CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Professionnel en psychiatrie publique, je me suis intéressé au sort des internés juifs dans les hôpitaux psychiatriques pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1996, j’ai été autorisé à consulter les archives administratives et médicales de l’hôpital de Fleury-les-Aubrais. Cette recherche exploratoire est restée en jachère pendant de nombreuses années. Mon intérêt pour les hospitalisés juifs de l’hôpital de Fleury était à nouveau sollicité après la parution de l’ouvrage du Cercil [1] sur les cahiers en yiddish sur l’internement à l’hôpital de Fleury-les-Aubrais de Abraham Zoltobroda [1]. Je rencontrais son fils Camille qui me confia une copie des cahiers de son père traduit par sa mère en 1994 (retraduit par Batia Baum en 2007). Venant du camp du Loiret, Abraham Zoltobroda a survécu à la guerre, il a été deux fois pensionnaire de l’hôpital de Fleury-les-Aubrais et ensuite à l’hôpital Sainte-Anne avant d’être libéré fin août 1944. J’étais très intrigué par le départ ordonné par les autorités allemandes des derniers juifs encore hospitalisés à Fleury-les-Aubrais pour l’hôpital Sainte-Anne à Paris le 5 mars 1944. On pouvait constater dans des courriers échangés après la Libération que ces patients avaient survécu à la guerre et que leur départ pour Paris n’avait pas été le prélude à leur déportation dans les camps d’extermination comme cela l’avait été pour les hospitalisés juifs de l’hôpital Rothschild, par exemple. Pour cette recherche réalisée avec l’historienne Véronique Fau-Vincenti, nous avons exploré à travers les archives le sort des patients juifs dans différents pays européens occupés par l’armée allemande et en France, plus particulièrement dans deux hôpitaux psychiatriques, l’un en Île-de-France et le second dans la région Centre, à proximité des camps du Loiret où étaient parqués plusieurs milliers de juifs avant que la décision de la « solution finale » ne les conduise en déportation dans les camps d’extermination.

Destin des juifs handicapés ou patients psychiatriques en Europe

2Le destin des juifs handicapés ou patients psychiatriques en Europe [2] pendant la Deuxième Guerre mondiale est indissociable du sort général des handicapés et des malades mentaux planifié par le régime nazi. Mais plus spécifiquement, les juifs vont se trouver à la confluence de l’eugénisme, de l’antijudaïsme chrétien et de la folie raciste et antisémite nazie. Dans cet article, il ne pourra pas être précisé le nombre de victimes, enfants et adultes juifs handicapés ou patients psychiatriques assassinés pendant l’occupation allemande en Europe, victimes du programme de stérilisation et d’assassinat Aktion T4 ou Aktion 14f13. Les juifs handicapés ou malades mentaux étaient doublement promis à la mort en tant que juifs et en tant que malade mental ou handicapé, ils n’échappaient pas au programme d’euthanasie et si par miracle, ils y survivaient, ils disparaissaient dans les camps d’anéantissement.

Eugénisme et euthanasie

3Francis Galton fonde l’eugénisme en Angleterre en 1883 « comme science de l’amélioration de la race humaine » qui, au-delà de la sélection naturelle de Charles Darwin, est un programme de sélection artificielle afin d’améliorer la race humaine par un contrôle des mariages et des naissances [2]. Il s’intéressa particulièrement à l’hérédité de l’intelligence qu’il associait souvent à la « race » et à la classe sociale, la réussite sociale s’expliquant par des facteurs héréditaires. À partir de 1900, les idées eugénistes ont eu grand succès. Se développa un double courant, qui visait à restreindre et à empêcher la reproduction des individus présentant des déficits biologiques, intellectuels, psychologiques par interdiction des mariages, par stérilisation ou par élimination afin de favoriser la reproduction des individus supérieurs avec « l’organisation de haras humains » [2] qui préfigurent les Lebensborn nazis. De nombreuses associations se créèrent alors dont la Société allemande d’hygiène raciale. Des législations eugéniques furent promulguées aux USA, en Scandinavie, en Allemagne nazie, en Suisse, au Canada, en Estonie.

4En France, le courant eugéniste a été précédé par les théories de la dégénérescence le plus souvent associée à la maladie mentale [3] et à la criminalité. Ce courant va trouver un prolongement raciste avec l’ouvrage de Joseph Gobineau Essai sur l’inégalité des races humaines[4], alors qu’Alexis Carrel [5], quant à lui, proposera en 1935 l’enfermement des aliénés et des criminels et l’euthanasie par « gaz appropriés » des cas les plus graves (p. 388). Parallèlement, l’Allemagne se trouvait au centre du mouvement eugéniste dont l’objectif principal était de contrecarrer les faiblesses démographiques. En 1920, Karl Binding [6], avocat, et Alfred Hoche, psychiatre, ont publié un texte influent et emblématique défendant l’euthanasie des malades mentaux et des handicapés intitulé Libéralisation de la destruction de vies qui ne valent pas d’être vécues. Le livre promeut la légalité, juridique et éthique de l’euthanasie : « À partir du moment où, par exemple, l’homicide d’incurables ou l’élimination des morts mentaux ne sera non seulement plus punissable, mais reconnu généralement comme un but souhaitable pour le bien-être général, il n’y aurait plus de raison de trouver des arguments contraires pour les exclure de l’éthique médicale » ([6], p. 256). Il est notable que presque la moitié des médecins allemands, en particulier les psychiatres deviennent membre du parti nazi, bien au-delà de toutes les autres catégories professionnelles en Allemagne [7].

En Allemagne nazie

5Après avoir été nommé chancelier, l’un des premiers actes officiels d’Hitler en juillet 1933 fut de faire adopter la loi de prévention des maladies héréditaires (promulguée en janvier 1934) qui imposait la stérilisation des patients épileptiques, schizophrènes, maniacodépressifs, retardés mentaux, alcooliques et tout autre personne jugée génétiquement inférieure. Et le 15 septembre 1935, la loi de protection du sang allemand et du mariage allemand interdisait tous les mariages avec une personne « impure ».

6Environ 350 000 personnes furent ainsi stérilisées entre 1934 et 1939 [8]. En septembre 1939, Hitler faisait publier un décret pour le meurtre des handicapés et la même année, une ordonnance était adoptée par le ministère de l’Intérieur afin que les médecins et les sages-femmes signalent les nouveau-nés présentant des malformations aux services de santé.

7Concernant les enfants, les adolescents et les adultes, des signalements étaient transmis à trois experts qui décidaient qui devait être « euthanasiés » [9]. Trois groupes de patients avaient alors été constitués afin d’organiser les priorités :

  • le groupe 1 est constitué des patients souffrant de schizophrénie, d’épilepsie, de troubles mentaux, de syphilis...
  • le groupe 2 regroupant tous les patients internés depuis 5 ans sans discontinuité ;
  • le groupe 3 incluant les patients ayant un passé criminel, les étrangers et tous ceux qui tombaient sous le coup des lois de Nuremberg, y compris les juifs.

8Le vocabulaire le plus souvent utilisé est celui de Desinfizierung, soit « désinfection ».

9La « désinfection » commença en Allemagne et en Autriche dans les cliniques psychiatriques, les sanatoriums, les hôpitaux pédiatriques, les hospices de vieillards et les institutions sociales du Reich, et les patients étaient sélectionnés uniquement sur dossier. Les victimes sont transportées dans les « centres de traitement », au nombre de 6 dans le Reich et identifiés par un code de lettres : « A » pour Grafeneck, « B » pour Brandenburg, « C » pour Hartheim, « D » pour Sonnenstein et enfin « E » pour l’hôpital psychiatrique d’Hadamar.

Aktion T4 ou la mise à mort de 70 000 pensionnaires des asiles d’aliénés

10Dès l’arrivée au pouvoir en 1933, l’eugénisme figurait dans le programme nazi pour la pureté de la race et était largement soutenu, encouragé et élaboré par les médecins et les psychiatres allemands dont la moitié a rejoint le parti nazi [10]. Rapidement, la stérilisation forcée fut légalement mise en œuvre et la première phase du programme d’euthanasie fut commencée en 1939. Le programme d’euthanasie AKtion T4 (d’après l’adresse de la communauté de travail pour les asiles du Reich à Berlin : Tiergartenstrasse 4) programme l’assassinat de dizaines de milliers de patients, enfants handicapés et adultes dits incurables – internées dans des institutions psychiatriques en Allemagne sous la supervision des médecins allemands et autrichiens après l’annexion. Les injections mortelles ou la famine seront remplacées par le gazage pour une meilleure efficacité de meurtres de masse et préfigurent le génocide des juifs et des tziganes dans les chambres à gaz.

