens ont été analysés avec le logiciel qualitatif Atlas-Ti v.6. Ils ont été codés et traités afin de faire ressortir les thèmes qui ont structuré l’analyse.

13L’approbation éthique a été donnée au Ghana par le Ghana Health Service Ethical Committee et au Burkina Faso par le Comité d’éthique pour la recherche en santé, ainsi que par le comité d’éthique de la London School of Hygiene & Tropical Medicine.

2 – Les entretiens qualitatifs

14Nous avons conduit 31 entretiens semi-structurés avec des professionnels de santé reproductive au Ghana et au Burkina Faso en 2007-2008. Nous avons utilisé un guide thématique détaillé (le même dans les deux pays) qui avait fait l’objet d’un pré-test et explorait les connaissances et les points de vue sur les différentes formes de contraception d’urgence, caractérisait les types de personnes demandant une contraception d’urgence et les réponses apportées à leurs demandes, et abordait enfin des questions plus générales sur l’offre de contraception. Le guide était flexible, il n’exigeait pas de suivre un ordre strict, ni de poser des questions spécifiques. L’entretien était construit autour des thèmes que le répondant abordait spontanément au cours de l’entretien. Dans chaque pays, tous les entretiens ont été réalisés par une même personne (femme) appartenant à l’équipe de recherche.

15Les enquêtrices faisaient partie de la Ghana Health Research Unit au Ghana, et de l’université de Ouagadougou au Burkina Faso. Dans chaque pays, on s’est assuré que la tenue vestimentaire des enquêtrices, leur présentation et leur conduite ne traduisaient pas une appartenance de classe. Il était par ailleurs indiqué à chaque répondant au début de l’entretien que c’était son vécu, ses opinions et ses points de vue que nous voulions connaître et qu’il n’y avait pas de « bonne » ni de « mauvaise » réponse. Les entretiens ont été menés dans la langue choisie par l’enquêté.e. Les deux enquêtrices avaient été formées aux techniques qualitatives, elles étaient expérimentées dans la conduite de ce type d’entretiens, elles ont été impliquées dans les discussions sur les objectifs de la recherche. Tout a été mis en œuvre pour qu’aucune différence sociale entre enquêteur et enquêté n’apparaisse et que les entretiens soient de bonne qualité.

3 – Élaboration de la typologie

16Les typologies sont généralement multidimensionnelles et s’appuient sur une classification dont les catégories ne se recoupent pas (Ritchie et al., 2003 ; Hammersley et Atkinson, 1995). Notre typologie des prestataires est conçue selon deux dimensions principales : « l’acceptation » de la contraception d’urgence comme produit légitime par les professionnels de santé, et le type de « réponses » apportées aux demandes de la population. La dimension d’acceptation prend en considération les points de vue des prestataires sur les trois dimensions présentées dans la littérature comme structurantes des pratiques : le mécanisme d’action (est-elle considérée comme abortive ?), l’impact de la contraception d’urgence sur le recours à une contraception classique, et la nécessité de rendre facilement accessible la contraception d’urgence. À partir de ces trois sous-catégories, on peut déterminer un niveau global d’acceptation (négatif – inquiet – prudent – positif). La dimension « réponse » prend quant à elle en considération le fait que ce sont les personnels de santé ou les demandeurs qui ont initié l’échange sur la contraception d’urgence et le mode de réponse apportée (contraception d’urgence non délivrée ou délivrée de mauvais gré, avec des restrictions, immédiatement).

17On notera par ailleurs que des entretiens ont également été réalisés, dans le cadre du projet ECAF, auprès de 54 hommes et de 100 femmes, dont certain.e.s ont eu recours à la contraception d’urgence, dans les villes d’Accra et de Ouagadougou. L’analyse de ces entretiens a fait l’objet d’un article récemment publié (Teixiera et al., 2012). Nous nous y référerons ici dans la discussion, lorsqu’il s’agira de comparer ces résultats à ceux que nous avons obtenus pour les professionnels de santé.

II – Les contextes nationaux

1 – Ghana : un pionnier en Afrique subsaharienne

18Le Ghana a été le premier pays d’Afrique occidentale à conduire des activités de planning familial. Entre 1975 et 1979, l’indicateur conjoncturel de fécondité était de 6,5 enfants par femme (Shah et Singh, 1985), il est passé à 5,5 en 1993, puis 4,0 en 2008 pour l’ensemble du pays et 2,5 dans la capitale (Ghana Statistical Service, 2009). Le Ghana a atteint l’objectif de 4 enfants par femme deux ans avant la date initialement prévue de 2010, bien que la prévalence contraceptive n’ait été que de 24 % (au lieu des 28 % prévus). Afin d’aboutir à un taux de fécondité moyen de 3 enfants par femme en 2020, il sera nécessaire d’atteindre un taux de prévalence contraceptive de 50 % à cette date.

19Les toutes premières activités de planning familial ont été lancées par le Conseil des églises chrétiennes puis par la Planned Parenthood Association du Ghana (PPAG) à la fin des années 1960. La politique de population promulguée en 1969 soulignait les risques spécifiques auxquels étaient confrontés les femmes, les enfants et les jeunes (forte fécondité, avortements à risque, taux élevés de morbidité et de mortalité) et annonçait la diffusion de la contraception pour diminuer ces risques. En 1970, le premier programme national de planning familial fixait des objectifs ambitieux de réduction du taux de croissance démographique, mais les progrès ont été limités dans les années 1980-1990 par manque de volonté politique, dans un contexte de déclin économique du pays et de troubles sociopolitiques (Locoh et Makdessi, 1996 ; Caldwell et Sai, 2007).

20Dans les années 1990, la politique de population a été révisée en conformité avec les recommandations de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire en 1994, qui soulignaient que les taux de fécondité restaient trop élevés, en particulier chez les adolescent.e.s, et que la diffusion de l’épidémie de VIH requérait toute l’attention des pouvoirs publics. Les objectifs de la politique ont été inscrits dans la Constitution (Center for Reproductive Rights, 2003). L’avortement est légal au Ghana depuis 1985 en cas de danger pour la vie ou la santé physique ou mentale de la mère, en cas de viol ou de malformation du fœtus, mais cette loi est rarement appliquée car elle est peu connue à la fois de la population et des personnels de santé. Depuis 1986, le programme de marketing social du FNUAP a permis aux pharmaciens et aux industriels de vendre des préservatifs, des spermicides et des contraceptifs oraux (Raylynn, 1994). L’introduction des contraceptifs injectables et des implants sous-cutanés en 1996 et des préservatifs féminins en 2000 a élargi l’éventail des produits proposés. En outre, les contraceptifs oraux sont autorisés aux fins de contraception d’urgence depuis 1996 et la pilule spécifique de contraception d’urgence (Postinor) est autorisée depuis 2000. En pratique, cette contraception d’urgence est actuellement disponible à Accra où a été réalisée l’étude, dans les cliniques et dans les pharmacies ; une ordonnance n’est pas nécessaire mais certains professionnels l’exigent parfois.

2 – Burkina Faso : une politique démographique tardive

21La fécondité a baissé beaucoup plus lentement au Burkina Faso, passant de 6,9 enfants par femme en 1993 à 6,2 en 2003 (Macro International Inc., 2000 ; INSD et ORC Macro, 2004) mais, comme au Ghana, elle est beaucoup plus faible (3,1) dans la capitale Ouagadougou. Moins de 10 % des femmes utilisent actuellement une contraception moderne au Burkina Faso.

