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Après avoir été trop longtemps ignorée ou sous-estimée, l’influence catastrophique de la surconsommation d’écrans chez les enfants âgés de moins de 3 ans est enfin prise au sérieux. On ne peut que s’en réjouir, même si certaines alertes relèvent plus de l’affirmation fantaisiste que de la connaissance scientifique avérée. L’important est qu’un mouvement se mette en marche et que de plus en plus de professionnels de la santé se sentent concernés par cette question.
Attention cependant à ne pas basculer d’un extrême dans l’autre ! Les effets à long terme de la surconsommation précoce n’ont été à ce jour démontrés que pour la télévision [1], sur des durées supérieures à une heure par jour entre 2 et 3 ans. Par ailleurs, ces effets portent sur les capacités d’attention et de concentration, la possibilité de se percevoir soi-même comme un agent actif du monde, la tendance à commettre des agressions, et enfin l’isolement social, avec un risque accru de se laisser victimiser. C’est déjà beaucoup, n’y rajoutons pas l’« addiction aux écrans », que l’Académie nationale de médecine en 2012, puis l’Académie des sciences en 2013 ont clairement écartée, tout comme le DSM5, bible reconnue de la psychiatrie internationale.
Si la surconsommation des écrans dans la petite enfance est dangereuse, ce n’est pas parce qu’elle entraînerait une addiction qui nécessiterait une désintoxication. Mais parce que plus les tout-petits passent de temps devant des écrans, moins ils en ont pour les activités interactives et les expériences sociales fondamentales. Le jeune enfant préfère toujours des activités partagées à un écran. Le problème se pose quand il ne trouve personne avec qui les pratiquer ! Des compétences telles que le partage, l’appréciation et le respect des autres, qui s’acquièrent dans la petite enfance au fil des échanges et des rencontres, s’en trouvent menacées.
Proposons des activités interactives – jeux, coloriage, promenades, lecture… – à nos enfants, et ils se détourneront spontanément des écrans ! N’oublions pas non plus que les écrans peuvent être aussi de formidables supports de socialisation, de découverte et d’apprentissage. La métaphore alimentaire s’avère ici très parlante. Si certains d’entre nous mangent trop, d’autres, plus nombreux, se nourrissent mal. Apprenons donc à réguler notre consommation, mais apprenons aussi à nous servir des écrans pour le meilleur de ce qu’ils peuvent apporter ! Sur ce chemin, trois principes peuvent nous guider : l’indispensable alternance des activités ; l’accompagnement, qui implique notamment de parler avec l’enfant de ce qu’il fait et voit sur les écrans ; et l’éducation à l’autorégulation, notamment en fixant avec précision les moments consacrés à leur utilisation et leur durée.
Enfin, il est évident que nous ne modifierons pas les comportements de nos enfants si nous n’apprenons pas d’abord à changer les nôtres. En matière d’écrans, nous sommes tous dans le même bain. Mais, tous ensemble, nos capacités d’adaptation et d’évolution sont considérables !
Notes
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[1]
« Prospective associations between early childhood television exposure and academic, psychosocial, and physical well-being by middle childhood », de L.S. Pagani, C. Fitzpatrick, A.B. Tracie et A. Dubow, Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine, 2010. Lire l’article p. 42.