CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Au regard des critères quantitatifs ou qualitatifs habituellement mobilisés pour désigner une crise du logement [1], l’Allemagne se trouve indéniablement dans une situation critique en mai 1945. Qu’elle soit mesurée à partir du décalage entre le nombre de ménages et le nombre de logements, le nombre de pièces ou de m2 par habitant, ou de l’équipement des logements, la pénurie a trois origines : un déficit hérité du XIXe siècle, exacerbé par l’arrêt des constructions entre 1914 et 1918, l’arrivée de populations des colonies et territoires allemands après la signature du Traité de Versailles, l’hyperinflation et la grande dépression ; les effets dévastateurs de la Seconde Guerre mondiale qui a entraîné la destruction de 10 % du parc en moyenne, mais cette proportion a pu dépasser 50 % dans certaines villes [2] ; l’afflux de réfugiés allemands venus d’Europe centrale entre 1945 et 1948 : ils représentaient entre 10 % et 35 % de la population des Länder des quatre zones d’occupation en 1948 [3]. En 1950, en République fédérale d’Allemagne (RFA) comme en République démocratique allemande (RDA), un ménage sur deux environ est en situation de cohabitation forcée dans un logement, et le taux est proche de 80 % pour les réfugiés dans de nombreuses villes [4].

2Si les effets de la guerre et les mouvements de population ont produit des effets particulièrement dramatiques en Allemagne, les défis se posent dans des termes similaires sur l’ensemble du continent. Comment gérer dans l’urgence l’inadéquation entre l’offre et la demande ? Comment nourrir et loger des millions de personnes déracinées avec des ressources limitées ? Comment financer les reconstructions et les réparations alors que les propriétaires et les investisseurs privés sont exsangues et que les caisses des administrations publiques sont vides ? Quel niveau de gouvernement est-il le mieux à même d’agir ? Enfin, comment justifier politiquement les mesures de contrôle étatique des acteurs intervenant dans la chaîne de production et de valorisation de l’habitat (propriétaires-bailleurs, banques, épargnants, locataires, coopératives, artisans, industrie du bâtiment…) ? Si les mêmes questions reviennent souvent en Europe, le discours public sur la crise, ses causes et son ampleur ont varié.

3En RDA, les discours officiels ne qualifient pas de critique le déficit de logements, mesurable à partir d’indicateurs statistiques, et la reconstruction de logements n’apparaît pas comme une des priorités de la planification économique. Ainsi, malgré l’ampleur des destructions, la RDA demeure, entre 1950 et 1970, parmi les pays les moins performants en Europe en termes d’unités ou de m² construits par habitant, de pourcentage du PIB ou des investissements consacrés au logement [5]. La RFA et l’URSS construisent en moyenne trois fois plus par habitant pendant la période et l’effort consacré à ce secteur par d’autres pays du COMECON (ou Conseil d’assistance économique mutuelle) est très supérieur. Ce premier constat souligne les limites d’une interprétation dérivée du régime politique et amène à s’interroger sur le hiatus entre la situation objective, sa construction politique et les dispositifs d’action publique. Pourquoi et comment le logement a-t-il fait l’objet d’un aussi faible investissement en RDA ? Quel fut, par ailleurs, le rôle des architectes à qui le parti unique délégua l’expertise de la production de discours et de politiques publiques ? Pour répondre à ces questions, on s’interrogera sur l’articulation des temporalités liant la crise du logement au récit de légitimation du régime. La question sera ensuite abordée sous l’angle des continuités historiques dans les dispositifs d’action publique : la comparaison avec la RFA s’impose pour montrer comment des dispositifs d’action publique construits depuis les années 1920 et portés par différents réseaux d’acteurs spécialisés ont été mobilisés sélectivement dans chaque contexte. Enfin, l’examen des différentes logiques d’action à l’œuvre dans les politiques d’attribution des logements montrera que l’amélioration des conditions du logement pour le plus grand nombre n’a été qu’un des objectifs des gouvernements successifs, en concurrence avec la répartition territoriale de la main-d’œuvre et la consolidation politique du régime.

Entre l’héritage du passé et la ville socialiste de l’avenir : l’occultation de la crise au présent

4Comme presque partout en Europe après la grande dépression et la guerre, il existait, dans la zone d’occupation soviétique allemande, un consensus sur l’incapacité des forces du marché à résoudre durablement la question du logement des classes populaires. Cependant, avant 1950, il n’existait pas de politique du logement ou de doctrine sur la stratégie de reconstruction clairement identifiable au Parti socialiste unifié (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED), qui monopolise le pouvoir politique à partir de 1948. Avant la constitution d’une administration centrale de la zone soviétique en 1948 et la mise en place d’une politique nationale en 1950, la responsabilité pour loger les millions de personnes déplacées incomba aux municipalités, seules administrations à fonctionner en 1945. Puisant dans des répertoires administratifs constitués à partir de 1919, les services communaux ont eu toute latitude pour identifier des réserves d’espaces susceptibles d’accueillir des réfugiés et des personnes ayant perdu leur logement pendant la guerre. Le logement cesse d’être une marchandise pour être soumis à des procédures administratives de rationnement : saisie des espaces sous-utilisés, monopole de l’attribution géré par les services communaux quel que soit le régime de propriété, blocage des loyers. Justifiés par l’ampleur de la pénurie et la position de l’administration comme garant d’un usage rationnel des ressources rares, ces contrôles administratifs mis en place en 1945 ont perduré jusqu’en 1989.