22En 1978, le Burkina Faso a signé la déclaration d’Alma Ata, dans laquelle la composante de santé maternelle et infantile incluait une section sur le planning familial soutenant l’espacement des naissances promu par les sages-femmes. La loi de 1920 interdisant la propagande anticonceptionnelle et l’avortement était encore en application à l’époque et avait été incluse dans le code de santé publique de 1970, même si ce code autorisait l’avortement thérapeutique pour sauvegarder la vie de la mère, le code pénal laissant ouverte la possibilité théorique d’un droit à l’avortement dans certains cas.

23La première action importante de politique de population a été la création en 1983 du Conseil national de population (Conapo) chargé d’élaborer une politique de population dûment instituée par un décret de 1986. Les principaux objectifs étaient d’encourager l’espacement des naissances, d’éviter les grossesses non souhaitées et de permettre aux couples de choisir le nombre de leurs enfants (Ministère de la Santé, 1986). Une abrogation partielle de la loi de 1920 a permis de légaliser l’accès aux contraceptifs dans les institutions de santé publique mais sous condition de tests de laboratoire coûteux et donc dissuasifs (Ministère de la Santé, de l’action sociale et de la famille, 1986). Cette restriction a été levée en 1988.

24En 1991, la « Politique nationale de la population » s’est donnée des objectifs ambitieux : baisse de la fécondité de 10 % tous les cinq ans à partir de 2005, augmentation de la prévalence contraceptive et diminution du taux de mortalité infantile. Les services de planning familial incluent la contraception et la prévention des infections sexuellement transmissibles et du VIH. Le code de santé publique (art. 86) précise que toutes les techniques et méthodes de contraception, y compris la stérilisation, mais à l’exclusion de l’avortement, sont légales dans les institutions de santé publiques et privées. En matière de contraception d’urgence, le produit spécifique (Norlevo) a été autorisé en 2003, mais avant cette date, les contraceptifs oraux étaient déjà utilisés à cette fin. Comme au Ghana, la contraception d’urgence est disponible dans les centres de santé et les pharmacies sans ordonnance, mais certains personnels de santé en exigent une.

3 – Contextes sociaux et recours à la contraception en Afrique urbaine

25Le contexte social de la sexualité et le recours à la contraception sont en train de changer en Afrique urbaine. Les réformes législatives concernant le mariage, la prolongation des études, la participation des femmes au marché du travail, le contexte de crise économique qui rend les positions des hommes particulièrement précaires (Adjamagbo et Antoine, 2002) sont autant d’éléments qui ont contribué à modifier les conditions de l’entrée dans la vie sexuelle et conjugale, et plus largement les relations entre les sexes. En Afrique subsaharienne, hommes et femmes se marient plus tard, et le début de la vie sexuelle n’est plus aussi étroitement lié au mariage pour les femmes. Bien que la virginité au mariage – particulièrement celle des femmes – continue d’être valorisée, son importance recule et la sexualité prénuptiale tend à se banaliser en ville. Dans les deux pays, les services de planning familial sont officiellement accessibles à toutes les femmes, même si les femmes non mariées, en particulier les plus jeunes, doivent encore surmonter des obstacles pour y recourir (Stanback et Twum-Baah, 2001).

26Les pratiques contraceptives des Ghanéennes et des Burkinabées présentent des caractéristiques communes : le recours aux méthodes naturelles est aussi fréquent (23 % des méthodes utilisées) que celui aux méthodes modernes (au Ghana et au Burkina Faso, la pilule représente respectivement 22 % et 16 % des méthodes employées, les injections 21 % et 18 %, les préservatifs 12 % et 15 %). Mais les taux de prévalence contraceptive sont deux fois plus élevés au Ghana qu’au Burkina Faso (25,2 % contre 13,8 % des femmes utilisent une méthode contraceptive, quelle qu’elle soit). Dans les deux pays, la prévalence du recours aux méthodes modernes s’accroît fortement avec le niveau d’instruction des femmes, avec le niveau de vie (qui peut être associé à l’instruction et l’accès à l’emploi) et avec le fait de vivre dans les zones urbaines où l’accès aux services est meilleur (INSD et ORC Macro, 2004 ; Ghana Statistical Service, 2009). Les préservatifs représentent 80 % de l’ensemble des méthodes utilisées par les femmes non mariées au Burkina Faso et 41 % au Ghana (Blanc et al., 2010).

27Au total, en particulier en ville, la contraception est de plus en plus utilisée et acceptée socialement, surtout pour les femmes non mariées sexuellement actives (Cleland et Ali, 2006). Le rôle de la contraception d’urgence dans l’arsenal contraceptif n’est pas connu à ce jour. Les articles tirés de l’enquête ECAF fournissent quelques-unes des rares données sur le recours à cette méthode qui apparaît extrêmement faible (Teixiera et al., 2012), corroborant ainsi certaines autres études disponibles (Opoku, 2010).

III – Résultats : comment les professionnels de santé acceptent et fournissent la contraception d’urgence

28Les caractéristiques de chacun des répondants sont résumées dans le tableau 3, avec un identifiant unique indiquant le pays d’origine (B = Burkina Faso, G = Ghana) et un numéro.

1 – Le degré d’acceptation de la contraception d’urgence

Disponibilité et connaissance du produit par les professionnels de santé

29Dans les deux pays, les organismes autorisant la mise sur le marché des médicaments déterminent les lieux où la contraception d’urgence est légalement disponible. À la date de l’enquête, environ la moitié des personnels de santé interrogés au Ghana et au Burkina Faso ont déclaré disposer sur place de stocks de pilules spécifiques pour la contraception d’urgence. Les données disponibles suggèrent que les structures privées ont davantage de flexibilité pour s’approvisionner directement auprès des grossistes ou des fabricants de médicaments, bien que cela n’empêche pas que des ruptures de stock surviennent.

30Dans les deux pays, les personnels de santé ont été interrogés sur les différentes formes de contraception d’urgence qu’ils connaissaient (contraceptifs oraux classiques, stérilets, pilules spécifiques). Ils font preuve d’une connaissance étendue : à peu près tous les prestataires ont entendu parler de contraception d’urgence et la plupart (12 dans chaque pays) l’ont déjà donnée sous une forme ou une autre, en premier lieu la pilule ou des contraceptifs oraux. La connaissance précise d’au moins une méthode efficace de contraception (pilule spécifique, contraceptifs oraux ou stérilet) est un peu plus fréquente que sa prescription. La contraception d’urgence est plus souvent délivrée au Ghana, où environ un quart des répondants l’a délivrée quotidiennement, un autre quart la prescrivant plusieurs fois par mois. Les autres l’ont prescrite occasionnellement dans l’année et certains ne l’ont jamais donnée. Au Burkina Faso, ceux qui l’ont fournie régulièrement sont peu nombreux, une majorité l’ayant donnée occasionnellement dans l’année et quatre jamais.

