CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Jusqu’à présent, les différences entre les rejets français et la « guerre culturelle » américaine ne sont apparues qu’à la marge des registres de valeur invoqués, globalement similaires tant qu’on s’en tenait aux valeurs autonomes portant sur l’œuvre, ou aux valeurs mixtes portant sur la relation au contexte. Mais avec les valeurs hétéronomes, appliquées directement au référent de l’œuvre, nous allons voir saillir des différences massives entre les deux cultures, puisque l’essentiel des problèmes soulevés par l’art contemporain se situent, aux États-Unis, dans le registre civique ou éthique des idéaux transgressés par les œuvres – dimension très peu présente en France.

2Que faut-il entendre par « valeurs appliquées au référent » ? Il s’agit des cas où l’évaluation porte non pas sur l’œuvre elle-même, ni sur la personne de son auteur, ni même sur le contexte dans lequel elle est portée à l’attention du public, mais sur les objets du monde ordinaire qu’elle représente ou évoque à travers son sujet ou son matériau. Ce fut le cas par exemple, en France, avec la fontaine de Bernard Pagès à La Roche-sur-Yon, où les plaintes des habitants portèrent essentiellement sur la trivialité du matériau (des bidons cabossés), jugée inadéquate à l’esthétique néoclassique de la place où elle avait été installée. Aux États-Unis, on relève un cas similaire avec les protestations des habitants de Cincinnati face aux quatre cochons ailés en bronze couronnant une porte monumentale conçue par Andrew Leicester en 1988, au motif qu’elle donnerait de la ville une image dégradante [2]. Plus typiquement américain apparaît le cas de la peinture murale commandée en 1994 à Michael Spafford pour le parlement d’Olympia (Washington), intitulée Twelve Labors of Hercules, et qui fut finalement retirée après la plainte d’un groupe de députées, l’une d’elles arguant : « Hercule tua sa femme et ses enfants. Et ces peintures murales évoquent le viol. Ce n’est pas ce que nos visiteurs devraient regarder. En tant que femme, je me sens offensée par elles [3]. » Portant directement sur le référent de l’œuvre, autrement dit sur l’objet représenté, sans prendre en compte la médiation propre à la représentation artistique, de tels jugements sont au plus loin de la sphère d’autonomie de l’art et du jugement esthétique – qu’il soit expert ou amateur.

Civique/éthique

3Intermédiaire entre la défense civique des valeurs démocratiques et l’indignation éthique contre l’injustice faite à des citoyens en raison de leur appartenance à une communauté, la protestation au nom des droits des minorités (« raciste », « sexiste ») est une spécialité américaine. Il peut s’agir des minorités raciales, comme avec l’affaire Nelson à Chicago ; nationales, comme en 1991 à Pittsburgh, Pennsylvanie, lorsqu’une sculpture en fibre de verre de Luis Jimenez, Hunky Steelworker, fut attaquée en tant qu’atteinte aux Américains originaires d’Europe de l’Est ; ou sexuelles, comme avec la petite affaire des travaux d’Hercule évoquée ci-dessus.

4Dans ce dernier cas, la protestation est souvent ambiguë entre féminisme et moralisme, défense de la dignité des femmes et défense de la décence. En France, l’un des seuls exemples de rejet d’une proposition artistique à caractère sexuel présentait ce caractère ambigu entre moralisme et féminisme : l’exposition par Bernard Bazile au Centre Pompidou, en 1993, de trois femmes mannequins nues, ne suscita que quelques critiques dans le livre d’or, mais incita des gardiennes à refuser de cautionner par leur présence cette atteinte à la dignité des femmes et à la vocation culturelle du lieu [4]. De même, à New York, une sculpture commandée à George Segal, intitulée Gay Liberation et montrant un couple de lesbiennes et un couple d’homosexuels, suscita en 1980 diverses réactions : certains la trouvant laide, d’autres trop grande pour le site, d’autres craignant qu’elle n’attire des hordes de touristes ou qu’elle ne constitue « une invite à la sexualité en public » ; des homosexuel(les) l’accusèrent également d’être raciste puisqu’elle ne montrait que des blancs. Installée sur le campus de Stanford en 1984, elle y fut vandalisée à coups de marteau par un passant.

Éthique : l’obscénité

5Ce refus éthique de l’obscénité est récurrent dans le corpus américain, alimenté par un nombre considérable d’œuvres transgressant l’interdit de représentation de l’acte sexuel, voire de la simple nudité. La tonalité des réactions est particulièrement violente lorsqu’il s’agit d’homosexualité : il n’est pas étonnant dans ces conditions que ce soit l’affaire Mapplethorpe, avec les photographies d’actes homosexuels extrêmes et d’enfants nus, qui ait atteint la dimension la plus virulente et la plus lourde de conséquences. Il suffit de lire les lettres adressées à deux centres new-yorkais d’art contemporain ayant exposé, dans les années 1990, des images évoquant ou représentant l’homosexualité, pour mesurer la violence des affects investis dans les refus. Certes, ce sont des cas extrêmes, nullement représentatifs, d’autant plus qu’il ne s’agit pas de documents publiés mais de courriers envoyés directement ; néanmoins, ils existent et ont leur place dans notre corpus au titre de réactions spontanées, non sollicitées par le chercheur. À ces précautions près, ils peuvent être considérés comme symptomatiques d’une sensibilité peut-être minoritaire, mais probablement pas limitée aux seuls auteurs de ces lettres.

