« Rien n’est plus nécessaire au gouvernement d’un État que la prévoyance, puisque, par son moyen, on peut aisément prévenir beaucoup de maux qui ne se pourraient guérir qu’avec de grandes difficultés quand ils sont arrivés » soulignait Richelieu, avant d’ajouter « qu’il est plus important de considérer l’avenir que le présent et qu’il est des maux comme des ennemis d’un État, au-devant desquels il vaut mieux s’avancer que de se réserver à les chasser après leur arrivée ». Souvent oubliée, cette évidence conduit à repenser notre dispositif de « prévoyance » en raison d’une accélération stratégique, qui provoque une urgence à penser le long terme.
Dans le domaine de la défense et de la sécurité, les « Livres blancs » marquent des jalons. En 2017, la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale a posé les bases de la Loi de programmation militaire (LPM) du 13 juillet 2018 pour la période 2019-2025. Les conséquences de la pandémie de Covid-19 ont entraîné une Actualisation stratégique, début 2021, qui souligne l’intensification de la compétition des grandes puissances, la généralisation des stratégies hybrides, l’enhardissement des puissances régionales et les effets de rupture technologique.
Devant la multiplication des « maux » auxquels il fait face, notre pays doit redoubler d’efforts en matière de « prévoyance ». En ne se limitant ni aux questions de défense et de sécurité ni à un horizon de mandat présidentiel, l’enjeu est d’abord intellectuel. Une bonne « prévoyance » obligerait à intégrer, bien davantage que par le passé, les dimensions extérieures à la sphère politico-stratégique, tout en insistant sur la singularité de cette dernière : celle d’agir « à l’ombre de la guerre »…