CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Réunissant 12 départements de 3 anciennes régions administratives [1] et 49 des 577 circonscriptions électorales françaises en 2017, la Nouvelle-Aquitaine est un territoire de contrastes [2]. Contrastes socioéconomiques d’abord, puisque coexistent sur un même territoire de grandes aires urbaines et des villes universitaires dynamiques, des zones périurbaines, des terres rurales et agricoles, en particulier viticoles. Y cohabitent donc richesse et pauvreté, gagnants et perdants de la mondialisation au sens de Kriesi (Kriesi et al., 2008), jeunesse et populations plus âgées.

2Contrastes politiques également puisque cette grande région peut être considérée à la fois comme une terre de tradition socialiste et radicale de gauche, dans les Landes en particulier, mais aussi un lieu d’ancrage de la droite modérée, du fait de ses quelques bastions, à Bordeaux (ville d’Alain Juppé) et dans les Pyrénées-Atlantiques (fief de François Bayrou). Tous bords confondus, de grands noms de la vie politique française récente, candidats aux plus hautes fonctions de l’État, y exercent ou y ont exercé des mandats politiques locaux : Ségolène Royal, François Hollande, Jacques Chirac, Philippe Poutou, François Bayrou, Jean Lassalle, Noël Mamère, Alain Juppé, mais aussi Henri Emmanuelli, Delphine Batho, Michèle Alliot-Marie, Dominique Bussereau, Jérôme Cahuzac. Emmanuel Macron a même fait l’objet un temps d’une rumeur relative à sa candidature à Bordeaux pour les élections municipales de 2020 [3].

3Autant d’ingrédients qui laissent entrevoir combien la séquence électorale de 2017 a joué comme un miroir, certes déformant, des profonds bouleversements politiques qu’a vécus la France. Car, à l’instar du grand-ouest français et suivant des logiques géographiques de long terme (Gombin, 2015), ses électeurs ont, sauf exceptions notables sur lesquelles nous reviendrons, boudé cette fois encore et davantage que dans le reste du territoire, le Front national.

La Nouvelle-Aquitaine, une terre macroniste ? L’élection présidentielle

4Au lendemain de la présidentielle 2017, si l’on n’y regarde pas de trop près, la Nouvelle-Aquitaine, apparaît comme une terre « en marche ». Emmanuel Macron y fait ainsi un score légèrement supérieur à la moyenne française au 1er comme au 2nd tour (resp. + 1,1 et + 2,5 points) et repousse même Marine Le Pen au 3e rang lors du 1er tour, lui préférant le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon (tableau 1). Selon cette lecture, la grande région confirme un enracinement centriste historique et apparaît bien comme représentative d’un grand-ouest français davantage hostile aux thématiques de l’extrême droite et plutôt modérée dans son positionnement politique. La Nouvelle-Aquitaine accompagne néanmoins la tendance nationale par son rejet des partis usuellement dénommés partis de gouvernement car jusqu’alors dans le jeu politique.

Tableau 1

Résultats de l’élection présidentielle 2017 dans les départements néo-aquitains[7]

Tableau 1

Résultats de l’élection présidentielle 2017 dans les départements néo-aquitains[7]

En gras le/la candidat(e) qui arrive en tête, en souligné celui/celle virtuellement qualifié(e) pour le second tour.
Source : ministère de l’Intérieur via la plateforme ouverte des données publiques françaises.

5La tradition radicale de gauche ne survivra pas à ce « dégagisme », même si nous verrons quelques signes perceptibles de résistance à ce mouvement de fond lors des élections législatives : le parti socialiste ne parvient dans aucun département néo-aquitain dans le quatuor de tête du 1er tour de la présidentielle et se hisse en 4e position, devant Marine Le Pen dans la seule 2e circonscription de la Gironde [4], avec un peu plus de 11 % des suffrages exprimés. Bien loin semble le quasi-carton plein de 2012 aux élections législatives en Nouvelle-Aquitaine (41 circonscriptions acquises au PS sur 49). Bien loin semblent les confortables victoires des listes d’Union de la gauche (LUG) aux récentes régionales de 2015, mais aussi en 2004 et 2010. Conduite par Alain Rousset aux élections régionales de 2015, la LUG l’emporte avec 46,77 % des suffrages [5]. En 2004 et 2010, cette même coalition l’emporte largement dans les trois anciennes régions préexistant au nouveau découpage régional [6].