6

LA TOPIQUE ANTI-HOMOSEXUELLE
Lettres à Susan Wyatt, directrice d’Artists’ Space, à propos de l’exposition Witnesses, against our vanishing[5] :
– Jesse Helms a raison à propos du sida et de l’homosexualité. Mais il n’a pas été assez net. J’aurais dit : « Suce et crève. » Inutile de dire que je n’ai absolument rien à faire de l’oxymoron « art homo-érotique ». Si ça tenait à moi, j’utiliserais la peine de mort pour éliminer, c’est-à-dire zapper, tous les homos porteurs du sida, et même tous les homos et lesbiennes. Je n’ai rien à faire non plus d’institutions avec des programmations à la Franklin Furnace. Souvenez-vous que si vous couchez à côté d’un chien, vous attrapez des puces. Allez vous faire foutre.
Aux amateurs d’homos du Franklin Furnace. L’art dégénéré n’est plus politiquement correct. Gare aux trous du cul ! Franklin Furnace est le champion du soutien à l’art homo-érotique (un oxymoron) de gauche. Art homo = art dégénéré. Que le Franklin Furnace aille se faire foutre. Tuez tous les homos porteurs du Sida.
[Lettres à Franklin Furnace]

7

– Désolé, je ne visiterai pas votre exposition d’« art », car je peux voir ce genre de saletés dans les toilettes pour hommes du métro.
[Sur une carte de visite]

8

– Susan, toi qui es siiii chic ! Voici une performance artistique pour toi : 12 pinceaux plantés dans ton cul pendant que tu me suces la queue. Qu’est-ce que tu en penses ? – Bob M.
[Sur la reproduction d’une photo de malade du SIDA dans son lit d’hôpital, présentée dans l’exposition, sur laquelle a été collé un entrefilet de presse reproduisant une déclaration de Susan Wyatt, la directrice du centre, avec cette phrase soulignée, « C’est de l’art, sans le moindre doute »]

9

– Chère Mademoiselle, New York fut naguère un bel endroit, un joyau de l’Amérique. Les gens comme vous ont créé un cancer à la place du joyau. Je vous envoie un article que j’ai écrit, qui a été publié et favorablement reçu. Pour ce qui est de la « dame » au sida, je vous suggère de dire à ce rebut féminin auquel vous êtes associée qu’il y a un très bon remède contre le sida : serrer bien fort un cachet d’aspirine entre ses genoux. Que Dieu ait pitié des âmes qui pourraient subsister chez les gens comme vous. Sincèrement.
[Lettre manuscrite adressée à Miss Susan Wyatt, 10 novembre 1989, signée par un homme]

10

– Si vous pensez qu’attaquer l’Église Catholique peut bénéficier à votre spectacle sur le sida, vous vous trompez lourdement. Le Cardinal O’Connor a aidé plus de victimes du sida que n’importe quel rabbin ou prêtre ou athée. Il a donné plus de places à l’hôpital et dans les lieux d’hébergement aux victimes du sida que n’importe quel groupe juif ou protestant dans cette ville. Sous prétexte qu’il n’encourage pas les pratiques sexuelles déviantes, vous voulez le ridiculiser. Ça ne marche pas. Nous ne laisserons pas polluer l’« art ». Vous avez déjà transformé les établissements de bain, les théâtres et autres lieux publics en porcheries dégueulasses, et les hôtels en paniers de linge sale pour prostitués hommes. Vous parlez de « safe sex », vous plaisantez ? Vous continuez à ramener des étrangers trouvés n’importe où. Votre « art » appartient à la 42e Rue avec le reste de la pornographie. Vous parlez de « principes » : vous ne savez même pas ce que le mot signifie.
[Lettre manuscrite adressée par une femme à Susan Wyatt, 9 novembre 1989]

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Tinho, Graffiti, São Paulo

11Récurrente dans ces diatribes est la nécessité de maintenir de strictes frontières, que ce soit entre art et pornographie, entre art et non-art, entre liberté d’expression et licence, ou entre art digne de subventions publiques et simple provocation destinée à choquer. « Il y a une grande différence entre art et cochonnerie », « On ne peut transformer la pornographie en art par un simple effet d’étiquetage », « Obscénités trop souvent déguisées en art », « Les photos obscènes ne sont pas artistiques », titrent en juin 1989 The Atlanta Journal, The Florida Times-Union, le Donathan Eagle, ou encore le Roanoke Times, pour chapeauter les interventions de James J. Kilpatrick stigmatisant ces « ordures lascives, destinées à choquer le sens des convenances de ceux qui visitent un musée public » (Taunton Daily Gazette), et déclarant : « Parce que je vis sous le Premier Amendement, je suis prêt à aller très loin pour défendre le droit à la liberté d’expression. Mais lorsqu’il s’agit de liberté d’expression financée sur fonds publics dans des institutions publiques, il est nécessaire de tracer des frontières raisonnables. Dans cette affaire accablante, les frontières ont été piétinées » (Parkersburg News).