11La coopération des nazis et des scientifiques commença dès 1934 avec les campagnes de stérilisation forcée pour des supposés porteurs de maladies héréditaires. Entre 1939 et 1941, 70 000 personnes sont assassinées avant qu’Hitler n’interrompe ce programme sous la pression de l’opinion publique et de l’Église. En réalité, ces meurtres se poursuivront de manière plus clandestine toute la durée de la guerre. Le total des victimes de l’euthanasie est estimé entre 200 000 et 300 000 personnes pour toute la durée de la guerre en Europe occupée suivant les chercheurs [11] et le nombre de malades psychiatriques assassinés en Allemagne nazie serait de 180 000 entre 1939 et 1945 [12]. Dès l’origine, les patients juifs des hôpitaux psychiatriques et institutions spécialisées seront victimes du programme T4 qui préfigure la décision de la solution finale [13]. En Allemagne, les programmes de stérilisation et d’euthanasie vont rapidement concerner les juifs, d’autant plus que les établissements aryanisés et expurgés de leurs patients juifs orientés vers les centres d’élimination en tirent un allègement fiscal. Si, le plus souvent, les malades mentaux stérilisés échappaient à la mort, il n’en était pas de même pour les malades mentaux juifs qui stérilisés ou non étaient assassinés. Victimes privilégiées du programme T4 en Allemagne et en Autriche, les juifs le seront aussi dans les autres pays en Europe occupée dans l’intervalle qui les séparent de la solution finale.

En Europe occupée

12L’Aktion T4 fut étendu en 1941 aux camps de concentration. Des psychiatres parcoururent les camps du Reich à la recherche des « asociaux », ce fut l’Aktion 14f13 (14f est le code désignant la mort d’un détenu, et le chiffre 13 indique son transfert dans un centre de la T4).

13Le sort des enfants et adultes juifs handicapés ou des patients psychiatriques en Europe occupée n’étant pas documenté pour tous les pays. Nous aborderons ici seulement quelques pays occupés parmi la totalité des pays soumis à l’eugénisme où les juifs sont mentionnés dans des articles scientifiques.

14Entre 1941 et 1945, le programme 14f13 dirigé par des psychiatres expérimentés du programme T4 fonctionna dans les camps de concentration pour désigner les internés inutiles, trop malades pour travailler. Ils étaient tués sur place ou envoyés dans les installations d’euthanasie encore en activité de Bernburg et Hartheim où ils sont gazés. Durant le « traitement spécial 14f13 » qui succéda au T4, environ 5000 personnes furent exterminées à Bernburg entre septembre 1941 et avril 1943, principalement des juifs des camps de concentration de Buchenwald, Flossenbürg, Gross-Rosen, Neuengamme, Ravensbrück et Sachsenhausen. Durant toute l’action d’euthanasie, l’autre secteur de Bernburg continua à fonctionner comme un établissement psychiatrique tout à fait normal. Selon les chercheurs, le nombre des victimes du programme 14f13 est estimé à 50 000 personnes [14].

15Et selon les chiffres cités au procès des médecins nazis de Nuremberg entre 250 000 et 300 000 patients ont assassinés en Europe. De l’eugénisme à l’euthanasie, de l’euthanasie à l’anéantissement, les psychiatres allemands ont ouvert la voie à la Shoah [15]. D’ailleurs, c’est la même équipe médicale qui organisa des deux opérations, l’Aktion T4 et l’Aktion Reinhardt (destruction des juifs de Pologne). Une partie du personnel de la T4 placé sous l’autorité de Vicktor Brack fut transférée en 1941 en Russie puis en Pologne et mise à la disposition d’Odilo Globocnik, responsable SS de la région de Lublin et chargé de la mise à mort de 1 500 000 juifs dans les 3 centres de Belzec, Sobibor et Treblinka. Ces responsables furent jugés au procès des médecins de Nuremberg.

Hors d’Allemagne

16Les pays comme le Danemark et la Bulgarie semblent avoir été assez peu affectés par les persécutions des malades mentaux et des juifs. Au Danemark, la très grande majorité de la population juive parvint à s’échapper en Suède, pays neutre dans le conflit mondial, avant les rafles et les déportations envisagées par les nazis. Pendant l’Occupation, il n’y aurait pas eu d’augmentation de la mortalité dans les hôpitaux psychiatriques [16]. En Bulgarie, les malades mentaux ne semblent pas avoir été victimes de stérilisation forcés ou d’assassinat, et en dépit d’un manque chronique de nourritures la famine ne fut pas organisée [17].

17En Italie, en 1944, après la prise de pouvoir par les Allemands en Italie du Nord, des patients juifs sont extraits des asiles en particulier de Trieste et Venise, et par la suite déportés et tués. En Italie, de 24 000 à 30 000 patients sont morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques, en particulier dans le sud de l’Italie entre 1942 et 1945. Il ne semble pas que ce soit dans une intention délibérée d’exterminer des patients, mais des effets des désorganisations, de négligences, de manque de soins et de nourriture [18].

En Autriche annexée

18Peu après l’Anschluss (occupation et annexion de l’Autriche dans l’Allemagne nazie en 1938), le système de santé viennois fut restructuré conformément aux principes de l’eugénisme. À Vienne, dès 1939, est constitué un énorme fichier de renseignements et les malades mentaux, handicapés, asociaux, alcooliques, vagabonds et leurs descendants furent fichés, soit en 1943, 700 000 personnes.

19Les patients juifs hospitalisés en psychiatrie sont parmi les premières victimes. Viktor Frankl, médecin à l’hôpital juif de Vienne, et Franziska Löow, assistante sociale de la communauté juive, tentèrent de sauver la vie des patients juifs, mais 400 juifs furent envoyés de l’établissement de soins de Steinhof au centre d’extermination de Hartheim au cours de « l’opération T4 ». Ceux qui sont restés à Steinhof et qui n’étaient pas morts de malnutrition ou de maladies infectieuses ont été déportés et assassinés dans les camps d’extermination [19]. Entre 1941 et 1945, plus de 3500 patients sont morts de faim au Steinhof. Dans le même but fut créé au sein de Steinhof l’établissement de soins infantiles de Spiegelgrund qui faisait partie d’un des trente « centres de soins infantiles ». Il comportait 640 lits. À l’issue d’une sélection, des enfants furent assassinés par administration de morphine, de phénobarbital ou par privation de nourriture.

20Des milliers de malades mentaux des territoires occupés de Pologne, Russie, Prusse orientale furent assassinés par les Einsatzgruppen (SS et des unités spéciales de police) qui suivaient l’avancée des armées allemandes. Par exemple, entre le 29 septembre et le 1er novembre 1939, ces unités ont tué par balle environ 3700 malades mentaux dans des asiles de la région de Bromberg, en Pologne. En décembre 1939 et janvier 1940, 1558 patients d’asiles polonais furent gazés dans des camions pour faire de la place à l’armée (USHMM, https://www.ushmm.org/fr). Les Einsatzgruppen exécutèrent massivement les malades mentaux hospitalisés dans les territoires occupés de la Biélorussie soviétique et de l’Ukraine. En Biélorussie, des patients psychiatriques servirent également à expérimenter la létalité des poisons, l’efficacité d’explosifs et des gazages.

21En Pologne occupée, dès septembre 1939, les premiers meurtres des pensionnaires des asiles et des handicapés eurent lieu en Poméranie. Les Allemands organisèrent le meurtre de masse des patients des hôpitaux psychiatriques [20] et prirent la direction des institutions psychiatriques en interdisant les sorties d’hospitalisation. Les patients furent répertoriés en trois catégories : gravité de la maladie, capacité de travailler, d’origine allemande, polonaise ou juive. Les patients juifs ont été le plus souvent les premiers à être assassinés, à mourir de faim avec des rations alimentaires inférieures à celles des non-juifs, à expérimenter les injections létales et les autres procédés de mise à mort. Les patients juifs étaient regroupés pour respecter les règles d’hygiène raciale ce qui rendait leur élimination plus facile, notamment, dans les hôpitaux juifs où les patients ont été le plus souvent liquidés en même temps que le ghetto juif environnant. L’institut psychiatrique de Cracovie (aussi appelé hôpital Kobierzyn) comprenait plus de 1000 patients hospitalisés. Après l’invasion, l’administration allemande de l’hôpital va procéder à leur élimination en organisant la famine, en déportant les patients juifs et en les assassinant en masse [21]. Vingt mille malades mentaux polonais furent ainsi tués dans les hôpitaux psychiatriques de Pologne pendant la guerre [14].