Perceptions de la contraception d’urgence et de l’avortement

31Au Ghana, un seul répondant pense que la contraception d’urgence « pourrait être » abortive, mais il est favorable à son utilisation et il ne l’a refusée qu’à des femmes qui pensaient être déjà enceintes. Aucun autre des professionnels ghanéens ne pense que la contraception d’urgence est abortive, même si cinq mentionnent qu’elle agit en « empêchant l’implantation » plutôt qu’en empêchant l’ovulation. Un répondant signale qu’un atelier de formation l’a fait changer d’opinion :

32

« Au début… ça ne me plaisait pas trop. Je pensais que c’était une sorte d’interruption de grossesse. […] Mais ensuite j’ai suivi un atelier là-dessus et j’ai compris que ce n’était pas comme je pensais. »
(G3)

33Au Burkina Faso, parmi ceux qui ont explicitement parlé de cette question, une répondante (de religion catholique) pense que la contraception d’urgence est abortive, mais pour elle un avortement revient à empêcher le sperme de rencontrer l’ovule. Une autre, qui a lu plusieurs études peu concluantes, est préoccupée par le sujet mais déclare :

34

« J’ai dû la prescrire parce qu’il vaut mieux empêcher une grossesse que voir des gens subir un avortement illégal dans des lieux douteux. »
(B1)

35Plusieurs autres répondants opposent contraception d’urgence et avortements illégaux, suggérant qu’ils ne perçoivent pas cette contraception comme abortive. Tous les répondants du Burkina Faso sont favorables à la contraception d’urgence en général, même si trois d’entre eux (dont celle qui la dit abortive) ont des réticences à la fournir systématiquement.

36En fin de compte, trois positions apparaissent : les professionnels de santé qui ne considèrent pas la contraception d’urgence comme abortive, ceux qui pensent qu’elle l’est, et ceux qui ont une position contradictoire. En général, la contraception d’urgence n’est pas considérée comme abortive – ou, si son action est jugée ambiguë, cela ne pose pas de problème. C’est pourquoi nous avons retenu deux types de réponse pour la typologie : avec préoccupation/sans préoccupation (qui comprend les personnes n’ayant pas exprimé clairement leur opinion).

Perceptions de la contraception d’urgence et recours à la contraception classique

37Au Ghana, les personnels de santé considèrent en général qu’une plus large mise à disposition de la contraception d’urgence n’aurait pas d’impact négatif sur le recours aux contraceptifs ordinaires. Plusieurs mentionnent même l’utilisation de la contraception d’urgence comme un point d’entrée pour le recours à la régulation des naissances, la voyant ainsi comme une opportunité :

38

« Nous avions une cliente… elle pensait que son mari allait se faire vasectomiser, ce que lui ne voulait pas faire, aussi elle disait qu’elle utiliserait la contraception d’urgence chaque fois qu’elle devrait avoir un rapport non protégé. Nous avons parlé avec elle et plus tard elle est venue pour un stérilet. »
(G12)

39Trois répondants seulement disent craindre que la contraception d’urgence puisse parfois remplacer les contraceptifs classiques et deux autres reconnaissent que ce pourrait être un problème, mais ils estiment pouvoir éviter que la contraception d’urgence ne devienne une méthode régulière grâce aux conseils prodigués. La plupart pensent qu’il n’est pas souhaitable que la contraception d’urgence soit utilisée régulièrement, bien que certains la recommandent à quelques personnes comme méthode à court terme, dans des circonstances précises, comme l’illustrent les propos de ce prestataire ghanéen :

40

« C’est comme ces femmes dont le partenaire [vit au loin et] rentre de temps en temps […] avec ça la cliente peut avoir une contraception d’urgence parce qu’après que le partenaire est reparti […] si la femme ne va plus avoir de relation sexuelle, elle n’a pas besoin d’une méthode contraceptive… »
(G3)

41Une assistante en pharmacie reconnaît même qu’elle s’en sert personnellement chaque mois parce que « je n’aime pas la pilule classique, il peut m’arriver de l’oublier » (G8), bien qu’elle dise que les gens ne devraient pas en faire autant en raison des effets secondaires possibles sur la santé.

42Les professionnels de santé du Burkina Faso sont plus réservés à propos de l’impact du recours à la contraception d’urgence sur la pratique contraceptive régulière. Ils sont beaucoup plus nombreux à se préoccuper d’un remplacement de celle-ci par la contraception d’urgence, onze d’entre eux abordent cette question. Toutefois, leur crainte principale reste celle d’une substitution à l’utilisation du préservatif qui pourrait conduire à un risque accru de VIH. L’un d’entre eux déclare ainsi :

43

« Il n’est pas bon que [la contraception d’urgence] se diffuse, car elle va conduire les gens à abandonner des méthodes qui les protègent non seulement des grossesses non voulues mais aussi du VIH […] en prenant par exemple le Norlevo, vous n’évitez pas le risque de sida. »
(B4)

44Les propos d’un de ses confrères s’inscrivent dans la même logique :

45

« Les jeunes ne vont pas utiliser le condom. Ils vont se précipiter pour l’avoir [la contraception d’urgence] en disant qu’ils ont eu des relations sexuelles. »
(B6)

46Comme au Ghana, plusieurs répondants parlent aussi de la possibilité d’encourager les utilisatrices de contraception d’urgence à employer les méthodes classiques de contraception, faisant de cette technique un « point d’entrée » pour les autres contraceptifs. La plupart disent préférer commencer par promouvoir les méthodes classiques de contraception plutôt que la contraception d’urgence.

47Trois positions se distinguent donc : les prestataires qui pensent que la contraception d’urgence est sans effet sur les méthodes classiques ; ceux qui la voient comme un point d’entrée conduisant à un usage accru des méthodes classiques, et ceux qui pensent qu’elle peut remplacer la contraception ordinaire. Pour la typologie, nous aboutissons à deux catégories : avec préoccupation/sans préoccupation (qui regroupe « pas d’effet » et « point d’entrée »).

Accessibilité et autres problèmes

48Les conséquences sanitaires d’un recours fréquent à la contraception d’urgence semblent être une préoccupation répandue, aussi les personnels de santé des deux pays préfèrent-ils que la contraception d’urgence soit fournie dans des structures sanitaires et des pharmacies où le personnel est formé, car ceci permet de délivrer une information correcte sur l’usage de la contraception d’urgence et sur la contraception en général. Certains répondants souhaitent des restrictions sur la délivrance de la contraception d’urgence, mais la plupart sont satisfaits qu’elle soit accessible sans ordonnance.

49Au Ghana, douze des répondants pensent que la contraception d’urgence devrait être accessible à tous, mais trois d’entre eux voudrait que ce soit sur ordonnance. Deux veulent la réserver aux plus de 18 ans, l’un pour des raisons sanitaires (liées au dosage en hormones), l’autre parce que cela pourrait encourager la multiplication des partenaires sexuels. L’acceptabilité est également élevée au Burkina Faso, où douze répondants pensent que la contraception d’urgence est utile dans nombre de situations, dont trois préféreraient qu’elle soit destinée d’abord aux gens mariés sans pour autant la refuser à quiconque. Concernant les lieux d’accès, au Ghana, neuf répondants donnent leur préférence aux structures sanitaires disposant d’un personnel formé, permettant un usage adapté de la contraception d’urgence. Deux seulement estiment qu’on devrait la trouver très facilement (par exemple chez les coiffeurs), comme c’est le cas pour les préservatifs, afin que cette contraception soit largement accessible, en particulier pour les jeunes :

50

« les jeunes ne viendront pas [dans un centre médical] […] il faut qu’il y en ait plus… des pharmacies […] je crois que ce sera mieux, […] et même comme les distributeurs communautaires et puis chez les coiffeurs et les tailleurs. Il y en a à qui nous fournissons des préservatifs et les filles se fournissent là. »
(G3)