12La comparaison entre les deux pays est particulièrement délicate en matière de réactions éthiques à des propositions d’artistes qui, pour les uns, attentent manifestement à la morale sexuelle et, pour les autres, sont perçues avant tout comme relevant d’une perception esthétique, voire comme dénuées de tout contenu érotique. Car le partage entre la perception des uns et celle des autres ne mobilise pas toujours les mêmes points de repère, d’un pays à l’autre. Ainsi, un regard français peut comprendre, certes, que des Américains attentifs au respect des interdits touchant la sexualité s’indignent que la performance Post-Porn Modernist, présentée à The Kitchen par Annie Sprinkle, qui parlait de sexualité en se montrant nue, ait été subventionnée par le NEA et le New York State Council on the Arts (c’était à New York, en 1990) ; ou que le NEA ait accordé une aide à une œuvre féministe collective intitulée The Dinner Party, considérée par certains comme obscène. Mais il est plus difficile d’apprendre sans rire que le Virginia Museum of Fine Arts organisa en 1992, à la demande de certaines écoles, parents et responsables religieux, une visite guidée évitant tous les nus (tâche qui, admit un employé, se révéla difficile) ; ou que les patrons d’un magasin enlevèrent une reproduction de la Vénus de Milo parce que « c’était trop choquant… Nous sommes dans une zone conservatrice et familialiste » (c’était à Springfield, Missouri, en 1992) ; ou encore qu’une enseignante de collège, soutenue par la Commission for Women (comité de femmes) de son établissement, exigea le retrait d’une reproduction de la Maja desnuda de Goya affichée dans une salle de classe parce qu’elle constituerait un harcèlement sexuel (c’était à Philadelphie en 1992 – l’image fut raccrochée après les protestations du Art Department).

13Au procès Mapplethorpe, les experts convoqués par la défense utilisèrent, nous l’avons vu, l’argument esthétique et purement formel de la beauté dans la composition plastique. Il y a là toutefois une torsion argumentative que ne manquèrent pas d’épingler certains commentateurs américains : « Ce puritanisme amena au procès des arguments extraordinaires. Le directeur du CAC [Contemporary Art Center], Dennis Barrie, jura sous serment que les œuvres étaient “frappantes, mais pas titillantes”. […] Les jurés se virent sans arrêt rappelé qu’ils devaient juger la qualité des œuvres en “les considérant comme abstraites, ce qu’elles sont d’ailleurs, essentiellement” » [6]. Ce terme de « puritanisme », employé par un Américain, mérite ici d’être relevé, tant il fait sens pour un observateur français, qui aurait sans doute du mal à se retrouver dans l’un comme dans l’autre camp faute d’une argumentation qui lui parût acceptable. Car à la dénégation de l’autonomie artistique par les moralistes (tel le procureur) fait front la dénégation de la transgression des règles de la décence par les esthètes (tel le conservateur du musée). Dans les deux cas, c’est la pluralité des points de vue, en même temps que la réalité des affects, qui se trouvent niées, dans une logique qui, vue de France, apparaît aussi puritaine d’un côté (conservateur, par refus d’images à connotation sexuelle) que de l’autre (libéral, par dénégation de l’aspect sexuel de l’image).

14La ligne de frontière entre puritanisme et aveuglement, ou entre hypersensibilité et sous-estimation de la dimension érotique des images – et, plus généralement, entre perception éthique et perception esthétique –, est particulièrement difficile à tracer en matière de représentation de la nudité enfantine, vécue par les uns comme pédophilie et par les autres comme sensibilité à la beauté des corps d’enfants. En témoignent les scandales soulevés par les photographes Jock Sturges (arrêté par le FBI en 1990) ou, surtout, Sally Mann, qui photographie ses propres enfants dans des situations qualifiables d’« ambiguës » par certains, ou de « franchement provocantes » par d’autres. Les libéraux, qui défendent la liberté d’expression artistique, sont-il des obsédés sexuels qui veulent de l’érotisme partout (version conservatrice) ? Ou bien les conservateurs, qui défendent les valeurs morales, sont-ils des obsédés sexuels qui voient de l’érotisme partout (version libérale) ?

15Même aux États-Unis, la ligne de partage est difficile à tracer, y compris sur le plan juridique, où l’imputation d’obscénité est étroitement encadrée par la jurisprudence, sans que soient clairement définis par la Cour Suprême la « force de l’intérêt de l’État » ni le « danger clair et immédiat », qui seuls peuvent motiver l’entrave à la liberté d’expression garantie par le Premier Amendement de la Constitution. C’est ainsi que les accusateurs de Mapplethorpe, persuadés de l’évidence des méfaits reprochés aux images litigieuses, voulurent s’en tenir à l’« évidence » de leur obscénité, ce qui leur fit perdre la partie face à des défenseurs qui surent mettre l’accent sur la subjectivité de cette qualification, tout en argumentant sur l’objectivité des qualités artistiques des images [7].

16Observons de près un cas franco-américain, qui montre que l’ambiguïté peut être à plusieurs niveaux. Il s’agit de l’image commandée en 1993 à Balthus pour illustrer les étiquettes de château-mouton-rothschild, confiées chaque année à un peintre : l’ébauche au fusain d’une fillette nue ne posa aucun problème en France, tandis qu’aux États-Unis des associations se liguèrent contre cette « pornographie enfantine » (« kiddy-porn »), au point que le distributeur américain fit marche arrière et remplaça l’image par un bandeau blanc sur les bouteilles destinées à l’exportation. Dans un communiqué de presse, la baronne de Rothschild parla de « censure », se déclarant « consternée par ce malentendu malheureux, n’ayant jamais imaginé que cette charmante œuvre d’art puisse être perçue dans un contexte sexuel, et encore moins liée au tragique problème mondial des abus contre les enfants » [8].

