CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1 Marie Jejcic :  Peux-tu nous parler de ton parcours jusqu’à cette maison des adolescents ?

2 Marie Rose Moro :  J’ai la chance d’avoir participé à l’aventure de la création des maisons des adolescents ; aujourd’hui avec la Maison de Solenn [1], la maison des adolescents de l’hôpital Cochin que je dirige depuis 2008, mais avant il y a eu Casita, la maison des adolescents de l’hôpital Avicenne à laquelle je tiens beaucoup, que j’ai créée en 2005 et dont l’aventure se poursuit [2]. Casita s’inscrit dans l’histoire d’Avicenne du temps où j’étais avec mon maître Serge Lebovici, grand psychanalyste et pédopsychiatre. C’est lui qui a initié cette aventure et qui a imaginé ce lieu pour une clinique au service des parents et des bébés, au service de la société, en ouvrant le service de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Avicenne de Bobigny. Ce service est né au début des années 1970 grâce à Simone Weil qui a cru à cette idée d’une nouvelle clinique nécessaire au service des bébés et de leurs parents, dans la banlieue défavorisée du nord de Paris. Comme on était dans un lieu de passage, d’émigration, un lieu multiculturel, c’est ensuite devenu aussi une clinique transculturelle grâce à Tobie Nathan, mais ça a débuté par la clinique des bébés et de leurs parents [3].

3 Toutes ces années furent une grande aventure. Il y avait des chercheurs, des réseaux avec des gens du monde entier qui passaient par Bobigny pour parler de leurs expériences et confronter leurs idées avec Serge Lebovici et sa petite équipe. À l’époque où j’étais interne à Bobigny, vers la fin de cette période pionnière, il y avait un bouillonnement incroyable. Le dimanche matin, on n’allait pas à la messe, on allait à Bobigny participer à des rencontres entre personnes d’horizons différents, avec des conceptions différentes, mais réunies autour de la clinique du bébé qu’il fallait créer, définir, imposer. Dans ce milieu d’échanges, il y avait des traditions, par exemple les séminaires où s’expérimentaient des idées nouvelles et où émergeaient des pratiques à tester. C’étaient des moments très riches. J’étais très jeune, je participais avec un grand plaisir et beaucoup d’excitation ; l’excitation d’apprendre des choses qui parfois me submergeaient, l’excitation des débuts aussi. Il y avait un bouillonnement d’idées incroyables et chacun construisait sa clinique, faisant comme s’il n’y avait guère de distance entre la théorie et la clinique. J’ai eu la chance de voir cela se faire. Dans cette faculté expérimentale qu’était Bobigny [4] à ses débuts, j’ai eu cette chance de voir naître une nouvelle école clinique qui expérimentait le fait que la clinique est inscrite dans la société et que la société façonne la clinique.

4 M.J. :  Quelles années à peu près ? Et la clinique adolescente a-t-elle suivi ?

5 M.R.M. :  Cela se déroulait au cours des années 1980-1990. Après la clinique du bébé, ce ne fut pas tout de suite celle des adolescents. Entre les deux, il y eut la clinique des addictions avec Ali Magoudi dans les années 1985 par exemple. Il a fallu d’abord s’occuper des ados qui s’engouffraient dans la prise de toxiques, d’héroïne, de médicaments, de drogues en tous genres, mais aussi de la clinique de l’urgence et ensuite de la clinique des enfants. Vers les années 1985, lorsque je suis arrivée à Bobigny pour la clinique transculturelle et celle des bébés, j’ai développé le dispositif pour les enfants des migrants de la seconde génération. Par ailleurs, dans le service d’Avicenne qui grandissait, on s’occupait des bébés, des enfants, mais on constatait que les adolescents ne venaient pas facilement consulter, ni seuls ni avec les parents. Quand ils arrivaient, assez tardivement dans leurs trajectoires, ils étaient souvent très blessés, ils avaient perdu toute confiance en eux, ils étaient incapables d’agir, de travailler, d’aimer, de devenir des adultes heureux en somme. Ils étaient parfois déjà très abîmés par les addictions ou les violences. C’est alors que l’on a pensé qu’il fallait inventer quelque chose de spécifique pour eux, un lieu qui soit capable de leur donner envie de venir ou au moins de leur permettre de venir et de trouver ce dont ils avaient besoin.

6 M.J. :  Quand tu dis « ils ne venaient pas consulter », est-ce parce qu’ils n’osaient pas ou parce que l’adolescence n’était pas encore « passée dans les mœurs » comme une pathologie potentielle ? Nos adolescents sont-ils plus malades que ceux d’hier ou bien notre société, donc ses adultes, à se démettre de cette fonction décisive de passeurs de sa jeunesse à l’âge adulte, fait-elle de cette « crise adolescente » une pathologie ? Plutôt que de parler de pathologies, ne devrait-on pas parler de symptômes adolescents ? Symptôme construit entre la société et les ados par identifications imaginaires, aujourd’hui débridées, avec l’informatique, la vidéo, Internet, le cinéma, les médias, etc., et symptôme par la grande fragilité des familles déstructurées, par l’ouverture angoissante d’une société souvent désorientée, d’adultes sans repères ?

