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1L’âge modal au décès est un indicateur spécifique de durée « habituelle » de la vie : c’est l’âge auquel les décès sont les plus nombreux. Aujourd’hui, les décès sont concentrés aux grands âges dans les populations à faible mortalité. Dans les populations du passé, les décès étaient les plus nombreux dans la première année de vie et, aux âges adultes, ils étaient beaucoup moins concentrés qu’aujourd’hui. Après avoir rappelé que l’âge modal au décès des adultes renseigne sur les conditions de mortalité aux grands âges, Nadine Ouellette, Jean-Marie Robine, Robert Bourbeau et Bertrand Desjardins tirent parti d’une base de données très complète, le Registre de population du Québec ancien, pour estimer l’évolution de cet âge modal au cours de la deuxième moitié du xviiie siècle. Ils montrent une hausse de près de trois ans pour les hommes comme pour les femmes, jamais observée pour des populations aussi anciennes, et en proposent une explication fondée sur l’augmentation à cette époque de la part de la population vivant hors des villes.

2D’un point de vue démographique, le terme longévité peut soit faire référence à la capacité individuelle de survivre jusqu’à des âges très avancés, soit se rapporter à la survie de l’ensemble de la population. À l’échelle de la population, la longévité est généralement mesurée par l’espérance de vie à la naissance, c’est-à-dire la durée de vie moyenne issue d’une table de mortalité. La durée de vie modale, une mesure complémentaire de la tendance centrale de la répartition des décès par âge, s’avère toutefois particulièrement adaptée à l’étude de la longévité des adultes [1]. En effet, contrairement à l’espérance de vie à la naissance, l’âge modal au décès des adultes n’est pas influencé par les conditions de mortalité aux jeunes âges ; il est ainsi nettement plus sensible aux changements qui surviennent au sein de la population des personnes âgées (Kannisto, 2001 ; Horiuchi, 2003).

3L’écart entre l’espérance de vie à la naissance et l’âge modal au décès des adultes peut s’avérer considérable, surtout lorsque le niveau de la mortalité infantile est très élevé. Par exemple, l’écart s’élevait à 30 ans (sexes réunis) en Suède au cours de la période 1860-1869 (figure 1). Il est particulièrement important de distinguer le mode de la distribution à l’âge 0, auquel survient le plus grand nombre de décès parmi tous les âges de la vie, de celui à l’âge d’environ 75 ans ici, qui constitue l’équivalent pour les âges adultes et fait l’objet de la présente étude. La figure 1 montre aussi que l’âge médian au décès (ou durée de vie médiane), un autre indicateur de tendance centrale, bien qu’étant moins influencé par la forte mortalité infantile de l’époque que l’espérance de vie à la naissance, demeure tributaire de la mortalité aux jeunes âges. L’espérance de vie à 20 ans, qui résume l’ensemble de la mortalité au-delà de 20 ans, ne nous renseigne pas précisément sur la mortalité aux grands âges, relativement à l’époque, comme le fait l’âge modal au décès. Même l’espérance de vie à un âge avancé quelconque, par exemple 60 ou 65 ans, qui tient uniquement compte des conditions de mortalité à partir de cet âge, présente des lacunes pour l’étude de la longévité des adultes. La principale est liée au fait que l’âge sélectionné, en plus d’être arbitraire, est fixe. Dans un contexte où les conditions de mortalité aux grands âges s’améliorent (ou se détériorent), on souhaiterait que cet âge augmente (ou diminue) en conséquence car en le maintenant fixe, l’accroissement (ou le raccourcissement) de la longévité chez les adultes s’en trouve sous-estimé. En d’autres termes, l’âge modal au décès, contrairement à l’espérance de vie à un âge donné, ne sous-estime pas l’accroissement ou le raccourcissement de la longévité. La démonstration mathématique est fournie par Horiuchi, Ouellette, Cheung et Robine (2012). L’âge modal au décès est non seulement un indicateur résumé particulièrement adapté à l’étude de la longévité, mais il s’avère aussi utile pour mieux comprendre et appliquer diverses lois (modèles) décrivant la trajectoire de la mortalité selon l’âge, telles que la loi de Gompertz et les modèles logistiques de Weibull (Robine et al., 2006 ; Thatcher et al., 2010) [2].

Figure 1

Figure 1

Figure 1

Âges modal (M) et médian (Md) au décès et espérance de vie à la naissance (e0) d’après la répartition des décès selon l’âge de la table de mortalité complète pour la Suède, sexes réunis, 1860-1869
Source : Human Mortality Database (2012).

4Dès la fin du xixe siècle, le « concept des durées de vie normales » émergeant des travaux précurseurs de Lexis (1877, 1878) identifiait l’âge modal au décès comme étant la caractéristique la plus « centrale » et « normale » de la longévité humaine. La contribution de Lexis, d’abord reçue très favorablement par Bertillon (1878) et quelques autres statisticiens et économistes de l’époque (Véron et Rohrbasser, 2003), passa par la suite quasiment inaperçue pendant plus d’un siècle. En effet, ce n’est qu’au tournant du xxie siècle que Kannisto (2000, 2001) revisita les travaux de Lexis et qu’il popularisa l’utilisation de l’âge modal au décès au sein des études sur la longévité humaine. Depuis lors, la durée de vie modale retient couramment l’attention des chercheurs (Kannisto, 2000, 2001, 2007 ; Robine, 2001, 2011 ; Cheung et al., 2005 ; Cheung et al., 2008 ; Cheung et al., 2009 ; Cheung et Robine, 2007 ; Canudas-Romo, 2008, 2010 ; Thatcher et al., 2010 ; Ouellette et Bourbeau, 2011 ; Brown et al., 2012 ; Ouellette et al., 2012).

5Grâce à ces études, nous avons maintenant une bonne connaissance de l’évolution, depuis le milieu du xixe siècle, de la durée de vie la plus commune chez les adultes dans plusieurs pays à faible mortalité. Durant la seconde moitié du xixe siècle, celle-ci a pratiquement toujours été située en-deçà de 80 ans. Elle a ensuite nettement augmenté au cours du xxe siècle, surtout à partir de 1950, pour atteindre récemment 90 ans pour les femmes au Japon et en France et 85 ans pour les hommes de plusieurs pays développés.

