Comment l’idéologie du groupe État islamique a-t-elle pu attirer tant de jeunes Français en Syrie ? Pourquoi d’autres applaudissent chaque attentat djihadiste ? Sociologie et psychologie sont ici convoquées pour analyser le phénomène dans toute sa complexité.
Article
Serge Hefez : Absolument pas ! Ce phénomène radico-islamiste a créé des vocations chez des individus aux profils extrêmement variés : des jeunes issus de milieux défavorisés ou non ; issus de l’immigration ou non ; des musulmans, des chrétiens, des juifs ou des athées convertis à l’islam ; des jeunes n’ayant jamais eu affaire à la police ou à la justice et des délinquants. Cette pluralité de profils interdit toute généralisation et impose de s’intéresser à l’originalité de chaque trajectoire.
Laurent Bonelli : La catégorie des jeunes dits radicalisés est en effet très hétéroclite, d’abord parce qu’elle est forgée par les institutions. Ainsi, certains sont engagés sur le plan idéologique et veulent transformer l’ordre politique et social. Et d’autres se contentent d’être dans le registre de la provocation, par exemple en criant « Allah akbar » pendant la minute de silence consacrée dans leur lycée aux victimes des attentats terroristes : ils trouvent là un formidable moyen de déstabiliser une institution avec laquelle ils sont en conflit. Ce sont des logiques tout à fait différentes.
Serge Hefez : Sans oublier les adolescents présentant des profils psychiatriques avérés, qui se sont emparés de cette idéologie surmédiatisée pour nourrir leur délire psychotique.
Serge Hefez : Le concept d’adolescence, qui n’existait pas il y a deux ou trois générations encore, enjoint à l’individu de se créer lui-même et de forger son propre destin. C’est une formidable liberté mais, en même temps, une lourde contrainte, source d’angoisses pour la plupart des adolescents…
Résumé
Plan
- Avez-vous repéré un profil type du jeune succombant à l’idéologie djihadiste ?
- Ces jeunes qui se laissent embrigader sont-ils moins bien armés psychologiquement et socialement que d’autres ?
- Cette émulation entre pairs relativise le schéma de jeunes manipulés « d’en haut » par d’habiles recruteurs. Serait-ce une idée fausse ?
- Est-ce la religion qui attire ces jeunes ou le projet politique dont est porteur l’islamisme radical ?
- L’engagement djihadiste prend-il des formes différentes selon le sexe ?
- La récente chute du califat a-t-elle signé la fin de la radicalisation djihadiste chez les jeunes ?
Auteurs

Psychiatre, il est responsable de l’unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié- Salpêtrière, où il dirige une consultation destinée à des jeunes signalés au numéro vert Stop djihadisme (mis en place par le ministère de l’Intérieur) ou par la préfecture, et à leur famille. Il est l’auteur, avec l’anthropologue Dounia Bouzar, de Je rêvais d’un autre monde. L’adolescence sous emprise de Daesh (Stock, 2017).

Maître de conférences en sciences politiques à l’université de Paris-Nanterre, il a mené avec le chercheur Fabien Carrié, pour le compte de la Protection judiciaire de la jeunesse, une enquête sur 33 mineurs poursuivis pour des affaires de terrorisme ou signalés pour des faits de radicalisation. Ce travail a donné lieu à la publication de La Fabrique de la radicalité. Une sociologie des jeunes djihadistes français (Seuil, 2018).
Sur un sujet proche
- Mis en ligne sur Cairn.info le 11/07/2019
- https://doi.org/10.3917/epar.632.0056

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