17Jusque-là, les choses paraissent claires vues d’Europe : c’est le puritanisme des conservateurs américains qui a encore frappé, au grand dam des libéraux. Mais les choses sont peut-être un peu plus complexes. D’une part en effet, le dossier de presse prévu pour l’Amérique était plus ambigu que l’image elle-même, puisqu’on y lisait : « L’adolescente fragile et mystérieuse qu’il a dessinée pour Mouton Rothschild 1993 semble incarner la promesse, encore secrète, d’un plaisir partagé. » En outre, on ne peut qualifier l’image en question sans prendre en compte son contexte, c’est-à-dire, en l’occurrence, son support : sur une étiquette de bouteille, a-t-on encore affaire à une œuvre d’art, susceptible d’une appréciation purement esthétique, ou bien à une simple image, non protégée par la médiation de l’art ? Et plus précisément, peut-on utiliser des images signées par des artistes à des fins commerciales, dans des contextes de dégustation sensorielle, tout en continuant à faire valoir leur caractère artistique, qui ferait de toute interdiction une « censure » ? N’est-ce pas là vouloir à la fois une chose et son contraire, en faisant référence au « plaisir » et au « secret », dans une stratégie de commercialisation, tout en déniant à l’image la moindre ambiguïté, au nom de l’art, alors même que celui-ci est forcément mis à distance par son cadre contextuel ?

18Autrement dit, faut-il imputer la responsabilité de cette affaire au puritanisme des ligues de vertu américaines ou au double jeu des vendeurs français prompts à dissimuler vertueusement, derrière les droits de la création, la dimension sensorielle et commerciale de l’image ? S’il y a obsession puritaine d’un côté, n’y a-t-il pas aussi hypocrisie esthète de l’autre ? Et l’accusation de « puritanisme américain » n’est-elle pas, ici, la surinterprétation bien française d’une réaction à une proposition objectivement (voire intentionnellement) ambiguë ?

19Reste que les rejets de l’art contemporain au nom de la morale sexuelle sont à peu près absents en France ; et lorsqu’ils affleurent, c’est au stade de l’anecdote ou du balbutiement. Ils sont en effet fortement contraints, au niveau des institutions, par le risque (moral) d’être accusé de censure, beaucoup plus puissant que le risque d’être accusé d’incitation à la débauche vertueusement [9]. Par ailleurs, la rareté des cas français est – nous y reviendrons – largement imputable à la nature même des œuvres proposées ; dès lors, ce n’est plus la différence de réception, mais la différence de production d’œuvres avant-gardistes qui devient signifiante dans la comparaison entre les deux cultures, puisque la transgression caractéristique de l’art contemporain porte, dans l’un et l’autre pays, sur des valeurs très différentes. Nous allons le vérifier à propos d’une autre valeur en jeu dans les rejets à caractère éthique : la religion.

Éthique : le blasphème

20Nous avons vu avec les statistiques américaines que les cas de rejets liés au caractère blasphématoire d’une œuvre arrivent en deuxième position après les problèmes d’obscénité. Là encore, le contraste est patent avec la France, où l’on ne trouve que deux cas de rejets associés à la religion : François Morellet à l’abbaye du Bec-Hellouin (une croix immatérielle composée d’acier inoxydable et d’un rayon laser, un jet d’eau, des dalles de céramique et d’ardoise au sol soulignant les vestiges archéologiques) et Jean-Pierre Raynaud à l’abbaye de Fontevraud (quatre fosses habillées de carreaux de céramique blanche, contenant des gisants légèrement surélevés). Et encore, il ne s’agissait que d’un refus de subvention au nom du respect de la vocation spirituelle du lieu, à propos de propositions d’art conceptuel élaborées apparemment dans une intention non pas blasphématoire mais, au contraire, soucieuse d’une expression moderne de la spiritualité.

21Aux États-Unis, en revanche, les accusations de blasphèmes sont nombreuses et spectaculaires. La plus saillante visait le Piss Christ d’Andres Serrano qui – en même temps que des photos de cadavres à la morgue – faisait partie d’une exposition itinérante subventionnée par le NEA, et qui provoqua un scandale national, avec de nombreuses lettres, pétitions, voire manifestations. Ainsi, « le 18 mai 1989, le sénateur Alfonse d’Amato bondit sur le parterre du Sénat américain avec une reproduction du Piss Christ de l’artiste afro-cubain Andres Serrano [10] » ; des chrétiens allèrent même jusqu’à organiser une veillée aux chandelles devant l’Institute of Contemporary Art de Philadelphie (l’ICA, dépendant de l’université de Pennsylvanie) au moment où s’inaugurait l’exposition. Ils purent ainsi manifester leur abstention de visite, laquelle constitue un acte de protestation contre le principe même de telles images – abstention que les partisans de la liberté artistique tendirent à interpréter comme une preuve d’obscurantisme de la part de ceux qui jugent sans même avoir vu.

