Article
Harcèlement est souvent défini comme une tentative de domination, de la part d’individus plus ou moins pervers, sur d’autres individus, faciles à stigmatiser et peu aptes à se défendre. Mais la structure au sein de laquelle évoluent harceleurs et harcelés joue aussi un rôle dans le phénomène. Ignorer cette dimension collective empêche d’en saisir la complexité et de trouver une parade efficace aux nuisances qu’il produit. Le harcèlement se rencontre en effet au sein de nombreuses collectivités : écoles, armée, prisons, entreprises, clubs sportifs et même couvents, lieux où est censée régner une haute spiritualité.
Dans La Religieuse, Diderot met en scène une jeune fille qui, après avoir été contrainte par ses parents de prendre le voile, entreprend de faire annuler ses vœux. Elle devient alors victime de nombreuses brimades de la part de la supérieure du couvent et de ses proches. On lui interdit de participer aux offices alors que son aversion pour l’état de nonne ne l’empêche pas d’avoir une foi profonde. Toutes les sœurs qui s’approchent d’elle sont mises à l’index et elle finit par tomber d’inanition à force de se voir rationner la nourriture. Elle serait sans doute morte de cachexie sans l’intervention d’un prélat informé de sa situation. Il s’agit, certes, d’une œuvre de fiction, écrite par un auteur qui n’avait guère de sympathie pour l’Église catholique. Mais Diderot s’est inspiré d’une histoire vécue et, en subtil analyste des groupes humains, montre que c’est le couvent qui, en tant que collectivité fermée sur elle-même, a rendu possible un tel drame…
Plan
Auteur

Sociologue et anthropologue, docteur en ethnologie et en urbanisme, directeur de recherche émérite au CNRS. Dernier ouvrage paru : Parents, enfants, école : approches transculturelles (érès, coll. « L'école des parents », 2020).
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 23/11/2021
- https://doi.org/10.3917/epar.641.0058

Veuillez patienter...