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Le visiteur du musée du Protestantisme dauphinois du Poët-Laval, dans la Drôme, y découvre d’étranges livres : des Bibles dont la page de titre a été arrachée… C’est qu’au moment des dragonnades, quand les protestants étaient sommés de se convertir, sous peine, sinon, de voir tous leurs biens pillés et leurs vies menacées, ils se firent passer le mot : les dragons employés pour les pourchasser ne savaient pas lire, on les avait simplement formés à reconnaître le mot « Bible »… En déchirant la page de titre, ils pouvaient donc espérer échapper aux persécutions.
Tout le courant « réformateur » s’était en effet attaché à rendre la Bible directement accessible aux fidèles, dans son texte intégral traduit en langue vernaculaire, et à la diffuser au plus grand nombre, ce qui fait que sa possession fut considérée, pendant les guerres de Religion, comme une preuve rédhibitoire d’hérésie. Est-ce à dire que les catholiques, eux, n’avaient pas accès aux textes sacrés et qu’ils étaient privés de tout livre de culte ? Non, mais ils ne disposaient que du missel : un recueil de morceaux soigneusement choisis par le clergé et affectés, chacun, à un dimanche de l’année.
En France, la fondation de l’École de la République et la construction de la laïcité sont profondément liées à la tradition protestante. Ferdinand Buisson, grande figure du protestantisme libéral, appelé à la direction de l’enseignement primaire par Jules Ferry, sera le principal théoricien de cette « pédagogie républicaine »…
Auteur

Professeur des universités émérite en sciences de l’éducation, auteur d’une trentaine d’ouvrages, dont Ce que l'école peut encore pour la démocratie (Autrement, 2020).
meirieu.com
- Mis en ligne sur Cairn.info le 14/04/2021
- https://doi.org/10.3917/epar.639.0016

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