6Nos connaissances relatives à l’âge modal au décès chez les adultes au sein des populations du passé demeurent quant à elles limitées, notamment en raison de la rareté de données historiques détaillées et fiables sur la mortalité avant le milieu du xixe siècle. Ainsi, nous ignorons si l’âge le plus commun au décès chez les adultes a augmenté, diminué, fluctué ou s’il a plutôt eu tendance à demeurer stable durant une très longue période dans le passé. La principale observation empirique dont nous disposons sur ce sujet à l’heure actuelle concerne la Suède, l’unique pays développé à posséder des séries statistiques nationales sur la mortalité qui couvrent une part substantielle du xviiie siècle [3]. Sur la base des données suédoises, l’âge modal au décès aurait oscillé autour de 72 ans pour les femmes et 69 ans pour les hommes pendant plus d’un siècle, entre 1751 et 1875 (Robine et al., 2006 ; Robine et Cheung, 2008 ; Robine, 2011). Faute de comparaisons avec d’autres populations du passé, toute tentative de généralisation de ces observations s’avère délicate. Il convient aussi de souligner que la qualité des données suédoises disponibles pour la période 1751-1860 est inférieure à celle des années suivantes (Glei et al., 2012). En effet, durant cette période, les données sur les décès et les effectifs de population sont uniquement disponibles par groupes d’âges quinquennaux. Les données par année d’âge, nécessaires à l’établissement des tables de mortalité complètes utilisées par Robine et Cheung (2008) et Robine (2011), ont donc dû être préalablement estimées (Wilmoth et al., 2007, p. 9-15 et annexe B). À cela s’ajoutent les problèmes d’attraction pour les âges ronds au sein des données sur les décès et des effectifs de population [4], qui s’avèrent encore plus compromettants pour la qualité des données suédoises de l’époque. Ceux-ci sont plus prononcés avant 1800 que par la suite, mais ils ne disparaissent complètement qu’en 1860 [5]. Dans l’ensemble, ces imperfections sont susceptibles d’influencer le niveau et l’évolution de la durée de vie la plus commune des adultes estimée en Suède avant 1860. Il y a donc lieu de se demander si ces imperfections seraient à l’origine de la stagnation apparente de l’âge modal au décès en Suède entre 1751 et 1875, en favorisant par exemple des valeurs constamment à proximité de 70 ans.

7Néanmoins, sous un angle strictement analytique, il a été démontré par Canudas-Romo (2010, annexe B) que si la mortalité diminue exclusivement aux âges inférieurs à l’âge modal au décès, alors cet âge modal demeure inchangé. En d’autres termes, des gains en matière de mortalité aux âges supérieurs à l’âge modal, c’est-à-dire chez les personnes âgées, sont requis pour le faire augmenter. L’oscillation de la durée de vie la plus commune en Suède entre 1751 et 1875 se situe autour de 72 ans pour les femmes et 69 ans pour les hommes. Elle pourrait s’expliquer par l’absence de progrès en matière de mortalité au-delà de ces âges en Suède durant cette période. Étant donné que la baisse inattendue et sans précédent de la mortalité aux très grands âges (au-delà de 80 ans) ne s’est véritablement amorcée qu’à partir de 1950 dans la plupart des pays développés (Kannisto et al., 1994 ; Vaupel et Lundström, 1996), il s’agit d’une hypothèse crédible. Sur cette base, nous pourrions même être tentés de présumer que la durée de vie la plus commune des adultes n’aurait guère changé avant la moitié, voire la fin du xixe siècle dans la plupart des populations du passé.

8Le Registre de la population du Québec ancien (Desjardins, 1998), source de données historiques unique et reconnue pour sa fiabilité, s’avère idéal pour mener une exploration empirique supplémentaire sur le sujet. Les données de ce registre nous permettent effectivement d’observer la population du Québec ancien durant une longue période dans le passé. Dans cet article, nous proposons d’utiliser ces données afin de connaître le niveau et de suivre l’évolution de l’âge modal au décès chez les Canadiens-français au cours du xviiie siècle, pour ensuite les comparer à ceux décrits précédemment pour la Suède. Préalablement, à la manière de Robine et Cheung (2008) et de Robine (2011), nous retraçons les changements survenus dans la répartition des décès adultes selon l’âge, en mettant l’accent sur l’âge modal au décès, à partir des tables de mortalité déjà existantes reposant sur des données historiques de diverses populations européennes des xviie, xviiie et xixe siècles. Les résultats de ce travail de recherche initial servent d’introduction à l’étude de la répartition des décès selon l’âge des Canadiens-français au xviiie siècle et constituent la première partie de cet article. Les trois autres parties apportent un nouvel éclairage sur la longévité des adultes au xviiie siècle en exploitant le Registre de la population du Québec ancien. Nous y présentons successivement les données et méthodes, puis les résultats dans le contexte particulier de la population canadienne-française de cette époque.

I – De l’absence à l’émergence d’une durée de vie modale

9Halley (1693) fut le premier à construire une table de mortalité à partir de données empiriques. Trente années auparavant, Graunt (1662a) [6] avait eu la brillante idée de réunir les variables suivantes dans un même tableau : l’âge, le nombre de décès et le nombre de survivants. Cependant, les bulletins de mortalité de la ville de Londres dont Graunt disposait ne fournissaient pas l’âge des décédés. Pour construire sa table de mortalité, Graunt avança plusieurs hypothèses discutables et s’appuya sur une « fonction arithmétique arbitrairement définie » (Dupâquier, 1996, p. 74) afin de décrire l’évolution de la mortalité selon l’âge. La figure 2A présente un extrait de la répartition des décès selon l’âge de la table de mortalité (sexes réunis) établie par Halley pour la ville de Breslau (Basse-Silésie, aujourd’hui en Pologne) [7]. D’après cette illustration, nous constatons qu’il survient à peu près le même nombre de décès à chaque âge entre 40 et 75 ans. De légers surplus apparaissent autour de 50 et 70 ans, mais il s’avère impossible de discerner un âge modal au décès qui correspondrait à la durée de vie la plus commune des adultes de cette époque. Cette dernière observation va dans le même sens que Robine et Cheung (2008), qui soulignent l’impossibilité « de théoriser l’existence d’une durée de vie usuelle pour les adultes » (Robine et Cheung, 2008, p. 949) à partir des travaux de Halley.

10Ces travaux ont inspiré plusieurs chercheurs qui ont construit à leur tour des tables de mortalité. Néanmoins, les tables portaient généralement sur des populations fermées et sélectionnées, précisément celles de rentiers, entravant ainsi leur potentiel de représentativité pour l’ensemble de la population. Il faut attendre jusqu’en 1760 pour que Deparcieux publie des tables de mortalité nationales calculées à partir des décès des années 1754, 1755 et 1756 en Suède (Deparcieux, 1760) [8]. La figure 2B présente un extrait de la répartition des décès par âge et par sexe de ces tables de mortalité suédoises. Cette fois, les courbes obtenues à partir des tables abrégées indiquent que la durée de vie la plus commune chez les adultes suédois se situait entre 70 et 75 ans vers la moitié du xviiie siècle, autant pour les femmes que pour les hommes. Plus encore, d’après les tables complètes estimées par Deparcieux, l’âge auquel survient le plus grand nombre de décès se situe à 72 ans pour chacun des deux sexes.

Figure 2

Figure 2

Figure 2

Répartition des décès selon l’âge (à partir de 20 ans), Breslau (A), sexes réunis, 1687-1691, et Suède (B), 1754-1756
Note : Les données pour la Suède à 37 ans dans la contribution de Deparcieux (1760) sont illisibles et celles entre 38 et 43 ans sont manquantes.
Sources : Pour Breslau – décès calculés par les auteurs à l’aide des survivants de la table de mortalité (sexes réunis) de Halley (1693) ; Pour la Suède – Deparcieux (1760).