Lettonie, Estonie, Lituanie, Biélorussie

22Pendant l’Occupation, les Allemands réunirent l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie et la Biéliorussie dans une entité commune, cependant la politique d’extermination des malades mentaux ne semble pas avoir été identique dans ces trois territoires [22]. EnEstonie, les patients psychiatriques ont été victimes d’une stratégie délibérée de famine et les patients juifs furent tous assassinés (Estonian International Commission, 2006), si bien que l’Estonie fut déclarée Judenfrei donc débarrassée de ses juifs dès 1942. En Lettonie, environ 2500 patients psychiatriques ont été tués par les Einsatzgruppen et des auxiliaires lettons de la police de sécurité allemande. La majorité des malades mentaux lettons ont été fusillés au printemps et à l’automne 1942, alors que les patients juifs avaient déjà été sélectionnés et tués à l’automne 1941.

23En Lituanie, les patients psychiatriques juifs ont été tués immédiatement pour des raisons génocidaires n’ayant rien à voir avec l’euthanasie. Outre les 109 patients juifs de l’hôpital psychiatrique de Kalvarijas assassinés le 1er septembre 1941, des patients de l’unité des maladies mentales de l’hôpital juif de Vilnius ont été abattus en octobre 1941 et les autres établissements psychiatriques ont livré leurs patients juifs aux autorités allemandes.

24EnBiélorussie,en septembre 1941, l’Einsatzgruppen B reçut l’ordre d’exécuter tous les patients des asiles psychiatriques de Minsk et de Mogilev. Les nazis étudiaient aussi les moyens de rendre le meurtre de masse plus efficace en utilisant des patients psychiatriques. Une expérience consistait à aligner les patients les uns derrière les autres pour en tuer plusieurs avec une seule balle, méthode qui s’est révélée trop lente. Une autre tentative a été essayée, avec de la dynamite, sur vingt-cinq patients enfermés dans deux bunkers, dans une forêt à l’extérieur de Minsk. En septembre 1941, afin de rendre les assassinats « plus humains » sur les conseils d’Himmler, et surtout pour alléger la tâche des soldats, 200 patients de Novinki furent enfermés et assassinés avec des gaz d’échappement. À Moguiev, 500 patients de l’asile psychiatrique furent ainsi enfermés dans un local hermétiquement clos et également assassinés avec du gaz d’échappement de véhicules garés à l’extérieur [23].

25En Ukraine, après l’invasion allemande de juin 1941, à l’hôpital psychiatrique de Kiev (Pavlov), tous les patients juifs ont été retirés de l’hôpital, 308 ont été exécutés dans la forêt qui jouxte l’hôpital peu après le massacre de Babi Yar où 33 000 juifs furent assassinés par balles les 29 et 30 septembre 1941. En 1942, 525 patients furent assassinés dans des chambres à gaz mobiles. Fin 1941, 1000 patients furent exécutés par balles à l’hôpital psychiatrique de Kherson.À l’hôpital psychiatrique du village d’Igren, les Einsatzgruppen exécutèrent 1300 patients. Dans la région de Kharkov, les Einsatzgruppen assassinèrent 435 malades mentaux. Reste qu’en Ukraine, la dispersion des fonds d’archives ne permet pas une évaluation précise du nombre de malades mentaux assassinés par les Allemands, mais ils sont estimés à environ 10 000 [24].

26En Hollande [25], la persécution des patients fut davantage motivée par leur judaïsme qu’en raison de leurs troubles psychiatriques. Dans un premier temps, les patients juifs devaient être soignés par des médecins juifs. Majoritairement, les médecins hollandais refusèrent de collaborer et contrecarrèrent souvent les mesures contre les juifs en retenant les informations et en faisant grève en mars 1943. Plutôt que d’être soumis à l’autorité allemande, de nombreux médecins renoncèrent officiellement à leur profession médicale. En janvier 1943, cependant, 869 patients et 160 membres du personnel du Jewish Central Asylum for the Insane seront déportés et assassinés à Auschwitz. Il en sera de même pour les autres établissements psychiatriques juifs de Hollande ainsi que pour les institutions pour enfants et les maisons de retraites juives. Les neuf-dixième de la communauté juive seront ainsi assassinés.

En Alsace annexée

27Dès le début de la guerre les établissements psychiatriques de Rouffach, de Hœrdt et de Stephansfeld (Brumath) évacuèrent le plus grand nombre de leurs malades vers différents hôpitaux de l’intérieur, en particulier à la Roche-sur-Yon et à Toulouse. Et le 12 décembre 1940, un convoi de quarante-deux malades juifs (vingt-cinq femmes et dix-sept hommes) quitta l’hôpital de Stephansfeld vers l’hôpital psychiatrique du Vinatier à Bron, près de Lyon. Ne restaient en Alsace annexée et allemande que des aliénés considérés comme ne pouvant pas être transportés auxquels s’ajoutèrent, à partir de septembre 1942, une centaine d’aliénés allemands transférés depuis la province de Bade. Néanmoins, le 5 janvier 1944, les hôpitaux de Stephansfeld et de Hœrdt transfèrent chacun 50 hommes vers l’institut médico-psychiatrique d’Hadamar (Hesse), centre d’assassinat des malades mentaux. Au total, les hôpitaux psychiatriques d’Alsace parviendront à évacuer 890 malades, mais 66 % mourront pendant l’Occupation [26].

28En Europe occupée, le sort des handicapés et malades mentaux est dans la plupart des pays épouvantable. Le sort des juifs fut-il différent de celui des non-juifs ? Strous [27] et d’autres chercheurs répondent par l’affirmative pour plusieurs raisons. Les handicapés et malades mentaux juifs furent victimes de différentes formes de discrimination bien avant le début du programme T4, avec souvent une exclusion des soins et un plus grand rationnement de la nourriture. Pendant le programme T4, contrairement aux non-juifs, ils ont été éliminés sans examen de la gravité de leur trouble ou examen de leur capacité à travailler et ils ont servi de cobayes pour l’expérimentation des différentes modalités d’assassinat. Victimes d’une « double malédiction » ([27], p.  255), car handicapés et malade mentaux juifs, ils ont été désignés non seulement biologiquement inférieurs mais aussi comme génétiquement et ontologiquement dangereux pour la « pureté de la race », aussi ont-ils été prioritairement éliminés. Et si le régime nazi avait victorieusement perduré, c’est bien l’ensemble des handicapés et des malades mentaux européens qui auraient été promis à la mort.

Destin des juifs hospitalisés en psychiatrie en France

29En France, la surmortalité dans les hôpitaux psychiatriques pendant l’Occupation est estimée entre quarante-cinq mille et cinquante mille malades mentaux hospitalisés [28], soit la moitié des malades hospitalisés en psychiatrie. Ce chiffre considérable a entraîné une polémique déclenchée par le livre de Max Lafont [29], entre les tenants d’une intentionnalité criminelle du gouvernement de Vichy ou de non-assistance due aux circonstances de la guerre et de l’Occupation. Un certain nombre de remarques et de questions s’imposent.

30Quelle est l’influence d’Alexis Carel, idéologue proche de Vichy partisan de l’eugénisme et de l’euthanasie ? Alexis Carrel refusa le portefeuille de la Santé publique, mais il obtint par une loi du 17 novembre 1941 (Journal officiel du 5 décembre 1941) la création de la Fondation française pour l’étude des problèmes humains [26].

31Le zèle de Vichy à participer à la déportation des juifs s’est-il étendu aux juifs malades mentaux ? Les médecins des hôpitaux psychiatriques ont-ils protégé les patients juifs ?

32Dans leur folie antisémite, les Allemands ont-ils renoncé à déporter les malades mentaux juifs ?

33Contrairement aux médecins et aux psychiatres en Allemagne, complices et promoteurs de l’euthanasie, les médecins en France ne participent pas à « une extermination douce ». Ils ont rapidement tiré la sonnette d’alarme sur les conséquences de la famine qui aboutira à la circulaire Bonnafous du 4 décembre 1942, résultat de la mobilisation collective des psychiatres depuis l’automne 1941 [30]. La circulaire permit d’améliorer les rations alimentaires des malades mentaux hospitalisés qui jusque-là étaient moindres que celles des hôpitaux généraux. Différents historiens en conclurent que le régime de Vichy n’avait pas mis en œuvre un programme d’élimination systématique des malades mentaux comparable au programme T4 et à ceux qui ont suivi. Les travaux de l’historienne Isabelle von Bueltzingsloewen, de Michel Caire et le rapport Azema [31], vont dans ce sens, mais leurs conclusions restent controversées.

Les patients juifs hospitalisés en psychiatrie

34En France, les malades mentaux juifs ne forment pas une catégorie particulière et sont donc rarement mentionnés en tant que tels – sauf sur leur dossier médical où peut être inscrit : juif ou Israélite.

