- Poser la question de la place du père à l’occasion du vote de la loi autorisant la PMA à toutes les femmes vous semble-t-il légitime ?
- Les détracteurs de la PMA pour toutes avancent l’argument de « l’intérêt de l’enfant » : grandir sans père perturberait son équilibre, son développement. Qu’en pensez-vous ?
- La loi prévoit aussi l’accès de l’enfant majeur né d’un don de gamète à l’identité de son donneur. Cette levée de l’anonymat était réclamée depuis longtemps par bon nombre d’entre eux. Est-ce un progrès, selon vous ?
Article
Irène Théry : Poser cette question, à mon sens, n’est pas neutre. Cela revient à s’approprier la terminologie utilisée par les opposants à ce texte, notamment la Manif pour tous, qui ne parlent pas de « PMA pour toutes » mais de « PMA sans père » ; et donc, potentiellement, à cautionner leurs arguments et leurs accusations. Tous clament haut et fort qu’« un enfant ne peut pas naître de deux femmes ». Certes, mais qui dit le contraire ? Depuis vingt ans que des couples de lesbiennes ont recours à la PMA à l’étranger, aucune d’entre elles n’a jamais assuré à l’enfant qu’il était né de leur lit ! En revanche, toutes lui racontent dès son plus jeune âge qu’« un gentil monsieur a donné sa petite graine ». Je ne comprends pas comment le psychanalyste Jean-Pierre Winter, dans son livre Homoparenté , a pu leur attribuer d’autorité le fantasme de nier le géniteur. C’est d’autant plus choquant que ce n’est pas au sein des couples lesbiens que l’on dénie le recours au don mais bel et bien… dans les couples hétérosexuels. Bien entendu, je ne mets aucunement ces derniers en cause. Seulement le système juridique et médical qui a organisé ce vaste mensonge, puisque la filiation indiquée à l’état civil fait passer les parents pour les géniteurs et que le donneur n’apparaît nulle part, disparaissant à jamais. Autrement dit, je ne me reconnais pas dans la formulation de cette question parce qu’elle véhicule des insinuations stigmatisant les lesbiennes. La vraie question serait de se demander comment ces parents vont sortir du « ni vu ni connu »…
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Auteurs

Sociologue du droit, spécialiste des questions de la famille, de la parenté et de la distinction entre le masculin et le féminin. Elle travaille sur les transformations contemporaines des liens entre les sexes et les générations. Elle a publié plusieurs ouvrages sur les évolutions du droit et de la justice de la famille, sur les familles recomposées et sur le genre. Elle est notamment l’auteure de Mariage et filiation pour tous (Le Seuil, 2016).

Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, président d’honneur de la Fédération nationale des Écoles des parents et des éducateurs (Fnepe). Il a beaucoup écrit sur l’autorité parentale, proposant de la redéfinir dans un contexte d’égalité entre les sexes et des responsabilités entre les hommes et les femmes. Il est notamment l’auteur de Le règne de la séduction. Un pouvoir sans autorité (Albin Michel, 2012).
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 22/10/2019
- https://doi.org/10.3917/epar.633.0052

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