51Les personnels de santé du Burkina Faso se montrent beaucoup plus réservés, et sont préoccupés par le fait qu’une « popularisation » de la contraception d’urgence puisse accroître son usage, ce qui réduirait le recours au préservatif et développerait en conséquence le risque d’infection par le VIH. Nombre d’entre eux sont également soucieux de l’impact sanitaire que peut avoir la contraception d’urgence utilisée régulièrement du fait de son taux d’échec et promeuvent la contraception régulière comme une alternative plus sûre. La contraception d’urgence est actuellement délivrée sans ordonnance dans les pharmacies du Burkina Faso, mais plusieurs structures (et quelques pharmacies) en exigent une. Un répondant en particulier se dit très inquiet que la promotion de la contraception d’urgence puisse nuire à la politique contraceptive du Burkina Faso en détournant d’un recours régulier à la contraception ; il reste cependant très favorable à la contraception d’urgence :

52

« Je suis contre une politique qui en ferait la promotion. Faire, hum, donner l’information aux gens que ça peut exister dans certains cas, d’accord !… je ne refuse jamais des contraceptifs d’urgence aux gens. »
(B6)

53Il semble donc y avoir un fort consensus dans les deux pays. Les professionnels de santé sont en faveur d’une large disponibilité de la contraception d’urgence, à travers des centres de soins et des pharmacies où un personnel formé peut donner sur place des conseils de bon usage et mettre en garde contre les effets supposés négatifs d’un usage fréquent, en particulier le risque de fortes doses d’hormones pour la santé de la femme et le risque d’infection par le VIH.

54Au total, nous avons identifié trois modalités de réponses : les prestataires qui pensent que la contraception d’urgence devrait être largement accessible à tous ; ceux qui pensent qu’elle devrait être largement disponible mais uniquement dans des centres de soins (en raison de préoccupations concernant les risques sanitaires, en particulier le VIH), et ceux qui pensent que l’usage doit être restreint (à certains groupes ou sur ordonnance seulement). Nous avons gardé ces trois modalités dans la typologie.

Types d’acceptation par les professionnels de santé

55Une fois définies les réponses des sous-catégories, nous avons pu établir un niveau global d’acceptation. Nous obtenons ainsi quatre catégories :

  • Négatif : fortes préoccupations concernant le caractère abortif et le risque de substitution à la contraception classique, favorable à un accès restreint ;
  • Inquiet : pas de préoccupations concernant le caractère abortif, mais certaines concernant la substitution à la contraception régulière, favorable à un accès restreint ;
  • Prudent : peu de préoccupations concernant le caractère abortif ou le risque de substitution à la contraception régulière, favorable à un accès dans les centres de soins ;
  • Positif : pas de préoccupations concernant le caractère abortif ou le risque de substitution à la contraception régulière, favorable à un accès large.

2 – Les réponses des professionnels de santé

56La seconde dimension de notre typologie renvoie à la nature de la réponse des personnels de santé. Deux questions ont été prises en compte : le recours à la contraception d’urgence répond-il à une initiative du demandeur ou du fournisseur ? Comment les professionnels de santé répondent-ils aux femmes et aux hommes, est-ce en fonction des raisons pour lesquelles ceux-ci ont eu un rapport sexuel non ou mal protégé ?

Qui prend l’initiative d’aborder le sujet de la contraception d’urgence ?

57Les deux tiers des personnels de santé au Ghana et au Burkina Faso avaient déjà donné un contraceptif d’urgence à des femmes et ils se montrent plus réactifs que proactifs, une majorité d’entre eux déclarant qu’ils ont délivré une contraception d’urgence quand la femme la leur a demandée :

58

« elles entrent et vous disent, je veux du Postinor. Elles connaissent très bien le nom. »
(G14)

59Un autre prestataire rapporte une prescription téléphonique :

60

« Je pense que c’est bien, je l’utilise, je le prescris, je le conseille. Ça se passe généralement au téléphone. Quand elle appelle elle dit « non, euh, j’ai eu un problème », je dis, bon, allez à la pharmacie et demandez du Norlevo. Mais je fais tout ensuite pour les voir et pour discuter avec elles… »
(B15)

61Très rares sont ceux, dans chaque pays, qui disent explicitement avoir pris l’initiative de recommander la contraception d’urgence à une femme qui pensait risquer d’être enceinte, cette femme étant une utilisatrice de contraceptifs classiques déjà enregistrée au sein de la structure, qui a oublié de prendre une pilule ou dont le préservatif s’est rompu.

62On ne sera donc pas étonné qu’il n’y ait quasiment pas de répondants qui mentionnent avoir discuté de contraception d’urgence, ou l’avoir encouragée de façon préventive, lors d’une consultation de contraception. C’est sans doute parce que la contraception d’urgence n’est pas considérée comme faisant partie de l’arsenal contraceptif ordinaire dans ces deux pays, même si un certain nombre de répondants de chaque pays cite la contraception d’urgence « comme un contraceptif » ou considère que « c’est une des méthodes », la majorité souhaite que la contraception d’urgence soit maintenue comme un service à part dont l’usage est surveillé et dont l’utilisation régulière est découragée.

63Deux attitudes claires émergent : les professionnels de santé qui ont pris eux-mêmes l’initiative de la contraception d’urgence (proactifs), très peu nombreux, et ceux qui attendent que les clientes la leur demandent (réactifs), la majorité.

Comment les professionnels répondent-ils à la demande des femmes ?

64Selon les répondants, la majorité des femmes concernées sont des personnes qui ont eu soit un rapport sexuel non protégé, soit un échec patent de leur méthode de contraception ou de sa pratique, comme une rupture de préservatif ou un oubli de pilule. Les personnels de santé identifient trois types d’échec contraceptif : celui dû à la méthode (dû à un défaut du produit), celui dû au fournisseur (approvisionnement en contraceptif ou information sur la contraception incorrects) et celui dû à la pratique de l’usager (utilisation incorrecte de la contraception). Les vrais échecs dus à la méthode ou au fournisseur sont souvent difficiles à détecter (exception faite des ruptures de préservatif), car il y a peu de signes visibles de l’échec jusqu’à ce que la femme pense être enceinte. Les femmes se présentent alors au centre de soins quand elles sont déjà enceintes – trop tard pour utiliser la contraception d’urgence. Au contraire, celles qui sont confrontées à un échec dû à leur pratique ou celles qui ont eu un rapport non protégé se présentent généralement plus tôt, parce qu’elles sont conscientes de s’être exposées à un risque.

65Les personnels de santé répondent différemment en fonction de la situation même si, globalement, les raisons invoquées par les femmes n’apparaissent pas comme un facteur déterminant de leur décision de délivrer ou non une contraception d’urgence. Ils semblent cependant juger plus sévèrement les femmes qui viennent leur demander une contraception d’urgence sans être une utilisatrice habituelle de contraception. Néanmoins, la plupart des prestataires disent répondre à la demande des femmes, bien qu’on puisse penser qu’ils peuvent omettre de signaler certains refus. Les échecs dus à la pratique sont également vus de façon négative, mais nombre de répondants compatissent avec celles qui utilisaient une méthode de contraception (faisaient donc preuve de bonnes intentions) et qui ont eu un problème – en particulier si c’était un échec dû à la méthode ou au fournisseur – « ça veut dire que pour elle c’était la faute à pas de chance » (B2), même si dans ces cas, ironiquement, il était trop tard pour une contraception d’urgence.