5À la fin des années 1940, la logique de rationnement concerne l’ensemble de la vie quotidienne et va de soi. La responsabilité de cette situation dramatique est rejetée sur les régimes antérieurs, capitalisme et nazisme, avec lesquels le nouveau régime « antifasciste » prétend rompre de manière radicale. En même temps que les administrations et la population s’attaquent aux millions de mètres cubes de gravats et que les logements endommagés sont réparés tant bien que mal, les projets pour reconstruire les villes allemandes se multiplient à partir de 1946, tant dans les bureaux d’urbanisme des grandes villes que dans les instituts et les écoles d’architecture. Les effets conjugués des bombardements et la possibilité de la maîtrise publique de la propriété foncière semblent rendre enfin possible un remodelage urbain radical. Les projets qui circulent alors témoignent ainsi d’un sentiment de libération des contraintes imposées par les héritages multiples du passé : libération de la matérialité de l’infrastructure urbaine puisque la guerre a fait table rase d’une grande partie de la structure déterminée non par le travail des urbanistes mais par la spéculation immobilière ; libération espérée des contraintes imposées par la propriété privée dans le cadre d’un nouveau régime politique.

6Si la reconstruction à grande échelle n’est pas envisageable avant la levée des pénuries en matériaux, les discours, expositions et projets visent à redonner l’espoir d’un avenir radieux à des populations encore sous le choc de la défaite. Les grandes villes comme Berlin, Dresde, Leipzig et Magdebourg organisent ainsi des expositions sur la reconstruction des villes à grand renfort de publicité. Ces projets témoignent de la diversité des points de vue, qui vont d’une reconstruction presque à l’identique des bâtiments marquants ou historiques (églises, galeries marchandes, bâtiments publics), dans le respect de la structure ancienne de la ville (Wiederaufbau), jusqu’à une restructuration totale (Neuaufbau). L’enjeu politique consiste à présenter ces projets comme « démocratiques », « progressistes » puis, à partir de la fondation de la RDA en 1949, « socialistes ». L’urbanisme et l’architecture « fascistes » ou « capitalistes » sont présentés par les architectes comme à l’opposé d’un monde à reconstruire sur des bases entièrement nouvelles. Des villes de l’ancien temps, on dénonce l’absence de rationalité et de fonctionnalité, le manque d’espaces verts, les Steinwüsten (déserts de pierre), la densité et l’anonymat qui fait rejeter les Mietkasernen (casernes locatives) construites dans les grandes villes au XIXe siècle [6]. L’hostilité et la méfiance à l’égard de la grande ville d’un national-socialisme qui appelait au retour à la terre, se muent en critique de la grande industrie capitaliste et militariste. Le projet urbanistique est mis au service d’un programme d’assainissement du corps social. La « maladie » implicitement désignée n’est désormais plus la dégénérescence biologique, comme au temps du nazisme, mais la contamination du corps social par le fascisme : « Pour la reconstruction de nos villes un constat s’impose : l’Allemagne est trop industrialisée et trop urbanisée. […] La tâche de la reconstruction est de canaliser les mouvements chaotiques de population, et finalement de réussir à répartir la population sur le territoire de manière à réaliser notre volonté d’assainir le corps social, de le remodeler » [7]. Dans cette articulation des temps qui oppose à un passé stigmatisé un avenir encore lointain, le présent, c’est-à-dire la pénurie aiguë, est tout simplement occulté.

7Le débat sur la manière de reconstruire est cependant vif et oppose les partisans d’une reconstruction permettant de conserver « la forme d’une ville » à ceux proposant des projets plus radicaux. À Leipzig, par exemple, il est décidé de reconstruire prioritairement les infrastructures liées aux foires, les grands magasins et des bâtiments symboliques comme la vieille Bourse ou encore l’église où Bach officiait [8]. Ce choix de la continuité, qui est plutôt le fait des architectes et urbanistes travaillant dans les municipalités, est l’objet de critiques venues de ceux qui sortent des instituts et écoles d’architecture. Moins exposés à la réalité des pénuries économiques et coupés d’une population en manque de repères, ils se font les promoteurs de projets plus utopiques :

8

Ce qu’on nomme la « tradition leipzigoise » n’est rien d’autre qu’une tumeur capitaliste, c’est-à-dire le résultat d’un système fondé sur l’enrichissement personnel, la concentration anarchique des commerces, boutiques, ateliers, ruelles étroites et puantes qui rendent la vie insupportable. La guerre a effacé en grande partie ces aberrations. Pour nous [jeunes architectes], la reconstruction à l’identique de cette structure urbaine, […] n’est autre que la conservation de l’ancien ordre capitaliste […]. Il ne faut pas manquer l’occasion de poser les premières pierres d’un nouvel ordre social, qui reflète le développement naturel et sain de notre société humaniste [9].