6Lors de la séquence électorale de 2017 pendant laquelle l’abstention atteint des niveaux importants, la Nouvelle-Aquitaine voit néanmoins ses électeurs se rendre plus souvent aux urnes que le reste du territoire national. Aux deux tours de la présidentielle, les 12 taux d’abstention départementaux sont importants, mais inférieurs à la moyenne nationale. Ce résultat s’observe d’ailleurs également au moment des législatives : à quelques exceptions, les circonscriptions néo-aquitaines votent davantage que les niveaux moyens observés en France. On peut penser qu’en terre plus favorable à Emmanuel Macron, la participation ait davantage été encouragée.

7Ce constat moyen cache néanmoins de profondes disparités territoriales du fait de clivages sociospatiaux régionaux importants.

8D’abord parce que comme presque partout en France et suivant des logiques connues (Sawicki, 2017 ; Pinson, 2014), les campagnes ont voté différemment des villes, ces dernières plébiscitant Emmanuel Macron au 1er comme au 2nd tour : E. Macron arrive ainsi largement en tête au 1er tour de scrutin dans l’ensemble des 12 préfectures que compte la Nouvelle-Aquitaine, atteignant même plus de 31 % des votes exprimés à Bordeaux, 32 % à Niort, 30 % à Pau, 29 % à La Rochelle par exemple, ou encore près de 31 % à Tulle, en terre hollandaise.

9Ensuite parce que scrutin après scrutin, l’extrême droite s’implante sur une ligne qui s’étend de l’estuaire de la Gironde au Lot-et-Garonne (carte 1), territoire socialement très marqué et baptisé par l’INSEE le « Couloir de pauvreté » (Guiot de la Rochère, 2011) : il s’agit d’une zone identifiée comme particulièrement touchée par la précarité au regard du poids des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), en particulier dans sa composante « activité » [8] et cela à la fois en zone urbaine ou rurale. Le « Couloir » se caractérise donc par une part importante de salariés agricoles à la situation économique dégradée et d’employés saisonniers faiblement rémunérés ; en d’autres termes des travailleurs pauvres du monde agricole et viticole (du Médoc par exemple), que l’on pourrait renvoyer à une forme particulière de l’ouvriéro-lepénisme néoaquitain mise en évidence par Nonna Mayer dans un cadre plus large (1999), associée à une réalité périphérique de populations aux « petits-moyens » qui craignent pour leur avenir (Mayer, 2015 ; Cartier et al., 2008).

Carte 1

Candidat(e) arrivé(e) en tête au 1er tour de l’élection présidentielle 2017 dans les circonscriptions de Nouvelle-Aquitaine

Carte 1

Candidat(e) arrivé(e) en tête au 1er tour de l’élection présidentielle 2017 dans les circonscriptions de Nouvelle-Aquitaine

Source : ministère de l’Intérieur via la plateforme ouverte des données publiques françaises. Carte réalisée par Flora Chanvril-Ligneel avec Cartes & Données - © Articque

10Ainsi, sur cette ligne de fragilité socioéconomique qui s’étend du Haut-Médoc à Agen, les axes de campagne électorale développés par Marine Le Pen semblent avoir particulièrement convaincu l’électorat. Cette dernière y vire en tête entre les deux tours de la présidentielle dans neuf circonscriptions de cette zone géographique : dans les deux circonscriptions sud de la Charente-Maritime, dans la circonscription sud de la Dordogne, dans l’ensemble des trois circonscriptions du Lot-et-Garonne, ainsi que dans les trois circonscriptions situées au nord de la Gironde [9]. Au second tour, la candidate du Front national dépasse même largement les 50 % dans certaines communes du « Couloir », ce qu’on ne retrouve nulle part ailleurs de façon aussi accentuée dans le grand-ouest du territoire national [10]. Si plusieurs auteurs ont mis en évidence un effet de la périurbanité et de la distance aux grandes aires urbaines pour expliquer le vote frontiste (Bussi et al., 2012), il faut également relever qu’il s’agit ici de terres de chasseurs pour certaines jusqu’à 2002 très largement acquises aux candidats se présentant sous la bannière du parti Chasse Pêche Nature et Traditions (CPNT). Ainsi en 2002, si le candidat du CPNT, Jean Saint-Josse, recueille 4,23 % des suffrages exprimés au plan national, il dépasse les 20 % dans 26 cantons français, par exemple dans la Somme ou le Gard, mais aussi en Gironde et plus particulièrement dans le Médoc, ou dans le Lot-et-Garonne, cantons dans lesquels il peut même virer en tête à l’issue du 1er tour (Bussi et al., 2002) [11]. On peut donc également y voir là un monde rural en pleine transformation, et on peut se demander si une sensibilité CPNT, longtemps considérée comme un frein au vote frontiste ne serait pas désormais devenue un tremplin dans des lieux où l’intervention publique peut être appréhendée comme faisant défaut (Barone, Négrier, 2015).

