« J’ai eu un déclic un jour où j’ai consulté les archives photo et vidéo du centre social dont je suis le directeur : des mères et des enfants… Où étaient donc les pères ? » raconte Abobikrine Diop, directeur du centre social Jacques-Brel, à Port-de-Bouc (13), l’un des fondateurs de l’association Et les pères ! Dès lors, cette question ne l’a plus quitté : comment expliquer une telle abdication des pères, notamment dans les quartiers dits prioritaires ? « Ici comme ailleurs, ils ne sont pas habitués à être pris en considération. Chaque fois qu’ils tentent de s’investir, les institutions (crèche, école et même travailleurs sociaux) les renvoient à un statut d’assistant éducatif de la mère. Cela peut décourager ceux qui ne sont déjà pas très affirmés dans leur paternité », décrit-il. « Dans ces quartiers, beaucoup de pères ont une histoire marquée par l’immigration de leurs propres parents. Ils ont souvent connu des ruptures éducatives et culturelles et peuvent avoir du mal à inventer leur propre rôle paternel », complète Pascal Cremer, cofondateur d’Et les pères ! « Le mien était un grand monsieur, mais plutôt autoritaire et distant, confie Abdelkader Abdelouahed, 50 ans, père d’un fils de 17 ans et membre de l’association. Il est venu en France après la guerre d’Algérie, a dû faire sa place dans ce pays inconnu, trouver un travail pour faire vivre sa famille. C’était très dur et il n’avait pas beaucoup de temps pour communiquer avec nous, ses enfants. Je me suis toujours dit que je voulais être papa autrement, même si je n’avais pas le mode d’emploi…