22On put constater que, à la différence des mises en cause esthètes de l’authenticité artistique, les réactions d’indignation éthique face à des images perçues comme blasphématoires ne s’encombrent pas de nuances. Le fait d’exposer cette œuvre fut interprété comme une déclaration de guerre contre la chrétienté : « Exposer Piss Christ n’a pas grand-chose à voir avec la définition de l’art ou les subventions d’État accordées à des œuvres offensantes. Montrer cette œuvre a à voir avec la guerre culturelle contre le christianisme, et avec la question de savoir quel camp l’ICA – et par conséquent l’université de Pennsylvanie – a décidé de rejoindre. » Et le simple fait de la qualifier en termes de beauté fut stigmatisée comme outrageante : « En tant que catholique romaine, je suis outrée que l’Université ait permis à l’Institute of Contemporary Art d’exposer cette représentation sacrilège de Jésus-Christ crucifié. Wendy Steinberg, la chargée de relations publiques de l’ICA, a décrit cette photographie comme “très très belle – et, d’une certaine façon, vraiment respectueuse”. Elle n’est pas sérieuse ! La déclaration de Steinberg démontre clairement son manque de sensibilité religieuse ; c’est une véritable gifle à la face de tous les chrétiens. »

23Comme dans le cas Mapplethorpe, Serrano choisit de se défendre sur un plan purement esthétique, sans revendiquer ni l’hostilité à la religion catholique, ni le droit à une liberté d’expression artistique ; interrogé sur ses motivations et sur les raisons de ce titre, il répondit : « Je pourrais me contenter d’utiliser de la pisse pour la belle lumière qu’elle me donne et ne pas faire savoir aux gens ce qu’ils ont sous les yeux. Mais j’aime que les gens sachent ce qu’ils regardent, car l’œuvre est conçue pour opérer sur plus d’un seul niveau. » Un visiteur lui répliqua dans le livre d’or de l’ICA, illustrant à nouveau ce basculement exclusif dans le registre esthétique, au déni de la charge émotionnelle liée au contenu de l’image, que nous avons déjà vu à l’œuvre chez les experts défendant Mapplethorpe : « Les liquides utilisés pour faire la photo créent de merveilleux effets colorés. Mais je ne comprends pas en quoi la nature ou la source de ces fluides importe ; je trouve qu’une composition franchement minimaliste en blanc et rouge serait aussi peu intéressante si elle était faite avec de la peinture que si elle était faite avec du sang et du lait. Pour moi, la couleur c’est la couleur ; je n’aime pas avoir à lire le cartel pour qu’on m’explique ce que je vois. »

24Une autre stratégie de défense face à l’accusation de blasphème consiste à invoquer non plus l’autonomie esthétique de l’œuvre d’art mais, de façon plus hétéronome, la nécessité de défendre la liberté d’expression, selon un argument dont nous avons vu à quel point il est central dans la culture américaine. C’est le sens de l’intéressant dialogue par livre d’or interposé où, à un visiteur stigmatisant la volonté de l’artiste de « juste choquer » le public, un autre répond : « Vous préféreriez que tout l’art soit neutre, pas engagé ? À quoi servirait-il s’il ne provoquait pas de réactions ? » ; et un autre : « Si l’art ne provoque pas, quel est son but ? Si nous ne sommes pas libres de nous exprimer, alors il y a vraiment quelque chose qui ne va pas dans la société. » On a là un rabattement de la création artistique sur l’opinion, qui tend à tirer l’art vers le pôle de l’information, en court-circuitant le jugement sur la qualité artistique par l’acceptation inconditionnelle de toute forme d’expression au nom de la liberté : opération qui semble relativement bien admise aux États-Unis, alors que vue de France elle paraît symptomatique d’une conception naïve, peu informée des enjeux spécifiquement artistiques, donc au plus loin de l’autonomie de l’art [11].