35Dans le cadre de cette recherche qui ne se veut pas exhaustive, nous utiliserons les rares documents accessibles sur ce sujet notamment en région parisienne [3] et en région Centre. Nous avons ainsi prospecté aux archives de Paris, en consultant les registres d’entrées du service de l’admission de l’hôpital Sainte-Anne qui « distribuait » et orientait les patients sur les différents hôpitaux psychiatriques du département [4]. La consultation exploratoire de ces registres nous a permis de tenter d’évaluer le nombre de juifs.ves qui auraient pu être dirigés sur un service de psychiatrie [5] entre 1940 et 1944, en l’occurrence 173 hommes et femmes sur 11 755 individus ayant transité par le service de l’admission. S’ils ne sont pas renseignés dans ses registres, les motifs et/ou pathologies qui ont conduit à l’internement, en revanche sont renseignés les : nom, prénom, situation (marié, célibataire, veuf), profession, lieu de naissance, date de naissance, âge, dernier domicile connu, mode de placement (d’office ou volontaire), date d’entrée au service de l’admission. Dans quelques cas, la mention « dernier domicile » indique Camp de Drancy (figure 1).

Figure 1

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Figure 1

Figure 2

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Figure 2

36Si les origines (pour les juifs étrangers) peuvent nous renseigner, il en est de même pour les dates d’entrée au service de l’admission à Sainte-Anne qui peuvent faire suite à des rafles.

37Ainsi, après la rafle du 20 août 1941 dans le 11e arrondissement de la capitale, nous avons été interpellés par les cas d’enfants conduits au service de l’admission. Ainsi de :

  • Guy Daniel C., âgé de 3 ans, entré le 22/08/1941,
  • Léonie Henriette I., âgé de 3 ans et demi, entrée le 20/08/1941,
  • René C., âgé de 6 ans, entré le 25/08/1941,
  • Emile L., âgé de 8 ans, entré le 27/08/1941,
  • Henri Z., âgé de 12 ans, entré le 22/08/1941,

38L’internement psychiatrique d’enfants si jeunes étant rare et, de plus, regroupé à quelques jours d’intervalles, nous laisse penser que ces derniers se sont peut-être retrouvés seuls après la rafle et/ou protégés et conduits au service de l’admission afin d’être pris en charge d’une façon ou d’une autre. Seule la consultation de leur dossier d’entrée au service de l’admission de Sainte-Anne [6] nous permettrait de suivre leur parcours.

En région parisienne

39Michel Caire, lors de ses recherches dans un hôpital de la préfecture de la Seine, a consulté 50 dossiers parmi lesquels il dénombre « 25 décès, dont neuf de cachexie (avec œdèmes de carence), sept de tuberculose, neuf de pathologies somatiques diverses (cancer, OAP [7], pneumonie, ictus, etc.). [...] Celles qui ont survécu à la famine et aux maladies, en particulier à la tuberculose, ont donc été sauvées, par la maladie sinon par l’hôpital. ». Michel Caire n’est pas en mesure de conclure sur le sort des hospitalisés juifs : « La lecture des dossiers ne peut permettre de savoir avec certitude qui était malade et qui ne l’était pas, ne l’était plus ou ne l’était plus assez pour justifier son maintien à l’hôpital, en d’autres termes, qui a été sauvé par l’asile et qui l’a été par la maladie » ([32], p. 252).

40Également en région parisienne, Corinne Benestroff [33] a documenté la situation des résistantes et des aliénées juives à l’hôpital de Ville-Évrard pendant l’Occupation. En fonction d’une liste établie en 1941 de 34 malades supposées juives, elle a comptabilisé 8 décès entre 1941 et 1946 dont deux dans un autre hôpital où elles avaient été transférées. L’hôpital semble avoir eu un effet de protection, en particulier avec l’arrivée en 1942, comme directeur de Louis Lesueur, résistant qui va peu se plier aux directives de l’administration de Vichy et des autorités d’Occupation. Selon l’auteur, « hormis les troubles psychiques déclarés, l’internement dans le contexte relativement favorable de Ville-Évrard, peut donc augmenter les chances de survie en n’exposant pas les sujets désignés aux persécutions policières » ([33], p. 76).

41Dans le cadre de cette recherche, nous nous focaliserons davantage sur un hôpital psychiatrique de la région parisienne et sur un hôpital de la région Centre à proximité des camps d’internement du Loiret. Nous ne serons pas en mesure de généraliser nos observations à l’ensemble des hôpitaux psychiatriques pendant l’Occupation.

L’hôpital Paul-Guiraud

42Nos recherches en région parisienne soulignent la place considérable de l’hôpital Henri-Rousselle et du service de l’admission de Sainte-Anne qui recevait les patients en première intention avant de les orienter vers d’autres hôpitaux psychiatriques [8].

43Nous nous centrerons sur l’hôpital Paul-Guiraud anciennement nommé hôpital de Villejuif. Les dossiers médicaux et/ou administratifs retenus pour cette étude concernent pour la majorité des patients signalés « juifs » dans le registre d’entrée en vertu de l’application des lois antijuives. La mention « religieuse », juive ou israélite, figure généralement dans les dossiers médicaux et administratifs (figure 2).

Sections générales

44Nous avons consulté 38 dossiers de patients juifs interné.e.s dans les sections généralistes de l’hôpital pendant l’Occupation. Ces dossiers mettent en relief un grand nombre de patients juifs étrangers (certains le redeviennent avec les lois sur la dénaturalisation de Vichy) dont certains sont âgés, isolés avec des troubles psychiatriques pour lesquels l’hôpital aura aussi une fonction d’asile et de protection. Les médecins se plaignent de cet afflux mais on constate dans les dossiers que ces patients restent au sein de l’hôpital pendant la durée de la guerre et qu’ils ont la vie sauve s’ils ne meurent pas de vieillesse, de maladie ou de dénutrition, car la mortalité est considérable, presque un tiers des patients décèdent soit 12 sur 38. Ainsi de :

  • E. Maxime, 46 ans, entré le 10-2-1942, décédé le 12-1-1943,
  • B. Anne, 81 ans, entrée le 4-11-1943, décédée le 16-11-1943,
  • S. Léon, 35 ans, venant du camp de Drancy, entré le 26-3-1942 décédé le 16-8-1942,
  • A. Fraja, 56 ans, entré le 11-6-1942, décédée le 29-9-1942,
  • M. Eliezer, 72 ans, entré le 21-9-1942 décédé le 29-9-1942,
  • K. Adèle 66 ans entrée le 4- 12-1941 décédée le 30-3-1942,
  • W. Hermance, 84 ans entrée le 30-4-1943, décédée le 30-5-1943,
  • D. Clémentine, entrée en 3- 10-1943 décédée le 1-11-1943,
  • P. Jacques, 35 ans, entré le 9-4-1943, décédé le 2-6-1943,
  • K. Simon, 54 ans, entré le 12-3-1943 décédé le 4-11-1943,
  • L. Louis-Moise, 83 ans, entré le 3-12-1943 décédé le 10-1-1944,
  • E. Simon, 44 ans, entré 8-5-1942, décédé le 12-8-1942.

45Très peu de patients sortent de l’hôpital pendant l’Occupation, mis à part trois patients, sortie l’un en 1942 et le second en 1943 (en fonction des listes Klarsfeld, il semble qu’ils n’ont pas été déportés). En revanche un troisième patient sorti le 4-10-1942 est déporté : I. Joseph, 21 ans, déporté à Sobibor par le convoi 53 le 25/03/1943.

46Deux patients viennent du camp de Drancy [9], ils ne sont ni réclamés ni reconduits au camp et ont aussi la vie sauve [10]. On peut constater une sortie importante de patients de l’hôpital à la Libération de Paris, six patients dès août et septembre 1944, et six autres dans les trois mois qui suivent (figure 3).

Figure 3

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Figure 3

47Deux patients rentrent à l’hôpital en juillet 1944 et une autre à une date non déterminée.

48À la Libération, douze patients restent hospitalisés, et sont évacués [11] sur un autre hôpital au dernier trimestre 1944 en raison de l’installation d’un hôpital militaire de l’armée américaine à l’hôpital jusqu’en 1947. Au total, 25 patients juifs ont la vie sauve sur 38, douze certainement en fonction de leur maladie qui les a contraints à rester à l’hôpital. Parmi les 13 autres patients, six sortent dans les jours qui suivent la Libération de Paris, quatre un peu plus tard et pour trois autres, il est noté dans le dossier par les médecins qu’ils sortent « avant guérison », donc contre avis médical. Il est assez plausible qu’au minimum, les dix sortants « guéris » ont pu être protégés et certainement sauvés par l’hôpital et son personnel, notamment les médecins. Pour la rédaction des certificats, le nom des docteurs Abely, Beaussart et Brousseau reviennent à plusieurs reprises.

