Une enquête par questionnaires auprès des JAF, confortée par une enquête par entretien auprès de magistrats, permet de connaître ce que les magistrats pensent de la table de référence pour la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants (CEEE). Bien que le recours à la table soit fréquent, les magistrats demeurent critiques, opposant son utilité à la préservation de leur pouvoir d'appréciation. Leurs critiques et propositions d'amélioration témoignent de leur méconnaissance de la note explicative initialement associée à la table, celle-ci ayant été diffusée indépendamment de celle-là. L'usage de cet outil ne semble pas être justifié par l'existence de prétentions d'un montant inhabituel ni avoir de conséquence sur le respect par les magistrats du principe dispositif : ils sont peu nombreux à fixer une CEEE en dehors de la fourchette des propositions des parents, même lorsque ces sommes sont en deçà du montant préconisé par le barème.
Article
La « barémisation » de la justice serait regardée avec une extrême suspicion dans les milieux professionnels. Les récents débats, largement médiatisés, autour de l'introduction d'un barème pour fixer l'indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse peuvent en effet laisser penser que les professionnels sont solidement opposés au recours à de tels outils d'aide à la décision. Pourtant, les récents travaux que nous avons menés montrent que, bien au contraire, l'usage de barèmes et d'outils d'aide à la décision assimilables à des barèmes est fortement ancrée dans les pratiques des différentes juridictions en France dès lors qu'il s'agit d'outils qui restent facultatifs.
La suspicion tient peut-être au fait que l'intérêt du recours aux barèmes n'est pas solidement démontré. La littérature internationale (rarement française) relative à l'évaluation des effets du recours aux barèmes judiciaires porte principalement sur trois questionnements. Le premier consiste à évaluer si, en resserrant le maillage normatif, les barèmes permettent de rapprocher les décisions de justice des préférences exprimées dans la loi (objectif politique). La littérature montre que l'effet attendu n'est pas toujours au rendez-vous, cette réduction des pouvoirs d'appréciation des juges les conduisant, en réaction, à résister ou à être peu motivés pour suivre les suggestions des barèmes. Le deuxième questionnement porte sur l'effet attendu des barèmes en termes de réduction de l'hétérogénéité des décisions inter-juges, voire pour un même juge pour des affaires similaires (objectif d'équité)…
Résumé
Plan
- 1. Méthodologie des enquêtes
- 2. Bien que le recours à la table de référence CEEE soit élevé, les magistrats demeurent critiques
- 3. Les critiques et propositions d'amélioration de l'outil témoignent de la méconnaissance de la notice initialement associée au barème
- 4. L'intérêt du barème face aux propositions des parties
- Conclusion
Auteurs
Après avoir mené des recherches sur l'effet des politiques familiales et d'aide sociale, Bruno Jeandidier s'est spécialisé en analyse économique du droit de la famille en focalisant ses travaux plus particulièrement sur le droit du divorce.
Isabelle Sayn poursuit ses travaux sur les modalités et outils d'application du droit dans un contexte judiciaire.
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 23/09/2021
- https://doi.org/10.3917/cdlj.2103.0517

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