11Les répartitions des décès apparaissant sur la figure 2B peuvent aujourd’hui être comparées à des données plus récentes pour la Suède et d’autres pays, entre autres grâce à la Human Mortality Database (2012). Cependant, à notre connaissance, aucune table de mortalité complète établie à partir de séries statistiques sur les décès et la population par année d’âge et par sexe n’est disponible pour le xviiie siècle [9]. Pour le xixe siècle, au moins trois autres pays que la Suède offrent aussi ce type de tables : la France, les Pays-Bas et la Suisse (figure 3). Sur ces quatre illustrations, le gonflement de la courbe autour de l’âge modal est évident pour les deux sexes et l’âge auquel survient le plus grand nombre de décès se situe sans exception entre 70 et 75 ans (tableau 1), comme c’était le cas 100 à 115 ans plus tôt en Suède (figure 2B). Bien qu’il s’avère hasardeux d’en déduire que la durée de vie modale des adultes pour les deux sexes n’aurait pratiquement pas changé durant plus de cent ans en nous basant sur les données pour la France, les Pays-Bas et la Suisse [10], les données pour la Suède laissent supposer une stagnation de la durée de vie modale.

Figure 3

Figure 3

Figure 3

Répartition des décès selon l’âge (à partir de 20 ans) et le sexe à diverses périodes au xixe siècle, France, Pays-Bas, Suisse et Suède
Sources : Vallin et Meslé (2001) pour la France ; Human Mortality Database (2012) pour les Pays-Bas, la Suisse et la Suède.
Tableau 1

Âge auquel survient le plus grand nombre de décès pour chaque sexe, France, Pays-Bas, Suisse et Suède, xixe siècle

Tableau 1
Pays Année / Période Âge le plus fréquent au décès Femmes Hommes France 1853 72 72 Pays-Bas 1850-1854 74 73 Suisse 1876-1879 70 70 Suède 1865-1869 74 73

Âge auquel survient le plus grand nombre de décès pour chaque sexe, France, Pays-Bas, Suisse et Suède, xixe siècle

Sources : Vallin et Meslé (2001) pour la France ; Human Mortality Database (2012) pour les Pays-Bas, la Suisse et la Suède.

12Pour poursuivre notre analyse de la longévité des adultes au sein des populations du passé, le Registre de la population du Québec ancien constitue une source de données idéale. En effet, cette source reconnue pour sa fiabilité nous permet de suivre l’évolution de la durée de vie la plus commune des adultes issus d’une seule et même population durant plus de la moitié du xviiie siècle. Jusqu’à présent, cela n’a été possible qu’en Suède, où les données sont disponibles à partir de 1751 mais demeurent de qualité faible jusqu’en 1860. Le registre québécois est donc l’occasion de vérifier si l’âge modal au décès a aussi eu tendance à demeurer stable durant une très longue période dans le passé, comme le suggèrent les données suédoises. La richesse des informations contenues dans le registre permet une documentation précise de l’âge modal au décès des Canadiens-français, puisque nous bénéficions du classement des décès et de la population par année d’âge, sexe et année de calendrier pour la totalité de la période étudiée. Nous déterminerons si la durée de vie la plus commune s’est également maintenue dans l’intervalle d’âges 70-75 ans, comme l’indiquent les données des xviiie et xixe siècles pour la Suède et celles du xixe siècle pour quelques autres pays européens.

II – Données et méthodes

Les données du Registre de la population du Québec ancien

13Le Registre de la population du Québec ancien (RPQA) est une base de données qui repose sur l’exploitation systématique des actes de baptême, mariage et sépulture des xviie et xviiie siècles, ainsi que sur les sépultures de la période 1800-1850 qui concernent les personnes nées avant 1750 (Légaré, 1981 ; Desjardins, 1998). C’est au Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal que revient le mérite de la consolidation informatique de ces informations sous forme de base de données (Légaré, 1981). Le registre concerne tous les individus venus s’installer dans la vallée du Saint-Laurent à l’heure de la colonisation française ainsi que leurs descendants. Cette source de données historiques a donc le grand avantage de couvrir l’ensemble du territoire occupé par la population des Canadiens-français, limitant ainsi largement les problèmes de sélection et de biais, dus entre autres aux migrations interrégionales et interparoissiales, qui pourraient en résulter autrement. De plus, les données reposent sur des bases très solides, car la qualité du registre a effectivement été maintes fois validée. Ces caractéristiques font de cette base de données une source historique exceptionnelle. À l’heure actuelle, grâce à ces données, le portrait transversal de la population du Québec peut être tracé depuis l’arrivée des premiers colons en 1620 jusqu’en 1799. L’objectif final du PRDH vise une couverture analogue pour le xixe siècle.

14En raison des difficultés d’observation que posent les célibataires [11], seuls les mariés, qui représentent la très grande majorité des adultes à cette époque, ont été retenus pour notre étude. Le terme « mariés » décrit ici tous les individus s’étant mariés au moins une fois, quel qu’ait été le devenir de leur union et du statut matrimonial en découlant : maintien du mariage, veuvage avant une éventuelle seconde union, etc. Bien qu’il soit très difficile d’évaluer la fréquence du célibat par sexe dans cette population, si on fait exception du célibat religieux, nous savons que le célibat définitif était rarissime chez les femmes. Ce phénomène se limitait quasiment aux femmes atteintes de graves problèmes de santé. Chez les hommes, une proportion éventuellement plus élevée serait plus apparente que réelle, étant liée à leur plus grande mobilité et ainsi, à la possibilité de concubinage avec des Amérindiennes. En somme, la vie en couple était la norme au Québec à cette époque, le célibat étant religieux ou réservé à des situations bien particulières.

15Au départ, nous disposons de 126 825 individus mariés au Québec ancien avant 1799. Sont déduits tout d’abord les immigrants, les Amérindiens et les Noirs pour des raisons d’homogénéité de la population et parce que, nés hors du territoire couvert par le registre, leur date de naissance est généralement inconnue. Ils représentent au total 15 460 individus (12,2 %). Les 111 365 individus restants (tableau 2) se partagent en 110 750 non-émigrants (99,4 %) et 615 émigrants (0,6 %). Nous conservons les émigrants puisque ces derniers sont soumis au risque de décéder aussi longtemps qu’ils demeurent sur le territoire du Québec ancien. Les omettre introduirait un biais dans notre analyse. Les éventuels émigrants décédés avant de concrétiser leur départ seraient comptabilisés contrairement à ceux qui émigrent avant leur décès, ce qui conduirait à une surestimation de la mortalité. Ensuite, tant pour les non-émigrants que les émigrants, l’année de naissance est inconnue pour une minorité d’individus (4 492 non-émigrants, soit 4,0 % ; 38 émigrants, soit 6,2 %) en raison de pertes aléatoires de registres, et ces individus ne peuvent être conservés. De plus, parmi les non-émigrants nés avant 1750, ceux dont l’année de décès est manquante devraient aussi être retirés, car tous les actes de sépulture datés entre 1800 et 1850 concernant des individus nés avant 1750 ont été répertoriés par le PRDH. Le fait que le destin précis de ces individus soit inconnu s’explique essentiellement par la perte ou l’absence aléatoire d’enregistrement de leur décès (Charbonneau et al., 1996), évaluée ici à 9,2 % (note du tableau 2), ce qui demeure tout à fait exceptionnel dans un tel contexte historique. Parmi les 5 221 non-émigrants nés avant 1750 touchés par cette situation, nous avons cependant pu estimer l’année de décès de 2 720 d’entre eux (52,1 %) grâce aux informations extraites des actes des autres membres de leur famille. Au final, notre base de données compte 104 334 individus, c’est-à-dire 103 757 non-émigrants (101 037 + 2 720) et 577 émigrants.