25

LE SCANDALE SERRANO
(Livre d’or, ICA, Philadelphia)
– Vous avez réduit l’art à une présentation offensante de la plus basse espèce pour obtenir l’attention du public en le choquant. Comme dans Les habits neufs de l’Empereur, les gens s’y pressent en masse pour avoir l’air « cool ». Nos prières vous accompagnent – vous en aurez sûrement besoin.
– Dommage que Serrano n’utilise pas sa tête. L’œuvre pourrait être tellement plus étrange. Si seulement il n’essayait pas juste de choquer !
– Qu’est-ce que vous entendez par « essayer juste de choquer » ? Vous préféreriez que tout l’art soit neutre, pas engagé ? À quoi servirait-il s’il ne provoquait pas de réactions ?
– Si l’art ne provoque pas, quel est son but ? Si nous ne sommes pas libres de nous exprimer, alors il y a vraiment quelque chose qui ne va pas dans la société.
– Vous avez une conception malade et pervertie de ce que devrait être la beauté artistique. Je ne pense pas que l’art devrait n’être que jolies fleurs roses, mais je pense que la mort est une question privée ! Il est irrespectueux de votre part de mouler des cadavres sur le mur d’un musée d’art pour que tout Philadelphie les voient ! Vous êtes un malade, et vous avez besoin d’aide si vous pensez que votre exposition a une vraie signification pour quiconque d’autre que vous.
– La place de Serrano n’est pas dans un musée d’art, mais plutôt dans une institution pour malades mentaux.
– L’art a un sens très large, mais y a-t-il une limite ? Puis-je faire un tableau d’un enfant violé et appeler ça de l’art ? Je crois que de nos jours cela pourrait se voir – et après, quoi ? L’un dans l’autre, l’exposition était « ok » – c’est de l’art, n’est-ce pas ?
– Je suis profondément perturbé par la série sur la morgue, et je ne vois vraiment pas comment on peut décrire ça comme de l’art ! De mon point de vue, c’est morbide et grotesque, et n’a pas besoin d’être vu par ceux qui recherchent des images plaisantes ou apportant une quelconque satisfaction. Je ne vous accuse pas, ni ceux qui peuvent apprécier ça, ou en tirer quelque chose, aussi, s’il vous plaît, pas de malentendu ! Je pense que votre passion de photographier l’inhabituel et l’extraordinaire est formidable ; votre cran à exposer ces œuvres l’est encore plus ! ! Oui, la mort fait partie de la vie, mais si je voulais la voir, je suppose que je serais devenu coroner, croque-mort, médecin etc. Je vais essayer d’apprécier mon déjeuner, à présent !
– Les liquides utilisés pour faire la photo créent de merveilleux effets colorés. Mais je ne comprends pas en quoi la nature ou la source de ces fluides importe ; je trouve qu’une composition franchement minimaliste en blanc et rouge serait aussi peu intéressante si elle était faite avec de la peinture que si elle était faite avec du sang et du lait. Pour moi, la couleur c’est la couleur ; je n’aime pas avoir à lire le cartel pour qu’on m’explique ce que je vois.

26Il est intéressant de noter que, dans l’histoire américaine, l’accent s’est déplacé, en matière de censure, du blasphème (critique de l’Église) et de la sédition (critique de l’État) à l’obscénité, qualification qui n’est apparue juridiquement qu’au xixe siècle [12]. Que la censure « puritaine » de l’obscénité soit une invention récente montre donc bien l’historicité du « puritanisme », qui appartient moins à la « culture » américaine qu’à un moment déterminé de son histoire.

Éthique : la cruauté

27Il existe enfin, toujours dans le registre éthique, des réactions de rejet face aux quelques (rares) installations mettant en scène des animaux vivants – telle, nous l’avons vu, la petite affaire suscitée en 1994 au sein du Centre Pompidou par le projet de Huang. De part et d’autre de l’Océan, le seul fait de mettre des insectes en spectacle peut susciter la répulsion, entre le dégoût et l’éveil d’une sensibilité à la souffrance animale : « Je n’avais jamais réalisé combien je me sentais impliquée dans le mouvement en faveur des droits des animaux avant d’avoir vu l’installation de Campopiano. Les fourmis ont l’air heureuses, mais le poisson a besoin d’espace et les souris sentent mauvais », lit-on sur le livre d’or d’une exposition de la List Visual Arts Gallery à Boston, en 1989, mettant notamment en scène des fourmis vivantes. Mais les animaux morts suscitent aussi de fortes réactions. Ce peut être à travers l’invocation de la protection des espèces, comme ce visiteur du musée Guggenheim qui, après s’être plaint sur le livre d’or du manque d’art moderne ordinaire, ajoute : « Et aussi, au cas où l’oiseau de Rauschenberg serait fait de vraies plumes, il faut savoir que l’utilisation de plumes d’oiseaux est illégale sauf s’il s’agit de poulet ou s’il est amérindien ». De même, lors de la Biennale de Lyon en 1993, une installation d’Annette Messager composée d’oiseaux empaillés fichés sur des piques attira les menaces d’une association de défense des animaux au motif que l’un des oiseaux appartenait à une espèce protégée. Et ce peut être aussi à travers l’argument de l’hygiène, comme lorsqu’une installation de l’artiste anglais Damien Hirst, Two Fucking, Two Watching, fut interdite dans une galerie new-yorkaise en 1995 : elle consistait en une vache et un taureaumorts copulant grâce à un mécanisme hydraulique. Compte tenu toutefois de la nature de l’œuvre, on peut supposer que l’argument invoqué, d’ordre purificatoire (« principalement pour des raisons d’hygiène [13] ») n’était pas le seul motif, et que la réaction à l’obscénité était aussi en jeu.

28Cette sensibilité à la souffrance ou au spectacle de la mort animale paraît largement répandue, même si les artistes asiatiques semblent plus enclins que les Occidentaux à jouer sur ce type de transgressions [14]. Ainsi, l’un des seuls cas advenus aux États-Unis avait également suscité des réactions lors de sa présentation à la Biennale de Venise en 1992 : l’installation à base de fourmis vivantes de l’artiste japonais Yukinori Yanagi, World Flag Ant Farm, fit l’objet d’une enquête par la justice italienne pour savoir si les fourmis avaient « souffert au nom de l’art conceptuel », à l’instigation d’une association de végétariens alertés par une visiteuse qui avait remarqué des fourmis mortes. Ils accusèrent l’œuvre d’être « totalement anti-éducative, car elle n’observ[ait] pas le nécessaire respect de la nature et des créatures vivantes. Les fourmis [étaient] mortes parce que leur vie hautement organisée [avait] été bouleversée [15] ». La même installation, présentée en 1995 au Wadsworth Atheneum de Hartford, Connecticut, fit l’objet d’un commentaire sévère dans une « lettre à l’éditeur » du quotidien local, intitulée « LIBÉREZ LES FOURMIS ! ».