9Cet avenir radieux ne commence à se concrétiser qu’à partir de 1952 avec la mise en chantier d’immeubles et de quartiers dans le style stalinien, après l’adoption par le SED, deux ans auparavant, des principes de l’architecture soviétique qui rejettent le style « moderne » épuré en le stigmatisant comme une expression « cosmopolite » de l’impérialisme américain. Il s’agit dès lors de construire des logements et quartiers « représentatifs », d’un style « national », avec des matériaux nobles (marbre, boiseries sculptées, faïence) et ornés d’œuvres d’art originales (sculptures, peintures), le tout devant témoigner de la spécificité de la ville et du mode de vie socialiste. Ces logements, d’un coût unitaire jusqu’à quatre fois plus élevé que les constructions ouest-allemandes de la même époque, sont destinés à symboliser la puissance de la classe ouvrière et du régime [10]. La lenteur de la reconstruction et le coût exorbitant des logements suscitent bien quelques critiques, mais le discours public reste focalisé sur les enjeux esthétiques et urbanistiques de la matérialisation du socialisme. Les architectes conçoivent alors ces immeubles et ces quartiers comme des prototypes, le début d’une ville – et d’une vie – nouvelle s’inscrivant dans une durée historique. La reconstruction (Aufbau) devient une synecdoque pour la construction du socialisme (Aufbau des Sozialismus) pensée sur un temps long : « Ces immeubles [de la Stalinallee] existeront encore longtemps après la fin de la crise du logement. La population et surtout la classe ouvrière, regarde attentivement ces premières réalisations et voit dans la richesse et la générosité de ces immeubles les précurseurs d’une vie nouvelle » [11], lit-on ainsi dans une revue d’architecture de 1952. La comparaison avec la RFA fait ressortir le décalage entre la taille et l’équipement très moderne des « palais pour les ouvriers » et la relative simplicité des constructions ouest-allemandes bâties dans un style « cosmopolite » censé refléter le mépris du régime pour la classe ouvrière [12].

10On pourrait conclure hâtivement, comme l’ont fait certains observateurs [13], que la nature dictatoriale du régime en place et l’absence d’élections libres ont rendu les dirigeants politiques aveugles aux besoins de la population. Cette hypothèse essentialiste néglige des inflexions réelles, par exemple après les grèves insurrectionnelles du 17 juin 1953 ou au début des années 1970, lorsque le premier secrétaire du Parti, Erich Honecker, place le logement au centre des priorités politiques et double le rythme de construction dans les années suivantes.

Les architectes et l’occultation des besoins

11Si les politiques d’attribution des logements restent l’affaire des communes, l’élaboration des politiques de construction est confiée à une génération de jeunes architectes qui colonisent alors les administrations centrales. Le Bureau politique du SED délègue en effet la conception de la reconstruction à une poignée d’architectes qui ont noué des relations avec les dirigeants du SED avant 1945 dans des conditions particulières. Les architectes communistes Kurt Liebknecht, neveu de Karl Liebknecht, Benny Heumann ou Gerhard Kossel, artisan du programme de standardisation mené à partir de 1955, ont côtoyé l’homme fort du régime, Walter Ulbricht, pendant leur exil moscovite entre 1933 et 1945. D’autres relations de confiance entre architectes et dirigeants du Kommunistische Partei Deutschlands (KPD) se sont nouées dans les camps de concentration nazis (Kurt Junghanns, Waldemar Adler), voire dans les brigades internationales en Espagne (Ernst Scholz, secrétaire d’État puis ministre de la Construction à la fin des années 1950) [14]. Ces architectes ont coopté à leur tour leurs proches – au passé politique parfois compromettant – pour peupler les nouvelles institutions centrales : le ministère de la Reconstruction, le bureau de la construction du Comité central du SED, la Chambre des architectes ou l’Académie allemande de la construction, qui centralise rapidement l’essentiel des moyens de recherche.

12Ce dense réseau d’architectes, en majorité nés entre 1905 et 1910 et formés à l’architecture du Neues Bauen avant 1933, monopolise l’expertise en matière de construction de logements et occupe les positions clefs dans les institutions centrales jusqu’au début des années 1960. Avant leur remplacement par des économistes au milieu des années 1960, cet accaparement du pouvoir par un groupe professionnel doté de savoir-faire spécifiques a contribué à l’occultation de la dimension quantitative des besoins de la population en logements.

13Aux yeux des dirigeants du SED, le bien-fondé de l’expertise des architectes reposait sur une double compétence : esthétique, pour donner à l’idéologie du nouveau régime une traduction matérielle inscrite dans le vocabulaire architectural et urbanistique ; technique, pour développer des formes de standardisation et de préfabrication permettant la réduction des coûts et l’économie de la main-d’œuvre. Cette définition des compétences a joué un rôle capital au moment de la délimitation du périmètre du ministère de la Reconstruction et, par la suite, dans les arbitrages budgétaires entre les ministères.

14Les architectes ont, en effet, œuvré pour façonner « leur » ministère à l’image de ces compétences professionnelles. Ainsi, en 1948 et 1949, au moment de la formation des ministères, ils ont refusé la responsabilité de la stratégique industrie du bâtiment, déjà largement nationalisée. Le ministère de la Reconstruction s’est ainsi trouvé en position de dépendance dans les négociations concernant la mise à disposition des capacités productives pour mener à bien ses projets. Même après l’intégration de l’industrie du bâtiment dans les attributions du ministère de la Reconstruction en 1952, les architectes demeurent peu offensifs dans les négociations sur les budgets et les investissements. Ils s’intéressent surtout à l’élaboration des formes urbanistiques et architecturales des premiers immeubles et des villes « socialistes » comme Stalinstadt, aujourd’hui Eisenhüttenstadt. Même après l’abandon, à la fin de l’année 1955, du style « stalinien » et l’adoption d’un urbanisme de grands ensembles et de logements standardisés, produits selon des techniques de préfabrication, le nombre d’unités construites ne constitue jamais un objectif central.