7 M.R.M. :  Le contexte donne une forme à la crise d’adolescence et aux symptômes des adolescents. Face à un ado qui perd le goût d’apprendre ou de sortir avec les amis, il y a toujours l’hésitation des parents qui se disent : est-ce une crise d’adolescence ou est-ce pathologique ? Mais si l’on pose la question ainsi, on fait l’impasse sur leur subjectivité. Si l’on s’assoit avec les adolescents et qu’on leur parle sérieusement, ils savent très bien si c’est une opposition systématique aux parents et à la société, une manière de dire leur colère ou leur révolte, auquel cas on les aidera à trouver une forme à cette colère ou à leur révolte (la révolte est bien différente de la colère, elle est plus construite, plus élaborée). En revanche, s’il y a souffrance, c’est différent. Or, dans bien des cas, il y a une vraie souffrance à prendre au sérieux sans rabattre cela sur « l’on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans… » et considérer qu’il s’agit de paresse, d’ingratitude ou de déception. À cet âge, on est très poreux aux attentes et projections individuelles et collectives. Le corps des ados est inscrit dans l’histoire transgénérationnelle de leur famille mais le corps des ados est aussi inscrit dans la culture, comme il est façonné par la culture [5].

8 M.J. :  Au-delà de la crise d’adolescence d’opposition, la crise d’adolescence n’a-t-elle pas changé de sens dans une société par maints aspects très adolescente et dont on se sent obligé de se faire les passeurs ?… L’abord médical a changé avec le soin devenu préventif, la médication devenue plus autonome, l’accès banalisé aux médicaments, la libération attendue de la drogue, bref, la fragilité adolescente serait d’autant plus à risque que la société, donc les parents n’en sont pas toujours sortis. Jean Marie Forget cite volontiers le cas de ce père qui consultait pour son fils parce que celui-ci lui volait… ses joints !

9 M.R.M. :  Les parents d’ados méritent toute notre attention et cela plus que jamais. Marcel Gauchet considère que le xxie siècle sera celui de la parentalité et je crois qu’il a raison ! Mon dernier livre est consacré aux parents :  Avec nos ados. Osons être parents[6]. Je suis très sensible à leur solitude, à leurs questions, parfois à leur errance. On reçoit à la maison des adolescents des parents de toutes origines sociales et culturelles mais quels que soient les milieux et les mots utilisés par les parents, leurs questions restent souvent les mêmes. Comment être avec nos enfants ? Comment bien faire ? Comment leur transmettre ce qui nous paraît important à l’heure où les réseaux sociaux déversent sur nos enfants plein d’informations que nous-mêmes ne maîtrisons pas ? Les parents sont dans une solitude abyssale, sans étayage, sans possibilité d’échanges. Si quelque chose va mal avec leurs enfants adolescents, ils se remettent tout de suite en question, se sentent coupables, pensent avoir mal fait, ou bien avoir été trop absents, surtout les femmes. L’adolescence des enfants aggrave la solitude des parents. Elle les bouscule en remettant tout en cause :  leur légitimité, leurs assises narcissiques, leur tour de fécondité, leurs modalités d’éducation au moment où émergent leurs propres questions face à des enfants qui deviennent adultes et vont donc prendre leur place ! En même temps, il leur faut faire face, s’adapter et assurer tout de même le quotidien. Par ailleurs, il y a remise en question de l’autorité. « Fais cela parce que je le dis ! » n’a plus cours. L’autorité, la parole prend sens concaténée à d’autres et pas seulement parce qu’elle vient d’en haut.

10 M.J. :  Si la crise adolescente provient de la conflagration entre les idéaux d’amour et la sexualité, quelles questions se posent aujourd’hui où l’on est passé de l’ignorance brutale de la sexualité au siècle de Freud à cette exposition très violente des jeunes à des connaissances sexuelles on ne peut plus intrusives ?

11 M.R.M. :  Le paysage des sexualités et des possibles sexués s’est élargi pour les jeunes. L’autre jour, l’un d’entre eux me disait :  « J’ai provoqué ma mère en lui disant que j’avais lu qu’en Australie, on pouvait être homme, femme ou autre. Ma mère a répondu que l’on ne pouvait être que l’un ou l’autre ! Je lui ai démontré que non et que j’aimerais bien être en ce moment dans la case autre… Ma mère a rougi, elle n’a pas supporté. Et encore, a-t-il ajouté, je peux en parler à ma mère, mais à mon père, c’est impossible ! » Il y a une grande complexité des identités, de multiples facettes. Les adolescents le savent et l’expérimentent. Ils peuvent même en jouer comme cet adolescent avec sa mère.

