Vous avez présidé la commission d’experts qui, en septembre 2020, a remis au gouvernement un rapport sur l’importance des 1 000 premiers jours de la vie de l’enfant. Son objectif : guider, sur une base scientifique, les politiques de soutien à la parentalité. Quelles avancées les sciences ont-elles apporté dans ce domaine ?
Les neurosciences, notamment, ont permis d’expliquer la théorie de l’attachement développée par John Bowlby dans les années 1970. Aujourd’hui, il est prouvé scientifiquement que l’isolation sensorielle du bébé altère son développement cérébral. Les neurohormones ne sont pas sécrétées de la même manière si un bébé grandit seul, en présence de sa mère, de ses deux parents ou d’un adulte rassurant. S’ils sont bien entourés, les bébés acquièrent dès le dixième mois un attachement « sécure », c’est-à-dire une petite estime de soi, et n’ont pas peur des étrangers ou de rester parfois seuls. Ceux qui sont ainsi sécurisés sont aussi ceux qui parleront les premiers. En entrant en maternelle, ils disposeront d’un stock d’environ mille mots. Les bébés insécurisés, eux, agressent ceux qu’ils aiment, leurs comportements sont complètement désorganisés. À 3 ans, ils auront un stock d’à peine deux cents mots. Vous imaginez lesquels vont fournir la population des bons élèves ? L’inégalité commence avant la parole…
Tel est le point de départ des travaux de notre commission des 1 000 premiers jours : considérer les interactions parent-enfant dès la constitution de cette niche sensorielle, qui se construit avant même la naissance, pendant la grossesse, période où l’entourage, le père notamment, pose déjà son empreinte : s’il sécurise la mère, elle sécrète moins d’hormones de stress…