49La protection est également très documentée pour un jeune homme non juif, Raymond G, entré en placement volontaire en juin 1943, réfractaire du STO [12] et résistant pour lequel le docteur Beaussard va rédiger un certificat de complaisance très argumenté pour le maintenir à l’hôpital. Malgré tout, la Gestapo viendra l’arrêter dans l’hôpital [13], et malgré la demande faite par la direction pour « réclamer » son retour, il sera déporté mais survivra comme en témoignent les courriers administratifs adressés à l’hôpital après la guerre (figure 4).

Figure 4

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Figure 4

Section Henri-Colin [14]

50Dans la seule section Henri-Colin de l’hôpital psychiatrique de Villejuif où étaient internés tout au plus 80 patients, il semble que le médecin-chef Albert Brousseau ait gardé par derrière les murs de la section afin de les protéger trois internés. Étonnamment, les dossiers de ces trois patients juifs, dont deux sont de nationalité polonaise, ne comportent pas la mention « juif » telle qu’indiquée sur les dossiers des internés dans les autres sections de l’hôpital. Le premier est René, juif pied noir placé le 11 juillet 1932 après un non-lieu pour meurtre. Après sept années d’internement, le 20 octobre 1939, le Dr Brousseau signale que « ce malade donne toute satisfaction, son comportement est excellent, et parfaitement normal » et il propose sa sortie. Le 20 août 1940, un certificat identique est rédigé, puis, plus aucun certificat de situation ne figure dans son dossier avant celui de sortie, en date du 28 août 1944.

51Autre cas avec celui de Moszeck, tailleur juif polonais au chômage, arrêté pour escroquerie et en prévention à la prison de la Santé. En détention, il a, dès le 23 décembre 1940, présenté les signes d’une dépression carcérale et il « prétend voir sa condamnation à mort écrite en blanc sur le mur de sa cellule » – ce qui lui vaut son transfert à l’hôpital psychiatrique. À son arrivée, le Dr Beaussart, en intérim, évoque une « dépression carcérale avec allégations de crainte d’être asphyxié par les gaz ». Lors de son premier entretien, Moszeck dit au médecin : « Vous ne pouvez pas me tuer. Je veux partir, travailler pour le gouvernement, faire des habits militaires, je gagne bien ainsi ». Le médecin lui demande : « Êtes-vous allemand ? » Il répond, « Non juif ». « Quelle nationalité ? » – « Polonaise ». Son avocat, venu le visiter le 8 février 1941, estime lui que son client « n’est pas fou du tout, au plus une certaine exaltation chez un homme qui a travaillé énormément ». Mais Moszeck persiste dans son attitude anxieuse et le 29 mai 1941, le Dr Brousseau stipule qu’il est « un grand malade à propos duquel le pronostic paraît devoir être très réservé. » En effet, les craintes manifestées par Moszeck et qui sont interprétées comme le signe d’une « démence précoce », ont justifié son internement à la section où il passera les années de guerre, régulièrement visité et ravitaillé par sa femme et ses enfants jusqu’au 15 juillet 1942, veille de la rafle du Vel d’Hiv suivie de l’arrestation et de l’extermination des siens à Auschwitz [15].

52Le cas de Yankel, jeune juif polonais de 17 ans, envoyé à la section par la maison d’éducation surveillée de Fresnes interpelle également. Signalé comme un « sujet particulièrement dangereux du fait de son impulsivité et de sa force musculaire », il est prévu de le faire rapatrier « par voie administrative dans son pays d’origine » car dit « à tous points de vue indésirable ». Deux mois après son entrée, le 24 juillet 1938, il est en effet question de le faire rapatrier en Pologne, solution envisagée encore en mars et mai 1939 mais non suivie d’effet. Et le médecin-chef qui s’est pris d’empathie pour le jeune homme d’œuvrer pour son maintien jusqu’au 27 août 1944, date à laquelle le Dr Brousseau évoque une possible sortie qui sera effective le 17 avril 1945, grâce aux démarches entreprises par le médecin-chef.

53Dans cet hôpital de la région parisienne, la majorité des patients juifs survivent à la folie antisémite nazie. La Gestapo semble davantage active dans la chasse aux résistants et demande à être prévenu du rétablissement des juifs venant du camp de Drancy pour les réintégrer, ce qui ne sera pas le cas. Les patients juifs comme d’autres patients de l’hôpital sont davantage victimes de « l’hécatombe des fous », famine et maladie qui conduisent au décès de 12 d’entre eux sur 38. Ils ne sont pas victimes de la collaboration et les médecins semblent bienveillants et contribuent parfois activement à leur survie. On peut faire l’hypothèse que certains n’avaient pas de troubles psychiatriques et qu’ils ont trouvé un refuge comme en témoignent la sortie quasi immédiate de plusieurs d’entre eux avec un certificat de « guérison », juste après la Libération de Paris.

Dans un hôpital de la région Centre

54L’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais dans la région Centre a doublement attiré notre attention, comme établissement psychiatrique, mais aussi en raison de sa proximité avec deux camps d’internement et de concentration du Loiret, Beaune-la-Rolande et Pithiviers, où étaient principalement retenus des juifs dans l’attente de leur déportation. Ces deux camps fonctionnent sous la double autorité des allemands et de la préfecture du Loiret. Le 14 mai 1941, 3700 juifs étrangers de Paris et de la banlieue sont ainsi arrêtés après avoir été convoqués par un « billet vert » [16], sous prétexte d’examen de leur situation. Ils sont transportés dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande à quelques kilomètres d’Orléans. Les 16 et 17 juillet 1942, ce sont plus de 12 000 juifs dont 4000 enfants (souvent nés en France) qui sont arrêtés par la police française après avoir été enfermés au Vel d’hiv. Les familles sont acheminées vers les camps du Loiret, les autres allant directement à Drancy. Dans les camps du Loiret seront internés plus de 18 000 juifs entre 1941 et 1943, une majorité de juifs étrangers, mais aussi apatrides et communistes français. L’immense majorité sera déportée et assassinée dans les camps d’extermination.

55Nous avons pu, durant l’année 1997 et en 2018, consulter les archives de l’hôpital concernant les malades juifs hospitalisés ainsi que les correspondances avec les autorités administratives françaises et allemandes les concernant. La circulation des personnes entre les camps d’internement et l’hôpital psychiatrique se révèle une source d’informations importantes. Les effectifs des juifs hospitalisés à Fleury-les-Aubrais se décomposent entre ceux qui sont hospitalisés depuis l’avant-guerre et ceux dont les troubles psychiatriques avérés ou simulés constatés dans les camps ont conduit à leur hospitalisation. Concernant les juifs hospitalisés, l’hôpital est sous la surveillance constante de la Sicherheitspolizei, la Gestapo, police de sécurité allemande créée en 1936 par Heinrich Himmler, de la préfecture du Loiret, et des commandants des camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande.

56Le médecin-directeur et le médecin-chef doivent exécuter les ordres des autorités et tous les juifs sont ainsi « placés d’office » par la préfecture ce qui oblige, le cas échéant, à ce que le médecin demande à cette même préfecture son aval en cas de sortie envisagée. En outre, ils sont bientôt interdits de visite et leurs courriers doivent être présentés à la censure allemande.

57Les médecins sont également sommés de fournir les effectifs et de justifier du maintien des hospitalisés. Ils doivent signaler les personnes juives dont la religion ne serait pas connue des autorités (la mention juif ou israélite apparaît sur le dossier) (figure 5).

Figure 5

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Figure 5

58Tout comme ils doivent, le cas échéant, rendre compte en détail des évasions. Les médecins sont également chargés d’organiser le dernier transport des juifs encore à l’asile en mars 1944 pour l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Pendant la guerre, sur les 37 patients venant des camps du Loiret, 7 meurent à l’hôpital de Fleury-les-Aubrais [34].

59Parmi les 25 dossiers que nous avons consultés, 17 patients proviennent des camps du Loiret dont 6 seront déportés, 6 étaient déjà internés à l’hôpital de Fleury avant-guerre, deux viennent d’un autre hôpital psychiatrique et une femme parvenue à s’évader de l’hôpital le 5 octobre 1942.

60Trois personnes dont deux enfants qui présentent un tableau « d’idiotie congénitale, imbécilité, dégénérescence » relevant d’une arriération mentale sévère sont remis à leur famille :

  • G. Lucien, 3 ans et demi, venant du camp de Beaune-la-Rolande, diagnostic d’idiotie congénitale, remis à sa famille.
  • T. Charles, 7 ans, venant du camp de Pithiviers, diagnostic d’idiotie congénitale, remis à sa famille
  • F. Jacob, diagnostic de dégénérescence et d’arriération profonde, venant du camp de Pithiviers, remis à sa famille.