Tableau 2

Statistiques descriptives des données sur les mariés tirées du Registre de la population du Québec ancien

Tableau 2
Effectif % Non-émigrants 110 750 99,4 Année de naissance connue 101 037 91,2 Né avant 1750, décès non retrouvé, âge au décès estimé 2 720 2,5 Né avant 1750, décès non retrouvé, âge au décès inconnu 2 501 2,3 Année de naissance inconnue 4 492 4,0 Émigrants 615 0,6 Année de naissance connue 577 93,8 Année de naissance inconnue 38 6,2 Total 111 365 100,0

Statistiques descriptives des données sur les mariés tirées du Registre de la population du Québec ancien

Note : Les actes de décès n’ont pas été retrouvés pour 5 221 cas (2 720 + 2 501). Ils représentent 9,2 % des 56 491 non-émigrants nés avant 1750. Malgré l’absence d’acte de décès, l’année de décès a tout de même pu être estimée pour 2 720 d’entre eux.
Source : Registre de la population du Québec ancien.

16Il convient d’ajouter quelques précisions sur la manière dont les migrations sont traitées dans la base de données du RPQA. En général, le statut « émigrant » est attribué à toute personne dont le décès est survenu à l’extérieur du territoire. Dans les cas où l’acte de décès n’a pas été retrouvé, les couples dont le mari est un immigrant et pour lequel nous n’avons plus de trace dans les registres après la Conquête britannique de 1759 se voient aussi attribuer le statut d’émigrants (mari et femme), parce que selon toute vraisemblance, ils sont passés en France. S’ajoutent une certaine proportion de cas connus grâce à des sources indirectes, notamment les actes notariés. Dans tout autre cas où le décès est manquant, le statut d’émigrant n’est pas attribué, même s’il n’est pas impossible qu’il y ait eu émigration. Cependant, en raison de l’ensemble de l’information disponible et du soin qui a été pris pour identifier les départs, nous pouvons affirmer que les décès manquants sont très majoritairement dus à la perte de quelques registres. Il faut bien voir qu’en disposant de plus de 90 % des décès, les éventuels départs manquants ne peuvent en aucune façon entacher les résultats.

17La figure 4 illustre la forte croissance de la population des individus mariés au Québec ancien et nés entre 1640 et 1799, reflétant la croissance de la population totale. En effet, vers le milieu du xviie siècle, la vallée laurentienne comptait à peine un millier d’habitants, mais grâce aux efforts de colonisation du territoire durant la période 1663-1673 [12], l’effectif total de la population se chiffrait à près de 20 000 individus au début du xviiie siècle et à environ 200 000 individus au tournant du xixe siècle (Henripin et Péron, 1973). La taille de la population mariée retenue pour nos analyses était d’environ 100, 3 000 et 60 000 respectivement à ces trois mêmes dates pour les deux sexes réunis. Le déséquilibre apparent entre les effectifs d’hommes et de femmes mariés sur cette figure était attendu puisque nous n’avons retenu que les Canadiens et Canadiennes dans notre étude. Ceci n’exclut à peu près aucune femme, car après 1673, il n’y a plus d’immigration féminine, alors que l’immigration masculine s’est poursuivie.

Figure 4

Figure 4

Figure 4

Évolution de la population mariée selon le sexe (dans l’échantillon retenu), Québec ancien, 1640 à 1799
Source : Registre de la population du Québec ancien.

18La figure 5 présente, quant à elle, l’évolution du nombre annuel de décès survenus au sein de cette population pour chaque sexe. La nette augmentation des décès observée tout au long de cette période s’explique essentiellement par le peuplement progressif du territoire. Les variations annuelles, typiques de la mortalité d’ancien régime, sont le reflet des décès liés notamment à des conditions du moment : épidémies, hivers rigoureux, mauvaises récoltes et guerres.

Figure 5

Figure 5

Figure 5

Nombre annuel de décès de mariés selon le sexe, Québec ancien, 1640 à 1799
Source : Registre de la population du Québec ancien.

Tables de mortalité complètes pour les Canadiens-français mariés au xviiie siècle

19À partir des décès et effectifs de la population par année d’âge, sexe et année de calendrier, nous pouvons construire des tables de mortalité complètes pour les mariés. Afin d’atténuer l’effet des variations annuelles typiques de la mortalité de l’époque liées à l’influence des conditions du moment (figure 5), l’établissement de tables pour des périodes de 15 années s’est avéré le meilleur choix. Ces tables de mortalité qui commencent à l’âge exact de 20 ans nous offrent un aperçu des changements survenus dans la répartition des décès selon l’âge et le sexe pour les adultes mariés du Québec ancien au fil du temps. En raison des faibles effectifs observés jusqu’au début du xviiie siècle (figures 4 et 5), la première table de mortalité porte sur la période 1740-1754. La dernière table repose sur les données de la période 1785-1799, de sorte que huit tables de mortalité successives couvrant plus de la moitié du xviiie siècle sont calculées, soit quatre pour chaque sexe. Le tableau 3 fournit un résumé des données utilisées dans nos analyses, c’est-à-dire le nombre total de décès et l’exposition au risque (de décéder) par période pour chaque sexe.

Tableau 3

Population exposée au risque de décéder et décès observés à partir de l’âge de 20 ans selon la période et le sexe, Québec ancien, entre 1740-1754 et 1785-1799

Tableau 3
Période Personnes-années exposées au risque Nombre de décès Femmes Hommes Femmes Hommes 1740-1754 140 743 119 089 2 936 2 219 1755-1769 206 060 171 978 4 479 3 522 1770-1784 289 859 252 660 5 576 4 246 1785-1799 402 674 372 752 7 844 5 802

Population exposée au risque de décéder et décès observés à partir de l’âge de 20 ans selon la période et le sexe, Québec ancien, entre 1740-1754 et 1785-1799

Source : Registre de la population du Québec ancien.

20Les taux de mortalité par âge, sexe et période sont d’abord obtenus en rapportant le nombre de décès survenus au cours de la période à la somme de l’exposition au risque estimée pour chaque année de la période. Ainsi, le taux de mortalité à l’âge x (en années révolues) pour le sexe s et la période [T,T + 14] vaut

21

equation im9

22equation im10 et equation im11 représentent respectivement les décès observés et l’exposition au risque à l’âge x pour le sexe s durant l’année i. L’exposition au risque equation im12 est estimée par l’effectif de la population mariée d’âge x et de sexe s au 1er juillet de l’année i.

23Les taux de mortalité par âge, sexe et période issus de l’équation [1] sont ensuite transformés en quotients de mortalité à l’aide de la méthode linéaire (aussi nommée méthode actuarielle), c’est-à-dire sous l’hypothèse d’une répartition uniforme des décès à l’intérieur de chaque intervalle d’âges d’une année

24

equation im13

25Chez les adultes, une telle hypothèse est généralement satisfaite, sauf aux grands âges où d’autres méthodes plus sophistiquées sont habituellement utilisées (Thatcher et al., 1998). Étant donné que ces tables de mortalité ne visent qu’à nous donner une première idée de la répartition des décès de mariés selon l’âge et le sexe, la méthode linéaire convient à notre démonstration. Enfin, les survivants equation im14 et les décès equation im15 de la table de mortalité découlent directement des quotients de mortalité equation im16 définis plus haut.