12 M.J. :  N’ont-ils pas changé d’idéal ? Au xixe siècle par exemple, si l’idéal était d’amour, ne serait-il pas devenu aujourd’hui du corps, que l’on recoure ou non aux nouvelles technologies ? Je pense à Judith Butler déclarant que l’on ne peut pas savoir de quel sexe on est avant d’être passé sur une table chirurgicale. Non pas que tous deviendraient transsexuels, mais que le sexe serait indéterminé, dépendant moins du sujet que des « médias sexuels » ? Cette conception n’expose-t-elle pas davantage le sujet à ce qui relève d’un borderline abusif, d’un viol ? Si le corps ne fait plus limite réelle au désir de l’Autre (avec un grand A qui est aussi bien soi-même) mais est invité par la médecine à se confier à la décision irréversible des petits autres par une prescription hormonale, par des médecins ou des chirurgiens, ne passerait-on pas du désir à une volonté de puissance d’une technologie scientifique qui soumettrait le sujet aux conséquences d’un acte qui ne serait plus le sien, mais celui des autres ?

13 M.R.M. :  Je constate chez ces jeunes une plus grande capacité que nous à inventer des possibles sexués et à se représenter ce qu’ils disent. C’est un travail pour le jeune autant que pour le thérapeute qui l’accompagne de s’imaginer, de se représenter de quoi on parle du point de vue de l’identité sexuée. C’est une position winnicottienne. Avant d’interpréter, on rêve ensemble. Le travail est autant pour moi que pour le patient. On ne connaît pas son sexe, les jeunes le disent. Ainsi, ce jeune que j’évoquais qui ne se dit ni différent ni transexuel, qui ne se pose même pas la question de son identité sexuée, s’est tout de même arrêté sur ce fait qu’en Australie, on pouvait être femme, homme ou autre, et que la question n’était pas idiote ! Qu’elle pouvait se poser. Du coup, il va voir son thérapeute et lui en parle. Il m’a du reste dit : « Tiens, vous ne rougissez pas ! » Il était donc bien en train de provoquer et de vérifier l’effet réel et imaginaire sur moi de ce possible. En revanche, la question des abus sexuels et des viols dont sont victimes les adolescents – ou parfois auteurs – est bien différente. Les abus sexuels sur les adolescents restent à mon sens très et trop fréquents et particulièrement destructeurs, c’est pour nous une question de clinique quotidienne et c’est dévastateur sur le développement des adolescents. C’est un trauma extrême qui les sidère et les envahit. Le fait que les adultes n’aient pas pu les protéger de cette « catastrophe nucléaire » à un âge où on est très sensible à cela est souvent un facteur de grande vulnérabilité pour eux et on doit reconstituer cela au même titre que l’effet sidérant et confusionnant du trauma.

14 M.J. :  Ni la bisexualité ni l’homosexualité ne sont de nouvelles expressions, mais que l’intimité la plus intime puisse être relayée par des sites Internet et devenir collective ne déplace-t-il pas le fantasme vers une sorte d’intimité « à ciel ouvert » ? Qu’est-ce que du reste ce troisième sexe, ni garçon ni fille ? La sexualité deviendrait-elle un fait de culture avec des réponses collectives plus que subjectives ?

15 M.R.M. :  Si je suis d’accord sur le fait qu’il faut trouver les réverbérations sur soi-même, je ne crois pas que la sexualité soit une affaire seulement intime. C’est aussi une affaire collective. On se détermine également par rapport au collectif et à l’intérieur de ce cadre, l’expérience devient purement subjective. Les ados apprennent le possible par le collectif. Je pense à une jeune originaire de Kinshasa au Congo qui se pense garçon. Très tôt, vers 12 ans, elle a commencé à se dire qu’elle était « un garçon attrapé dans un corps de fille » en reprenant les mots d’Internet, car c’en est la reprise mot à mot. Ayant des sensations qu’elle jugeait étranges, elle en a parlé à sa mère qui lui a conseillé de garder cela pour elle, disant que c’était de l’ordre du diable de penser des choses pareilles et qu’elle risquait d’entrer dans quelque chose qui la dépasserait si elle laissait ces idées l’envahir. Lorsque j’ai vu la maman après trois ans de grandes difficultés entre la mère et la fille, dès la première fois elle m’a confié que lorsque sa fille lui a dit cela, sa première pensée fut de se rappeler qu’à 20 ans, quand elle a été enceinte, il y avait eu une erreur dans la lecture de l’échographie. On lui avait annoncé un garçon, alors qu’elle voulait une fille. Elle n’était pas contente lorsqu’on lui a annoncé le sexe pendant la grossesse, mais lorsque la petite est arrivée, elle était comblée. Quand sa fille lui a dit cela, cette histoire lui est revenue et elle s’est dit qu’elles avaient peut-être été prises toutes les deux dans le même mouvement. La thérapie a commencé avec cette prise de conscience. La jeune fille a cherché ce qui était sien, ce qui lui appartenait, là où était son désir. Ce travail a débuté par le collectif :  on peut être attrapé dans un corps de l’autre sexe. C’est une sorte d’aller-retour entre le collectif qui appartient à tous, l’intersubjectif et l’intrapsychique, conscient et inconscient.