61Six hommes, renvoyées aux camps fins 1941 ou début 1942 après un court séjour d’observation et sont déportés à Auschwitz par un des convois du mois de juin ou juillet 1942 et ne reviendront pas, à savoir :

62

  • – B. Wolf, déporté par le convoi 2 au départ de Compiègne le 5 juin1942,
  • – C. Lipa, déporté par le convoi 6 au départ de Pithiviers le 17 juillet 1942,
  • – E. Abraham, déporté par le convoi 4 au départ de Pithiviers le 25 juin 1942,
  • – F. Michel, déporté par le convoi 5 au départ de Beaune-la-Rolande le 28 juin 1942,
  • – E. Chemja, déporté par le convoi 5 au départ de Beaune-la-Rolande le 28 juin 1942,
  • – W. Moszek, déporté(e) par le convoi 5 au départ de Beaune-la-Rolande le 28 juin 1942.

63Quatre autres personnes dont les noms apparaissent dans la correspondance de l’hôpital mais dont nous n’avons pas consulté les dossiers sont renvoyées au camp dont une est décédée et une est déportée (en fonction des listes Klarsfeld, sous réserve de la bonne orthographe du nom) :

  • T. Jacob, déporté par le convoi 4 le 25 juin1942 à Auschwitz,
  • S. Lajzer, qui n’apparaît pas sur les listes Klarsfeld,
  • H. Berek, qui n’apparaît pas sur les listes Klarsfeld,
  • K. Lejb, décédé à l’hôpital de Fleury-les-Aubrais.

64Dix-sept personnes seront conduites à l’hôpital Sainte-Anne le 5 mars 1944 sur ordre des autorités allemandes. Nous avons pu consulter 16 dossiers sur les 18, l’un des patients prévus dans ce transport s’évade la veille au soir du départ. Cet évadé et une personne transportée à Sainte-Anne (qui décédera de tuberculose en 1945), n’ont pas de troubles psychiatriques bien que des symptomatologies existent dans les observations des médecins. Il en est de même pour Abraham Zoltobroda, bien que des hospitalisations antérieures à son arrestation soient notées. Ce dernier a fait l’objet d’un ouvrage du Cercil [35], avec la traduction du yiddish des cahiers qu’il a écrit au long de ses années d’internement. Il sort de l’hôpital fin août 1944. Ainsi une majorité des pensionnaires juifs qui étaient encore à l’hôpital en 1944 présentaient des troubles psychiatriques précisément décrits dans les observations des médecins lors de leurs séjours à l’hôpital venant des camps ou avec des antécédents sérieux ou bien avec des hospitalisations depuis l’avant-guerre à Fleury-les-Aubrais ou dans un autre hôpital psychiatrique.

65Les 16 dossiers consultés concernent :

  • W. Jeanne, internée depuis 1913, transférée des hospices de la Seine,
  • B. Emile, venant du camp de Beaune-la-Rolande, pas d’antécédents psychiatriques, il décède de tuberculose en février 1945,
  • K. Henry, venant du camp de Beaune-la-Rolande, traitée à l’hôpital de la Salpêtrière depuis 1932,
  • Z. Abraham, venant du camp de Beaune-la-Rolande déjà hospitalisé dans les hôpitaux psychiatriques de la Seine,
  • N. Wolf, patient hospitalisé à Fleury-les-Aubrais depuis 1938,
  • C. Samuel, patient hospitalisé à Fleury-les-Aubrais depuis 1919,
  • A. Blanche, internée en psychiatrie depuis 1924, patiente hospitalisée à Fleury-les-Aubrais depuis 1929,
  • P. Frédérika, internée en psychiatrie depuis 1899, hospitalisée à Fleury-les-Aubrais depuis 1929,
  • M. Marcel, patient hospitalisé en psychiatrie depuis 1925, hospitalisé à Fleury-les-Aubrais depuis 1934,
  • W. Laja, venant du camp de Beaune-la-Rolande, tableau psychiatrique sévère,
  • S. Alexandre, venant du camp de Beaune-la-Rolande, manifestement malade, ré-hospitalisé à Ville-Évrard à partir de 1946,
  • S. Ines Lia, venant du camp de Pithiviers, les observations médicales donnent à penser à un trouble psychiatrique sévère,
  • L. Henriette, internée en 1922, patiente hospitalisée à Fleury-les-Aubrais depuis 1926,
  • S. Dina, internée depuis 1928, transférée de l’asile de Lafond-la Rochelle,
  • F. Juda, venant du camp de Pithiviers, antécédents d’internement psychiatrique en 1936,
  • S. Charles, venant du camp de Beaune-la-Rolande, pas d’antécédents psychiatriques.

66Après la Libération, les patients qui avaient été internés avant-guerre vont demeurer, non plus dans le Loiret mais dans les hôpitaux de la Seine. Ce constat est confirmé par les courriers de l’hôpital de Fleury-les-Aubrais proposant aux familles en fin 1944 et en 1945 de reprendre les patients dans le Loiret, ce qui est décliné par les familles. Les échanges de courrier avec les familles et le témoignage du docteur Caron (Mouchard-Zay, 2007) confirment que les tous patients transportés à Sainte-Anne le 5 mars 1944 ont survécu à la guerre (figure 6).

Figure 6

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Figure 6

67En France, les patients juifs de l’hôpital de Fleury-les-Aubrais et les médecins responsables sont sous une surveillance constante des autorités. Au début de l’Occupation, il ne semble pas y avoir de certificats médicaux de complaisance car les patients estimés non malades étaient rapidement renvoyés dans les camps d’où ils provenaient ; par la suite, en revanche, il apparaît que la pathologie des patients et la nécessité de leur hospitalisation sont maintes fois réaffirmées. La légitimité de soins psychiatriques des patients juifs présents à l’hôpital en mars 1943 est confirmée avec force par le directeur de l’hôpital en précisant s’ils étaient « transportables » ou non – comme si l’éventualité de leur départ était déjà connue. À partir de la mise en œuvre de la solution finale, la proximité de l’hôpital avec les deux camps du Loiret et la surveillance allemande et française rendaient plus difficile les velléités de résistance, mais la protection des hospitalisés juifs par les médecins est bien perceptible à travers les correspondances. De plus, au 1er octobre 1942, la liste nominative des juifs hospitalisés [17] à l’hôpital de Fleury-les-Aubrais rédigée par le commandant [18] (par intérim) du camp de Beaune-la-Rolande atteste qu’à partir de cette époque, il n’y a plus de retour vers le camp [19]. Toutes les personnes présentes sur cette liste ainsi que celles qui ne viennent pas des camps du Loiret survivront, sauf une, L. Israël, décédée à l’hôpital. L’hospitalisation a protégé les interné.es juif.es jusqu’au 5 mars 1944. Deux évasions, l’une en 1942 évite un retour au camp et la déportation et une seconde en 1944, la veille du transport pour Paris, évite ce départ.

68Nous suivrons l’itinéraire de ces deux personnes.

Marguerite Thalheimer

69Elle parvient à s’évader de l’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais le 5 octobre 1942. Nous avons pu retracer son itinéraire [20] qui est le suivant : Marguerite Thalheimer née Stern, le 3 juillet 1898 vivait à Paris [21], et était mariée à un brillant chirurgien chef de service. Une fiche de recensement individuel déposé au Cercil à Orléans indique son emprisonnement à la caserne des Tourelles à compter du 14 février 1942.

70On trouve ensuite une trace de son très bref séjour à l’hôpital Rothschild dans les archives de l’AP-HP avec une entrée le 09/03/1942 et une sortie le 10/03/1942 [22]. Dans ce document, sur la ligne « observation » est indiqué P. Tourelle, ce qui pourrait signifier qu’elle vient de la prison des Tourelles ou bien qu’elle y retourne. Se faire admettre à L’hôpital Rothschild peut aussi faire partie de ses tentatives d’échapper aux nazis.

71Elle serait passée une seconde fois à l’hôpital Rothschild, comme le laisse entendre une lettre du 14/08/1942 signée Louis Darquier de Pellepoix, commissaire général aux questions juives qui demande/ordonne [23] à Jean François, directeur général de la Police administrative, d’envoyer au camp de Drancy Marguerite Thalheimer, internée à l’hôpital Rothschild au pavillon n̊ 4 « au secret » est-il précisé [24]. Ce second passage à l’hôpital Rothschild n’apparaît pas dans les archives de l’AP-HP. Est-ce une mise au « secret » qui rendrait compte d’une absence de trace dans les archives de l’AP-HP (figure 7) ?

Figure 7

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Figure 7

72Le fond du CGQJ (commissariat général aux questions juives) et le fichier Drancy adultes déposé aux Archives nationales, fiche F9 5337, indique l’entrée de Marguerite Thalheimer au camp de Drancy le 14 août 1942, avant son transfert au camp de Pithiviers le 1er septembre 1942. Elle parvient à en sortir pour être hospitalisée à l’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais le 23 septembre 1942 après une enquête de la gendarmerie et la prescription du médecin (figure 8).