Méthode de lissage par P-splines pour l’étude de la mortalité

26Afin d’obtenir des estimations précises de l’âge modal au décès selon le sexe et la période, nous utilisons la méthode de lissage par P-splines décrite par Ouellette et Bourbeau (2011), inspirée des travaux de Eilers et Marx (1996), Currie et al. (2004) et Camarda (2008). Étant donné le caractère typiquement erratique de la répartition des décès de la table de mortalité selon l’âge aux alentours du mode, il aurait été possible de recourir à d’autres méthodes pour l’estimer. Par exemple, nous aurions pu utiliser un modèle quadratique (Pearson, 1902 ; Kannisto, 2001, 2007 ; Canudas-Romo, 2008, 2010 ; Cheung et al., 2008 ; Thatcher et al., 2010 ; Brown et al., 2012) ou encore un modèle reposant sur la loi normale (Cheung et Robine, 2007 ; Cheung et al., 2009) pour obtenir une répartition lisse des décès de la table de mortalité pour les adultes. Nous avons préféré lisser les taux de mortalité observés par âge pour chaque sexe et période à l’aide des P-splines pour davantage de souplesse (Ouellette et Bourbeau, 2011, p. 597-601). Brièvement, la méthode par P-splines mène à une estimation non paramétrique de la fonction de densité, cette dernière décrivant la répartition des décès selon l’âge. L’âge auquel le maximum de cette fonction de densité est atteint correspond ainsi à notre estimation de l’âge modal au décès.

27Voici quelques détails supplémentaires à propos de cette méthode de lissage, à appliquer séparément selon le sexe et la période. Par souci de clarté, les indices relatifs au sexe et à la période sont omis ici. Tout d’abord, sous l’hypothèse d’une force de mortalité µx[13] constante à l’intérieur de chaque intervalle d’âge [x,x + 1[, les décès observés par âge Dx peuvent être vus comme des réalisations d’une loi de Poisson de moyenne Ex · µx, c’est-à-dire

28

equation im17

29Ex se réfère à la population exposée au risque de décéder à l’âge x.

30Afin d’estimer la force de mortalité sous-jacente aux données sur les décès observés, nous pouvons utiliser un modèle de régression de Poisson. Les paramètres de ce modèle de régression sont estimés à l’aide d’une approche non paramétrique qui combine les notions de B-splines (de Boor, 1978) et de fonction de vraisemblance pénalisée, d’où l’appellation P-splines. Ces deux notions se complètent bien puisque d’une part, les B-splines, formés de parties de polynômes joints les uns aux autres en des points d’abscisse appelés « nœuds », apportent beaucoup de souplesse dans le processus de modélisation, et d’autre part, la vraisemblance pénalisée nous assure que la force de mortalité estimée sera lisse. L’idée derrière les P-splines consiste donc à utiliser un nombre relativement élevé de B-splines, conséquence de plusieurs nœuds répartis uniformément sur le domaine de modélisation, tout en limitant (c’est-à-dire pénalisant) les variations au sein des paramètres associés aux B-splines adjacents. Bien qu’il soit important d’utiliser un nombre suffisamment élevé de nœuds [14] le rôle qu’assure la fonction de vraisemblance pénalisée fait en sorte que le nombre exact de nœuds utilisés n’a peu ou pas d’impact sur le résultat ultime du lissage. Pour nos analyses, nous avons utilisé des B-splines cubiques, construits à partir de parties de polynômes de degré 3, et un nœud tous les 5 ans sur le domaine des âges x, tel que x = 20.

31En dénotant les vecteurs de décès et d’exposition au risque par D et E respectivement, nous obtenons d’après l’équation [2]

32

equation im18

33B est une matrice qui représente la base B-splines évaluée aux différents âges x et le vecteur â correspond aux paramètres estimés associés à chacun des B-splines inclus dans la base B. Le vecteur des paramètres a est estimé à l’aide de la méthode du maximum de vraisemblance et la fonction de log-vraisemblance pénalisée à maximiser est

34

equation im19

35Le premier terme de cette équation correspond à la log-vraisemblance habituelle d’un modèle linéaire généralisé. Le second est un terme de pénalité qui vise à assurer une certaine régularité au sein du vecteur des paramètres estimés â. En effet, ce terme de pénalité fait en sorte que les valeurs des paramètres estimés associés aux B-splines adjacents évoluent de manière régulière. Le compromis entre la régularité (smoothness) et la précision (l’adéquation aux données observées) du modèle est gouverné par un paramètre de lissage, inclus dans la matrice de pénalité P[15]. Plus ce paramètre de lissage est grand, plus l’importance accordée à la régularité sera élevée comparativement à la précision et vice-versa. Dans nos analyses, nous nous en remettons au critère d’information bayésien (Bayesian Information Criterion, BIC) pour la sélection du paramètre de lissage. Il s’ensuit que la force de mortalité estimée equation im20 résultante est lisse. Pour une description plus approfondie de cette fonction de log-vraisemblance pénalisée, voir Currie, Durban et Eilers (2004, p. 282-284) ou Camarda (2008, chapitre 2).

36À partir des équations [3] et [4], nous arrivons à l’expression suivante pour la force de mortalité lissée selon l’âge à l’aide des P-splines

37

equation im21

38D’après les relations d’équivalence entre la force de mortalité µ(x), la fonction de survie S(x) et la fonction de densité f(x) (Klein et Moeschberger, 1997, chapitre 2), nous pouvons écrire

39

equation im22

40En d’autres termes, à partir de la force de mortalité lissée equation im23 tirée de l’équation [5], nous évaluons la fonction de densité lissée equation im24 correspondante à l’aide de méthodes d’intégration numérique usuelles. Comme equation im25 décrit la répartition des décès selon l’âge, nous estimons l’âge modal au décès comme suit

41

equation im26

III – Résultats

42La répartition des décès selon l’âge des adultes mariés tirés des tables de mortalité complètes par sexe établies pour les périodes 1740-1754 à 1785-1799 est illustrée par la figure 6. L’allure erratique des quatre séries de décès apparaissant sur chacun de ces graphiques rend plutôt difficile la détermination d’une valeur unique de l’âge modal au décès dans ces cas. Cependant, à première vue, il semblerait que l’âge modal au décès au cours de toutes ces périodes se soit constamment situé entre 70 et 80 ans. Au fil du temps, nous observons également un déplacement de la répartition des décès des deux sexes selon l’âge vers la droite, c’est-à-dire vers des âges plus avancés. Il reste à confirmer, à l’aide de la méthode de lissage par P-splines, si ces changements dans la répartition des décès selon l’âge pour chaque sexe se reflètent à travers la durée de vie la plus commune au cours du xviiie siècle au Québec ancien.