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LIBÉREZ LES FOURMIS !
Je me demande sincèrement combien de gens supposés intelligents peuvent être si insensibles à une créature vivante ? Quelle joie peut-on éprouver à capturer des fourmis dans Washington Square, à les arracher à leur habitat, et à les amener à courir sur du papier entouré de parois de métal ? Puisque nous n’avons aucun moyen de communiquer avec le « Dieu des Fourmis », ni la moindre idée du tourment enduré par ces créatures, peut-on vraiment justifier qu’on les utilise de cette manière ? Vraiment, artiste Yukinori Yanagi, si les fourmis sont vos meilleurs amis, je dois vous rappeler que personne ne capture, tourmente et emprisonne ses amis. Si les gens que nous considérons comme éclairés sur bien des matières ne peuvent ou ne veulent s’élever contre l’exploitation de créatures vivantes, alors c’est que nous sommes devenus bien superficiels, insensibles et artificiels. Je n’ai rien à faire de l’arrière-plan intellectuel ou de la soi-disant pensée artistique ou politique profonde que les artistes, les commissaires, les galeries, les musées ou les critiques entendent projeter sur cette pièce. Je n’ai pas non plus besoin, pour prendre cette position, de discuter sur le fait de manger de la viande, porter des chaussures en cuir, ouvrir les fenêtres pour laisser sortir les mouches, écraser les frelons pour les chats, aller au zoo, porter de la fourrure ou s’opposer à la guerre. Dans mon amour pour l’art contemporain, j’apprécie tous les systèmes qui sont libres, non domestiqués et dégagés des systèmes humains. C’est pourquoi je dois me joindre à ceux qui, dans le monde entier, disent : « Libérez les fourmis ! ».

30Remarquons que la ligne de partage définie par le seuil de sensibilité à la souffrance animale ne passe pas entre les partisans du « bien » ou de la « morale » d’un côté, et les partisans du « mal » ou de l’« immoralité » de l’autre ; mais il passe, à l’intérieur des partisans du bien, entre deux définitions de celui-ci : ceux qui étendent cette loi morale au-delà des frontières de l’humain et ceux qui ne le font pas. C’est donc l’extension de cette qualité éminemment variable – la sensibilité – qui est visée par les opposants, lesquels n’accusent pas les responsables d’être absolument indifférents à la loi morale, mais de lui accorder un champ de pertinence insuffisamment étendu, faute de compassion avec ces êtres souffrants que sont les animaux. Face à cette exigence éthique considérée comme primordiale, toute autre préoccupation apparaît secondaire, et notamment la question esthétique. C’est dire qu’avant d’être des phénomènes interculturels (Occident vs Orient, Europe vs États-Unis), de tels conflits de valeurs sont des phénomènes intraculturels – comme le démontre aussi le cas de la corrida, l’un des conflits les plus violents et les plus récurrents qui existe en France à propos de l’utilisation d’animaux vivants dans un contexte culturel [16].

