CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Au collège, la promotion de la santé reste lettre morte si elle n’est pas soutenue par un bon climat scolaire. Pour la rendre plus efficace, la démarche ABMA fait appel à tous les acteurs de terrain, parents compris.

1 Au collège Paul-Émile-Victor, à Rillieux-la-Pape, dans la banlieue de Lyon, le bien-être des élèves n’est pas en option. Depuis 2016, cet établissement a rejoint l’expérimentation Aller bien pour mieux apprendre (ABMA), une démarche innovante de promotion de la santé, qui rassemble parents, élèves et personnels pour faire de l’école un lieu où il fait bon vivre, apprendre et travailler.

Une démarche positive

2 Lancée en 2010 par Josette Morand, alors infirmière responsable, dans l’Académie de Lyon, de la coordination des actions des Comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté (voir l’encadré ci-contre), la démarche ABMA bouleverse les codes du genre : plus question de s’en tenir aux seules campagnes de prévention des risques, purement informatives et souvent anxiogènes. Fidèle à la vision promue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis la fin des années 1990, la démarche ABMA envisage la bonne santé comme un état de bien-être global, intégrant ses composantes sociales, émotionnelles et environnementales. Huit ans après le début de l’expérimentation, Josette Morand est fière du chemin parcouru : parti de 11 établissements pilotes, le projet ABMA en rassemble aujourd’hui plus de 60 et attire sans cesse de nouveaux collèges. Son succès, il le doit à sa capacité de mettre tout le monde à contribution : « L’objectif n’est pas de fournir un programme clés en main aux établissements, mais d’accompagner les acteurs de terrain pour qu’ils puissent conduire eux-mêmes le diagnostic, la mise en œuvre et l’évaluation d’actions sur mesure », rappelle Josette Morand.

Tous mobilisés !

3 Agnès Rosique, principale adjointe du collège Paul-Émile-Victor, ne tarit pas d’éloges sur l’ABMA, une aventure que son établissement a ralliée à la rentrée 2016. Le défi était pourtant de taille : avec plus de deux tiers d’élèves boursiers, le collège relève du réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+). Anne-Marie Bruckert, l’infirmière scolaire, se souvient avec enthousiasme de la phase de diagnostic : « On a d’abord constitué un “staff” ABMA ouvert à toute personne souhaitant s’impliquer – élève, parent, personnel – puis on a fait passer des questionnaires sur la qualité de vie au collège. Ce qui nous a permis de nous approprier la démarche, de lancer la machine. » Les prises de conscience se sont multipliées, les actions aussi : « On a par exemple réalisé que certains moments – comme la récréation – pouvaient donner lieu à des actes de micro-violence et devaient absolument être travaillés. Les élèves avaient plein d’idées pour y remédier ! » commente-t-elle. De là est née l’idée des « récréations dansées », qui ont lieu une fois par semaine sous le regard bienveillant des enseignants d’EPS.

Des parents au cœur du dispositif

4 Améliorer le climat scolaire reste pourtant mission impossible sans l’appui des parents. « Les parents rentrent moins souvent au collège qu’à l’école primaire : l’enfant grandit et ils essaient d’encourager son autonomie. Or, le lien parent-enfant est sécurisant, c’est tout le paradoxe de l’adolescence ! » analyse Marie-Ange Pinche, infirmière scolaire et référente académique ABMA. Pour promouvoir la coéducation au sein de l’établissement, les occasions d’échanger sont donc multipliées – visite des lieux dès le CM2, accueil des parents dans les classes à la rentrée en sixième –, auxquelles s’ajoutent des initiatives plus spécifiques. Tous les vendredis, c’est jour de marché sur la place Maréchal-Juin, devant le collège. Mais c’est aussi le jour du café des parents. Dans une salle spacieuse attenante au grand hall ensoleillé, la cafetière fait entendre ses borborygmes au milieu des discussions. Ce matin, cinq parents sont au rendez-vous. Certains devisent des difficultés du métier de parent quand d’autres échangent avec l’équipe éducative : « Si on voit que cela ne tourne pas rond pour notre enfant, on sait qu’ici on pourra trouver plus vite une solution. » Tous ont conscience de leur chance : « C’est simple, c’est convivial, tout le monde se sent sur un pied d’égalité. Pourquoi cela n’existe-t-il pas dans tous les établissements ? » Le prochain rendez-vous est fixé trois jours plus tard, pour la soirée de valorisation des élèves. Comme chaque fin d’année, le collège organise une cérémonie au cours de laquelle près de la moitié des élèves seront félicités individuellement et publiquement pour leur persévérance, leur engagement citoyen, sportif ou artistique. Les parents sont aux anges : « Certains filment, d’autres pleurent, on sent que c’est un moment vraiment très important pour tout le monde », souligne Agnès Rosique.

Santé et citoyenneté

Présent dans chaque collège et lycée depuis 2005, le Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) rassemble autour du chef d’établissement des personnels des domaines éducatif, médical et social, des partenaires territoriaux ainsi que des représentants des parents et des élèves. Sa principale fonction : élaborer, suivre et évaluer des projets éducatifs de promotion de la santé et de la citoyenneté à tous les niveaux de l’établissement. Une mission cruciale et ambitieuse, qui implique une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs. Depuis 2015, des instances coordinatrices ont été créées aux échelles départementale (CDESC) et académique (CAESC) pour soutenir et renforcer leur action. Elles définissent les priorités territoriales, s’assurent de la cohérence des actions locales, impulsent des expérimentations, facilitent la mise en place de partenariats, favorisent l’échange de bonnes pratiques, etc.
B.K.
Béatrice Kammerer
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 27/07/2018
https://doi.org/10.3917/epar.628.0054
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Érès © Érès. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...