Figure 6

Figure 6

Figure 6

Répartition des décès des adultes mariés selon le sexe et l’âge d’après les tables de mortalité pour les périodes 1740-1754 à 1785-1799, Québec ancien
Source : Registre de la population du Québec ancien.

43À titre d’exemple, la fonction de densité décrivant la répartition des décès selon l’âge estimée par la méthode de lissage par P-splines chez les hommes mariés pour la période 1740-1754 est présentée figure 7. Nous avons rapporté cette fonction de densité lissée à l’échelle de 100 000 survivants à l’âge de 20 ans, ceci dans le but de la comparer à la série des décès de la table de mortalité complète des hommes mariés pour la période 1740-1754 qui apparaît également sur la figure. Alors qu’il s’avère difficile de déterminer la durée de vie la plus commune à partir de la répartition des décès provenant de la table de mortalité complète, nous pouvons l’identifier précisément à l’aide de la fonction de densité lissée. En effet, comme cette fonction atteint son maximum à 70,4 ans, nous estimons que la durée de vie la plus commune chez les hommes mariés du Québec ancien durant la période 1740-1754 se situait à cet âge.

Figure 7

Figure 7

Figure 7

Répartition des décès à partir de la table de mortalité et de celle résultant d’un lissage par P-splines, hommes mariés, Québec ancien, 1740-1754
Source : Registre de la population du Québec ancien.

44L’évolution de l’âge modal au décès estimé selon le sexe et la période au Québec ancien entre 1740-1754 et 1785-1799 est illustrée par la figure 8. Nous constatons d’emblée que la durée de vie la plus commune n’est pas demeurée inchangée au fil de ces périodes. En effet, l’âge modal au décès a constamment augmenté chez les femmes : il est passé d’environ 73 ans en 1740-1754 à près de 76 ans en 1785-1799 (tableau 4). Chez les hommes, la durée de vie la plus commune a aussi augmenté de manière soutenue entre 1740-1754 et 1785-1799. En 1740-1754, l’âge modal était de 70,4 ans et il atteignait 74 ans en 1785-1799. L’âge le plus commun au décès diffère donc selon le sexe au Québec ancien et il est systématiquement plus élevé chez les femmes.

Figure 8

Figure 8

Figure 8

Évolution de l’âge modal au décè des adultes mariés selon le sexe, estimée à l’aide de la méthode de lissage par P-splines, Québec ancien, 1740-1754 à 1785-1799
Source : Registre de la population du Québec ancien.
Tableau 4

Âge modal au décès des adultes mariés selon le sexe et la période, estimé à l’aide de la méthode de lissage par P-splines, Québec ancien, 1740-1754 à 1785-1799

Tableau 4
Période Âge modal au décès Femmes Hommes 1740-1754 72,95 70,41 1755-1769 73,35 71,04 1770-1784 74,81 72,97 1785-1799 75,74 74,09

Âge modal au décès des adultes mariés selon le sexe et la période, estimé à l’aide de la méthode de lissage par P-splines, Québec ancien, 1740-1754 à 1785-1799

Source : Registre de la population du Québec ancien.

IV – Discussion

45Depuis une dizaine d’années, le concept de durée de vie modale retient de plus en plus l’attention dans les travaux axés sur le thème de la longévité humaine. Poursuivant cette tendance, la présente étude visait principalement à réduire l’incertitude relative au niveau et à la trajectoire temporelle de l’âge modal au décès au sein de populations du passé. Le fait que nos connaissances sur ce thème soient encore limitées s’explique en grande partie par la rareté de données historiques détaillées et de bonne qualité disponibles avant le début, voire le milieu du xixe siècle. Grâce au Registre de la population du Québec ancien, une source exceptionnelle de données historiques reconnue pour sa couverture de la population du Québec ancien et sa fiabilité, nous avons pu suivre l’évolution de la durée de vie modale des Canadiens-français durant la seconde moitié du xviiie siècle. Les informations dont nous disposions à ce sujet au préalable reposaient principalement sur la Suède, où les données sont disponibles à l’échelle nationale à partir de 1751 mais demeurent de qualité faible jusqu’en 1860. Dépourvues de telles imperfections, les données du registre, généralement exploitées avec l’analyse démographique longitudinale, se sont avérées idéales pour notre étude transversale de la durée de vie la plus commune chez les adultes.

46Les résultats obtenus révèlent que la durée de vie la plus commune des adultes canadiens-français a continuellement augmenté entre 1740-1754 et 1785-1799. L’accroissement est notable pour chaque sexe : près de trois ans chez les femmes et plus de trois ans et demi chez les hommes. Ces résultats sont surprenants à première vue pour deux raisons. Premièrement, aucune augmentation de l’âge modal au décès n’a été décelée en Suède entre 1751 et 1875 (Robine, 2011 ; Robine et Cheung, 2008). On y observe plutôt une oscillation autour de 72 ans pour les femmes et 69 ans pour les hommes durant toute la période, et l’augmentation n’a vraiment lieu qu’après 1875. Deuxièmement, il a été démontré analytiquement que l’âge modal au décès ne peut s’accroître en l’absence de gains de la mortalité au-delà de cet âge (Canudas-Romo, 2010). Sur cette base, nous étions donc tentés de croire que l’âge modal au décès n’allait guère changer dans les populations du passé. Malgré les imperfections des données suédoises pour les années 1751 à 1860, en particulier les problèmes d’attraction pour les âges ronds, susceptibles d’influencer le niveau et la trajectoire de l’âge modal au décès, la stagnation observée pendant plus d’un siècle semble tout à fait crédible. Comment alors expliquer l’accroissement considérable enregistré au Québec ancien ?

Robustesse de nos estimations de l’âge modal au décès

47À ce premier stade de réflexion, il est essentiel de mesurer la variabilité de nos estimations de l’âge modal au décès chez les Canadiens-français mariés. Les résultats d’un tel exercice donneront une idée concrète de la solidité des valeurs estimées et de l’évolution temporelle qui s’y rattache. Pour ce faire, nous avons reconduit l’ensemble des analyses menées précédemment sur la population du Québec ancien en considérant, cette fois, des périodes de 10 années (1740-1749 à 1790-1799) plutôt que de 15 années. Les valeurs estimées obtenues pour l’âge modal au décès d’après la nouvelle configuration sont présentées dans la figure 9, de pair avec celles pour des périodes quindécennales reproduites afin de faciliter les comparaisons. Les deux séries de résultats pour chaque sexe sont partout très proches à condition d’omettre, chez les hommes, la période 1750-1759 de pré-Conquête britannique (1759), qui a été particulièrement perturbée par plusieurs événements défavorables à la survie des individus. L’impact néfaste de ces conditions du moment sur nos estimations de la durée de vie modale ne transparaît pas autant pour les périodes quindécennales car il se répartit sur deux périodes plutôt qu’une (1740-1754 et 1755-1769), chacune étant aussi plus longue. En somme, nos estimations pour l’âge modal apparaissent stables, et la question de l’accroissement considérable de la durée de vie la plus commune demeure entière.

Figure 9

Figure 9

Figure 9

Estimations de l’âge modal au décès selon le sexe et la période, périodes décennales (1740-1749 à 1790-1799) et périodes quindécennales (1740-1754 à 1785-1799), adultes mariés, Québec ancien
Source : Registre de la population du Québec ancien.

