1S'intéresser à la parentalité quand les pères et/ou les mères sont en situation de vulnérabilité (handicap physique ou intellectuel, trouble psy, précarité, etc.) impose de réfléchir aux représentations sociales du « bon » et du « mauvais » parent, dont on aimerait ou refuserait qu’il transmette à son enfant quelque chose de ce qu’il est. Ces normes d’acceptabilité sont toujours culturellement et historiquement construites, de même que le choix des aides est soumis à des considérations politiques, éthiques et économiques.
2Se demander si une personne handicapée peut désirer fonder une famille, c’est poser le fait qu’il serait légitime de le lui interdire. Aujourd’hui, ces parents « hors normes » sortent de l’ombre. Certains cachent encore une grossesse pour ne pas risquer l’avortement, d’autres masquent leurs difficultés pour éviter que leurs enfants soient placés. Mais la politique de réduction des hospitalisations et des placements et les processus d’inclusion font qu’ils revendiquent, de plus en plus, leur droit à devenir parents et à être accompagnés pour cela.
3Nous savons que prendre soin des parents aide l’enfant. De fait, être bien traité, regardé, pensé comme un potentiel bon parent favorise l’investissement positif de l’enfant et le déploiement des capacités à l’éduquer ; comme toute stigmatisation et disqualification produit l’effet inverse. Au-delà des aides proposées – souvent complexes, et dont certaines personnes ne maîtrisent pas les rouages –, une manière de soutenir ces dernières consiste à leur donner l’occasion de transmettre la valeur de ce qu’elles sont et font avec leur enfant, et de favoriser les échanges et l’entraide entre parents rencontrant des difficultés similaires. C’est tout le courant de la « pair-aidance », qui se déploie timidement encore, mais est soutenu par les pouvoirs publics et revendiqué par des parents toujours plus nombreux.
4Il s’agit aussi, dès l’adolescence des personnes « hors normes », de faire de la parentalité un objet de réflexion et de préparation, non un tabou. Ce qui suppose d’identifier avec elles leurs difficultés, leurs ressources, les liens qu’elles entretiennent avec leur entourage, susceptibles de faciliter ou d’entraver leur devenir parent. Mais aussi de prendre en compte la complexité de leur vie intrapsychique et intersubjective (transmission intergénérationnelle, manière dont le couple parental est vécu).
5Les professionnels doivent se donner les moyens d’apprendre d’elles et les encourager à demander de l’aide sans qu’elles le vivent comme une disqualification. Leur regard, pour cela, ne doit pas être inquisiteur ni « jugeant », mais contenant et empathique. Chaque décision doit être prise après les avoir écoutées et soutenues dans leurs compétences parentales. Comme tous les parents, elles souhaitent que leur enfant aille le mieux possible. À nous de les soutenir avec les ressources dont elles disposent et celles dont elles peuvent bénéficier. Il deviendra alors possible d’inventer une modalité d’être parent originale, ouvrant sur de nouvelles formes de coparentalité, sous réserve de garantir, toujours, le meilleur avenir à l’enfant.