- Quand le cas d’un enfant en danger dans sa famille est signalé aux services sociaux, le département peut charger des professionnels de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de mener une enquête pour évaluer la situation. À ce stade, l’enfant est-il entendu ?
- Le manque de formation des éducateurs et assistants sociaux constitue-t-il un autre empêchement ?
- Mais pourquoi l’ASE ne voudrait-elle pas entendre ces enfants qu’elle est censée protéger ?
- Si l’enfant n’est pas entendu au moment de l’évaluation de sa situation, l’est-il plus tard, dans le cabinet du juge qui éventuellement décide de son placement ?
- Si un enfant subit des violences dans son lieu d’accueil, famille ou foyer, ou s’il souhaite simplement faire part d’un désir quant à sa prise en charge, existe-t-il un canal pour faire remonter sa parole vers ceux qui décident pour lui au sein de l’ASE ?
- À force de ne pas être entendus, les enfants placés finissent-ils par se taire, quoi qu’il puisse leur arriver ?
- Les mineurs étrangers non accompagnés, eux aussi pris en charge par l’ASE, sont-ils plus que les autres assignés au silence ?
- Depuis peu, de plus en plus d’anciens enfants placés témoignent dans des reportages et des livres de ce qu’ils ont vécu. Est-ce le signe que la parole se libère ?
Article
Michèle Créoff : En théorie, ces professionnels (éducateurs, assistants sociaux, etc.) doivent rencontrer l’enfant, au même titre que son entourage (parents, enseignants, médecin, voisins, etc.), pour tenter d’apprécier au mieux son environnement et ses conditions de vie. C’est tout de même lui qui est concerné au premier chef ! Un référentiel national d’évaluation des situations d’enfant en danger, établi en juin 2021 par la Haute Autorité de santé et intégré à la loi Taquet de protection de l’enfance votée en juillet, fait d’ailleurs de cet entretien une obligation. Avant cela, il existait des recommandations de bonnes pratiques qui, elles aussi, prévoyaient une rencontre en tête à tête avec l’enfant. Mais, dans les faits, il est hélas très fréquent qu’il ne soit pas entendu par les enquêteurs sociaux. Toutes sortes de « bonnes » raisons sont avancées pour justifier ce manquement : il est trop jeune, son emploi du temps ne le permet pas, ses parents s’y opposent, etc. Autre écueil au recueil de la parole de l’enfant : l’ambivalence de certains professionnels. Si un accompagnement social préexistait au signalement, ceux qui évaluent la situation de danger sont les mêmes que ceux qui accompagnent la famille. Ils sont donc pris en tenaille entre l’alliance construite avec les parents – indispensable à la réussite de l’accompagnement – et l’investigation à conduire pour caractériser le danger. Ils ont souvent beaucoup de mal à se comporter en véritables enquêteurs, peuvent avoir tendance à prendre pour argent comptant la parole des parents et à ignorer celle de l’enfant…
Plan
Auteurs

Ancienne vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), Michèle Créoff a été inspectrice à l’Aide sociale à l’enfance en Seine-Saint-Denis avant d’être chargée des politiques liées à la protection de l’enfance et de la famille au ministère des Affaires sociales, puis au département du Val-de-Marne. Elle a écrit, avec Françoise Laborde, Les Indésirables. Enfants maltraités : les oubliés de la République (Michalon, 2021).
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 25/11/2021
- https://doi.org/10.3917/epar.hs1.0054

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