Qu’il semble loin le temps où en France l’ordre familial était régi par la référence à la puissance paternelle, et où notre droit était structuré par deux grands principes, que l’on pourrait résumer ainsi : « la mère est certaine, c’est celle qui accouche, le père est toujours incertain », et « on ne peut avoir que deux parents, et deux seulement ». Ce qui posait le mariage au fondement de la vie familiale, en le considérant comme inconditionnel et indissoluble, autant que lieu légitime de la pratique sexuelle et de l’engendrement. Il fallait, en effet, que les règles juridiques sécurisent la filiation en attribuant l’enfant né d’une femme à son mari, avec pour conséquence la nécessité de virginité de celle-ci à son mariage et son obligation de ce qu’on appelait non sans ambiguïté « fidélité » pour désigner une exclusivité sexuelle garantissant l’absence de naissance illégitime. Ce que le doyen Carbonnier, principal réformateur du droit de la famille, avait résumé dans une belle formule : « Le cœur du mariage ce n’est pas le couple, c’est la présomption de paternité » [1].
Aujourd’hui, un mariage sur deux se termine par un divorce, plus de 60 % des enfants naissent hors mariage, la paternité biologique peut être certifiée par l’ADN et la maternité biologique scindée en deux lorsqu’il y a don d’ovocyte. Voici venu le temps des incertitudes !
Sous l’Ancien Régime, cet ordre institué était d’autant plus difficile à contester qu’il était consacré par la religion et que le mariage constituait un des plus importants sacrements régissant la vie d’une société de croyants…