16 M.J. :  N’y a-t-il pas une mutation entre la capture du désir d’un sujet dans celui des parents par exemple, d’une captation d’un désir par nature sans objet dans l’anonymat d’Internet ou des nouvelles technologies ?

17 M.R.M. :  Les ados se posent beaucoup de questions, mais leurs questions essentielles tournent souvent autour de l’altérité et de la sexualité. Vers qui se dirigent mes mouvements ? Qui est l’autre pour moi ? Comment j’interagis avec lui ? Qui est le même et qui est l’autre ? À qui je ressemble ? Parfois, certains arrivent avec la question brute, nue, mais la plupart ont déjà des éléments de réponse qui leur sont propres. Cependant, il ne faut pas leur faire faire l’économie de leur question, car il y a une marge entre un possible et son expérience.

18 M.J. :  Je voudrais aussi aborder la question de la clinique des émigrés, leur insertion, les difficultés que tu rencontres, mais également leurs ressources, celles introduites par une diversité culturelle dans une société en quête d’elle-même.

19 M.R.M. :  C’est en effet le cœur de ma position transculturelle. Les migrants constituent le mouvement du monde. Je n’aime pas cette hiérarchie que l’on fait entre les différentes catégories de migrants, ceux de la guerre, de l’écologie, ceux des dictatures ou ceux qui ont choisi de migrer pour des raisons dites économiques, voire intellectuelles, etc. Migrer est à la fois un acte individuel et collectif, et je ne suis pas pour faire des catégories et encore moins des hiérarchies. On migre souvent pour des raisons différentes et intriquées. Et tous les migrants ont en commun d’avoir fait le voyage et de vivre l’exil, même s’ils ont choisi ou s’ils ont été contraints de partir. Du reste, les démographes ont démontré que les migrants aujourd’hui ont dépassé les non-migrants. Il y a plus de migrants que de non-migrants dans le monde, plus de gens qui meurent ailleurs que sur leur lieu de naissance, si bien qu’un jour on va cesser de faire de la clinique des migrants une clinique des minorités puisque ce sera le sort de la majorité, ce sera la clinique générale car majoritaire. Migrer est un acte qui ébranle tous les repères matériels et psychiques, c’est un acte courageux, sur le plan économique et psychique. C’est un acte métapsychologique. Je préfère parler de migrants pour tous ceux qui quittent leur lieu de vie plutôt que d’immigrés, cela restitue le mouvement qui les anime. Ensuite, ils doivent transformer les sentiments qui les assaillent.

20 M.J. :  Tu dis transformer, on transforme quoi ?

21 M.R.M. :  Le sentiment de perte, de deuil, de nostalgie, de rupture, d’étrangeté que l’on ressent en exil ; on peut faire avec toutes ces « passions négatives », comme disait Spinoza, quelque chose qui redonne un sens à la vie individuelle et collective, on peut les muer en « passions positives ». Pour les migrants eux-mêmes et pour la société qui les accueille, ils et elles sont forcément affectés par ces personnes qui arrivent avec des valeurs différentes, des rapports au monde, aux familles, à Dieu, aux enfants, aux femmes différents. Du reste, il est intéressant de noter que le corps des femmes est au cœur de ces débats et controverses. Comment doivent-être les femmes ? Voilées, pas voilées, dedans, dehors ? Le corps des femmes est un enjeu essentiel, c’est lui qui cristallise les autres différences et les frayeurs identitaires.

22 M.J. :  « Les différences ont un corps de femme » dirais-tu, c’est très intéressant. Je me souviens d’un livre de Giulia Sissa intitulé L’âme est un corps de femme[7]. Elle questionnait cette contradiction des philosophes qui depuis l’Antiquité refusaient volontiers aux femmes d’avoir une âme, donc de pouvoir accéder à la raison, pour recourir fréquemment à des métaphores féminines pour parler de l’âme :  « l’âme conçoit », « accouche »… Le changement de civilisation aurait-il pour socle les mutations de la conception de la fonction du corps des femmes ?