Figure 8

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Figure 8

73La nécessité de poursuivre cette hospitalisation est ensuite confirmée par le docteur Georges Daumezon, médecin directeur de l’hôpital, ce qui permettra à Marguerite Thalheimer de s’évader de l’asile de Fleury-les-Aubrais le 5 octobre 1942. Si tel n’avait pas été le cas, elle aurait certainement été ramenée au camp de Pithiviers, antichambre de la déportation pour l’immense majorité des juifs des camps du Loiret (en transitant à Drancy ou par plusieurs convois qui sont partis directement de la gare SNCF de Pithiviers pour Auschwitz). Elle est déclarée absente de l’hôpital de Fleury-les-Aubrais depuis le 5 octobre 1942 par courrier du médecin-directeur de l’hôpital qui signale son évasion au commandant du camp de Pithiviers. Ces courriers très spécifiques étaient adressés en réponse à une demande expresse de réintégration au camp d’un interné hospitalisé à l’asile de Fleury.

74Les archives d’État de Genève où sont listées les personnes enregistrées à la frontière genevoise durant la Deuxième Guerre mondiale nous ont permis d’apprendre l’entrée en Suisse le 2 février 1943 de Marguerite Thalheimer avec son mari Marcel et son fils Gérard [25] :

  • Thalheimer Marcel-Simon 13/04/1893 Frankreich,
  • Thalheimer-Stern Marguerite-Françoise 03/07/1898 Frankreich,
  • Thalheimer Gérard-Roland 26/06/1925 Frankreich.

75Marguerite, son mari Marcel et leur fils unique Gérard qui ont trouvé refuge en Suisse ont ainsi survécu. Cette survie est ensuite confirmée par un document du Claims Resolution Tribunal [26] (tribunal arbitral pour les comptes bancaires en Suisse des victimes de persécutions nazies) du 26 novembre 2002 dans le cadre des procès intentés aux banques suisses. Cette procédure est réalisée par Gérard Thalheimer, fils unique, au nom de ses deux parents pour le vol de leurs avoirs déposés dans une banque suisse qui avaient été détournés au profit d’une banque contrôlée par les nazis. Le document précise que Marguerite Thalheimer est décédée le 29 mars 1984 à Paris.

76On peut raisonnablement faire l’hypothèse que Marguerite Thalheimer est parvenue, d’une façon ou d’une autre, à quitter les endroits où elle était le plus exposée à la déportation ; la prison des Tourelles, le camp de Drancy, le camp de Pithiviers, l’asile de Fleury-les-Aubrais dont on sait que les juifs hospitalisés ont été transportés à Paris en mars 1944, certainement pour être déportés (bien qu’ils échappent en fin de compte à la déportation) et elle parvient à quitter la France pour la Suisse avec sa famille en 1943. En définitive, passer par l’asile de Fleury-les-Aubrais et s’en évader contribue à sa survie.

Charles Spira

77Né à Paris le 11 octobre 1887, négociant en tissus, Charles Spira a été arrêté en octobre 1941 suite à la « rafle du billet vert » et désigné comme « en surnombre dans l’économie nationale » (sic). Emprisonné et ensuite interné dans le Loiret. Il fait une première tentative d’évasion le 4 juillet 1942. Venant du camp de Pithiviers, il est admis à l’hôpital d’Orléans le 24 septembre 1942 et à l’asile de Fleury-les-Aubrais le 14 novembre 1942. Il parvient à s’évader de l’asile le 4 mars 1944, soit la veille du transport à Paris de tous les juifs encore présents à l’hôpital psychiatrique. Charles Spira avait été admis pour observation à Fleury-les-Aubrais pour état « dépressif en partie réactionnel, évoluant sur fond de déséquilibre psychique. Dégoût de la vie, ruminations mentales à thème de suicide. Notion d’exacerbations paroxystiques ». Les certificats médicaux suivants confirmeront la nécessité d’un maintien en hospitalisation. Après-guerre, Charles Spira poursuivra une correspondance très cordiale avec le docteur Caron, médecin-chef de l’hôpital, ce qui peut laisser penser qu’il avait été prévenu du transfert des patients juifs pour Paris prévu le 5 mars 1944 par le personnel de l’hôpital, ce qui aurait vraisemblablement motivé son évasion du 4 mars 1944.

78Dans le cas des patients internés à L’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais, la protection « médicale » semble valoir pour au moins quatre d’entre eux : Marguerite T., Abraham Z., Emile B. et Charles S. La grande majorité des juifs semble avoir été protégés par leur maladie et par leur évasion pour deux d’entre eux. Les médecins de l’hôpital s’emploient très activement à décourager le zèle des autorités qui les contrôlent. Tout au long des hospitalisations, on peut constater une grande attention envers les malades et vis-à-vis des familles pour les tenir informer et répondre à leurs différentes demandes. Cela est bien confirmé par les lettres de remerciements qui leurs sont adressées après la Libération.

79Le transport des aliénés de Fleury-les-Aubrais à Paris du 5 mars 1944 ne semble pas avoir été destiné à sauver les patients juifs, au contraire. En effet, le signataire de l’ordre donné, le SS Fritz Merdsche dirigeait la Sipo-SD de la région d’Orléans, et il a été à ce titre responsable de la déportation et de la mort de près de 2000 juifs. Il fait notamment assassiner 35 juifs de Bourges, jetés vivants dans un puits par la Gestapo avant le retrait des troupes allemandes [27] (figure 9).

Figure 9

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Figure 9

80Comment expliquer l’absence de déportation des 17 patients à partir de Paris ? Nous pouvons faire l’hypothèse d’un contexte et de circonstances particulières qui rendraient compte de leur survie. Les malades transportés de Fleury-les-Aubrais sont placés à Sainte-Anne dans la partie de l’hôpital occupée par les allemands (von Bueltzingsloewen, 2007), peut-être pour pouvoir les déporter plus facilement. Parmi les conjectures envisageables, il y a les témoignages de l’attitude bienveillante du médecin-chef allemand, le docteur Formanek [36] qui aurait également favorisé la fuite d’un résistant [37].

81Dans leur folie antisémite, les Allemands n’ont pas renoncé à déporter les malades mentaux juifs, mais en France dans les deux hôpitaux dont nous avons eu connaissance, ils sont confrontés à l’inertie des institutions et le plus souvent à la mauvaise volonté des médecins. La déportation est davantage mise en œuvre en fonction de la catégorie de juif que de malades mentaux ou de malades tout court, bien qu’ils puissent servir d’appoint pour remplir les trains. Pour autant, c’est bien la Libération qui a interrompu la déportation des juifs et des malades mentaux juifs. Même si elle n’a pas eu lieu, la déportation est certainement l’objectif du transport des malades juifs de l’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais à l’hôpital Sainte-Anne en mars 1944. Jusqu’à la dernière minute, le système nazi va s’évertuer à déporter et à assassiner le maximum de juifs de toute l’Europe, quelque fois au détriment de leur effort de guerre. En France, un dernier convoi de déportation quitte Drancy le 17 août 1944 (Chaigneau, 1998) et un autre quitte Compiègne le 18 aout 1944.

Conclusion

82D’une façon générale, l’assassinat à grande échelle des handicapés et des malades mentaux en Europe sous le régime nazi a ouvert la voie au meurtre de masse des juifs et à celui d’autres groupes persécutés. Les psychiatres allemands ont eu une place déterminante. Du fait d’une double stigmatisation, les handicapés et les malades mentaux juifs avaient moins de chance de survie et dans la majorité des pays occupés, ils ont été systématiquement assassinés sur place ou déportés. Cependant, le processus général a pu varier en fonction des modalités d’occupation allemande, différentes suivant les pays, en fonction du degré de collaboration et d’antisémitisme et en fonction d’une prise de pouvoir totale ou partielle sur le pays ainsi que d’autres paramètres [28] (Durand, 1990).

83Contrairement aux médecins et aux psychiatres allemands majoritairement gagnés au nazisme, les psychiatres français n’ont pas adhéré en masse à la collaboration. Corrélativement, ils n’ont pas directement contribué à la déportation des handicapés et des malades mentaux juifs. Cependant, les recensements successifs imposés par les lois de Vichy et par l’occupant rendaient la mention juif ou Israélite présente sur tous les dossiers des hospitalisés juifs, ils étaient donc vulnérables et facilement repérables. L’accès aux archives de deux hôpitaux psychiatriques, l’un en région parisienne et le second en région Centre proche des camps du Loiret où sont emprisonnés les juifs, nous donne des indications sur le sort des juifs hospitalisés dans ces deux hôpitaux sans pouvoir être généralisés.

