Depuis plusieurs années, Michel Lallement a choisi de mobiliser les outils de la sociologie du travail pour étudier les « utopies concrètes », à travers des immersions dans plusieurs communautés ou collectifs de travail, ou une analyse sociohistorique d’expériences utopiques de travail. Ses travaux nous fournissent des pistes stimulantes pour penser la possibilité d’un travail émancipateur ; cela implique de déconstruire un ensemble de caractéristiques habituellement associées au travail (hiérarchie, contrainte, division…), pour penser le travail avant tout comme une nécessité, une activité porteuse d’utilité sociale. Dans cette perspective, le travail s’étend bien au-delà de l’emploi et englobe un faisceau de tâches qui sont habituellement reléguées au privé, à l’individuel (faire des courses, écrire, prendre soin des autres…).
Article
Mouvements : Vous êtes sociologue, et dans vos travaux de recherche vous étudiez le travail, entendu non seulement comme une activité salariée, mais aussi comme une activité productive et collective. Vous avez écrit sur différentes expériences utopiques (Familistère de Guise, hackerspaces et fablab) qui bouleversent ou pensent différemment l’organisation et la division du travail. Dans votre dernier livre, Un désir d’égalité (Seuil, 2019), vous vous êtes intéressé à des communautés anarchistes étasuniennes qui mettaient la question de l’égalité au cœur de leur principe de vie. Pourriez-vous nous dire comment ils pensent et se répartissent le travail ? Comment, dans ces « communautés intentionnelles », ils abordent les questions : qui fait quoi, pour qui, comment et pourquoi ? Comment la question du travail se pose et se pratique ?Michel Lallement : Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais faire des remarques préalables. Tout d’abord, c’est que, dans ce que l’on appelle « communautés intentionnelles » aux États-Unis, et que l’on traduit en France par « communautés » tout court, le travail est une nécessité. Et quand il y a eu le revival communautaire, le retour des communautés à la fin des années 1960 et au début des années 1970 aux États-Unis, on a très bien vu que les communautés qui se sont implantées avec un refus de travailler n’ont pas duré très longtemps.
La deuxième chose qui est frappante, c’est que dans ces formes d’organisations alternatives, le travail est un élément central des pratiques et des identités communautaires…
Résumé
Auteurs
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2021
- https://doi.org/10.3917/mouv.106.0110

Veuillez patienter...