Conditions de vie particulières des Canadiens-français au xviiie siècle

48Nos résultats doivent être situés dans le contexte particulier de la population canadienne-française de l’époque. L’augmentation soutenue de l’âge modal au décès chez les adultes canadiens-français au cours de la seconde moitié du xviiie siècle indique que les conditions de mortalité aux âges supérieurs à l’âge modal, c’est-à-dire chez les personnes âgées, se sont améliorées au Québec ancien durant cette période. Or, des travaux récents portant sur les Canadiens-français démontrent qu’une chute de la mortalité aux âges avancés est survenue dans les générations successives de la fin du xviie siècle et du premier quart du xviiie siècle (Gagnon et Mazan, 2009 ; Lacroix, 2009). Nos résultats rejoignent ceux de Gagnon et Mazan (2009) et Lacroix (2009), puisque les individus de ces générations constituent essentiellement la population des personnes âgées durant la seconde moitié du xviiie siècle.

49Les années de conflit au Québec ancien ayant culminé avec la Conquête britannique en 1759 ont été particulièrement défavorables à la survie des individus, en raison des pertes au sein des miliciens et, surtout, des exactions commises par l’armée britannique. En outre, suite à la défaite française, l’élite militaire et marchande, constituée des administrateurs et de leur personnel de soutien, des marchands et des artisans, est retournée en France. Comme ces personnes étaient essentiellement citadines, il en a résulté une hausse de la proportion de la population vivant en milieu rural chez les Canadiens-français. En effet, les ruraux étant demeurés sur le territoire, ils sont a priori devenus proportionnellement plus nombreux. Comme on pouvait s’y attendre, la mortalité était plus élevée en ville qu’à la campagne à cette époque, en raison des effets délétères de la promiscuité et des mauvaises conditions d’hygiène. Québec, lieu d’arrivée des navires provenant de France, accueillait de ce fait des individus atteints de maladies épidémiques qui se répandaient dans la ville. Malgré tout, on sait que la mortalité était plus faible dans la colonie qu’en métropole, puisque le pays bénéficiait de plusieurs avantages, notamment une faible densité de la population, de l’eau abondante et de qualité, un climat rigoureux mais sain, du gibier et des poissons abondants. La mortalité plus faible en milieu rural et l’augmentation simultanée de la proportion de la population vivant en milieu rural pourrait ainsi expliquer l’accroissement de la durée de vie la plus commune des Canadiens-français entre 1740-1754 et 1785-1799 [16]. L’urbanisation massive ultérieure de la colonie, dès le début du xixe siècle, a pour sa part contribué à la détérioration des conditions de vie et potentiellement à la survie des individus. Cette dernière information suggère que le rythme d’augmentation de l’âge modal au décès prévalant chez les Canadiens-français durant la seconde moitié du xviiie siècle pourrait s’amenuiser après 1800.

50Le travail de reconstitution de la population canadienne-française effectué par l’équipe du PRDH se poursuit et nous permettra éventuellement d’étendre notre analyse de l’évolution de la durée de vie modale jusqu’à la fin du xixe siècle. Conjuguées aux données provenant de l’état civil qui débute en 1926 au Québec, un portrait en continuum de la longévité des adultes québécois pourra pratiquement être dressé grâce à ces nouvelles données historiques. D’ailleurs, une étude récente qui repose notamment sur les données de l’état civil québécois nous révèle que l’âge modal au décès au Québec au début des années 1930 se situait à 77,5 ans environ chez les femmes et un peu plus de 76 ans chez les hommes (Ouellette et al., 2012). Ce qui suggère également que le rythme auquel l’âge modal au décès a augmenté durant la seconde moitié du xviiie siècle au Québec ancien ne s’est probablement pas maintenu tout au long du xixe siècle. Pour l’instant, il est cependant impossible de savoir si l’âge modal a continué d’augmenter à un rythme moindre durant le xixe siècle, s’il a stagné ou encore diminué.

51Enfin, bien que le Registre de la population du Québec ancien soit une source de données historiques exemplaire, des comparaisons avec d’autres sources permettant le suivi de populations du passé durant plusieurs années sont souhaitables. En raison des conditions de vie particulières de la population du Québec ancien durant la seconde moitié du xviiie siècle, le potentiel de généralisation de nos résultats relatifs à la durée de vie modale des Canadiens-français demeure effectivement difficile à évaluer. Dans la première partie du présent article, nous avons démontré que les données réunies dans la Human Mortality Database (2012) étaient de peu de secours à ce sujet. Parmi les 37 pays (ou régions) actuellement inclus dans cette grande base de données internationale, la Suède est l’unique pays à posséder des séries statistiques qui couvrent (en partie) le xviiie siècle. Dix autres pays comportent des données sur les décès et la population qui remontent jusqu’au xixe siècle, mais seules celles pour la France, les Pays-Bas et la Suisse sont détaillées par année d’âge à cette époque. Parmi les autres sources de données qui mériteraient d’être explorées, mentionnons notamment les reconstitutions généalogiques des familles anglaises réalisées par le Cambridge Group for the History of Population and Social Structure à partir des informations tirées des registres paroissiaux anglicans (Wrigley et al., 1997). Finalement, en complément à l’analyse des populations du passé qui affichent aujourd’hui les niveaux de mortalité les plus faibles, l’étude de la durée de vie modale au sein de populations contemporaines situées à différents stades de développement économique constitue aussi une piste à approfondir.

52Remerciements
Nous tenons à remercier les trois lecteurs anonymes pour leurs commentaires, ainsi que le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture pour leur soutien financier.

