CAIRN.INFO : Matières à réflexion

De quand date le début de l’âge d’or du témoignage dans les médias ?François Jost : En ce qui concerne la télévision, qui est mon domaine de compétence, le témoignage y remonte à la nuit des temps ! Dans les années 1960, Éliane Victor produit une émission intitulée Les femmes aussi, qui met en valeur des destins de femmes. Une ménagère, Micheline, y raconte par exemple, tout en repassant son linge, sa vie harassante consacrée à ses six enfants. Dans les années 1970, dans une émission comme Aujourd’hui Madame, les témoignages sont également centraux : des femmes viennent sur le plateau témoigner de leur expérience personnelle, le plus souvent sur des questions ménagères. Dans les années 1990, notamment à la suite de la privatisation de la télévision, le témoignage connaît une nouvelle jeunesse avec des émissions comme C’est mon choix ou Ça se discute : interrogés par Évelyne Thomas ou Jean-Luc Delarue, des quidams confient des pans entiers de leur vie intime à des milliers de téléspectateurs. Cette valorisation du témoignage est accompagnée de la part des producteurs d’une forme de théorisation : il s’agit désormais de faire une télévision qui ne vienne plus d’en haut, d’élites ne comprenant rien aux réalités des Français, mais laisse la parole à des héros du quotidien, à des gens de la rue.E. G. : Avec l’avènement de la téléréalité, dans les années 2000, la télévision gravit un échelon supplémentaire dans cette mise en lumière de témoins ordinaires. À partir de là, il n’est même plus nécessaire d’avoir la moindre compétence ou d’avoir vécu une expérience intéressante pour la partager sur les plateaux…

François Jost
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Professeur émérite en sciences de l’information et de la communication à l’université Sorbonne-Nouvelle, il dirige la revue Télévision (CNRS Éditions). Il a écrit ou dirigé une trentaine d’ouvrages sur le cinéma et la télévision, dont Le Culte du banal. De Duchamp à la téléréalité (CNRS Éditions, 2007) et La Télévision du quotidien. Entre réalité et fiction (De Boeck, 2015). Dernier ouvrage paru : Médias : sortir de la haine ? (CNRS Éditions, 2020).
Elsa Godart
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Directrice de recherche (philosophie et psychanalyse) à l’université Gustave-Eiffel, elle enseigne aussi l’éthique à Sorbonne Université et a créé le DU « Éthique et numérique » à l’université de Paris-Est Créteil. Elle a notamment publié Je selfie, donc je suis. Les métamorphoses du moi à l’ère du virtuel (Albin Michel, 2016). Dernier ouvrage paru : En finir avec la culpabilisation sociale… pour être enfin libre ! (Albin Michel, 2021).
Propos recueillis par
Isabelle Gravillon
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Mis en ligne sur Cairn.info le 06/05/2022
https://doi.org/10.3917/epar.643.0052
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