Malvine Zalcberg : Une fille aime sa mère parce qu’elle a besoin d’elle pour grandir, mais aussi, à la différence du garçon, pour forger son identité féminine. Avec sa fille, la mère revit la relation avec sa propre mère, ou expérimente celle qu’elle aurait aimé avoir. Elle se réjouit de cet amour complice, qui la renvoie à son enfance et à son adolescence, et aux questions qu’elle se posait alors sur sa féminité en devenir. Fille et mère ont donc besoin l’une de l’autre, pour des raisons différentes : la première pour édifier sa féminité, la seconde pour consolider la sienne. Mais ce que l’une attend de l’autre, l’autre ne peut pas toujours le lui offrir. Ainsi, une femme dont la mère n’a pas incarné le modèle de la femme active peut insister sur la nécessité pour sa fille de se construire une carrière, alors que cette dernière a surtout besoin de savoir comment se faire aimer par un homme. Dans tous les cas, l’une et l’autre participent réciproquement à la construction de leur féminité, ce qui explique qu’elles aient parfois du mal à séparer leurs corps, leurs désirs et leurs destins de femmes.
C’est exact. L’amour collé des premières semaines doit se tempérer au fil des années. La grande question du devenir féminin – renoncer à la fillette que l’on était pour devenir femme – dépend de la façon dont se passent les processus de rapprochement et de séparation d’avec la mère. Comment trouver la « bonne distance », ni trop loin, ni trop près ? Car il n’est pas facile de renoncer au plaisir qu’apporte cette intimité…