23 M.R.M. :  La société actuelle accueille les migrants avec des craintes et des doutes, elle a des fantasmes d’homéostasie, ce qui la rend particulièrement inhospitalière. Il faudrait que rien ne bouge, mais ça c’est la mort ! Donc, c’est la question de la rencontre qui est essentielle et celle des métissages. Les enfants de migrants vont grandir ici, acquérir les valeurs d’ici, devenir des adultes d’ici, et ce sont eux qui posent la question vivante des métissages. Les parents portent encore avec eux le monde d’avant, la langue, les valeurs, mais eux sont d’ici tout en étant profondément métis sur le plan culturel et psychique. Ils ont à faire le lien entre ici et leur famille. Ce sont souvent des virtuoses des liens.

24 M.J. :  Mais la France a toujours été une terre d’accueil. Toi, moi, nos parents le vérifions. Trouver un Français de souche n’est pas si simple. C’est rare. Mais l’émigration a changé. Migration dis-tu, le terme me convient, c’est une autre façon de se déplacer en nombre, les oiseaux aussi migrent en masse mais leur migration inclut un retour possible. Il y a une différence entre celui qui choisit de quitter sa terre pour élire un pays dont il aime les valeurs et pour tenter de changer de vie, et cette nouvelle forme d’émigration en masse vers un pays par défaut. Là, le retour n’est plus toujours envisageable ?

25 M.R.M. :  Par nature, les migrations sont mouvantes, elles se modifient constamment. Ce qui a beaucoup changé, c’est ce que les sociologues appellent la question transnationale. Désormais les échanges sont plus aisés entre ici et là-bas. Avant que ce soit l’Italie ou l’Espagne par exemple, pays proches, on quittait le pays sans savoir quand on y retournerait. On ne rentrait pas toujours, ou fréquemment pour des deuils, des grands événements, et les plus privilégiés, pour les vacances. Aujourd’hui les échanges sont plus fréquents avec les nouveaux moyens de télécommunication et Internet, tout est différent. Ainsi, je connais des familles d’Afrique de l’Ouest qui peuvent se téléphoner plusieurs fois par jour ou même laisser Skype toute la journée fonctionner sur le téléphone portable ! Les mères restées au pays commentent ce que leurs filles font ou disent pendant de longs moments. Elles restent ensemble, connectées pour le meilleur et pour le pire, sous le regard de leur mère même si cela leur pèse parfois. Il y a même des cérémonies essentielles qui sont fêtées à distance, mais toujours en famille. Une jeune fille tamoule avait eu ses premières règles – ce qui donne lieu à une grande cérémonie au Sri Lanka, la plus grande fête pour ces adolescentes —, eh bien, la grand-mère maternelle est restée connectée toute la soirée durant cinq ou six heures pour la « fête des premières règles » de sa petite-fille ! C’est elle qui ordonnait la cérémonie en somme à partir du Sri Lanka. Rien à voir avec les ruptures d’hier ! Cela crée de nouvelles relations entre les générations, entre les pays, cela modifie les échanges. L’on se téléphone et l’on prend l’avion beaucoup plus facilement. Quand quelqu’un quitte un pays, de nouvelles relations s’établissent avec lui. Avant quand quelqu’un migrait, il quittait un certain nombre de problèmes, prenait ses distances, modifiait ses relations. Il réglait ainsi ses conflits avec son père, sa mère ou ses frères, mais mainrenant avec la facilité des échanges et les nouvelles technologies, on peut rester liés. On n’a pas mesuré l’impact du transnational et combien la transmission d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui, tant la technique a modifié les échanges, la possibilité de se parler, de se voir. On filme ! C’est terrible tous ces échanges, il y en a presque trop. On est en train de refaire une étude sur la transmission en exil, déjà faite il y a quelques années [8], mais on voit d’ores et déjà que beaucoup de choses ont changé sur les modalités et les contenus des transmissions en situation migratoire, sur les liens entre ceux qui sont partis et ceux qui restent.

26 M.J. :  Il y a une captation du corps dans l’image. Ce que tu disais du corps des femmes resté central est intéressant. Ton exemple du reste est précisément celui d’une jeune fille tamoule. Ainsi, le téléphone et Skype auraient changé le statut de l’émigration, mais qui tiendrait sur le corps de jeunes filles ? On ne quitte plus sa famille en quittant son pays, on n’adopte plus non plus les références du pays d’accueil. Cela impose-t-il une nouvelle adaptation ? Le nouveau statut de l’émigration ne change-t-il pas jusqu’au pays d’accueil qui devient lui-même migratoire en somme ?