Les élections législatives en Nouvelle-Aquitaine

11Avec l’inversion du calendrier électoral par Lionel Jospin, qui fait se succéder la présidentielle puis les législatives, la constitution de l’Assemblée nationale a fourni une majorité confortable au président élu en 2002, 2007 et 2012 (Laurent, 2014).

12C’est également ce que l’on observe en 2017 et de façon massive en Nouvelle-Aquitaine qui a vu s’accentuer, au moment des législatives, la dynamique initiée lors de la présidentielle dans une logique d’élection de confirmation : la République En Marche associée au Modem qui confirme son ancrage dans les Pyrénées-Atlantiques, obtient 39 sièges sur les 49 possibles (tableau 2), soit près de 80 % d’entre eux (contre 60 % au plan national). En outre, cette force politique (ou son affiliée le Modem) est présente au second tour dans 48 circonscriptions, à la seule exception donc de la 5e circonscription de la Charente-Maritime. La lame de fond REM a donc bien eu lieu dans le Sud-Ouest et confirme là encore une sensibilité politique centriste de l’électeur néo-aquitain.

Tableau 2

Répartition des sièges à l’Assemblée nationale pour la Nouvelle-Aquitaine à l’issue du 2nd tour des élections législatives de 2017

Tableau 2

Répartition des sièges à l’Assemblée nationale pour la Nouvelle-Aquitaine à l’issue du 2nd tour des élections législatives de 2017

Source : ministère de l’Intérieur via la plateforme ouverte des données publiques françaises. Calculs réalisés par l’auteure.

13Le Front national quant à lui, dont la candidate à l’élection présidentielle a pu décevoir dans le débat de l’entre-deux-tour, accuse le coup en Nouvelle-Aquitaine : ses candidat(e)s ne se maintiennent au 2nd tour que dans six circonscriptions, cinq d’entre elles se situant dans le « Couloir de pauvreté » précédemment évoqué [12]. Leurs scores au 2nd tour ne seront pas de nature à inquiéter les candidat(e)s REM qui emporteront l’élection avec au moins 57 % des voix.

14In fine, les Républicains (LR) ne parviennent à sauver que deux sièges [13] dans la grande région, ce qui s’avère très peu au regard des 112 députés élus au total en France sous les couleurs de ce parti. Quant au parti socialiste, la tendance apparaît en demi-teinte : il remporte seulement cinq sièges ce qui apparaît objectivement faible dans une région qui en avait gagné 41 en 2012 (ce sans compter les trois sièges décrochés par Europe-Ecologie-Les Verts la même année, qui portent à 44 les sièges acquis par la majorité gouvernementale). Il s’agit d’ailleurs de sa plus mauvaise performance en 25 ans. Même en 1993, élections législatives qui constituent historiquement l’une des dates les plus sombres de l’histoire du parti socialiste, ce dernier avait recueilli davantage de sièges en Nouvelle-Aquitaine, en l’occurrence sept (tableau 3).

Tableau 3

Nombre de sièges obtenus par le Parti socialiste en Nouvelle-Aquitaine au cours des élections législatives de 1993 à 2017

Tableau 3

Nombre de sièges obtenus par le Parti socialiste en Nouvelle-Aquitaine au cours des élections législatives de 1993 à 2017

Source : ministère de l’Intérieur via la plateforme ouverte des données publiques françaises. Compilation réalisée par l’auteure.