66Au total, nous avons identifié trois types de réponse, quels que soient les arguments présentés par les femmes. Le premier regroupe ceux, nombreux, qui acceptent de délivrer une contraception d’urgence immédiatement – en réponse à la demande ou en l’anticipant :

67

« […] si elles vont voir un médecin avant de venir chez nous le médecin peut écrire sur l’ordonnance Postinor 2 au centre de planning familial, c’est tout ce qu’il y a. Mais en fait vous n’avez pas besoin d’ordonnance. »
(G12)

68Le deuxième groupe concerne ceux, nombreux également, prêts à délivrer une contraception d’urgence, ou à la recommander, mais qui s’entourent de précautions. Certains exigent préalablement une ordonnance médicale et délivrent alors les contraceptifs immédiatement. D’autres veulent d’abord vérifier que la femme en a vraiment besoin et n’en donnent pas si ce n’est pas le cas.

69

« Il y a quelques clientes que nous avons refusées, nous ne leur en donnons pas. »
Q : « Pourquoi ? »
« Nous voulons qu’elles puissent parler avec leurs médecins. Nous voulons qu’elles puissent venir parler avec nous et nous dire pourquoi il leur en faut. Si elles ne veulent pas nous dire comment elles vont s’en servir et pourquoi elles vont s’en servir, je ne leur en donnerai pas. »
(G14)

70Certains s’assurent même de la bonne information des femmes, soulignant que la contraception d’urgence :

71

« c’est une bonne méthode pour éviter des mauvaises choses. Mais l’idéal serait la contraception proprement dite. »
(B16)

72Le troisième type représente les quelques répondants qui désapprouvent la délivrance de contraception d’urgence et le disent clairement aux femmes. Toutefois, ils la délivrent avec réticence si la femme insiste :

73

« Que dire ? Le produit est en vente, nous ne pouvons pas le refuser. »
(B8)

Types de réponses par les professionnels de santé

74Nous avons retenu trois catégories de réponse :

  • La réticence : répondre à la demande des femmes mais sans enthousiasme ni cohérence ;
  • La prudence : répondre à la demande des femmes mais après des vérifications ou des recommandations ;
  • L’immédiateté : réponse immédiate, voire proactive, à la demande des femmes.

3 – Typologie des attitudes des personnels de santé à l’égard de la contraception d’urgence

75En combinant les diverses modalités dans les deux dimensions définies précédemment, nous avons élaboré une typologie présentée dans le tableau 2 qui comporte six types regroupés en trois catégories. Les trois catégories sont : « défavorable », « prudent » et « enthousiaste ». La catégorie « défavorable » inclut les professionnels résolument négatifs à l’égard de la contraception d’urgence ou très réticents à la délivrer. La catégorie « prudent » comprend ceux globalement favorables mais qui montrent des réserves pour certaines destinataires, sur le libre accès à la contraception d’urgence ou sur sa promotion, du fait de raisons sanitaires. La catégorie « enthousiaste » englobe les personnels de santé très favorables à la contraception d’urgence, qui souhaitent qu’elle soit largement disponible, et ceux qui souhaitent la recommander de façon proactive. Chaque répondant a été affecté à un type, dans l’une des trois catégories.

Tableau 2

Typologie des réponses des professionnels de santé à la demande de contraception d’urgence

Tableau 2
Catégories de réponses Caractéristiques des perceptions et attitudes des professionnels de santé Défavorable Type 1: Négatif Négatif : préoccupations vis-à-vis de l’avortement et la contraception ; propose un accès restreint. Réactif : réticence à fournir la contraception d’urgence. Type 2: Réticent Préoccupé : vis-à-vis de contraception ; propose un accès restreint. Réactif : réticence à fournir la contraception d’urgence ou réponse incohérente. Prudent Type 3: Accès limité Prudent : quelques préoccupations vis-à-vis de l’avortement et la contraception ; propose un accès restreint. Réactif : prudence ou recommandation. Type 4: Favorable avec prudence Prudent : quelques préoccupations vis-à-vis de l’avortement et la contraception ; propose un accès en centres de soins mais pas de promotion active. Réactif : propose un accès immédiat. Enthousiaste Type 5: Largement favorable Positif : pas de préoccupations ; accès large par les centres de soins. Réactif : propose un accès immédiat. Type 6: Proactif Positif : pas de préoccupations, accès large par les centres de soins. Proactif : propose un accès immédiat.

Typologie des réponses des professionnels de santé à la demande de contraception d’urgence

Source : enquête ECAF, 2006-2007.

76L’étape suivante consiste à étudier les caractéristiques des répondants alloués à chaque type de réponse (tableau 3).

Tableau 3

Caractéristiques des répondants selon les catégories de réponses

Tableau 3
Catégories de réponses Caractéristiques des répondants Défavorable Type 1 : Négatif (B12) B12 : femme, catholique, sage-femme, 30-35 ans, a pris la contraception d’urgence 2-3 fois mais l’a regretté. Type 2 : Réticent (B4, G5) B4 : homme, assistant en pharmacie, environ 45 ans, donne parfois la contraception d’urgence. G5 : femme, infirmière en chef, environ 55 ans, a donné la contraception d’urgence (5 fois l’an dernier). Prudent Type 3 : Accès limité (G1, G7, G9, G11, G13, G14, B5, B8, B9, B10,) G1 : femme, sage-femme, environ 65 ans, n’a jamais donné de contraception d’urgence. G7 : homme, pharmacien, 25-30 ans, donne la contraception d’urgence à un grand nombre de client(e)s. G9 : femme, assistante en pharmacie, 20-25 ans, donne la contraception d’urgence à un grand nombre de client(e)s. G11 : femme, infirmière sage-femme, 60-65 ans, n’a jamais donné de contraception d’urgence. G13 : femme, sage-femme, 55-60 ans, a donné quelques fois la contraception d’urgence. G14 : homme, pharmacien, environ 35 ans, donne la contraception d’urgence à un grand nombre de client(e)s. B5 : homme, pharmacien, 55-60 ans, a donné quelques fois la contraception d’urgence. B8 : femme, assistante en pharmacie, 25-30 ans, a donné quelques fois la contraception d’urgence. B9 : femme, sage-femme, 45-50 ans, donne la contraception d’urgence à une fréquence modérée. B10 : femme, sage-femme, 50 ans, a donné quelques fois la contraception d’urgence. Type 4: Favorable avec prudence (B1, B2, B6, B7, B11, B13, B14, B16) B1 : femme, sage-femme, 35-40 ans, a souvent donné la contraception d’urgence. B2 : femme, sage-femme, environ 45 ans, donne la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. B6 : homme, médecin, 35-40 ans, a déjà donné la contraception d’urgence. B7 : homme, médecin, 40-45 ans, donne la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. B11 : femme, médecin, 30-35 ans, donne la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. B13 : homme, infirmier, 35-40 ans, donne la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. B14 : femme, sage-femme, 55-60 ans, a déjà donné la contraception d’urgence. B16 : femme, médecin, 30-35 ans, a déjà donné contraception d’urgence. Enthousiaste Type 5: Largement favorable (G4, G6, G8, G10, G12, G15, B3) G4 : femme, infirmière sage-femme, 35-40 ans, a déjà donné la contraception d’urgence mais pas récemment. G6 : femme, infirmière en santé publique, 40-45 ans, a donné la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. G8 : femme, assistante en pharmacie, 30-35 ans, a donné la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. G10 : femme, planning familial, sage-femme, 60-65 ans, a donné quelques fois la contraception d’urgence. G12 : femme, infirmière sage-femme, 40-45 ans, a donné la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. G15 : femme, planning familial, sage-femme, environ 55 ans, a donné la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. B3 : femme, pharmacienne, 55-60 ans, a donné la contraception d’urgence avec une fréquence modérée. Type 6: Proactif (G2, G3, B15) G2 : femme, infirmière sage-femme, 45-50 ans, a donné toutes formes de contraception d’urgence à de nombreuses femmes. G3 : femme, infirmière sage-femme, environ 45 ans, a donné toutes formes de contraception d’urgence à de nombreuses femmes. B15 : homme, gynécologue, 35-40 ans, a donné la contraception d’urgence à de nombreuses femmes