84En région Centre, les quelques personnes hospitalisées en psychiatrie venant d’un des deux camps d’internement des juifs proches de l’hôpital sont sous surveillance constante des Allemands, de l’administration, du commandant de camp, avec la demande répétée d’un retour rapide au camp qui intervient sur décision du médecin quand l’observation ne confirme pas de troubles psychiatriques. La majorité de ceux qui sont retournés au camp fut déportée et assassinée. Sur ordre allemand, la totalité des juifs encore hospitalisés à Fleury-les-Aubrais ont été transportés à Paris en mars 1944, mais ont survécu. Par contre, les juifs hospitalisés en région parisienne dans l’hôpital de Villejuif partagent le sort commun des malades de l’hôpital, dont la mort par malnutrition et par maladie, mais échappent à la déportation. Mais cette échappatoire aurait été de courte durée si la Libération n’était pas intervenue.

Liens d’intérêt

85les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Remerciements
Nos remerciements vont en particulier pour son soutien à la Fondation Renée et Léon Baumann, à Arnaud Mayrargue pour sa confiance et ses encouragements, à Claudine Bellamy pour nous avoir accueillis et guidés dans les archives de l’hôpital Paul-Guiraud à Katy Hazan pour ces précieuses remarques, à Hélène Mouchard Zay et au Cercil, à Catherine Lavielle pour ses conseils, à la direction de l’hôpital de Fleury-les-Aubrais et aux différents lieux d’archives et de mémoires et en particulier le Mémorial de la Shoah à Paris et le centre de documentation du Mémorial de Drancy.

Notes

  • [1]
    Centre d’étude et de recherche sur les camps d’internement du Loiret, Mémorial de la Shoah (Cercil), 45 rue du Bourdon Blanc, 45000 Orléans.
  • [2]
    D’une façon générale le sort « des internés psychiatriques des pays d’Europe occidentale occupés par l’Allemagne, n’a pas encore été très étudié » (Hohendorf, 2016).
  • [3]
    À ce jour, contrairement à d’autres hôpitaux, l’accès aux fonds d’archives et aux dossiers médicaux de l’hôpital Sainte-Anne à Paris ne nous a pas été autorisé malgré plusieurs demandes et notre statut de chercheur.
  • [4]
    Soit les hôpitaux de Sainte-Anne, Vaucluse, Ville-Évrard, Maison-Blanche, Villejuif, Bicêtre, Salpêtrière, Vallée, Moisselles, Chézal-Benoit et les colonies familiales d’Aunay-le-Château ou de Dun-sur-Auron.
  • [5]
    Nous avons consulté les registres 101W 1, 101W 2 et 101W 3 couvrant du 17 décembre 1940 au 9 octobre 1944.
  • [6]
    S’agissant de dossiers médicaux, leur consultation est difficilement autorisée.
  • [7]
    Œdème aigu du poumon.
  • [8]
    Les malades passent par l’infirmerie de la Préfecture de Police ou par l’hôpital Henri-Rousselle (distinct de l’hôpital Sainte-Anne à cette époque) et par le service des admissions de l’hôpital Sainte-Anne pour être orientés.
  • [9]
    Un troisième décède à l’hôpital.
  • [10]
    Un autres fait marquant, d’abord la tentative de la « milice patriotique juive » de récupérer un patient juif en 1944. Il s’agit d’un groupe très peu connu issu de la résistance juive FTP-MOI (Endewelt, 2015).
  • [11]
    En décembre 1944, l’armée américaine s’est installée à l’hôpital de Villejuif pour recevoir ses blessés. Tous les patients ont été évacués vers d’autres établissements psychiatriques (sauf les malades de la section des malades difficiles Henri-Colin).
  • [12]
    Service du travail obligatoire, instauré par les Allemands et soutenu par l’administration Pétain.
  • [13]
    Ce qui répond au propos de Michel Caire sur « ce que l’on a pu lire ou entendre dire, sur le rôle tenu par les hôpitaux psychiatriques d’asile au sens noble, un refuge inviolable qui avait sauvé les juifs de la déportation ».
  • [14]
    Ouverte en 1910 à destination des aliénés dits « criminels, vicieux, difficiles ».
  • [15]
    Sa femme Golda née en 1908 à Varsovie fut déportée par le convoi n̊ 12 au départ de Drancy et leurs fils, Denis et Albert, nés en 1934 et 1931 à Paris, furent déportés à Auschwitz par le convoi n̊ 20 au départ de Drancy. Sources : Mémorial de la Shoah. http://www.memorialdelashoah.org/index.php/fr/rechercher-une-personne-victime-resistant-juste
  • [16]
    Le « billet vert » est le nom donné à la convocation des juifs étrangers par la police française.
  • [17]
    Sauf un, S. Charles, qui y rentre un peu plus tard.
  • [18]
    Document de la préfecture du Loiret, consultable dans les archives départementales du Loiret.
  • [19]
    En septembre 1942, les juifs de Pithiviers sont transférés à Beaune-la-Rolande, en juillet 1943 le camp de Beaune-la-Rolande est fermé et les internés sont rassemblés à Drancy.
  • [20]
    Je remercie Guillaume Sylvain, chargé de recherches documentaires au Cercil qui m’a aidé à retracer ce cheminement.
  • [21]
    Les archives du CDJC ont gardé la trace d’une lettre de dénonciation de juin 1942 où l’auteur approuvant les mesures énergiques contre la « juiverie internationale », énumère les biens appartenant à des familles juives et pour la famille Thalheimer, la propriété d’un « hôtel particulier » du 22/6/42 fond CJQJ 107-63 A.
  • [22]
    Registre des entrées de l’hôpital Rothschild (conservé aux archives de l’AP-HP sous la cote Rothschild709W/49). N̊ d’ordre : 672. Nom : Thalheimer, Prénom : Marguerite.
  • [23]
    « Je vous demande de bien vouloir envoyer au camp de Drancy, Thaleimer, née Stern Marguerite, internée à l’hôpital Rothschild, Pavillon n’4 (au secret). »
  • [24]
    Archives du CDJC, CXCIV-94_001),
  • [25]
    http://ge.ch/archives/media/site_archives/files/imce/pdf/refugies_1939-1945/listes/t.pdf. Archives d’État de Genève État au 30/07/2009.
  • [26]
    Tribunal arbitral pour les comptes bancaires en Suisse des victimes de persécutions nazies www.crt-ii.org/_awards/_apdfs/Thalheimer_Marcel_trans.pdf, Consulté le 15 juin 2018.
  • [27]
    Fritz Merdsche est condamné à mort par contumace le 26 avril 1950 puis le 28septembre 1953. Mais, échappé en Allemagne, il devient rédacteur en chef d’une importante revue juridique allemande.
  • [28]
    « Ces statuts divers peuvent être ramenés à quatre grands groupes : annexions, administrations directes (les unes civiles, les autres militaires) ; tutelle de gouvernement locaux ; satellites » (Durand, 1990, p. 70).
Français

Résumé

Le destin des juifs hospitalisés en psychiatrie en Europe occupée pendant la Deuxième Guerre mondiale est indissociable du sort général des handicapés et des malades mentaux planifié par le régime nazi. Mais plus spécifiquement, les juifs vont se trouver à la confluence de l’eugénisme, de l’antijudaïsme chrétien et de la folie raciste et antisémite nazie. En France, la surmortalité dans les hôpitaux psychiatriques pendant l’Occupation est sidérante. Elle est estimée entre quarante-cinq et cinquante mille malades mentaux hospitalisés. Les malades mentaux juifs ne forment pas une catégorie particulière et sont donc rarement mentionnés en tant que tels – sauf sur leur dossier médical où peut-être inscrit : juif ou Israélite. Dans le cadre de cette recherche, nous nous focaliserons sur les pays occupés en Europe et pour la France, nous nous centrerons davantage sur un hôpital psychiatrique de la région parisienne et sur un hôpital de la région Centre à proximité des camps d’internement du Loiret.

Mots clés

  • hôpital psychiatrique
  • Seconde Guerre mondiale
  • nazisme
  • judaïsme
  • histoire

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Yoram Mouchenik
Professeur de psychologie clinique interculturelle à l’Université Paris 13, Psychologue clinicien en service de psychiatrie publique, 102 avenue de Paris, 94300 Vincennes, France
yoram.mouchenik@gmail.com
Véronique Fau-Vincenti
Docteur en histoire, chercheure associée, responsable scientifique du musée de l’Histoire vivante de Montreuil, 18 rue Saint-Louis, 93250 Villemomble, France
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Mis en ligne sur Cairn.info le 11/10/2019
https://doi.org/10.1684/ipe.2019.1995
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