15Pour autant, le PS contient mieux la débâcle en Nouvelle-Aquitaine qu’ailleurs, puisque, sur les trente parlementaires socialistes présent(e)s à l’Assemblée, cinq d’entre eux/elles sont issu(e)s de la grande région. Cela représente 1/6e (c’est-à-dire environ 17 %) du contingent, soit deux fois plus que le poids des sièges néo-aquitains au Parlement [14]. Ceci témoigne de la, certes relative, résistance dans la région des candidat(e)s socialistes. Également, c’est dans le Sud-Ouest que le PS se maintient le mieux au second tour des législatives : 14 des 65 circonscriptions françaises (21 %) qui ont la possibilité de voter PS au second tour de scrutin se situent en Nouvelle-Aquitaine [15]. Mais nous conviendrons néanmoins aisément que la région ne constitue pas pour autant plus qu’ailleurs un espace de préservation de cette tendance politique, surtout si l’on se souvient qu’en 2012 les socialistes et ses alliés (radicaux de gauche et verts) sont présents au second tour dans la totalité des 49 circonscriptions et que 10 d’entre eux/elles sont même élu(e)s dès le 1er tour de scrutin. À cette aune, la déroute est bien réelle.

16Dès lors, les électeurs néo-aquitains semblent avoir tourné le dos aux partis de gouvernement et ont exprimé leur désir de renouvellement de la classe politique à distance des partis, témoignant par là leur sentiment d’une impuissance des partis traditionnels à parvenir à changer le monde. Sur le plan politique, l’année 2017 se voit le reflet d’une crise de la démocratie institutionnalisée centrée sur les partis. Au niveau national, l’Assemblée est réputée rajeunie et féminisée, mais assez monocolore du point de vue social du fait d’origines sociales très étroites des nouveaux parlementaires (Rouban, 2017). Qu’en est-il en Nouvelle-Aquitaine ? Retrouve-t-on ces tendances nationales ?

17De fait, très peu des député(e)s nouvellement élu(e)s sont sortant(e)s en 2017 : 16 % en Nouvelle-Aquitaine (aucun dans le Limousin) contre 25 % en moyenne [16]. L’hypothèse selon laquelle ils/elles ont pu effectuer un mandat de parlementaire lors de législatures antérieures est légitime, mais on sait qu’il s’agit en réalité de cas de figure plutôt minoritaires [17]. Par conséquent, on peut se demander, du fait de l’ampleur du renouvellement observé pour cette XVe législature, dans quelle mesure les visages des bancs de l’Assemblée sont effectivement transformés ou s’ils ne le sont qu’en apparence, du fait d’un remplacement par des alter ego sociopolitiques.

18En 2017, l’Assemblée nationale apparaît de plus en plus féminisée : 39 % des députés sont députées et la progression est régulière depuis 1993, mandature au cours de laquelle ne siégeaient que 6 % de femmes (figure 1). Ce qui est particulièrement notable ici réside dans le reflux constaté en Nouvelle-Aquitaine en 2017 du fait d’une présence inédite et quasiment paritaire de femmes lors de la mandature antérieure (2012-2017) qui avait élu une très forte majorité de parlementaires socialistes. D’une situation atypique, la Nouvelle-Aquitaine rejoint donc la moyenne nationale en matière de parité des député(e)s élu(e)s. Ainsi, en dépit d’un presque carton plein de la République En Marche dans la grande région du Sud-Ouest, la parité n’y est pas atteinte en 2017.

Figure 1

Pourcentage de députées élues (législatives de 1993 à 2017)

Figure 1

Pourcentage de députées élues (législatives de 1993 à 2017)

Source : ministère de l’Intérieur via la plateforme ouverte des données publiques françaises. Calculs réalisés par l’auteure.

19L’âge moyen des député(e)s néo-aquitain(e)s est très proche de celui observé en moyenne à l’Assemblée : entre 49 et 50 ans dans les deux cas. Le rajeunissement est donc notable comparé aux mandatures précédentes (environ 55 ans d’âge moyen en 2007 et 2012 par exemple) et l’on retrouve en réalité des niveaux déjà connus par deux fois, en 1958 et 1981 (Rouban, 2017, p. 3). Mais si l’on regarde plus finement la distribution par âge (figure 2), on s’aperçoit que les député(e)s de Nouvelle-Aquitaine se répartissent différemment de la tendance nationale : ils/elles sont plutôt plus jeunes et plus âgé(e) s que leurs congénères puisque 35 % ont entre 40 et 49 ans (contre 28 % sur le plan national) et 31 % ont plus de 60 ans (ils/elles sont en moyenne 19 % à l’Assemblée dans ce cas). Dans le même temps, ils/elles ne sont que 14 % à avoir entre 50 et 59 ans alors que 32 % des parlementaires français(es) sont dans ce cas. Pour les plus jeunes d’entre eux/elles, qui voient donc leur entrée en politique à un niveau national plus précocement que pour les mandatures précédentes, on peut penser que nous avons affaire à une forme d’accélération de la carrière qu’ils/elles auraient peut-être néanmoins embrassée un peu plus âgé(e)s sans les bouleversements opérés en 2017. À cet égard et compte tenu de la volonté de changement exprimée par les électeurs/trices, ces nouveaux/ elles député(e)s renouvellent-ils/elles le portrait social des élites de l’Assemblée ou sont-ils/elles issu(e)s, comme par le passé, des couches supérieures de la population peuplant habituellement ses bancs ?