27 M.R.M. :  Oui, ça change, mais chacun puise dans le pays d’accueil selon ses besoins, ses envies, ses possibilités et cela a toujours été ainsi. Par exemple, ma mère est en France depuis cinquante-cinq ans, mais elle ne parle pas le français. Cela ne l’empêche pas d’avoir une sorte de passion pour ce qu’est la France et ce qu’elle représente. Tous ses enfants – nous sommes cinq — sont docteurs ou enseignants, et l’on a tous cette même passion pour le monde français et tout particulièrement la langue française. Elle a plutôt soigné la transmission de ce à quoi elle tenait et cela nous a permis d’aimer apprendre et d’aimer être curieux.

28 M.J. :  Mais il y a cinquante ans, était-ce le même acte ? L’Europe n’a-t-elle pas déplacé les nations de leur centre ? Investir un pays aujourd’hui, c’est quoi ? Ne faudrait-il pas distinguer le choix autrefois de la République française par exemple, du choix de la France européenne d’aujourd’hui ?

29 M.R.M. :  Quand on va dans d’autres pays ou lorsqu’on en discute avec les migrants dans notre pays, la France reste un lieu de liberté, de fraternité et d’égalité, même si cette notion demeure un peu abstraite et doit être constamment défendue. Je ne crois pas que l’Europe ait déplacé la France de son centre, mais il est vrai que la France est aujourd’hui moins hospitalière qu’à d’autres moments de son histoire et je le regrette. La France n’est jamais aussi belle et forte que quand elle accueille le monde.

30 M.J. :  Auparavant, l’égalité était assurée par l’école et le droit à la médecine pour tous avec la Sécurité sociale et l’accès aux hôpitaux.

31 M.R.M. :  Oui, le savoir et la santé, ce sont les deux enjeux démocratiques qui m’intéressent et qui restent très actuels.

32 M.J. :  Or, l’une et l’autre ne sont-ils pas remis en question ? Janine Altounian écrivait :  « L’école de la République m’a sauvée ! » Pourrait-on encore dire cela aujourd’hui ? L’accès à l’enseignement a changé, la fonction de l’école a changé et, selon les lieux, l’enseignement n’est plus le même. De la sixième au doctorat, ce qui est enseigné ne peut plus reposer sur l’idée d’égalité d’une transmission.

33 M.R.M. :  L’école est le lieu par lequel tous les enfants passent et dans lequel on n’apprend pas seulement à lire, écrire, compter, où l’on apprend les mathématiques, le français et les langues étrangères, mais c’est aussi le lieu où l’on apprend à vivre avec les autres de son âge et avec les adultes, c’est donc un lieu de vie, de connaissance et d’avenir [9]. C’est un lieu où l’on grandit avec les autres et où l’on apprend le lien social. Cela s’approfondit au collège et au lycée où les idées se forgent et où l’on peut s’autonomiser des pensées et des valeurs de ses parents pour en expérimenter d’autres. Quant à l’enseignement à l’université que j’ai la chance d’exercer, je dois dire que je trouve que c’est tellement agréable ! C’est un luxe et un honneur que de pouvoir participer à la formation intellectuelle et professionnelle des jeunes.

34 M.J. :  Ah oui ! Encore aujourd’hui, dis-moi en quoi, car pour moi, c’est ce qui est justement devenu difficile à cause de l’absence de bases communes, de l’absence d’un enseignement précisément également partagé. Avec les réformes multiples, l’émigration par vagues successives et étendues, l’accélération des nouvelles ­technologies, la notion de job au lieu du travail, il me devenait quasiment impossible de trouver une base commune qui permettait la transmission. Sur quoi prendre appui ?

35 M.R.M. :  On doit prendre conscience de la fonction essentielle de l’école. On considère actuellement qu’elle ne réduit pas assez les inégalités, mais c’est encore là que le lien social à l’autre se fabrique. C’est pourquoi c’est si important. Moi je n’ai pas de vision passéiste de l’enseignement, cela a toujours été une tâche difficile, complexe, mais enthousiasmante. Participer à développer l’esprit critique suppose effectivement qu’on ait des bases communes et qu’à partir de là, on exerce son jugement, on se confronte aux autres, on cherche d’autres hypothèses, d’autres lectures ou d’autres interprétations de soi et du monde et de son rapport au monde.

36 M.J. :  Je partage cette conviction, mais ne faut-il pas repenser l’école et l’hôpital selon le changement des valeurs européennes, qui ne sont plus celles de la République, mais dont on attendrait toujours les mêmes résultats ? Si la politique économique change, leur fonction change. Ne doit-on pas la repenser ?

