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Parce que ma mère était atteinte d’une pathologie mentale, j’ai été placé en pouponnière. Puis, à 18 mois, envoyé dans une famille d’accueil, en banlieue parisienne. J’y étais bien, aimé et choyé. Mais quand cette famille a dû déménager dans le Sud de la France, l’ASE lui a refusé le droit de m’emmener. Non dans le souci de veiller à mon intérêt mais pour que je reste géographiquement proche de ma mère biologique. J’avais 5 ans, et mon calvaire a commencé.
Dans la nouvelle famille d’accueil où j’ai été placé, je restais enfermé pendant des heures dans un réduit, je dormais sur une fine plaque de polystyrène et il m’arrivait de faire mes besoins sur moi. Même tout petit, je sentais bien que cela n’était pas normal en comparaison avec ce que j’avais vécu avant. Mais à qui aurais-je pu me plaindre ? Je n’étais pas scolarisé, mon éducatrice référente, en congé longue maladie pour un cancer, n’était pas remplacée. Jamais l’ASE n’a contrôlé ma « tortionnaire ». À cette époque, j’ai quasiment perdu l’usage de la parole. À quoi bon parler ?
Quand elle est revenue, au bout de deux ans, mon éducatrice m’a sorti de là. J’ai été envoyé là où il y avait de la place : chez une femme à qui l’on venait de retirer une fillette qu’elle accueillait depuis sa naissance. Cet arrachement l’avait plongée dans la dépression et elle n’était psychologiquement pas disponible pour tisser un lien avec moi. De mon côté, j’étais turbulent, profondément marqué par ces deux années traumatisantes. Elle a bien essayé de m’apprivoiser mais, vite dépassée, a trouvé un médecin pour me prescrire des calmants…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 25/11/2021
- https://doi.org/10.3917/epar.hs1.0058

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