15Ce qui peut apparaître comme une surprenante hiérarchie des priorités a une origine institutionnelle et s’explique également par l’outillage mental des experts de la construction. Les deux volets de la politique du logement, la construction et l’attribution, sont institutionnellement séparés : les architectes, en effet, ont toujours considéré l’attribution comme une question « sociale » ; elle n’a pas, selon eux, à être prise en charge par un ministère qu’ils estiment « technique ». Lors d’une réunion interministérielle de 1951 concernant la répartition des nouveaux logements, il est décidé que « la répartition des logements dans le plan de 1952 ne peut en aucun cas être du ressort d’un ministère technique. Toutes les personnes présentes [le directeur adjoint de la Commission étatique du plan, trois représentants du ministère du Travail et deux du ministère de la Construction] estiment que le ministère du Travail doit entreprendre la rédaction d’une directive définissant la répartition sociale des logements » [15]. Par la suite, le ministère de la Construction a refusé à plusieurs reprises cette compétence et s’est ainsi coupé institutionnellement des sources d’information produites par les administrations locales ou par les recensements sur les besoins en logements et les évolutions démographiques. En adéquation avec la définition technique du ministère, l’étalon de mesure de la réussite des politiques du logement n’est pas le nombre d’unités construites ou la satisfaction d’un besoin. Les critères esthétiques prédominent puis, à partir de 1955, le pourcentage de logements réalisés avec des techniques de préfabrication : en effet, ces avancées techniques sont supposées générer des gains de productivité qui permettront de résoudre la question du logement sans augmenter considérablement la part des investissements ou le nombre de salariés. Si la proportion de logements construits selon la standardisation dépasse 90 % au début des années 1960 – ce qui est alors considéré comme un succès –, les objectifs en termes de coûts, de gains de productivité ou de nombre de logements construits sont loin d’avoir été atteints. Ce sont en particulier ces problèmes que les économistes mettent en lumière au début des années 1960. Revendiquant une capacité à organiser une planification « scientifique », ils parviennent à remplacer les architectes dans les institutions centrales. Une fois en place, ils dénoncent la pénurie de logements comme un problème économique et politique en soulignant le retard de la RDA par rapport à la RFA.

Généalogies allemandes des instruments d’intervention

16À l’encontre d’une lecture consistant à ne voir dans la politique du logement et son institutionnalisation en RDA que la traduction d’un programme idéologique ou un calcul stratégique des membres du Bureau politique, nous avons jusqu’à présent insisté sur les configurations d’acteurs et les effets d’une monopolisation de l’expertise par un groupe professionnel. Il convient donc de s’interroger sur l’historicité de ce processus. Les architectes de 1950 sont les héritiers d’une reconnaissance sociale construite depuis des décennies qui leur a permis de s’imposer en tant que détenteurs d’un savoir indispensable. De ce point de vue, 1945 ne peut pas être considéré comme une « année zéro », malgré la profondeur de la rupture politique et sociale. Ces milieux d’architectes sont porteurs d’expériences et de savoir-faire constitués depuis les années 1920, et les dispositifs d’action publique développés depuis 1919, en matière de construction comme d’attribution, ont été repris sélectivement après 1945. La comparaison des deux États allemands permet de comprendre comment, à partir d’une situation matérielle comparable, des configurations politiques et institutionnelles particulières ont conduit à une mobilisation différentiée des instruments d’intervention. Cette question sera examinée à travers deux exemples : les procédures de rationnement de l’habitat et le choix des instruments d’intervention portés au niveau national par deux groupes d’experts différents.

17En 1945, dans les quatre zones d’occupation, chaque municipalité élabore, sous le contrôle des Alliés, des procédures spécifiques pour faire face à l’urgence. Il s’agit alors de prolonger des politiques de rationnement administratif de l’habitat déjà mises en place en 1919 [16], tombées en désuétude avec l’amélioration de la situation économique à la fin des années 1920 et utilisées de nouveau à partir de 1942 pour remédier aux effets des bombardements. Le décret du 27 février 1943 du commissaire pour la gestion des logements [Reichswohnungskommisar zur Wohnraumlenkung] définit les procédures et les objectifs de la saisie des logements sous-occupés et identifie les groupes sociaux prioritaires : les membres du parti nazi, les personnes qui se sont distinguées au service de l’État, les mutilés de guerre, les porteurs de la Croix de fer et leurs familles, les familles dont deux membres sont tombés au front, les familles qui comptent au moins cinq enfants mineurs ou celles qui ont perdu leur logement dans les bombardements [17]. Après le 8 mai 1945, les opposants ou les victimes du nazisme sont logiquement favorisés et les biens des « nazis actifs et criminels de guerre » confisqués. Les administrations municipales reçoivent des pouvoirs très étendus pour identifier et saisir des pièces dans des logements sous-occupés, le seuil fixé étant de 10 m² par personne. En RFA, à partir des années 1950, ces prérogatives ont été limitées au logement social, selon le critère des revenus et la situation plus ou moins pressante des demandeurs. En RDA, le gel des loyers de 1936 a été prolongé jusqu’en 1989 et les loyers dans les logements neufs alignés sur ceux des constructions anciennes. Avec l’augmentation progressive des revenus, les loyers ne représentent plus que 3 % des revenus moyens à la fin des années 1980. Cette situation constitue pour l’État un gouffre financier qu’il est politiquement impossible de combler. La qualité moyenne des logements étant largement supérieure en RFA à partir des années 1970, le SED n’a eu d’autre choix, pour critiquer le régime voisin, que d’opposer aux ghettos dans les villes occidentales et à l’explosion des loyers en RFA, à la suite de la libéralisation du marché locatif, le faible niveau des loyers en RDA et l’accès de tous les ménages à un logement.

