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Les travaux des anthropologues, et en particulier ceux de Claude Lévi-Strauss, nous ont appris que la parenté relève plus du social que du biologique. Manipulations politiques et conventions sociales déterminent qui est parent de qui et à quel degré. On peut être parent sans être géniteur, frère ou sœur de quelqu’un sans être issu du même couple que lui. Dans le cas de la paternité, c’est d’autant plus vrai qu’elle est très longtemps demeurée incertaine en tant que réalité génétique : « Maternitas semper certa est, paternitas nunquam », disait le droit romain. La position sociale et hiérarchique de chef de maisonnée faisait le père, non la fonction génitrice. Seul le citoyen le plus âgé d’une famille pouvait être pater familias, place qu’il occupait jusqu’à sa mort, obligeant ses fils adultes, même avec enfants, à attendre son décès pour pouvoir jouir de ce titre dans leur propre maison. Il avait le droit d’abandonner ses enfants à la naissance en les déposant dans un endroit public, à la merci des marchands d’esclaves si aucun autre citoyen ne les adoptait et de faire adopter ses enfants adultes, contre rémunération, par un autre pater familias, en quête d’héritier. L’adopté prenait le patronyme et le statut social de son père adoptif et perdait ses droits dans son ancienne famille en tant qu’agnat, héritier potentiel. En revanche, il restait cognat, c’est-à-dire parent, de ceux avec lesquels il avait vécu jusque-là.
En France, le droit d’ancien régime, influencé par l’Église catholique, s’appuyait sur l’adage …
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Auteur

Sociologue et anthropologue, docteur en ethnologie et en urbanisme, directeur de recherche émérite au CNRS. Dernier ouvrage paru : Islam en France, Islam de France (La Documentation française, 2016).
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 22/10/2019
- https://doi.org/10.3917/epar.633.0058

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