Caractéristiques des répondants selon les catégories de réponses

Note : Chaque répondant a un identifiant unique indiquant le pays d’origine (B = Burkina Faso, G = Ghana) et un numéro.
Source : enquête ECAF, 2006-2007.

77Dans la catégorie « défavorable » (types 1 et 2), il n’y a que 3 répondants et pas de différence évidente entre les deux pays : une femme burkinabée catholique, sage-femme (type 1 – très négatif) ; un homme, assistant en pharmacie au Burkina Faso (type 2 – réticent) et une femme infirmière au Ghana (type 2 – réticente mais également incohérente dans ses réponses). Les personnels de santé dans cette catégorie sont également ceux qui ont rarement fourni une contraception d’urgence.

78Les deux catégories les plus nombreuses sont celle des « prudents », 18 répondants (6 hommes, 12 femmes), essentiellement du Burkina Faso, et celle des « enthousiastes », 10 répondants (1 homme, 9 femmes), essentiellement du Ghana. Les prudents appartiennent surtout aux classes moyennes (infirmières, sages-femmes, pharmaciens) et ont délivré de la contraception d’urgence avec une intensité très variable (de un peu à beaucoup). Ils appartiennent à trois sous-types. Le premier (type 3) regroupe des personnes des deux pays, favorables à la délivrance de contraceptifs d’urgence mais désireuses d’en réglementer l’accès (selon l’âge, le niveau d’instruction, à cause de préoccupations concernant son usage incorrect ou pour restreindre son utilisation fréquente), ou prêtes à les recommander mais pas à les stocker dans leurs propres locaux. Nombre de ces répondants sont pharmaciens ou assistants en pharmacie, donnant les contraceptifs d’urgence avec une fréquence modérée à élevée. Les 3 répondantes du Ghana qui préféraient se contenter de recommander ces contraceptifs sont des infirmières avec leurs propres locaux professionnels, qui n’ont pas assez de demande de contraception d’urgence pour qu’il vaille la peine de constituer des stocks. Tous les répondants de type 4 sont burkinabés et délivrent la contraception d’urgence à une fréquence modérée. Ce sont des médecins ou des sages-femmes âgées. Ils sont favorables mais prudents à l’égard d’un accès étendu et d’une promotion active. Ils redoutent en particulier que le recours facile à la contraception d’urgence n’encourage les rapports sexuels non protégés parmi les jeunes, renonçant alors à utiliser les préservatifs qui les protégeraient des grossesses mais aussi du VIH. Dans les deux types de la catégorie des prudents, les répondants des deux pays expriment leurs préoccupations concernant l’impact sanitaire d’un usage fréquent et répété de la contraception d’urgence. Certains sont circonspects simplement parce qu’ils ont rarement, voire jamais, l’occasion de délivrer une contraception d’urgence. Ils y semblent néanmoins favorables, pourvu que leurs préoccupations soient prises en compte, à savoir la vente par des professionnels de santé qualifiés qui puissent donner l’information pertinente et qui puissent conseiller le recours à un contraceptif classique.

79Les enthousiastes ont des caractéristiques hétérogènes, mais ils sont en majorité bien qualifiés et ont une expérience notable de délivrance des contraceptifs d’urgence. La plupart se situent au Ghana. Ils se classent en deux types : ceux largement favorables à la contraception d’urgence, qui pensent qu’elle doit être largement accessible à toutes les femmes qui en ont besoin, sans restriction (type 5), et ceux que nous avons qualifiés de proactifs – qui expriment également des opinions enthousiastes sur la contraception d’urgence et sont favorables à une large accessibilité. Ils déclarent d’ailleurs qu’ils anticipent la demande des femmes en leur donnant et en promouvant la contraception d’urgence (type 6).

IV – Discussion : y a-t-il une place pour la contraception d’urgence dans les programmes de contraception en Afrique de l’Ouest ?

80La typologie des réponses des personnels de santé à la demande de contraception d’urgence atteste de la diversité des attitudes et des pratiques professionnelles dans les capitales de deux pays d’Afrique subsaharienne.

1 – La contraception d’urgence est largement acceptée par les professionnels de santé

81L’étude révèle une large acceptation des contraceptifs d’urgence par les personnels de santé des deux pays pour de nombreuses raisons : le souci de réduire les grossesses non prévues, les avortements risqués ou illégaux, la volonté de faire de la contraception d’urgence un point d’entrée vers une contraception classique (point de vue surtout soutenu au Ghana), et d’éviter les effets secondaires des contraceptifs oraux donnés comme contraception d’urgence.

82Il importe de souligner que les oppositions à la contraception d’urgence sont peu nombreuses à s’appuyer sur des raisons liées à son caractère supposé abortif. Les préoccupations apparues dans les pays du Nord et du Sud dans des études anciennes (Glasier et al., 1996 ; Senanayake, 1996), selon lesquelles la contraception d’urgence serait abortive et poserait donc problème, ne trouvent pas confirmation auprès des professionnels de santé des deux pays, ce qui suggère une amélioration des connaissances ces dernières années. Les répondants du Ghana sont globalement plus favorables à la diffusion de la contraception d’urgence que ceux du Burkina Faso, ce qui peut s’expliquer par une disponibilité plus ancienne au Ghana d’un produit spécifique autorisé (plus facile à prescrire et à prendre) et par une plus grande ancienneté du programme de planning familial au Ghana, qui a sensibilisé les personnels de santé au discours sur la contraception depuis les années 1970. Il en va différemment en population générale, puisque les données de l’enquête ECAF ont permis de montrer que les hommes comme les femmes étaient davantage concernés par le caractère abortif de la contraception d’urgence ainsi que par sa composition chimique susceptibles d’entraîner une stérilité (Teixiera et al., 2012).

