- Pourquoi avoir centré ce livre sur la honte ?
- La rage tient également une place importante dans votre livre…
- Combien de temps a-t-elle duré ?
- Qu’est-ce qui vous a sauvé ?
- Quel rôle le dessin a-t-il joué ?
- Dans votre livre, vous distinguez différentes formes de honte…
- La honte est-elle un sentiment plus répandu aujourd’hui ?
- Êtes-vous « réconcilié » avec vos parents aujourd’hui ?
Article
Serge Tisseron : Un jour, c’était en 2017, un ami m’appelle pour me féliciter : je venais d’être promu chevalier de la Légion d’honneur. Je l’ignorais et il me l’apprenait. Alors, au lieu de me réjouir, j’ai ressenti un sentiment de gêne, comme s’il y avait erreur sur la personne. Cette réaction curieuse m’a intrigué, j’ai eu envie de la comprendre et, pour cela, de me pencher sur mon passé. J’ai réalisé que mes parents avaient chacun vécu la honte, enfants : mon grand-père paternel était devenu un ouvrier anonyme en ville après avoir été charron dans un village – un métier prestigieux à l’époque –, mon grand-père maternel avait fait faillite, dilapidant la fortune de sa femme. Moi-même, j’avais honte de mes parents, qui menaient une vie étriquée à Valence, ne sortaient jamais, n’avaient pas d’amis, honte de ma mère insouciante et imprévisible, si différente des autres mères, de mon père, qui avait peur de tout, de mon grand-père maternel, qui me posait des questions scabreuses le dimanche midi. La honte, au cœur de mon histoire familiale, expliquait ce sentiment d’illégitimité.
La rage est indissociable de la honte. Quand on se retrouve dans une situation honteuse, on éprouve de la colère, de l’angoisse, de la culpabilité... La honte écrase toutes ces émotions, elle est une tueuse d’émotions. Mais il y en a une qu’elle n’écrase pas, c’est la rage qu’elle nourrit, au contraire. Cela explique que certaines personnes ayant souffert de la honte se transforment en bourreaux ou en terroristes…
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Auteurs
- Mis en ligne sur Cairn.info le 22/10/2019
- https://doi.org/10.3917/epar.633.0015

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