Dans une analyse documentée, Arnaud Idelon, à la fois théoricien et praticien de ces espaces qui suscitent confusion, fantasmes et projections, met en garde contre les programmes descendants qui les éloigneraient de leur identité originelle faite d’hybridation, de culture et d’expérimentation.
Article
L’épaisseur d’une revue de presse dédiée aux tiers-lieux ces dernières années pourrait en attester : à la suite d’expériences iconiques comme Les Grands Voisins (Paris XIVe), Mains d’Œuvres (Saint-Ouen), l’Hôtel Pasteur (Rennes) ou le 6b (Saint-Denis), les tiers-lieux sont des figures des années 2020, et plus encore au terme de deux confinements qui ont modifié en profondeur mondes du travail, perception des territoires et modes de vie. Il n’est pas un maire qui, en zone rurale ou urbaine, excavant ici un ancien haras, là une forge ou un immeuble tertiaire, ne se mette à rêver lui aussi de son tiers-lieu, tandis qu’à la suite du Rapport tiers-lieux de Patrick Levy-Waitz se multiplient lignes de financement et annonces de millions débloqués pour accompagner leur essor sur l’ensemble du territoire français (quartiers culturels créatifs du ministère de la Culture/DGMIC, manufactures de proximité et fabriques de territoire de l’ANCT). Autant de mesures qui font passer ces lieux hybrides de la niche à la bulle, en ce que l’on pourrait désigner comme un « moment tiers-lieux » caractérisé par un enthousiasme généralisé pour ce qui s’annonce parfois comme un modèle de sortie de crise, et qui engage à questionner collectivement ce passage du off au in et à en faire émerger les écueils comme les conditions de réussite.
Face à une atomisation progressive du travail (contrats courts, intermittence, flexibilité), à la précarisation de l’emploi, mais également à une tendance à la désertification des milieux ruraux et des villes moyennes, collectivités, entreprises et associations prennent conscience des potentiels de lieux hybrides qui, sans partager une définition commune, présentent un certain nombre de convergences dans leurs pratiques, leurs modes de gouvernance et de gestion, et des modèles économiques innovants…
Résumé
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Auteur

Arnaud Idelon, acteur du mouvement des tiers-lieux, a co-fondé Ancoats en 2017 afin de contribuer au développement de tiers-lieux culturels et autres alternatives urbaines. En tant que journaliste indépendant et animateur radio, il observe pour le compte de différents médias les mutations à l’œuvre dans ces lieux de l’émergence artistique, et enseigne ces sujets à l’université. Il co-coordonne le diplôme universitaire « Mise en œuvre et gestion d’espaces communs » initié par Yes We Camp et l’université Gustave Eiffel. Il accompagne également le ministère de la Culture (DGMIC) dans son programme d’aide à l’émergence de tiers-lieux culturels (PAM Tiers-Lieux), l’appui éditorial du Forum entreprendre dans la culture, ainsi que l’évaluation du dispositif de soutien aux quartiers culturels créatifs (QCC). En 2021, il a co-fondé le Sample, tiers-lieu culturel et solidaire à Bagnolet, une manière de faire « atterrir » outils, principes et pratiques rencontrés au fil de ses dernières expériences.
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 18/01/2022
- https://doi.org/10.3917/nect.014.0096

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