2 – La crainte d’un risque de substitution à la contraception classique

83La question d’une substitution de la contraception d’urgence à la contraception classique provoque des réactions mitigées de la part des professionnels de santé. Globalement, les Ghanéens semblent moins la redouter, certains considérant même la contraception d’urgence comme un point d’entrée pour une discussion sur le recours à une contraception régulière. Les Burkinabés expriment davantage ce risque, tout en soulignant surtout le manque de protection contre le VIH en cas de recours à la contraception d’urgence. La très faible prévalence du recours aux contraceptifs par les femmes mariées du Burkina Faso, principales utilisatrices des centres de planning familial (10 % des femmes mariées utilisent des méthodes modernes, contre 17 % au Ghana – INSD et ORC Macro, 2004 ; Ghana DHS, 2009) alimente peut-être aussi les craintes des personnels de santé, qui peuvent redouter qu’un produit nouveau ne vienne concurrencer l’utilisation de la contraception classique. Ce point de vue ne correspond pas aux observations de Marston ou de Moreau selon lesquelles la disponibilité de contraception d’urgence ne conduit pas à un remplacement de la contraception classique en Grande-Bretagne et en France (Marston et al. ; 2006, Moreau et al., 2009). Mais il n’est pas partagé par tous et certains répondants estiment que la contraception d’urgence a effectivement une place légitime comme contraceptif occasionnel pour les femmes dont les partenaires ne sont pas souvent là (parce qu’ils voyagent beaucoup). Les résultats de la recherche ECAF en population générale montrent aussi que la contraception d’urgence est principalement utilisée en conformité avec les recommandations de la profession médicale (occasionnellement et en cas de besoin urgent) mais qu’elle est aussi utilisée parfois de façon répétitive comme d’autres méthodes post-coïtales (Teixiera et al., 2012). Ceci pourrait sembler contredire la position de Marston et Moreau, et confirmer les inquiétudes de certains des prestataires rencontrés, suggérant que la situation en Afrique subsaharienne peut être différente de celles observées dans les pays occidentaux. Il faut toutefois rappeler que les données disponibles ne permettent pas de conclure à l’existence d’un effet nuisible à la santé en cas de recours répété à la contraception d’urgence.

3 – Les professionnels de santé sont rarement proactifs

84Les professionnels de santé rencontrés dans le cadre de cette enquête soulignent que la contraception d’urgence devrait être utilisée par toutes les femmes confrontées à un échec contraceptif, y compris lorsqu’elles ne sont pas mariées ou qu’elles sont jeunes. Leur point de vue est identique vis-à-vis de celles qui n’utilisent pas de méthodes de contraception régulières, même si ces femmes font alors l’objet d’un jugement plus critique (cf. infra). Les principales restrictions semblent porter sur les très jeunes femmes (moins de 18 ans), pour lesquelles certains personnels de santé considèrent que l’accès à la contraception d’urgence devrait être limité, jugement qui s’appuie sur des considérations sur leur vulnérabilité aux infections (les préservatifs seraient préférables) et sur le souhait de voir ces femmes s’abstenir de toutes relations sexuelles. Ceci confirme des résultats précédents, selon lesquels, en général, les jeunes rencontrent plus d’obstacles pour obtenir des contraceptifs (Stanback et Twum-Baah, 2001).

85Au-delà de réponses de principe positives aux demandes des femmes, de nombreux répondants des deux pays, comme dans d’autres études (Ziebland, 1999 ; Karasz et al., 2004), font preuve de réserves sur la promotion active de la contraception d’urgence, de crainte que cela ne conduise à des comportements à risque (relations sexuelles non protégées exposant à des infections par VIH ou IST), avec les jugements moraux qui y sont associés. Bien que des études au Ghana (Lovvorn et al., 2000) et au Royaume-Uni (Marston et al., 2006) aient montré qu’une disponibilité accrue de contraception d’urgence n’entraînait pas une fréquence accrue de relations sexuelles non protégées, la question d’une attitude proactive proposant la contraception d’urgence aux femmes avant même qu’elles n’en aient besoin semble soulever des réticences particulières dans notre étude. On retrouve aussi ce type d’attitudes dans d’autres contextes, notamment au Royaume-Uni (Fairhurst et al., 2004). Notre analyse montre que l’essentiel de la mise à disposition de la contraception d’urgence est liée à des comportements de type réactif – c’est-à-dire principalement en réponse aux femmes qui viennent elles-mêmes la demander.

86Les personnels de santé portent parfois des jugements moraux sur les femmes qui se présentent pour demander une contraception d’urgence. Celles qui ont connu un échec contraceptif lié à la méthode ou au fournisseur sont regardées avec sympathie, étant considérées comme des utilisatrices actives et responsables. Celles qui se présentent à la suite d’un échec dû à un mauvais usage de la contraception sont moins bien traitées, considérées parfois comme ignorantes ou stupides, et celles qui se présentent sans avoir utilisé de contraception sont stigmatisées pour leur comportement irresponsable. D’autres études ont déjà montré les dilemmes de la relation soignant-patient quand le professionnalisme médical entre en tension avec les croyances et les points de vue particuliers des personnels de soins sur la moralité (Koch et Jones, 2010 ; Richey, 2008). Ces dilemmes peuvent conduire ces derniers à porter un jugement sur leurs patients du fait de leurs propres croyances (Lupton, 1994 ; Mokgethi et al., 2006 ; Richey, 2008), et dans certains cas les induire à prendre la décision « morale » de refuser un service médical (Curlin et al., 2007).

4 – Quelle place peut occuper la contraception d’urgence en Afrique de l’Ouest ?

87Dans notre étude, la réticence des personnels de santé à prendre l’initiative de promouvoir la contraception d’urgence (y compris ceux largement favorables) est peut-être le défi le plus important dans la perspective d’un accès élargi à cette forme de contraception. Les enjeux moraux apparaissent clairement aussi dans le volet de la recherche qui porte sur la population générale, la contraception d’urgence étant essentiellement perçue comme un médicament du Nord qui favorise une plus grande liberté sexuelle des femmes – ce qui peut être perçu positivement, généralement par les femmes, mais plus souvent négativement comme une facilité donnée à des relations immorales « non traditionnelles » – et qui affaiblit le contrôle des hommes sur la sexualité des femmes (Teixiera et al., 2012).

88Le contexte social, et notamment les représentations sociales de la sexualité, influencent les attitudes et pratiques des personnels de santé, effectives ou potentielles, comme le soulignent les analyses dans d’autres contextes (Lupton, 1994 ; Mantell et al., 2001 ; Fairhurst et al., 2004 ; Richey, 2008 ; Davidson et al., 2010 ; Koch et Jones, 2010). La recherche ECAF montre que le conservatisme social peut faire barrière à la fois à la prise de contraception d’urgence par les femmes et à sa promotion proactive par les personnels de santé.

89On peut penser que le développement de l’instruction améliorera, comme pour la contraception classique, le soutien que les professionnels de santé peuvent apporter à la diffusion de la contraception d’urgence, ainsi que l’ont montré diverses études dans des pays occidentaux (Harvey et al., 1999 ; Beckman et al., 2001). Le fait que la plupart des répondants dans les catégories « prudents » et (surtout) « enthousiastes » sont plus qualifiés en moyenne suggère que la formation, le niveau d’instruction et l’expérience de délivrance du produit peuvent contribuer à des attitudes plus favorables à l’égard de la contraception d’urgence dans ces deux pays. Même si leur connaissance de la contraception d’urgence est variable, les professionnels de santé interrogés au cours de l’enquête apparaissent désireux d’en savoir plus, et plusieurs disent avoir travaillé le sujet par eux-mêmes sans avoir suivi de formation dans le cadre de leur activité professionnelle.

90Bien que les résultats présentés dans cet article proviennent d’une recherche qualitative et ne sauraient donc être généralisés, ils complètent utilement les rares études sur le point de vue des professionnels de santé à l’égard de la contraception d’urgence en Afrique subsaharienne, région qui présente un fort potentiel dans la mesure où les personnels des capitales du Ghana et du Burkina Faso y sont largement favorables.