Notes

  • [1]
    Ce texte constitue les bonnes feuilles d’un ouvrage à paraître à l’automne 2010 aux éditions Hermann (Guerre culturelle et art contemporain : une comparaison franco-américaine), dont il reprend l’essentiel du chapitre vi. Cet ouvrage est lui-même issu d’une enquête de terrain réalisée en 1996, et qui n’avait donné lieu jusqu’à présent qu’à un article en anglais résumant ses principales conclusions.
  • [2]
    Cf. Erika Doss, Spirit Poles and Flying Pigs : Public Art and Cultural Democracy in American Communities, Washington, Smithsonian Institution Press, 1995.
  • [3]
    People for the American Way (PAW), Artistic Freedom under Attack, Washington, 1994, p. 212. On y trouve aussi ce cas, à peine imaginable au regard français, d’une violoncelliste ayant refusé d’interpréter Pierre et le loup de Prokofiev parce que l’œuvre donne une image négative du loup.
  • [4]
    Cf. N. Heinich, « Bordel à Beaubourg », Omnibus, n° 10, octobre 1994.
  • [5]
    Cette exposition collective, organisée à Soho à l’initiative de la photographe Nan Goldin, était dédiée aux malades du sida (cf. Frédéric Martel, De la culture en Amérique, Paris, Gallimard, 2006, p. 246-247).
  • [6]
    Wendy Steiner, The Scandal of Pleasure. Art in an age of Fundamentalism, Chicago, University of Chicago Press, 1995, p. 56.
  • [7]
    Cf. Marjorie Heins, Sex, Sin, and Blasphemy. A Guide to America’s Censorship Wars, New York, The New Press, 1993 ; Marcia Pally, Sex and Sensibility. Reflections on Forbidden Mirrors and the Will to Censor, Hopewell University, 1994 ; Jacques Soulillou, L’Impunité de l’art, Paris, Seuil, 1995 ; W. Steiner, The Scandal of Pleasure, op. cit. Pour une mise en perspective historique, cf. Nicola Beisel, « Moral versus Art : Censorship, the Politics of Interpretation, and the Victorian Nude », American Sociological Review 58, 1993. Pour une réflexion plus générale sur les problèmes de qualification de la pornographie, cf. Bernard Arcand, Le Jaguar et le Tamanoir, Anthropologie de la pornographie, Québec, Boréal, 1991.
  • [8]
    Cité in Edgar Roskis, « L’éthique et l’étiquette », le Monde, « Radio-Télévision », 12-13 mai 1996.
  • [9]
    Frédéric Martel a bien souligné la dissymétrie entre les deux pays en matière de tolérance à la censure : « Pour un Européen, la censure aux États-Unis apparaît comme un phénomène extra ordinairement anachronique. Non qu’il n’y ait de dérives ou de problèmes similaires en Europe, mais globalement la tolérance y est plus grande, même avec des politiques publiques financées par l’État. Quant à l’hystérie des “culture wars”, elle est tout à fait inimaginable en Europe. » (De la culture en Amérique, op. cit., p. 548).
  • [10]
    Ibid, p. 239.
  • [11]
    Sur la tendance au rabattement de l’art sur l’information, et les problèmes qu’elle pose en droit français, cf. N. Heinich, « Buren et Serra », et Bernard Edelman, « Du mauvais usage des droits de l’homme », dans B. Edelman, N. Heinich, L’Art en conflits, l’Œuvre de l’esprit entre droit et sociologie, Paris, La Découverte, 2002.
  • [12]
    M. Heins, Sex, Sin, and Blasphemy, op. cit., p. 16 et 19.
  • [13]
    Cf. Carmen Velayos Castelo, « La présence des animaux dans l’art contemporain. Ses implications éthiques », dans Recherches poïétiques, n° 9, printemps 2000, p. 19-20. L’auteur précise : « Le processus de la mort fascine Hirst. Ainsi, dans certaines occasions où il voulait exposer en direct et sans formol le processus de décomposition et de putréfaction de ses animaux (mouton, requin ou veau), il s’est affronté aux responsables de la Santé Publique ».
  • [14]
    Cf. N. Heinich, « Between ethics and aesthetics : art and animality », Universitas, monthly review on Philosophy and Culture, n° 386, octobre 2006.
  • [15]
    « L’œuvre se compose d’environ 200 boîtes transparentes remplies de sable coloré représentant les drapeaux du monde entier. Ces boîtes sont connectées à des tubes en plastique vides. La colonie de fourmis se déplace librement à travers ce labyrinthe, transportant des grains de sable de drapeau à drapeau jusqu’à ce que ces symboles ne forment plus qu’un seul et même drapeau, universel. En tout cas, c’était le concept de Yanagi. L’artiste s’est procuré une colonie de 5000 fourmis chez un entomologiste de Bassano del Grappa en Italie du Nord » (Art News, septembre 1992).
  • [16]
    Cf. N.Heinich, « L’esthétique contre l’éthique, ou l’impossible arbitrage : de la tauromachie considérée comme un combat de registres », Espaces et Sociétés, n° 69, 2, 1992.
Français

Résumé

Une enquête menée aux États-Unis en 1996 sur les rejets de l’art contemporain a permis une comparaison systématique entre les deux cultures, française et américaine, en matière de valeurs associées à l’art. Nous publions ici, à partir du livre qui en a été tiré (Guerre culturelle et Art contemporain : une comparaison franco-américaine), le chapitre consacré spécifiquement aux valeurs éthiques, touchant à l’idéologie, à la sexualité, à la religion et à la cruauté envers les animaux. L’on y constate que même s’il existe de sensibles différences interculturelles (Occident vs Orient, Europe vs États-Unis), les conflits de valeurs suscités par l’art contemporain sont avant tout des phénomènes intraculturels.

Nathalie Heinich
Nathalie Heinich est sociologue, directeur de recherches au CNRS.
Outre de nombreux articles dans des revues scientifiques ou culturelles, elle a publié des ouvrages portant sur
- le statut d’artiste et la notion d’auteur (entre autres La Gloire de Van Gogh, Minuit, 1991 ; Du peintre à l’artiste, Minuit, 1993 ; Être écrivain, La Découverte, 2000 ; L’Élite artiste, Gallimard, 2005) ;
- l’art contemporain (entre autres Le Triple Jeu de l’art contemporain, Minuit, 1998) ; sur la question de l’identité (entre autres États de femme, Gallimard, 1996 ; L’Épreuve de la grandeur, La Découverte, 1999 ; Mères-Filles, une relation à trois, Albin Michel, 2002, avec Caroline Eliacheff ; Les Ambivalences de l’émancipation féminine, Albin Michel, 2003) ;
- l’histoire de la sociologie (entre autres La Sociologie de Norbert Elias, La Découverte-Repères, 1997 ; Ce que l’art fait à la sociologie, Minuit, 1998 ; La Sociologie de l’art, La Découverte, « Repères », 2001 ; La Sociologie à l’épreuve de l’art, Entretiens avec Julien Ténédos, Aux lieux d’être, 2006 [vol. 1], 2007 [vol. 2] ; Pourquoi Bourdieu, Paris, Gallimard, 2007) ;
Elle est également l’auteur de La Fabrique du patrimoine (Maison des Sciences de l’Homme, 2009) ; Le Bêtisier du sociologue (Klincksieck, 2009).
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 15/11/2012
https://doi.org/10.3917/nre.006.0069
Pour citer cet article
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