18L’étatisation de la construction en RDA paraît conforme au diagnostic de la faillite du marché, à l’idéologie du régime et au système de planification économique. En revanche, l’orientation prise en RFA, au moment du vote de la loi sur la reconstruction en 1950, de ne pas autoriser l’État fédéral, les Länder ou les communes à construire des logements sociaux, étonne davantage. En effet, le logement social a surtout été considéré comme une politique économique visant à modifier, par l’injection de fonds publics, le seuil de rentabilité des investissements privés tout en veillant, par le biais d’un encadrement des loyers, des contrats de location et des procédures d’attribution, à éviter des abus inévitables sur un marché locatif extrêmement tendu. Si ce choix paraît cohérent avec la doctrine de l’économie sociale de marché, il surprend, eu égard au consensus régnant en 1945-1946 sur les limites du marché et aux orientations dirigistes des zones d’occupation britannique et française. Si l’hégémonie des États-Unis, porteuse d’une vision plus libérale, et le fédéralisme qui cherche à limiter le pouvoir central expliquent en partie cette orientation, les logiques de cooptation du personnel ministériel en 1949 ont pu jouer un rôle non négligeable dans le choix des répertoires financiers et juridiques de l’État fédéral.

19Comme en RDA, les architectes ont été en première ligne pour fournir une expertise sur la reconstruction et produire les discours publics sur la question, d’autant qu’ils avaient élaboré, dès 1942, des projets qui vont resservir quelques années plus tard avec les modifications politiquement indispensables [18]. Alors qu’en RDA les architectes ont été cooptés au ministère de la Reconstruction, en RFA ils ont piloté les schémas urbains de la reconstruction. C’est donc un autre réseau d’experts, spécialisés dans les questions de financement, qui a occupé des postes clefs au ministère de la Construction de logements : ceux-ci ont été recrutés parmi les anciens cadres de la Deutsche Bau und Bodenbank. Ce réseau bancaire public, mis en place par la République de Weimar et les Länder en 1923 pour rationaliser l’administration de crédits publics visant à soutenir la construction [19], fournit un modèle de sortie de crise disponible en RFA après 1945.

20La nomination du libéral-démocrate Eberhard Wildermuth (FDP) au poste de ministre de la Construction de logements en septembre 1949 n’a pas seulement répondu aux contraintes de la coalition gouvernementale. Au moment de sa nomination, ce juriste de formation, ministre de l’Économie du Land de Wurtemberg, était surtout l’ancien directeur de la Deutsche Bau und Bodenbank dont plusieurs cadres le suivirent au ministère [20]. La première loi sur la reconstruction de 1950, qui pose les jalons de la politique du logement pendant trente ans, a été en grande partie rédigée par cette équipe. Comme dans les années 1923-1929, l’injection de fonds publics, assortie de déductions fiscales pour les investisseurs, fut massive au début des années 1950, avec une tendance à la baisse dans la deuxième moitié de la décennie, sous l’effet de la reprise économique.

21L’opposition entre fédéralisme et centralisme, entre capitalisme et économie planifiée, communément mobilisée pour expliquer les différences entre la RFA et la RDA, ne semble pas suffisante pour comprendre l’utilisation sélective d’un stock d’instruments hérités du passé. Si le système fédéral ouest-allemand répartit les compétences entre l’État fédéral, les Länder et les communes, la mobilisation d’une expertise financière au niveau ministériel, suivant un processus de cooptation, permet de rendre compte de la construction politique de la crise du logement comme expression d’une défaillance temporaire des forces du marché. Celle-ci laisse toutefois des marges de manœuvre importantes aux architectes à l’échelle municipale pour élaborer des schémas directeurs de reconstruction. En RDA, le centralisme se traduit par une monopolisation de l’expertise légitime à tous les niveaux par les architectes. Cet encastrement des savoir-faire particuliers dans les administrations oriente les politiques de construction vers des enjeux esthétiques et urbanistiques : la mission assignée aux architectes était effectivement de « résoudre, pour la première fois dans l’histoire, les problèmes d’architecture et de la reconstruction sur une base entièrement scientifique » [21], en opposition avec le « chaos » du capitalisme. Le contexte économique des années 1950 est marqué, en RDA, par l’industrialisation à marche forcée, conséquence du démantèlement des capacités industrielles par l’armée soviétique et de la nécessité de créer ex nihilo plusieurs filières industrielles du fait de la division de l’Allemagne. La construction de logements a été comptabilisée comme un investissement « non productif » et les architectes, dont l’expertise était centré sur la maîtrise des formes, ont été très en retrait dans les âpres négociations sur la répartition des ressources économiques. Il n’est ainsi guère étonnant que l’accent mis sur la qualité de la reconstruction plutôt que sur la quantité par les experts attitrés se traduise par un faible investissement à la fois relativement à la RFA et aux autres pays sous domination soviétique.

Les contradictions des politiques d’attribution en RDA

22Si, en RDA, la construction des logements obéit effectivement à une logique implacable de rationalisation et de centralisation, il n’en est pas de même de la distribution territoriale des nouvelles constructions ou des pratiques d’attribution, traversées par des rationalités multiples. L’analyse de ces pratiques nous fournit ainsi des indications sur la compétition entre des bureaucraties en concurrence pour capter une ressource aussi importante que le logement, dans une situation de pénurie structurelle marquée par un très faible effort de construction jusqu’au milieu des années 1970.