37 M.R.M. :  L’essentiel est de ne pas renoncer à cette égalité, égalité pas seulement de principe mais de fait. Cette idée reste révolutionnaire. La santé demeure un enjeu pour tous, se sentir bien, être soigné de la meilleure manière et dignement est une tension constante. On le voit même dans la campagne présidentielle actuelle, cela doit être défendu pour des raisons éthiques et pragmatiques ; le soin, le «care» des Anglo-Saxons est au cœur d’une société bienveillante et qui n’oublie pas la fragilité des êtres et des situations. Les raisonnements économiques ne résument pas les questions de santé. Quant à l’école, on ne croit plus suffisamment à ses possibilités de transformation. On renonce à ce que tous apprennent quelque chose qui les rendra meilleurs, qui les transcendera. On ne croit pas assez dans la possibilité de tous les enfants et adolescents à apprendre, à aimer apprendre, à se sentir légitimes pour apprendre aussi bien à l’école que dans les lieux où l’on accueille les adolescents. À Casita, la maison des adolescents de Bobigny, j’avais fait venir Grand Corps Malade, le slameur, lors de l’ouverture, et plein d’autres artistes pour initier les adolescents au beau et aux arts, ce qui est une manière d’être exigeant et de ne pas renoncer à donner envie aux jeunes de se rattacher au monde par l’esthétique et par la culture. Il en va de même à la Maison de Solenn, où nous travaillons aussi avec des artistes et des professeurs de disciplines artistiques. Le slameur Sancho est également venu faire du slam. Par ailleurs, nous faisons en sorte que même malades, les jeunes puissent retrouver le plaisir d’apprendre et de se sentir capables d’apprendre. Avec chaque adolescent, la directrice des études de Solenn fait le point sur ce qu’il a appris, sur ce qu’il aime et ce qu’il voudrait apprendre, mais aussi sur ce qu’il rêve de devenir. On ne renonce jamais à ce qu’un jeune apprenne ce qui va lui permettre d’advenir. Ainsi nombre de leurs petits rêves (leurs bulles de rêve disait l’un d’entre eux) se transforment en réalité.

38 M.J. :  Tu dis que notre renoncement l’emporterait sur la réorientation économique ?

39 M.R.M. :  Oui, il faut sans doute constamment redéfinir les enjeux et les modalités d’apprendre et de vivre ensemble, mais il ne faut pas renoncer. L’État renonce, entend-on, mais nous aussi car l’État c’est moi et si je me bats pour cela, alors on avance collectivement et sinon, la pulsion de mort prend le dessus individuellement et collectivement. Il nous faut redéfinir l’avenir de nos adolescents, qui ont les même doutes et insuffisances que les adultes qui leur ouvrent la voie.

40 M.J. :  Pourrait-on parler de ce qui te tient à cœur, je veux dire de ce que les ados apportent comme nouveau discours ?

41 M.R.M. :  Oui, ils inventent plein de nouveaux discours, un discours amoureux, un discours amical ou fraternel, un discours virtuel, un discours sur le monde ou plus précisément sur les mondes, et même des discours identitaires ou guerriers qui ne sont pas toujours simples à décrypter. Pour prendre un autre exemple que la sexualité, dont nous avons déjà parlé, il se crée une nouvelle forme de lien particulier entre les filles et les garçons. Ils réinventent une nouvelle sémiologie du lien amical. Il y a également un nouveau discours sur l’engagement. Celui des post-68, le grand engagement politique, avec les manifestations dans la rue, les grandes grèves, les revendications etc., ne leur convient pas toujours. Si on cherche l’engagement sous cette même forme, alors on pense qu’il n’y a plus d’engagement. Mais en fait les jeunes se sentent concernés par le monde avec de nouvelles modalités à la fois plus intimes et plus connectées. Plus intimes, car c’est autour d’eux. Plus connectées, car c’est immédiatement envoyé à l’autre bout du monde. J’ai découvert hier qu’un des ados, que j’ai vus en consultation, fouillait dans les poubelles depuis des mois dans les rues de Paris au grand dam de ses parents. Nous en discutons et je me rends compte que je n’ai pas le vocabulaire adapté. Il me précise qu’il ne fouille pas vraiment dans les poubelles comme le disent ceux qui ne « comprennent pas son engagement » , mais qu’il récupère les invendus pour les donner à ceux qui sont sans revenus. Il ne le fait pas par nécessité, mais par engagement. Pour lui, c’est à la fois un acte très local et très engagé dans le monde. En rentrant chez lui, il m’explique qu’il envoie des images à l’université de Stanford aux États-Unis où plein d’étudiants font cela. Les plus riches récupèrent et répartissent aux autres. Ils refusent le gâchis avec des formes d’engagement très locales, très pratiques contre le gaspillage, mais ils restent reliés au reste du monde sans que cela soit dans un groupe concret autour de soi, c’est un monde qui s’est globalisé et élargi. En même temps qu’ils le font, ils se photographient. Ce sont de nouveaux glaneurs connectés.