Figure 2

Répartition par âge des député.e.s élu.e.s en Nouvelle-Aquitaine (législatives 2017) comparée à la structure par âge de l’Assemblée nationale élue en 2017

Figure 2

Répartition par âge des député.e.s élu.e.s en Nouvelle-Aquitaine (législatives 2017) comparée à la structure par âge de l’Assemblée nationale élue en 2017

Source : ministère de l’Intérieur via la plateforme ouverte des données publiques françaises. Calculs réalisés par l’auteure.

20Nous le voyons (tableau 4), l’Assemblée nationale ne recrute pas de façon représentative de sa population active et trouve plus souvent sa source parmi les couches favorisées de la population française. Cela est vrai en général aussi bien qu’en Nouvelle-Aquitaine, bien que cette dernière comporte davantage de professions libérales ou de fonctionnaires notables ainsi que de député(e)s issu(e)s du corps des agriculteurs. Dans ce dernier cas, elle retrouve d’ailleurs une certaine connexion avec son électorat. En tout état de cause, sachant que la population active française (actifs occupés) est composée en 2016 de 4 % d’artisans, commerçant et chefs d’entreprise, et de 14,9 % de cadres et professions intellectuelles supérieures (Renaud, Rioux, 2017, p. 173), la surreprésentation de ces sous-catégories sur les bancs de l’Assemblée apparaît massive.

Tableau 4

Composition par catégorie socioprofessionnelle détaillée de l’Assemblée nationale

Tableau 4

Composition par catégorie socioprofessionnelle détaillée de l’Assemblée nationale

Remarque : les pourcentages pour la Nouvelle-Aquitaine portant sur 49 élu(e)s, il convient de mesurer les écarts avec prudence et de ne considérer que quelques ordres de grandeur.
Source : ministère de l’Intérieur via la plateforme ouverte des données publiques françaises. Il faut noter que ces professions sont celles autodéclarées par les concerné(e)s dans leur questionnaire de candidature. Dans ses travaux, Luc Rouban (2017) met en évidence une distorsion avec la réalité de leur exercice professionnel, en montrant par exemple une sous-déclaration de la profession de permanent politique.

Conclusion

21En dépit de contrastes sociaux territoriaux importants, l’électorat de la Nouvelle-Aquitaine reflète la réalité du Sud-Ouest français de manière plus large, qui a souhaité exprimer une volonté de changement politique selon des modalités modérées plutôt qu’extrêmes : le Front national n’y a trouvé qu’un écho finalement limité, renvoyant à la tradition radicale de gauche et de droite plutôt centriste de la grande région. Il ne faut pour autant pas négliger l’ancrage de plus en plus accusé de l’extrême droite, en particulier le long du « Couloir de la pauvreté », qui rappelle combien les thématiques frontistes peuvent s’inscrire dans des logiques sociospatiales bien spécifiques. Les législatives en Nouvelle-Aquitaine procurent à Emmanuel Macron une forte proportion de ses troupes à l’Assemblée nationale, montrant par-là la confirmation d’un puissant rejet des logiques partisanes jusqu’alors à l’œuvre. Pour autant, le renouvellement des élites politiques n’a eu lieu que partiellement, que ce soit en France ou dans le paysage néo-aquitain : la féminisation connaît un recul en Nouvelle-Aquitaine, et si l’Assemblée est certes rajeunie (et féminisée en moyenne), elle recrute encore et toujours parmi les couches les plus favorisées de la population et en cela, nous avons affaire à une continuité dans le temps long.

Notes

Références / References

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Viviane Le Hay
Ingénieure de recherche CNRS
Centre Émile Durkheim, Bordeaux
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Mis en ligne sur Cairn.info le 09/07/2018
https://doi.org/10.3917/psud.048.0136
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