91Promouvoir la contraception d’urgence dans des programmes de planning familial des pays d’Afrique subsaharienne pose toutefois un certain nombre de questions. La contraception d’urgence a, d’évidence, sa place dans les programmes de planning familial. Dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Ghana et le Burkina Faso, le recours aux contraceptifs modernes reste obstinément faible, alors que l’usage des méthodes traditionnelles est fréquent et qu’en conséquence les avortements et la mortalité maternelle sont élevés (Ghana DHS 2009 ; INSD et ORC Macro, 2004 ; Harvey et al., 1999 ; Beckman et al., 2001). Dans ce cadre, et en particulier dans le contexte du VIH, la promotion des préservatifs, avec la contraception d’urgence comme méthode de rattrapage en cas d’échec, aurait le mérite de favoriser le recours à une contraception adaptée au mode de vie, en particulier pour ceux qui ont de multiples partenaires, tout en maintenant l’arsenal habituel de méthodes au long cours (en particulier les contraceptifs injectables), reconnues comme le moyen le plus efficace de réduire le nombre de grossesses non prévues et d’avortements (Glasier, 2010).

Notes

  • [*]
    London School of Hygiene & Tropical Medicine, London.
  • [**]
    Ghana Health Service, Ghana.
  • [***]
    Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Paris.
  • (1)
    L’équipe de l’enquête Emergency Contraception in Africa (ECAF) est présentée dans l’introduction de ce dossier.
  • [2]
    La demande de contraception d’urgence est le fait des femmes dans la majorité des cas, plus rarement des hommes. Dans la suite du texte nous utiliserons souvent le féminin, en citant par exemple des clientes, sans toutefois oublier qu’il existe une demande émanant des hommes (NdT).
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Français

Les études sur les attitudes et les pratiques des professionnels de santé en Afrique subsaharienne à l’égard de la contraception d’urgence sont rares. De telles données peuvent aider à guider l’élaboration des programmes contraceptifs dans ces pays. Trente et un entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès d’un échantillon ad hoc de professionnels de la santé reproductive au Ghana et au Burkina Faso, lors de l’enquête Emergency Contraception in Africa (ECAF) menée en 2006-2007. Une typologie des réponses a été établie, reflétant à la fois leurs attitudes et leurs pratiques vis-à-vis de la contraception d’urgence. Leurs attitudes y sont largement favorables. Si la plupart des professionnels du Burkina Faso craignent qu’un usage régulier remplace le recours au préservatif, accroissant ainsi le risque d’infection par le VIH, ils sont nombreux au Ghana à souligner que la contraception d’urgence pourrait permettre de réduire le nombre de grossesses non souhaitées. Globalement, les répondants souhaitent limiter la distribution de la contraception d’urgence aux centres de soins et aux pharmacies, et leur pratique de prescription apparaît « réactive » plutôt que « proactive ». Leurs attitudes à l’égard des personnes qui demandent la contraception d’urgence sont variées : celles et ceux qui ont subi un échec contraceptif dû à la méthode utilisée sont mieux perçus que celles et ceux qui viennent parce qu’ayant mal utilisé leur contraceptif ou pas utilisé du tout.

Mots-clés

  • Ghana
  • Burkina Faso
  • Afrique subsaharienne
  • contraception d’urgence
  • professionnels de santé
  • recherche qualitative
  • prestations de service de santé
Español

Attitudes des Actitudes de los profesionales de la salud respecto a la contracepción de urgencia en Ghana y en Burkina-Faso

Los estudios sobre las actitudes y las prácticas de los profesionales de la salud en África subsahariana respecto a la contracepción de urgencia son raros. Sin embargo, ese tipo de información puede ayudar a elaborar los programas de contracepción en estos países. Este articulo utiliza 31 entrevistas semi-estructuradas realizadas con una muestra ad hoc de profesionales de la salud de la reproducción, en Ghana y en Burkina-Faso, dentro del marco de la encuesta Emergency Contracepción Africa – ECAF, efectuada en 2006-2007. El análisis ha permitido establecer una tipología que refleja a la vez las actitudes y las practicas de los profesionales interrogados respecto a la contracepción de urgencia. En la gran mayoría de los casos las actitudes son favorables. Aunque una gran parte de los profesionales temen que un uso regular reemplace el recurso al preservativo, aumentando así el riesgo de infección por el VIH, muchos de ellos estiman también que la contracepción de urgencia podría evitar numerosos embarazos involuntarios. Globalmente, los profesionales desean limitar la distribución de la contracepción de urgencia a los centros de atención sanitaria y a las farmacias, y sus prácticas de prescripción aparecen como “reactivas” más bien que “pro-activas”. Las actitudes respecto a las personas que piden la contracepción de urgencia son variadas: los que han sufrido un fracaso contraceptivo debido al método utilizado son mejor percibidos que los que han utilizado mal el contraceptivo o que simplemente no lo han utilizado.

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  1. Introduction : contexte et signification
  2. I - Méthodes : des entretiens semi-structurés avec des personnels de santé au Burkina Faso et au Ghana
    1. 1 - L’échantillon
    2. 2 - Les entretiens qualitatifs
    3. 3 - Élaboration de la typologie
  3. II - Les contextes nationaux
    1. 1 - Ghana : un pionnier en Afrique subsaharienne
    2. 2 - Burkina Faso : une politique démographique tardive
    3. 3 - Contextes sociaux et recours à la contraception en Afrique urbaine
  4. III - Résultats : comment les professionnels de santé acceptent et fournissent la contraception d’urgence
    1. 1 - Le degré d’acceptation de la contraception d’urgence
      1. Disponibilité et connaissance du produit par les professionnels de santé
      2. Perceptions de la contraception d’urgence et de l’avortement
      3. Perceptions de la contraception d’urgence et recours à la contraception classique
      4. Accessibilité et autres problèmes
      5. Types d’acceptation par les professionnels de santé
    2. 2 - Les réponses des professionnels de santé
      1. Qui prend l’initiative d’aborder le sujet de la contraception d’urgence ?
      2. Comment les professionnels répondent-ils à la demande des femmes ?
      3. Types de réponses par les professionnels de santé
    3. 3 - Typologie des attitudes des personnels de santé à l’égard de la contraception d’urgence
  5. IV - Discussion : y a-t-il une place pour la contraception d’urgence dans les programmes de contraception en Afrique de l’Ouest ?
    1. 1 - La contraception d’urgence est largement acceptée par les professionnels de santé
    2. 2 - La crainte d’un risque de substitution à la contraception classique
    3. 3 - Les professionnels de santé sont rarement proactifs
    4. 4 - Quelle place peut occuper la contraception d’urgence en Afrique de l’Ouest ?

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Susannah Mayhew [*]
Department of Global Health and Development, London School of Hygiene &Tropical Medicine, 15-17 Tavistock Place, London, WC1H 9SH, Grande-Bretagne
  • [*]
    London School of Hygiene & Tropical Medicine, London.
Ivy Osei [**]
  • [**]
    Ghana Health Service, Ghana.
Nathalie Bajos [***]
  • [***]
    Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Paris.
et
l'équipe ECAF (1)
  • (1)
    L’équipe de l’enquête Emergency Contraception in Africa (ECAF) est présentée dans l’introduction de ce dossier.
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 01/06/2013
https://doi.org/10.3917/popu.1301.0123
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