42 Il y a d’autres engagements de solidarité dans cette société qui rend les valeurs collectives et les êtres plus incertains. Prenons un autre exemple, les engagements humanitaires. Personnellement, je continue à travailler avec Médecins sans frontières dans des missions pour les enfants et les adolescents dans le monde entier, mais je constate que les nouveaux médecins sans frontières qui ont vingt ou trente ans de moins que moi ne s’engagent pas pour des lendemains qui chantent ou pour une grande cause idéologique, mais plutôt pour se rassurer et s’assurer qu’ils peuvent faire personnellement quelque chose pour ce monde. On avait sans doute une estime de nous-mêmes très différente ; nous avions moins de doutes. Le monde était plus facile à construire, plus stable, plus protecteur. Il s’agit toujours d’un engagement humanitaire mais ses ingrédients et le récit que l’on peut en faire changent.

43 M.J. :  Pour conclure, as-tu isolé des repères favorables pour qu’un jeune s’en sorte, pour considérer qu’il est mieux préparé à affronter cette société en mutation et qu’il saura trouver en lui des ressources ?

44 M.R.M. :  Sur le plan psychique, à cette période de la vie jusqu’à 25 ans, il y a beaucoup de transformations possibles, de réorganisations, plein d’objets malléables, des voyages, des rencontres, etc. Je tiens à ce qu’on n’oublie pas qu’à cet âge de la vie, tout est encore possible, tout est en construction, sinon on passe à côté de la spécificité de la psychopathologie à cet âge, de sa plasticité, de sa fluidité. Il y a des éléments, liés à l’entourage et aux adolescents eux-mêmes, qui facilitent les transformations et laissent envisager une issue positive. En ce qui concerne l’entourage, des parents qui tiennent, ça c’est fondamental. Pas seulement comme couple mais comme parents, et même s’ils se séparent, il faut qu’ils résistent en tant que parents. Cet attachement parents-enfant, ce lien parental, c’est essentiel, et c’est pourquoi le travail avec les parents est décisif. Les parents, les frères et sœurs, la famille, l’école, les amis, les enseignants, tous ces milieux peuvent être source de résilience et plus encore de créativité pour les ados et leur permettre, au fond, de se réinventer. Quant aux ados eux-mêmes, il y a une autre ressource intrinsèque possible, qui est peut-être déjà une résultante : il est essentiel qu’ils ne perdent pas leur capacité à rêver, à imaginer. Parfois, ils n’y croient plus, ils s’assèchent, ils perdent leurs idéaux. Là, c’est très difficile, il faut réintroduire comme on peut, par des activités artistiques ou philosophiques par exemple, cette dose d’utopie ou d’idéal. Parfois, les ados sont trop réalistes ou la vie les rend trop réalistes. Cela les fragilise et favorise une adaptation de surface, mais au moindre événement, ils vont se retrouver en situation de manque, de perte, de doute, d’errance, d’attaque de soi ou de perte de confiance fondamentale dans le monde.

45 M.J. :  De doute de soi ?

46 M.R.M. :  Oui, doute de soi et des autres ! Alors comment les autoriser à rêver, à inventer des choses positives, à imaginer pour eux des bonnes choses, à faire ce que Winnicott donnait comme but à la psychothérapie des enfants et des adolescents, leur donner envie de construire un monde meilleur que celui qu’on leur a transmis ?

47 Il leur faut vouloir inventer un monde meilleur que celui que l’on leur transmet. Le génial Winnicott nous servira d’avenir.

Notes

  • [1]
    www.maisondesolenn.fr
  • [2]
    Elle est actuellement dans le service dirigé par le Pr T. Baubet.
  • [3]
    Sur l’histoire d’Avicenne et de la consultation transculturelle, cf. M.R. Moro et I. Moro Gomez (sous la direction de), Avicenne l’andalouse. Devenir thérapeute en situation transculturelle, Grenoble, La Pensée sauvage, 2005.
  • [4]
    Aujourd’hui, université Paris 13.
  • [5]
    M.R. Moro, Nos enfants demain. Pour une société multiculturelle, Paris, Odile Jacob, 2010.
  • [6]
    Avec O. Amblard, Paris, Bayard, 2016.
  • [7]
    G. Sissa, L’âme est un corps de femme, Paris, Odile Jacob, 2000.
  • [8]
    M.R. Moro, Aimer ses enfants ici et ailleurs. Histoires transculturelles, Paris, Odile Jacob, 2008.
  • [9]
    Sur les enfants de migrants et l’école, cf. M.R. Moro (avec J. et D. Peiron), Les enfants de l’immigration, une chance pour l’école, Paris, Bayard, 2012.
Entretien avec
Marie Rose Moro
Psychiatre, psychanalyste
par
Marie Jejcic
Psychanalyste
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
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Mis en ligne sur Cairn.info le 07/06/2017
https://doi.org/10.3917/lrl.171.0150
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