23C’est le ministère du Travail qui s’occupe officiellement des politiques d’attribution, avant de passer la main au ministère de l’Intérieur en 1957. Aucun service permanent n’est cependant mis en place pour suivre ces pratiques, dont le cadre est défini par un décret très général en 1955. En l’absence d’une instance centrale chargée de la coordination et du suivi des politiques municipales, les ministères et grands combinats ont inondé les services municipaux de directives, de circulaires, d’instructions ou demandes nominatives exigeant un traitement privilégié pour les salariés dans leur domaine d’activité. Ainsi, dès le début des années 1950, les demandes se multiplient pour ordonner une priorité absolue aux demandes de logement des médecins, policiers, professeurs, artistes, musiciens, ingénieurs, techniciens, ouvriers qualifiés, etc [22]. Les services municipaux ont ainsi été exposés à des injonctions multiples, impossibles à appliquer dans leur intégralité, créant des frictions à la fois avec les publics déclarés prioritaires, dont les demandes ne peuvent être satisfaites, et avec les personnes « sans qualités » dont l’attente d’un logement se prolonge.

24

Le déluge de plaintes [de la population] montre que le travail des affaires du logement est toujours déficient et révèle une connaissance insuffisante des textes en vigueur. […]
  1. Les victimes du nazisme et l’intelligentsia (intelligentsia technique, professeurs et médecins par exemple) ont droit à un logement plus grand que la moyenne. […] Les maisons de l’intelligentsia ne peuvent être saisies. (Kulturvorordnung du 16 mars 1950).
  2. Selon la loi du travail du 27.7.1950 (§25), les activistes du travail doivent bénéficier prioritairement d’un logement convenable et les porteurs de titres d’honneur doivent faire l’objet d’attentions particulières (§27).
  3. La loi sur les Umsiedler [réfugiés](§7) stipule que les communes doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour intégrer, loger et faire travailler ces personnes.
  4. La loi de protection de la mère et de l’enfant du 27 septembre 1950 stipule au §25 que des mères qui travaillent et élèvent seules plusieurs enfants doivent être prioritaires pour l’accès au logement [23].

25Loin d’être exhaustive – on pourrait citer d’autres mesures spécifiques à des professions, en faveur des ménages habitant dans des conditions de promiscuité particulièrement aiguës, les handicapés ou les malades de tuberculose… –, cette liste témoigne de la coexistence de trois objectifs contradictoires qui s’entremêlent dans les dispositifs de gestion administrative sous des formes variables jusqu’en 1989 : une logique politique, une logique économique et une logique sociale [24].

26Favoriser les victimes du nazisme, activistes, cadres dirigeants du SED, de l’État, des organes répressifs ou encore les membres de l’intelligentsia est une façon de récompenser ceux qui ont servi le régime. Jusqu’à la construction du Mur en 1961, freiner l’émigration massive des ingénieurs, médecins, techniciens ou chercheurs vers la RFA était aussi un enjeu capital ; il pouvait même se traduire par l’octroi de conditions de logement privilégiées pour des nazis notoires, dès lors qu’ils étaient reconnus comme membres de l’intelligentsia. Ce choix politique suscita de vives interrogations et contestations parmi des habitants vivant majoritairement dans des conditions difficiles.

27La logique économique des politiques d’attribution a principalement consisté à utiliser le logement comme un outil de gestion de la main-d’œuvre. C’est pourquoi les programmes de construction sont, la plupart du temps, situés à proximité de sites industriels prioritaires. Cette logique se reflète aussi dans l’octroi de logements nouveaux ou anciens aux entreprises, qui ont ensuite toute latitude pour les attribuer. De même, le logement coopératif, largement développé à partir de 1955, se voit rattaché aux entreprises et constitue une manière d’attirer ou de garder la main-d’œuvre indispensable pour atteindre les objectifs du plan. Par conséquent, les destinées résidentielles individuelles ont souvent dépendu de l’emploi dans une entreprise ayant réussi à capturer un parc de logements ou de l’exercice d’une profession considérée comme stratégique. Les effets agrégés de cette logique ont pu produire un écart par rapport à la norme égalitaire qui structure le discours politique du régime. Face à la multiplication des dérogations, cependant, ce discours officiel de partage du fardeau en temps de crise justifiant les saisies de logements sous-occupés ou l’exhortation à la patience de ménages en attente depuis des années est, de plus en plus, apparu en décalage avec l’existence de privilégiés visibles.

28Enfin, la dimension sociale se construit à la fois dans le souci d’une norme égalitaire (à chacun selon ses besoins), très présente dans les justifications de mesures administratives et les discours publics, et dans la prise en compte de conditions particulières répondant à des préoccupations sanitaires (limiter la contagion de la tuberculose, améliorer la vie des personnes handicapées) ou conjoncturelles, par exemple pour les réfugiés et ceux qui avaient perdu leur logement pendant la guerre. Cette dimension a formé le socle des pratiques mises en place en 1945, progressivement affaiblies par l’activisme des entreprises, des ministères et du SED qui ont imposé un ensemble de dérogations et de catégories sociales prioritaires en fonction de leurs propres objectifs. Cette situation n’a pas été sans poser des problèmes aux administrations communales, dans la mesure où ces politiques ont pu favoriser des ménages venant de l’extérieur d’une ville au détriment des ménages autochtones mal logés. Compte tenu de la faiblesse de l’activité de construction et du fait qu’aucun ministère central ne défendait les intérêts des ménages sans qualités, les inégalités ont eu tendance à s’accroître, en défaveur des membres de la classe ouvrière et des employés. Cette tension structurelle entre les populations prioritaires venues de l’extérieur et les « autochtones » a rendu le travail des administrations d’attribution complexe, d’autant qu’il devenait plus difficile en 1970 qu’en 1950 de demander à des ménages en colocation ou à de jeunes couples en attente de leur premier logement de patienter encore des années au nom d’une crise décrite comme une séquelle héritée du capitalisme et du fascisme.

