Le tournage a lieu un jeudi matin dans un centre communautaire. Les jeunes sont fébriles à l’idée de danser devant la caméra. Une fois la gêne dissipée, leurs mouvements se délient et prennent de l’amplitude, si bien qu’à un moment ils débordent du champ de la caméra. Les membres de l’équipe de tournage discutent des questions esthétiques entourant le choix du cadrage et s’interrogent : « On reprend ? » Réduite à sa dimension purement concrète – demande-t-on aux jeunes de danser avec moins d’amplitude pour gagner en visibilité, quitte à perdre en spontanéité ? –, la question peut sembler banale. Mais, saisie dans sa portée symbolique, elle offre un condensé des défis qui se sont posés lors d’un projet de danse intergénérationnel dont cet article traitera. Quels cadrages pour un projet qui vise à mettre au centre les participants ?
Avant de réfléchir aux dynamiques qui se sont dessinées lors du projet, nous le présenterons dans sa forme concrète. Il s’agit d’un projet de danse intergénérationnel qui a été créé par les membres de l’équipe de recherche-action « Et si…? » en partenariat avec un centre communautaire pour jeunes (centre l’Unité) et une résidence privée pour personnes âgées autonomes et semi-autonomes (l’Alto) dans l’arrondissement Saint-Laurent à Montréal. Ce quartier, qui affiche la plus forte concentration d’immigrants sur l’île, fait face à différents défis en termes de croissance démographique, de lutte contre la pauvreté et d’accessibilité au logement. Une importante part de sa population (autour de 30 %) vit sous le seuil de la pauvreté alors que l’offre des logements sociaux dans ce quartier reste l’une des plus réduites de Montréal…