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L’enfance, étymologiquement, est associée au silence. Le mot vient du latin infans, composé du préfixe privatif in- et de fans, issu du verbe fari, « parler ». L’enfant serait donc celui qui ne parle pas. Mais le mot désigne aussi l’individu entre la naissance et la puberté, qui apprend à parler. Il semble donc caractériser moins une incapacité à parler qu’une incapacité à être entendu.
Dans la société d’Ancien Régime, l’enfant n’a pas « voix au chapitre ». Sa parole n’a pas de valeur, ni de statut face à celle des adultes. Les femmes, elles, sont « infantilisées », c’est-à-dire réduites au silence : elles ne s’expriment pas dans la sphère publique.
À l’époque, le silence des enfants s’impose aussi dans la famille. Leur parole, qu’ils soient mineurs ou majeurs, n’a de valeur que celle que lui accordent leurs ascendants. Les monarchies absolues, dans un processus d’extension de la référence familiale à l’ensemble de la société, font du souverain le « père » de ses sujets. Cette infantilisation symbolique du peuple vise à le priver d’expression et à le soumettre à la parole du roi, comme à celle de l’Église qui, elle aussi, utilise la métaphore familiale pour répandre la parole de Dieu sur ses « enfants ». L’avènement de la démocratie offre le droit de vote aux hommes de toute condition puis, longtemps après, aux femmes. Quant aux enfants, ils sont priés d’attendre leur majorité pour cela : 21 ans jusqu’en 1974, 18 ans après.
Dans le cadre familial, la parole de l’enfant n’était guère écoutée…
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Auteur

Sociologue et anthropologue, docteur en ethnologie et en urbanisme, directeur de recherche émérite au CNRS. Dernier ouvrage paru : Parents, enfants, école : approches transculturelles (érès, coll. « L'école des parents », 2020).
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 25/11/2021
- https://doi.org/10.3917/epar.hs1.0009

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