29Le recensement des ménages et des logements de 1971 a révélé l’ampleur des dérives du système d’attribution commandé par les intérêts divergents des bureaucraties centrales. Dans les luttes internes au SED, Erich Honecker mobilisa ces éléments pour dénoncer les erreurs de son prédécesseur Walter Ulbricht, et plaider pour une politique centrée sur l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière. Plusieurs constats choquants ont ainsi été utilisés dans les discours publics : 13 % de la population occupe 30 % de la surface disponible ; 60 % de la classe ouvrière habite des logements sans aucun confort moderne (WC intérieur, eau chaude, chauffage moderne) [25]. La situation de la classe ouvrière est considérée comme d’autant plus scandaleuse que « c’est elle qui produit la plus grande partie de la richesse nationale et doit, en conséquence, être la première bénéficiaire, avec les familles nombreuses et les jeunes ménages, de la politique sociale » [26].

30À partir des années 1970, la question du besoin de logements plus nombreux devient centrale dans les discours de légitimation du régime : l’accélération de la construction doit sortir la RDA de la pénurie structurelle et l’engagement est pris de mettre à la disposition de la population un logement moderne par ménage à l’horizon de 1990. Les investissements consacrés à la construction commencent effectivement à augmenter : le taux de construction double entre 1970 et 1975, permettant à la RDA de dépasser le taux des pays d’Europe centrale et d’approcher celui, très élevé, de la RFA. En dehors des enjeux politiques à la tête du SED et de l’inscription de la RDA dans un mouvement plus général de « socialisme réellement existant », ce tournant quantitatif vise à résoudre plusieurs tensions structurelles. D’une part, le discours sur les problèmes du logement comme héritage du capitalisme et du national-socialisme est de moins en moins porteur vingt-cinq ans après la fin de la guerre, surtout au regard de la reconstruction très rapide en RFA. Les mesures coercitives telles que la saisie de pièces dans un logement sous-occupé, l’échange de logements ordonné par l’administration pour optimiser l’usage du parc existant, ou les longues années d’attente pour des jeunes couples, se sont heurtées à de fortes résistances pour tomber pratiquement en désuétude dans les années 1970. D’autre part, la construction du mur de Berlin, en arrêtant l’émigration, a considérablement réduit le nombre de logements libres pouvant être redistribués. Avec la faiblesse de l’activité de la construction au cours des années 1960 et sa concentration autour des nouveaux sites industriels, les administrations ne pouvaient que difficilement répondre à la fois aux injonctions venues de Berlin en faveur de clientèles particulières et trouver une solution aux besoins de mobilité résidentielle. Faute de pouvoir saisir l’espace sous-occupé ou imposer de force des colocations, la seule solution a donc consisté à agir massivement sur l’offre de logements. Enfin, les frustrations des mal-logés, ainsi que le décalage entre les discours du régime et les conditions de vie de la majorité des ouvriers et employés, ont posé la question de la légitimité de la politique menée, surtout après les grèves qu’ont connues, en 1970, les villes côtières de la Pologne voisine, où le logement était une des revendications importantes. Le désir de vivre dans un logement moderne se renforçant et les administrations ne pouvant plus agir sur l’optimisation de l’usage du parc existant, la seule issue fut finalement l’expansion de l’offre.