Notes

  • [1]
    Dans le présent article, les expressions « durée de vie modale », « âge modal au décès », « durée de vie la plus commune chez les adultes » et « âge le plus commun (ou fréquent) au décès chez les adultes » sont utilisées de manière interchangeable. Toutes se réfèrent à l’âge auquel survient le plus grand nombre de décès dans la répartition des décès par âge (excluant les premiers âges de la vie) d’une table de mortalité.
  • [2]
    Pour plus d’informations sur le développement d’expressions mathématiques pour l’âge modal à partir de ces divers modèles paramétriques de mortalité, le lecteur peut se reporter aux travaux suivants : Gumbel (1937), Pollard (1991, 1998), Pollard et Valkovics (1992), Robine et al. (2006), Canudas-Romo (2008), Thatcher et al. (2010).
  • [3]
    Le système statistique national existe depuis 1749 en Suède.
  • [4]
    Le nombre de décès et les effectifs de population pour les groupes d’âges quinquennaux commençant par un multiple de 10 (par exemple, 40-44 ; 50-54 ; … ; 70-74) sont systématiquement plus élevés que ceux pour les autres groupes d’âges.
  • [5]
    Glei, Lundström et Wilmoth (2012) recommandent l’utilisation des tables de mortalité abrégées (par groupes d’âges quinquennaux ou décennaux) plutôt que celles complètes pour la Suède durant ces années, en particulier avant 1800.
  • [6]
    Voir aussi l’édition critique et la traduction originale en français par Éric Vilquin (Graunt, 1662b).
  • [7]
    Étant donné notre intérêt pour la durée de vie modale à l’âge adulte, les décès aux 20 premiers âges de la vie ont été omis dans toute la suite de cet article.
  • [8]
    Les tables de mortalité abrégées établies selon le sexe et publiées dans cet ouvrage lui avaient été communiquées par Wargentin. Deparcieux les lissa pour obtenir des tables complètes.
  • [9]
    La configuration du nombre de décès observés ainsi que des effectifs de population par année d’âge est d’une grande valeur ici car elle permet une documentation plus précise de l’âge modal au décès ; les données n’ont effectivement pas à être estimées au préalable à partir de groupes d’âges plus étendus.
  • [10]
    La stagnation apparente du mode pourrait simplement résulter du fait que la mortalité aux âges adultes en France, aux Pays-Bas et en Suisse vers le milieu ou la fin du xixe siècle atteignait tout juste le niveau observé vers le milieu du xviiie siècle en Suède.
  • [11]
    L’analyse de la mortalité des adultes demeurant célibataires de façon définitive est plus complexe que celle des mariés puisque le sous-enregistrement des décès les affecte davantage. En effet, comparativement aux adultes mariés, les célibataires sont généralement plus mobiles et risquent donc plus d’échapper à l’observation, surtout lorsque leurs déplacements portent sur de grandes distances (Charbonneau, 1975).
  • [12]
    Cette période marque l’arrivée des « Filles du roi », ces femmes, souvent orphelines, spécifiquement recrutées en raison du déséquilibre des sexes qui affligeait la colonie pour se marier et fonder une famille.
  • [13]
    La force de mortalité, aussi appelée « taux instantané de mortalité », est telle que equation im32 (Thatcher et al., 1998, annexe A).
  • [14]
    Un trop faible nombre de nœuds décrirait un ensemble de B-splines (appelé base B-splines) qui ne parviendrait pas à saisir les variations présentes au sein des données observées.
  • [15]
    Plus précisément, P = ?D’kDk, où ? est le paramètre de lissage à sélectionner et Dk correspond à la représentation matricielle d’un opérateur de différence d’ordre k agissant sur les paramètres associés aux B-splines. Nous utilisons ici un opérateur de différence quadratique, tel que aD2D2a = (a1 – 2a2 + a3)2 + (a2 – 2a3 + a4)2 + …
  • [16]
    À notre connaissance, la mortalité différentielle entre les régions urbaines et rurales du Québec ancien au xviiie siècle n’a jamais été mesurée. Cependant, les tables de mortalité longitudinales disponibles pour la population canadienne-française mariée, née avant 1750, révèlent des écarts d’espérance de vie (e20 à 20 ans, e65 à 65 ans) importants entre régions rurales et urbaines, à l’avantage des premières (e20 : 39,9 ans contre 35,0 ans pour les femmes et 43,7 ans contre 36,7 ans pour les hommes ; e65 : 11,8 ans contre 10,5 ans pour les femmes et 11,2 ans contre 9,9 ans pour les hommes) (Lacroix, 2009, tableaux annexes 3 et 7).
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Au cours des dix dernières années, l’âge modal au décès a pris une place prépondérante au sein des études sur la longévité humaine, notamment parce qu’il renseigne sur la durée de vie la plus commune des adultes, sans être influencé par les conditions de mortalité aux jeunes âges. On connait peu le niveau et l’évolution de l’âge modal au décès des adultes dans les populations du passé. Le Registre de la population du Québec ancien constitue une source de données historiques reconnue pour sa fiabilité, et apporte un nouvel éclairage sur la longévité des adultes au xviiie siècle. Les données utilisées, détaillées par sexe et année d’âge, couvrent la période 1740-1799. Afin d’estimer l’âge modal au décès, cette étude utilise une approche de lissage non paramétrique novatrice reposant sur les P-splines reconnue pour sa souplesse et son efficacité. L’analyse révèle que l’âge le plus commun au décès parmi les adultes canadiens-français a augmenté au cours de la période : il est passé d’environ 73 ans à près de 76 ans chez les femmes, et d’environ 71 ans à plus de 74 ans chez les hommes. Les conditions de vie particulières de la population canadienne-française à cette époque pourraient expliquer cet accroissement considérable.

Mots-clés

  • âge modal au décès
  • longévité
  • mortalité
  • canadiens-français
  • registre de la population du Québec ancien
  • lissage par P-splines
  • démographie historique
  • xviiie siècle
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La duración de vida más frecuente en los adultos del siglo XVIII: la experiencia de los franco-canadienses

La duración de vida más frecuente en los adultos del siglo XVIII: la experiencia de los franco-canadienses.

Durante los últimos diez años, la edad modal a la muerte ha tomado una gran importancia en los estudios sobre la longevidad humana, en particular porque dicha edad no está influida por las condiciones de mortalidad en las edades jóvenes. Se conoce poco el nivel y la evolución de este índice en las poblaciones del pasado. El Registro de la población del Quebec antiguo constituye una fuente de datos históricos conocida por su fiabilidad, y aporta una nueva visión de la longevidad de los adultos en el siglo XVIII. Los datos utilizados, detallados por sexo y año de edad, cubren el periodo 1740-1799. Para estimar la edad modal a la muerte, hemos utilizado un nuevo método de alisado no paramétrico basado en los P-splines, conocido por su flexibilidad y eficacia. El análisis revela que la edad al morir más frecuente en los adultos franco-canadienses ha aumentado durante el periodo, pasando de alrededor 73 años a casi 76 años en las mujeres, y de 71 años a más de 74 años en los hombres. Las condiciones de vida particulares de la población franco-canadiense en esa época podrían explicar este aumento considerable.

Références

  • Bertillon Jacques, 1878, « [Discussion suite à l’article de Lexis : Sur la durée normale de la vie humaine et sur la théorie de la stabilité des rapports statistiques] », Annales de démographie internationale, 2, p. 460-461.
  • En ligneBrown Dustin C., Hayward Mark D., Karas Montez Jennifer, Hummer Robert A., Chiu Chi-Tsun, Hidajat Mira M., 2012, « The significance of education for mortality compression in the United States », Demography, 49(3), p. 819-840.
  • Camarda Carlo G., 2008, Smoothing Methods for the Analysis of Mortality Development, Thèse de doctorat, Universidad Carlos III de Madrid (Espagne) et Max Planck Institute for Demographic Research (Allemagne), 133 p.
  • En ligneCanudas-Romo Vladimir, 2008, « The modal age at death and the shifting mortality hypothesis », Demographic Research, 19, p. 1179-1204.
  • En ligneCanudas-Romo Vladimir, 2010, « Three measures of longevity: Time trends and record values », Demography, 47(2), p. 299-312.
  • Charbonneau Hubert, 1975, Vie et mort de nos ancêtres : étude démographique, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 268 p.
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Nadine Ouellette
University of California, Berkeley, Department of Demography, 2232 avenue Piedmont, Berkeley CA 94720, États-Unis, tél : + 1 510 642 8416
Jean-Marie Robine
Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), U988 et U710, Paris et Montpellier, France.
Robert Bourbeau
Département de démographie, Université de Montréal, Canada.
Bertrand Desjardins
Département de démographie, Université de Montréal, Canada.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 03/01/2013
https://doi.org/10.3917/popu.1204.0683
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