CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Lorsque les parents de Selma arrivent en consultation, après la découverte inopinée de vidéos pornographiques sur la tablette de leur fille, le père se dit « choqué » et « déçu ». Il a cessé de lui parler. Sa mère, sidérée, se demande si sa fille est « anormale ». Quelque chose a volé en éclats de l’image qu’ils avaient l’un et l’autre de leur enfant, une fillette de huit ans et demi qui s’était jusqu’ici toujours montrée calme et obéissante, et pour ainsi dire, « sage comme une image ».
En présence de la consultante qui la reçoit d’abord avec ses parents et me l’adressera par la suite en vue d’une thérapie, Selma raconte le jour où tout s’est enrayé pour elle, lorsqu’une cousine plus âgée lui a demandé : « Est-ce que tu sais comment on fait les bébés ? », attisant sa curiosité, pour mieux la prendre de court en lui montrant des vidéos pornographiques. Une réponse, donc, en forme de court-circuit et de passage à l’acte. Sur la suite, Selma restera silencieuse. Le père, qui est ingénieur en informatique, a découvert qu’elle consultait ces vidéos sur sa tablette en secret, depuis un an et de façon quotidienne, parfois pendant de longues heures. Pourquoi ? C’est la question à laquelle les parents de Selma cherchent une réponse immédiate, une réponse qui les rassurerait sur la « normalité » de leur enfant. Mais Selma, quant à elle, ne peut rien en dire. Et son silence fait mouche. Entre les adultes et l’enfant, le trouble s’installe…
Pour chasser ce trouble, faudrait-il réduire l’histoire de Selma à celle d’une « mauvaise rencontre » – un nouvel avatar, en somme, une figure moderne de cette « scène de séduction réelle » qui nous renvoie aux mythes fondateurs de la psychanalyse …

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Les cliniciens de l’enfance sont de plus en plus souvent confrontés à l’irruption des images de la pornographie dans la vie et l’intimité psychiques des enfants, y compris à l’âge dit « de latence ». Comment ces images viennent-elles percuter ou écraser les fantasmes et les théories sexuelles infantiles ? Et qu’advient-il alors de la curiosité sexuelle de l’enfant et de sa « pulsion de recherche », ainsi court-circuitées ? La créativité du thérapeute est particulièrement sollicitée dans le travail de la séance, pour contenir l’excitation en excès et déjouer les effets de sidération des images. C’est ce dont témoigne le travail thérapeutique mené avec Selma, une enfant de huit ans. En l’occurrence, c’est bien le « sexuel infantile » – avec sa plasticité, sa mobilité, son réservoir de fantaisies – qui a permis à Selma de se dégager de la compulsion de répétition et de remettre sa vie fantasmatique en mouvement.

  • Enfant et pornographie
  • sexuel infantile
  • pulsion de recherche
  • psychothérapie
Laura Duprey
Psychologue-clinicienne – Service de Pédopsychiatrie Centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger 93600 Aulnay-sous-Bois
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Mis en ligne sur Cairn.info le 14/12/2020
https://doi.org/10.3917/psye.632.0081
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