Notes

  • [*]
    Directeur de recherche en sciences politiques au CNRS, Université de Strasbourg, UMR 7363 SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe).
  • [1]
    Voir l’article introductif d’A. Fourcaut et D. Voldman dans ce même numéro.
  • [2]
    K. von Beyme, Der Wiederaufbau: Architektur und Städtebaupolitik in beiden deutschen Staaten, Munich, Piper Verlag, 1987.
  • [3]
    Bundesarchiv Berlin (désormais BarchB), DQ 2 3723, Administration centrale du Travail et de la Protection sociale, avril 1947.
  • [4]
    Archives municipales (désormais AM) Leipzig, STVuR (1) 13426, chiffres extraits d’un rapport du 28 novembre 1950 envoyé par le maire de Leipzig au gouvernement du Land.
  • [5]
    J. Sillince, Housing Policies in Eastern Europe and the Soviet Union, Londres, Routledge, 1990.
  • [6]
    T. Lindenberger, Strassenpolitik. Zur Sozialgeschichte der öffentlichen Ordnung in Berlin 1900-1914, Berlin, Dietz, 1995 ; A. von Saldern, Häußerleben: Zur Geschichte städtischen Arbeiterwohnens vom Kaiserreich bis Heute, Bonn, Dietz, 1995.
  • [7]
    AM Leipzig, STVuR (1) 4773, H. Hoffmann, rapport sur la reconstruction des villes intitulé « Raumordnung und Wiederaufbau der Städte », octobre 1945.
  • [8]
    AM Leipzig, STVuR (1) 4773, rapport du FDGB Bau und Erde, décembre 1948.
  • [9]
    AM Leipzig, STVuR (1) 4773, extraits d’une lettre anonyme datée du 28 novembre 1949 envoyée au maire de Leipzig et signée « Jeune ingénieur du bâtiment progressiste ».
  • [10]
    S. Hain, « Zwischen sowjetischer Europapolitik und linken Nationalismus: Ein Versuch, sich der Stalinallee zu nähern », dans B. Wilczek (dir.), Berlin-Hauptstadt der DDR 1949-1989: Utopie und Realität, Baden-Baden, Elster Verlag, 1995, p. 33-51, p. 36.
  • [11]
    H. Henselmann, « Einige kritische Bemerkungen zum Wohnungsbau », Deutsche Architektur, vol. 2, n°3, mars 1952, p. 112.
  • [12]
    On sait, au sein des instances administratives, qu’il s’est construit en RFA six fois plus de logements par habitant entre 1952 et 1955, un argument cependant jamais utilisé dans les échanges internes pour justifier une accélération du rythme de construction avant 1956. Commission étatique du plan, BarchB DE 1 1752.
  • [13]
    P. Conradi, Ch. Zöpel, Wohnen in Deutschland, Stuttgart, Hoffmann und Campe, 1994.
  • [14]
    J. Rowell, « L’exil comme ressource et comme stigmate dans la constitution des réseaux des architectes urbanistes de la RDA », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 52, n°2, avril-juin 2005, p. 169-191 ; A. Schätzke, Rückkehr aus dem Exil. Bildende Künstler und Architekten in der SBZ und frühen DDR, Berlin, Reimer, 1999.
  • [15]
    Bundesarchiv – Stiftung Archiv des Parteien und Massenorganisationen der DDR (désormais SAPMO), SED DY 30/ IV 2/6.06/31, réunion du 1er novembre 1951 sur la répartition des nouveaux logements pour l’année 1952.
  • [16]
    F. Kerner, Wohnraumzwangswirtschaft in Deutschland, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1996.
  • [17]
    AM Leipzig, STVuR (1) 2585, Wohnraumlenkungvorordnung, Reichswohnungskommisar zur Wohnraumlenkung du 27/2/1943, Amt für Wohnungs und Grundstückswesen.
  • [18]
    W. Durth, Deutsche Architekten. Biographische Verflechtungen 1900-1970, Brunswick, Vieweg, 1986.
  • [19]
    D. Schubert, Stadterneuerung in London und Hamburg, Brunswick, Vieweg, 1997, p. 301. La banque géra le produit d’un impôt créé en 1923 sur les revenus locatifs, rendu relativement indolore pour les propriétaires puisque l’hyperinflation de 1922 avait, de fait, effacé les dettes. L’action de la banque, qui réinjecta cet argent dans l’économie sous la forme de crédits bonifiés ou de garanties de crédit, fut indispensable à la reprise du secteur de la construction à partir de 1924.
  • [20]
    W. Durth, Deutsche Architekten…, op. cit.
  • [21]
    Compte rendu du discours de Kurt Liebknecht, « Der Architekt beim Wiederaufbau in der Sowjetunion », Der Bauhelfer, n°4, 1947, p. 28.
  • [22]
    BarchB DQ 2 3963, ministère du Travail.
  • [23]
    Ibid., circulaire du ministère du Travail du 5 février 1951.
  • [24]
    J. Rowell, Le totalitarisme au concret : le logement en RDA, 1945-1989, Paris, Economica, 2006.
  • [25]
    SAPMO, SED DY 30 Vorl. SED 18099 et DY 30 Vorl. SED 18074, Bureau de la construction du Comité central.
  • [26]
    SAPMO, SED DY 30 Vorl. SED 18099, rapport de G. Trölitzsch au Bureau politique, 11 septembre 1973.
Français

En 1945, la pénurie de logements dans la zone d’occupation soviétique de l’Allemagne est catastrophique. Cependant, le rythme de la reconstruction, comme l’intensité du discours sur la crise du logement, sont plus faibles en RDA qu’ailleurs en Europe. L’article cherche à comprendre ce décalage entre la situation objective et la politique poursuivie en mobilisant plusieurs éléments de réponse. Le problème du logement est construit dans les discours comme un héritage du passé capitaliste et national-socialiste et sa résolution prend la forme d’un récit utopique qui permet d’occulter un présent difficile. Ce discours est produit par un groupe d’architectes qui parvient à monopoliser l’expertise et les positions institutionnelles dans le secteur du logement jusqu’aux années 1960. Spécialisés dans l’élaboration des formes architecturales et urbanistiques, les architectes conçoivent le problème du logement comme un problème qualitatif et technique plutôt que quantitatif et social. Enfin, l’article propose une comparaison avec la RFA et examine les pratiques d’attribution de logements pour cerner les pressions et les contradictions dans la gestion de cette ressource rare. Ces transformations contribuent à faire de la « résolution du problème du logement » une priorité politique à partir du début des années 1970.

Jay Rowell [*]
  • [*]
    Directeur de recherche en sciences politiques au CNRS, Université de Strasbourg, UMR 7363 SAGE (Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe).
Mis en ligne sur Cairn.info le 26/11/2013
https://doi.org/10.3917/lms.245.0097
Pour citer cet article
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